Quelques jours après avoir vu Harry, j’ai officiellement le droit de ne plus avoir de bandage sur mon genou. Je ne gambade pas non plus comme si de rien était, je marche comme un escargot, mais ça veut dire que je n’ai plus de béquilles, et c’est vraiment un soulagement.
Mon père me dit alors de mettre mon maillot de bain, de prendre une serviette et de le suivre.
Je ne pensais pas qu’il m’amènerait à la mer.
Dès que je sens le sable chaud sous mes pieds, l’odeur du sel, le bruit des vagues, je me sens bien. Genre, vraiment bien.
— Alors, qu’est-ce que tu attends ? dit-il avec un grand sourire.
J’enlève tout de suite mon t-shirt et me débarrasse de mon short avant de le suivre et de plonger la tête la première dans l’eau glacée. Je fais quelques brasses, savourant cette sensation de corps réveillé par le froid. Je m’immerge même un peu pour carrément couper le son, les images du monde. L’eau est silencieuse, c’est génial.
Quand je sors la tête de l’eau, mon père se laisse porter par les vagues. Il a les yeux posés sur moi, comme s’il avait peur que je ne ressorte pas.
— Ça va, tu sais.
— Non, ça ne va pas. Et ce n’est pas grave, prend ton temps.
Je me laisse porter par l’eau, je suis déjà gelée, mais je ne veux pas encore sortir.
— Je suis furieuse, je lâche enfin.
— Bien. Emotions are good.
** C’est bien les émotions. **
— Et toi ?
Il sourit.
— Bonne question. Je n’en sais rien. Il va me falloir un peu de temps.
— Tu es en colère ?
— Plus maintenant.
Il nage vers le large, je le rejoins à contre-coeur.
— Tu claques des dents. Petite, c’était un calvaire pour te faire sortir de l’eau. Tu avais les lèvres bleues que tu m’assurais que ça allait.
Ce souvenir m’arrache un sourire.
— J’avoue, j’ai un peu froid.
Je m’enveloppe dans une serviette et m’assois au sol pour fixer la mer. Du bout des doigts, je masse ma cicatrice sur ma jambe, ça ne partira jamais.
— Merci, c’était une bonne idée, je dis.
— C’était là que je venais petit.
Je comprends mieux.
— Tu allais au camping ?
— Oui, on louait un mobile home.
Je me laisse tomber en arrière et ferme les yeux, profitant de la chaleur du soleil. S’il y a bien un moment où je peux lui parler, c’est maintenant. Je rassemble tout mon courage et ose.
— Pourquoi tu ne portes plus ton alliance ?
J’attends la réponse, le cœur battant.
— Je crois qu’il était temps que je passe à autre chose.
Ok, Emy, question suivante.
— Tu… Tu as rencontré quelqu’un ?
C’est plus facile les yeux fermés, entouré de plein d’inconnus.
— Ce n’est pas le moment.
Ok, mais il y pense, non ? C’est ça qu’il dit ? A-t-il déjà eu quelqu’un d’autre ? Il ne m’a jamais présenté qui que ce soit alors je dirai que non… Ça ne me regarde pas de toute manière.
— Emy, je pourrai t’entendre réfléchir.
Je me redresse en souriant.
— Désolée.
— Ne t’excuse pas.
— Non, désolée d’être restée autant dans le silence.
— Tu en avais besoin.
Il a renfilé son t-shirt, il ne veut pas qu’on voit trop ses cicatrices. Il a souvent des manches longues, même en été.
— Tu sais Emy… Je suis fier de toi, vraiment.
Je ne m’attendais pas à ça. Ma gorge se noue et je me retiens de regarder au loin pour fuir les émotions.
— Je t’aime et je suis fier de toi. Rien ne changera ça.
Je ne sais pas quoi dire. C’est pourtant simple ! Alors pourquoi les mots se coincent toujours sans parvenir à sortir ?
— Moi aussi, je t’aime papa.
Il m’attire contre lui et pose un baiser sur mon crâne. Puis on regarde les vagues en mangeant des gaufres et c’est plutôt une bonne journée.
Même très bonne.
*****
Deux semaines après le début des vacances, je trouve mon père avec une lettre de Dumbledore à la main.
— Harry quitte les Dursley demain soir.
— Déjà ?
— Il semblerait que Dumbledore ait trouvé que c’était suffisant comme ça.
Il replie la lettre et se ressert du thé. Il semble fatigué, il a eu une mission cette nuit, George est venu dormir à l’appartement du coup. J’ai l’impression que je dois être babysittée, ce n’est pas très agréable comme sensation. J’ai hâte d’être majeure.
— Donc tu voudras aller chez les Weasley ?
— Je peux faire de temps en temps ici et de temps en temps là-bas ?
— Oui, très bien.
C’est parfait.
George nous rejoint, encore endormi semble t-il et pique immédiatement mon mug de thé. J’adore cette manie qu’il a, il le faisait déjà à Poudlard.
— Bonjour Remus.
Il a cessé de dire “professeur Lupin”. Après trois ans, c’est bien, non ?
— Bonjour, bien dormi ?
— J’aurais aimé plus, mais on a une réunion avec des fournisseurs ce matin, marmonne t-il.
Je remets du thé dans le mug qu’il s’empresse de boire.
— Je pensais qu’être entrepreneur signifiait avoir son propre rythme, pas de devoir mettre des réunions le matin.
Mon père sourit.
— Dans quelque temps, vous fixerez vous-même les heures de rendez-vous et les gens n’y trouveront rien à redire.
— Parce qu’on sera si riches et reconnus pour notre talent ? Oui, j’aimerai bien.
En réalité, il sait très bien que leur entreprise a plus que bien démarrée. Je n’ai pas vu leurs comptes, mais la boutique ne désemplit pas, et ils ont déjà une employée. C’est très très positif.
J’arrive chez les Weasley dans l’après-midi. Nous sommes passés prendre Hermione en chemin, elle veut finir les vacances au Terrier. Je n’ai pas posé de questions. Mon père nous fait transplaner une à une, puis il nous laisse, je crois qu’il a un truc pour l’Ordre.
— Hey Hermione, Emy ! nous salue Ron depuis le jardin où il est torse nu et trempé de sueur.
On le rejoint alors qu’il est en train de dégnommer le jardin.
— Ça va ?
— Ouais, je continue d’entretenir ma réputation de parfait fils.
— Je pose mon sac et je viens t’aider, je dis.
— Va poser nos sacs Emy, je m’en charge, dit Hermione.
Elle a déjà escaladé la barrière.
— Je peux encore faire de l’exercice physique, vous savez.
— Oui, oui, dit-elle. Mais se plier pour chopper des gnomes et les lancer au loin, ce n’est pas ce que le médicomage pensait en te disant que tu pouvais reprendre un peu d’exercice.
Je ne débats pas plus longtemps, elle sait être très têtue quand elle le veut. J’en profite pour saluer Mrs Weasley et Ginny. Je passe quasiment tous les jours, c’est comme si je ne partais pas vraiment.
— Comment vas-tu Emy ?
— Ça va.
Son regard s’arrête sur ma cicatrice. Je suis en short, on ne peut pas la louper, et, oui, elle n’est pas jolie.
— Hermione est là elle aussi ?
— Oui, elle aide Ron.
— Bien, tu peux leur amener ça ? Ce sont des limonades fraîches. Et laisse les s’occuper des gnomes, tu dois te reposer.
Je m’efforce de sourire avant de prendre le plateau et de ressortir. Le médicomage a dit que je pouvais reprendre les exercices physiques, je compte faire tout ce que je peux pour reprendre ma forme d’avant. Je ne veux plus « devoir me reposer » ou « me ménager ». Je l'ai assez fait ces trois dernières semaines.
Ils s’arrêtent en me voyant venir et on se pose à l’ombre pour boire un verre.
— Comment était maman ? me demande Ron.
— Normal, pourquoi ?
— Il y a une grosse annonce ce soir. Je ne sais pas quoi exactement, c’est Bill qui voulait réunir la famille. Maman s’est mise en tête qu’il va se marier. La question est de savoir avec qui.
— Tu ne crois pas ? demande Hermione.
— Se marier ? Non, dit-il sans une once d’hésitation.
— Tu ne crois pas au mariage ?
Oula, mais comment je me suis retrouvée dans cette conversation moi ?
— Si, peut-être, marmonne t-il, j’en sais rien, mais… On est en guerre. Pourquoi voudrait-il se marier?
— Pour lutter contre la peur, la mort, justement. Un mariage, des enfants, c’est la vie.
Je ne dis rien, je me contente de boire mon verre le plus discrètement possible.
— Bill a quel âge ?
— Vingt-six.
— C’est parfaitement censé de vouloir se marier.
Il a la sagesse de ne rien ajouter. Enfin pas tout de suite.
— Parce que toi, tu aimerais te marier ?
Pitié, Ginny ou Mrs Weasley, appelez-moi, sauvez-moi d’ici.
— Oui, oui, j’aimerai bien. Le jour venu, je serai heureuse de faire ça aux côtés de l’homme que j’aime.
Par Merlin…
— Et toi Emy ? demande Ron.
— Moi ?
— Oui, tu crois au mariage ?
— Heu… Je ne sais pas. Oui ? Non ? Peut-être bien oui.
Ils se remettent au travail et je les aide brièvement en leur signalant dès qu’un gnome échappe à leur vigilance.
— Je pourrais me transformer, ça irait plus vite.
— Tu as le droit ?
C’est gentil de prendre soin de moi, mais ça me fatigue aussi un peu. Et malheureusement non, je n’ai pas encore le droit.
— Ils préfèrent que j’attende un peu, ils n’ont aucune idée de comment s’y prendre avec moi. Ils s’y connaissent mal en loups-garous.
— Ah oui ? fait Hermione en relevant ses cheveux en queue-de-cheval.
— Oui, mon père a dû carrément leur dire quelles potions fonctionnaient le mieux et lesquelles étaient à proscrire.
Je sais qu’elle note toutes ces infos au coin de son cerveau pour s’en servir dans sa future carrière. Je devrais lui donner les carnets de mes parents. Ça l’aiderait beaucoup.
Le soir arrive et Mrs Weasley nous demande tous de mettre la table dehors. Je m’active, trop heureuse d’être utile. Quand Bill arrive, accompagné de Fleur Delacour, je dois dire que je suis très, très surprise.
— Bonjour ! nous salue t-elle avec un sourire.
Il la présente à tout le monde, pendant ce temps-là, je me mets à l’écart avec Ron et Hermione.
— Tu savais que…
— Non, pas du tout ! réplique t-il.
— Ça alors, fait Hermione.
Ils annoncent leur mariage juste avant le dessert, Mrs Weasley pleure limite de joie, et Mr Weasley est très ému. À l’autre bout de la table, George s’amuse à lever les yeux au ciel, je me retiens de rire, même si je n’en pense pas moi.
Je crois que non, je n’aime pas trop les mariages.
— On pourra le faire ici, commence à dire Mrs Weasley. On pourrait déblayer le garage, les enfants pourraient s’en charger, et…
Ginny fait des gros yeux en entendant toute la liste de choses à faire.
— Je ne savais pas que c’était ça un mariage, marmonne Ron.
— C’est eux qui se marient, pourquoi les frères et soeurs ont quelque chose à voir là-dedans, réplique sa sœur.
— Oh, c’est pour célébrer l’amour, fait Hermione. Un peu de romantisme voyons.
— C’est pas célébrer l’amour que de nous demander de vider le garage, réplique Ginny.
Le soir même, je suis censée, comme d’habitude, dormir dans la chambre de Ginny, ce n’est plus le cas depuis longtemps. Fred s’échappe dès que tout le monde dort, je ne demande pas où, j’ai ma petite idée, laissant la chambre pour moi et George, seuls.
On parle, on s’embrasse, on s’endort l’un contre l’autre et ça s’arrête là.
On a tout l’été pour le reste.
Au petit-déjeuner, je m’assois à côté de Fleur. Elle a beau avoir un côté insupportable, je l’aime bien.
— You’d like to speak French a little bit ? me dit-elle.
** Tu veux parler français un peu ? **
— Miss it ?
** Ça te manque ? **
— Actually yes. And you ?
** Oui, et toi ? **
J’hoche la tête.
— A lot. And I’m afraid I’m gonna loose it.
** Beaucoup, et j’ai peur de le perdre. **
Bill semble très content que je parle à sa fiancée.
— I’m sorry about your uncle.
** Je suis désolée pour ton oncle. **
— Thank you.
** Merci. **
Elle me fait un doux sourire.
— I joined the order. Well I was already working for them last year, but now I’m more active. Couldn’t just gather some informations, I wanted to do more. I had a vigilance time with your dad some days ago. He is the werewolf, right ?
** J’ai rejoint l’Ordre. Je travaillais déjà pour eux l’année dernière, mais maintenant, je suis plus active. Je ramenais juste des informations, je voulais faire plus. J’ai eu une mission de surveillance une fois avec ton père. Il est un loup-garou, n’est-ce pas ? **
— Yeah… je dis, pas sûre de savoir si elle est ok avec ce léger détail.
** Oui… **
— Don’t worry, I’m part velane, we are what we are. It does not define us.
** Ne t’inquiète pas, je suis en partie vélane, nous sommes ce que nous sommes. Ça ne nous définit pas. **
Je fais un sourire rassurant à Bill. Aucune idée s’il parle le français, mais Fleur a conquis mon coeur, pas d’inquiétude à avoir.
— Well, I’m also one. Kind off, it’s weird, you know what I mean.
** Hum, j’en suis également une. En quelque sorte, c’est bizarre, tu vois ce que je veux dire. **
— Yeah, totally.
** Oui, totalement. **
— And I’m also a king of animagus.
** Je suis en quelque sorte une animagus. **
— Ok, cool. Wolf I suppose.
** Oh, cool. Loup, je suppose. **
— Yeah.
** Oui. **
Elle est définitivement bien plus cool que dans mon souvenir. Après le petit-déjeuner, George part à W&W, on se verra peut-être demain. Je décide de faire un peu de sport. Ron se joint à moi (je soupçonne Hermione de lui avoir demandé de me surveiller) et on fait quelques exercices d’étirements. J’espère dans quelques jours pouvoir courir à nouveau.
Puis, je vole un peu avec Ginny, encore une fois, je pense qu’Hermione lui a demandé de s’assurer que je ne pousse pas trop loin. On s’entend bien, on pourrait y passer la journée sans s’arrêter. Impossible de me lasser.
Puis, on se pose avec Hermione pour que je lui parle de mes lectures. Elle a emprunté quelques uns de mes livres pour les étudier elle aussi. J’adore parler de magie avec elle. Ça pousse ma réflexion et elle voit des choses auxquelles moi, je ne pense pas et vice-versa.
À la fin de la journée, Fleur vient me voir un air chagriné sur son beau visage.
— I would never live in the countryside.
** Je ne pourrai jamais vivre à la campagne. **
— Why that ?
** Pourquoi ? **
— I couldn’t stand having nothing to do. I want to go out, I want to go shopping, visit a museum, not just cooking three times a day.
** Je ne pourrai supporter de n’avoir rien à faire. J’ai envie de sortir, faire les magasins, aller dans un musée, pas juste faire à manger trois fois par jour. **
Ah, là, je la reconnais bien là.
Je reste éveillée tard le soir. Je sais qu’Harry est censé arriver aujourd’hui, je ne veux pas le louper. Je traîne alors dans le salon à lire, perdue entre les coussins. Mrs Weasley est à côté de moi en train de tricoter, Mr Weasley n’est pas encore rentré. C’est terrible, il n’arrête pas en ce moment, le Ministère se prépare au pire.
Quand quelqu’un toque à la porte, je sursaute en portant immédiatement ma main à ma baguette.
— Ne t’inquiète pas, me dit Mrs Weasley. C’est Tonks, elle devait passer.
Elle ouvre la porte, échange quelques paroles, tandis que je fais genre de ne pas écouter. J’apprends qu’un membre de l’Ordre passe tous les soirs assurer la stabilité des sorts de défense.
— Tu as une petite mine, tu veux entrer ?
— Oh, tu sais, les choses habituelles. Hier, il n’a pas…
— Oui, oui, la coupe Mrs Weasley. J’imagine, entre, Emy est là pour attendre Harry.
Dora s’avance et je peux la saluer avec un petit sourire gêné. Que voulait-elle dire ?
— Salut Emy, ça va ?
— Salut, oui et toi ?
— Super.
Mon œil, elle a les cheveux marron, je ne l’ai pas vu une seule fois avec des cheveux colorés depuis… Depuis…
Depuis Sirius.
— Je vais vous laisser, dis-je en me levant. J’ai ma douche à prendre.
Je m’éclipse et monte les marches pour quitter le salon. La curiosité me dévore, mais c’est Dora, je ne peux pas faire ça. Je me mets dans le lit de George et continue ma lecture, mais je suis dissipée, je n’arrive pas à me concentrer. Alors je me pose à la fenêtre et écoute la nuit.
Des oiseaux, les insectes, le vent… J’adore les nuits d’étés, c’est comme les journées d’automne avec du vent, ce sont mes moments préférés.
C’est la nuit que le loup me manque le plus. Amusant comme il y a quelques années, c’était la chose que je détestais le plus dans ma vie. Aujourd’hui, je déteste avoir été obligée aussi longtemps de rester humaine.
Je suis tirée à un moment de ma réflexion en voyant deux silhouettes se diriger vers la porte d’entrée du Terrier. Je me précipite en bas et saute au cou d’Harry qui semble tout aussi content de me voir.
— Ça va ?
— Super, dit-il avec un sourire qui fait chaud au cœur.
Dumbledore l’accompagne, je le salue d’un simple hochement de tête.
— Harry, mon chéri ! Bonté divine, Albus, vous m'avez fait peur. Vous m'aviez dit de ne pas vous attendre avant demain matin !
— Nous avons eu de la chance. Slughorn s'est laissé convaincre beaucoup plus facilement que je ne l'espérais. Grâce à Harry, bien sûr. Tiens, bonjour Nymphadora !
C’est qui Slughorn ?
— Bonjour, professeur. Salut, Harry.
— Bonjour, Tonks.
Mrs Weasley est déjà en train de préparer un bol de soupe pour Harry. Je m’assois à table et observe à la dérobée Dora qui semble avoir pleuré. J’aimerais la consoler, lui dire que ça va aller, que le chagrin passera. Mais moi-même, je n’y crois pas beaucoup. C’est encore trop frais et récent.
— Je ferais bien d'y aller, dit Dora en se levant. Merci pour le thé et le soutien moral.
— Il ne faut pas partir à cause de moi, dit Dumbledore. Je ne peux pas rester, j'ai des choses importantes à voir avec Rufus Scrimgeour.
— Non, non, je dois y aller. Bonne nuit...
— Pourquoi ne viendrais-tu pas dîner pendant le week-end ? Remus et Fol Œil seront là...
— Non, vraiment, Molly... Merci quand même... Au revoir tout le monde.
Mrs Weasley semble plus contrariée que de raison. Je peux comprendre que Dora ne veut pas se retrouver autour d’autant de gens possiblement joyeux. C’est encore plus dur d’accepter la tristesse.
J’expire un grand coup. Ça va aller.
*****
Je me réveille en entendant un bruit de parquet craquer. Je me relève à temps pour voir Ron débouler dans la chambre pour ouvrir des volets.
— Barbares, je lui lance.
— Squisspasse ? marmonne Harry.
— On ne savait pas que tu étais déjà là !
— Ron, ne le frappe pas ! s’énerve Hermione en s’asseyant à côté de moi. Tu as bien dormi ?
— Très bien.
Et c’est vrai, pour une fois, je n’ai pas eu de cauchemars. La joie de savoir Harry ici plutôt que chez ses moldus peut-être.
— Quelle heure est-il ? J'ai raté le petit-déjeuner ? demande Harry.
— Ne t'inquiète pas pour ça. Maman va te monter un plateau. Elle trouve que tu as l'air sous-alimenté. Alors, quoi de neuf ?
— Rien d'extraordinaire. Que veux-tu qu'il se passe chez ma tante et mon oncle ?
— Arrête ! Tu es reparti avec Dumbledore !
— Ah oui, c’est qui Slughorn ? je demande.
— Un professeur, Horace Slughorn. Dumbledore voulait simplement que je l'aide à le convaincre de sortir de sa retraite.
Oui, logique, il faut remplacer Ombrage. Je me lève en m’étirant, ignorant le regard d’Harry posé sur ma cicatrice et part à la salle de bain m’arroser le visage. Honnêtement, j’ai vraiment bien dormi, ça n’était pas arrivé depuis longtemps et je me sens bien pour cette nouvelle journée. C’est fou comment un peu de sommeil peut tout changer. Quand je retourne dans la chambre, Ginny les a rejoint tout comme Fleur.
— Merci pour le petit-déjeuner, je dis en remarquant l’assiette près de mon lit.
— Anytime, Molly was pleased to see you sleep so well.
** Quand tu veux. Molly était contente de te voir dormir aussi longtemps. **
Je croque à pleines dents dans ma tartine, et me laisse tomber sur le lit de George pendant que Fleur annonce les nouvelles de son futur mariage. Mrs Weasley arrive également et nous salue. Puis Fleur repart comme une tornade, comme d’habitude.
— Maman la déteste, murmure Ginny quand Fleur est repartie.
— Je ne la déteste pas ! Je trouve simplement qu'ils se sont fiancés un peu trop vite, c'est tout !
— Il y a un an qu'ils se connaissent, réplique Ron.
Il est toujours sensible à son charme. Ça agace beaucoup Hermione.
— Ce n'est pas très long ! répond Mrs Weasley en me jetant un regard à la dérobée. Je préférerais qu’ils prennent le temps de se côtoyer avant de se marier, leur âge n’a pas d’importance.
Je manque de m’étouffer avec ma tartine, ça veut dire quoi ça ?
— Et puis je sais comment ça s'est passé. C'est à cause de l'incertitude qui règne depuis le retour de Vous-Savez-Qui, les gens pensent qu'ils peuvent mourir d'un instant à l'autre et ils se hâtent de prendre des décisions qui auraient dû leur demander une plus grande réflexion. On a vu la même chose autrefois au temps de sa puissance, des couples à droite et à gauche qui partaient vivre ensemble sur un coup de tête.
— Toi et papa, par exemple, dit Ginny d'un air malicieux.
— Oui, mais ton père et moi, nous étions faits l'un pour l'autre, à quoi aurait-il servi d'attendre ? Alors que Bill et Fleur... enfin quoi... qu'est-ce qu'ils ont en commun ? Lui a le sens des réalités, il aime travailler dur, alors qu'elle...
— Une vraie dinde. Mais Bill n'est pas si réaliste. Son métier, c'est de conjurer les mauvais sorts, il aime bien l'aventure, il est sensible au charme... J'imagine que c'est pour ça qu'il est tombé amoureux de Fleurk.
Ginny est très drôle.
— Arrête de l'appeler comme ça, Ginny. Bon, je ferais bien d'y aller... Mange tes œufs pendant qu'ils sont chauds, Harry. Tout va bien pour toi Emy ?
— Oui, très bien, merci, c’est très bon.
Je m’empresse de prendre une gorgée de thé qui est brûlant.
— En tout cas, lance Ginny quand sa mère quitte la pièce. Je vous parie que maman va essayer d'arrêter ça le plus vite possible, si elle le peut.
— Comment ça ? je demande.
De quoi elle parle ?
— Elle fait son possible pour inviter Tonks à dîner. Je crois qu'elle voudrait bien que Bill tombe amoureux d'elle. J'espère que c'est ce qui se passera, je préfère que ce soit elle qui entre dans la famille.
— Elle a quelqu’un ? me demande Hermione.
— Pas que je sache, je réponds. On ne se voit plus trop depuis…
Je m’arrête de parler à ce moment. Personne n’insiste.
— Oh oui, ça marchera très bien, reprend Ron d'un ton sarcastique. Sois raisonnable, aucun type sain d'esprit ne va préférer Tonks si Fleur est dans les parages. D’accord, Tonks n'est pas mal, quand elle ne s'arrange pas le nez et les cheveux avec des trucs stupides, mais...
— Elle est sacrément plus agréable que Fleurk, l'interrompt Ginny.
— Et elle est plus intelligente, c'est une Auror ! lance Hermione.
— Fleur n'est pas bête du tout, elle a été choisie pour le Tournoi des Trois Sorciers, fait remarquer Harry.
— Tu ne vas pas t'y mettre aussi !
L’amertume ressort dans la voix d’Hermione.
— J’imagine que tu aimes bien la façon dont Fleurk t'appelle « Arry » ?
C’est Ginny qui s’y met maintenant. Je n’avais pas réalisé avant, mais entre eux quatre, je suis vraiment celle de trop. Je devrais peut-être rentrer plus souvent chez moi. Ou aller chez George.
— Non, je faisais simplement remarquer que Fleurk, je veux dire Fleur...
— Je préférerais avoir Tonks dans la famille, répète Ginny. Au moins, elle est drôle.
— Elle n'est pas si drôle que ça, ces temps-ci. Chaque fois que je la vois, on dirait plutôt Mimi Geignarde.
— Elle est venue souvent ? je demande à Ron.
Il hoche la tête.
— Oui, elle parle souvent avec maman.
— Elle ne va pas bien, murmure Hermione. Elle ne s'est pas encore remise de ce qui s'est passé... Tu sais bien... Je veux dire qu'il était son cousin !
C’est la partie de la conversation où je ne veux plus parler. Harry semble tout aussi déterminé que moi à l’éviter, il prend une grande bouchée d’oeufs.
—Tonks et Sirius se connaissaient à peine ! s'exclame Ron. Sirius a passé la moitié de sa vie à Azkaban, et avant leurs familles ne s'étaient jamais rencontrées...
Il connaissait Andromeda.
— Ce n'est pas la question, réplique Hermione. Elle pense qu'elle est responsable de sa mort !
Je ne veux pas en entendre plus, mais à plus grande surprise, Harry prend la parole.
— Et comment en arrive-t-elle à penser ça ?
— Eh bien, elle se battait contre Bellatrix Lestrange, tu te souviens ? Et elle pense que si elle avait réussi à la vaincre, Bellatrix n'aurait pas pu tuer Sirius.
— C'est idiot, dit Ron.
— C'est la culpabilité du survivant, déclare Hermione. Je sais que Lupin a essayé de la raisonner, mais elle est toujours déprimée. En fait, elle a des ennuis avec son Métamorphosisme.
— Il lui a parlé ? j’interviens.
— Oui, je les ai entendus parler, ce n’était pas clair, mais il lui disait de prendre soin d’elle.
— Quand ?
— C’était hier aprem, quand tu étais à la marre, elle est passée rapidement pour dire qu’elle revenait le soir.
Je ne savais pas que ça allait aussi mal. Si elle a des problèmes avec son Métamorphosisme, ça explique ses cheveux châtains depuis des semaines.
— Ginny, dit Mrs Weasley qui vient de revenir. Viens m'aider à préparer le déjeuner.
— Je suis en train de parler avec les autres !
—Tu descends tout de suite !
— Elle veut que je sois là pour ne pas se retrouver seule avec Fleurk ! Vous aussi, vous avez intérêt à descendre vite.
Je n’aime pas me retrouver au milieu de Fleur et des autres. Avec moi, quand elle parle en français, elle est géniale. Mais dès qu’elle parle aux autres, c’est vrai qu’elle peut être agaçante.
Très agaçante.
— Qu’est-ce que c'est que ça ? demande Hermione en sortant un truc des cartons des jumeaux.
— Fais attention, disons-nous d’une même voix Ron et moi.
— Si Fred et George l'ont laissé ici, reprend-il. C’est sans doute qu'il n'est pas encore prêt pour la vente, alors fais attention.
On parle longtemps ce matin-là. Harry leur raconte tout à propos de la prophétie, la réaction de Ron et Hermione me conforte dans ce que je me disais : on ne va pas laisser Harry se débrouiller seul. Mis à part le bleu d’Hermione à cause de ce stupide truc (je l’avais prévenue), ils ne semblent pas si perturbés que ça. Je sais bien sûr qu’ils ne montrent pas toutes leurs émotions pour ne pas faire peur à Harry. Mais cette solidarité, me fait du bien au cœur. Ensemble, on va y arriver.
— Attendez, dit Harry qui semble se souvenir à un moment d’un détail de la veille. Je crois bien que d'après Dumbledore, les résultats des BUSE devraient arriver aujourd'hui !
— Aujourd’hui ? s’exclame Hermione. Aujourd'hui ? Mais pourquoi ne l'as-tu pas... Oh, mon Dieu... Tu aurais dû prévenir... Je vais voir s'il n'y a pas eu de hiboux...
Elle part immédiatement en bas alors que je fais des gros yeux à Harry.
— Elle ne va pas s’arrêter tant qu’elle ne les a pas eus, dis-je. Bravo.
— Ouais, bravo, fait Ron. En plus, on sait très bien qu’elle aura les meilleures notes absolument partout.
Harry nous fait un sourire crispé.
— J’avais oublié. Et c’était pas plus mal, je suis stressé maintenant. Bon, je sais qu’en Histoire, je n’aurais pas une note incroyable…
Je ne veux pas en reparler. Deux fois en une matinée, c’est assez. Je descends rejoindre Hermione. Mrs Weasley essaye de la soigner, mais comme elle a toujours son œil au beurre noir, je devine que ce n’est pas concluant.
— Emy, tu sais ce qui pourrait soigner cet œil ?
— Ce truc est plus mécanique que magique, je n’ai pas travaillé dessus, désolée. Je peux envoyer un hibou aux jumeaux pour leur demander.
— S’arranger pour qu'on ne puisse pas l'enlever, c'est ça l'idée que Fred et George se font d'une bonne plaisanterie, dit Ginny.
— Mais il faut bien que ça s'en aille. Je ne vais quand même pas continuer à me promener comme ça !
Je lui fais un sourire compatissant.
— Ne t'inquiète pas, ma chérie, nous trouverons bien un antidote, assure Mrs Weasley.
Au même moment, Fleur entre dans la cuisine.
— Bill m'a raconté, c'est fou ce que Fred et George sont amusants !
— Oui, je m'étouffe de rire, réplique sèchement Hermione.
Elle se lève et se dirige vers la fenêtre.
— Je sais que j'ai raté les runes anciennes… J'ai fait au moins un contresens.
Ron me rejoint à table et on échange un sourire compatissant, lui parce qu’il est stressé, moi parce que… Parce que le passage des BUSES n’était pas un bon moment, je n’aime pas que les gens se comparent à cause de simples notes. Un P ne veut pas dire que tu es moins intelligent.
J’aime apprendre, mais je n’aime pas les notes.
Ça me fait aussi penser à Sirius, j’étais contente de le retrouver, j’avais hâte de passer l’été avec lui… J’inspire un grand coup pour chasser les larmes.
— …Et je n'ai pas été bonne du tout à l'épreuve pratique de défense contre les forces du Mal. Au début, je pensais avoir réussi en métamorphose, mais maintenant, en y réfléchissant...
— Hermione, tu veux bien te taire, tu n'es pas la seule à avoir le trac. Et quand tu auras eu tes onze « Optimal »...
— Arrête, arrête, arrête ! Je sais bien que j'ai tout raté !
— Hermione, j’interviens. Ça va aller, je tente de la rassurer. Tu as réussi partout, on a analysé nos réponses après les examens, tu te rappelles ?
Autant parler à ma tasse de thé.
— À Beauxbâtons, ça ne se passait pas du tout comme ça. Et c'était beaucoup mieux, je peux vous le dire. On avait nos examens au bout de six ans d'études, pas cinq, et ensuite...
Je n’écoute pas la suite, Hermione pousse un cri strident. Tous les trois, ils se ruent à la fenêtre pour voir des hiboux arriver. Je les observe, le cœur au bord des lèvres, j'ai envie de pleurer bizarrement.
Peut-être parce que toute cette agitation, cette vie, c’est trop pour moi. Peut-être parce que j’avais imaginé qu’on fêterait ça avec Sirius. Que je n’ai pas ma mère pour se réjouir de mes efforts. Que mon propre père est enfermé dans son deuil. Que je suis une loup-garou et que… Quel avenir j’ai ?
Je n’ai pas envie de placer mes espoirs d’avenir sur de simples notes.
J’ai envie de voir George. Lui, il comprendrait.
— Ce sont des hiboux.
— Et il y en a quatre.
— Un pour chacun de nous. Oh non… Oh non... Oh non…
Ginny m’observe, je suis toujours face à ma tasse de thé, absolument pas décidée à ne pas les rejoindre dans leur délire. L’un des hiboux s’envole vers la table et dépose une lettre devant moi.
Emilynn Espérance Lupin
Oui, c’est mon nom.
— Tu ne l’ouvres pas ? murmure Ginny en posant une main sur mon épaule.
— Si, je marmonne.
Emilynn Espérance Lupin a obtenu :
Astronomie : A
Soins aux créatures magiques : O
Sortilèges : O
Défense contre les forces du Mal : O
Arithmancie : O
Botanique : E
Histoire de la magie : D
Potions : O
Métamorphose : O
— C’est super, dit-elle en voyant mes notes par-dessus mon épaule. Vraiment super, bravo.
— Merci.
J’aimerai la plier et la ranger, mais déjà Ron me tend son parchemin pour qu’on échange.
— Tiens, dis-je en lui tendant le mien.
Ses notes sont bonnes, il semble content et Mrs Weasley aussi, c’est bien, je suis heureuse pour lui. Harry aussi a des bonnes notes, surtout en DCFM sans surprises.
— Bravo Emy, c’est super.
Je me retiens de donner une réponse acerbe de type « pour ce que je vais en faire ». Il essaie juste d’être gentil.
Et Hermione ? Oh, dix O et un E. Elle est toute retournée pendant la matinée. Quand Mrs Weasley lui demande d’éplucher les carottes, elle prend un navet, alors je fais la table avant qu’elle lui demande. On va éviter de se retrouver avec deux couteaux et aucun verre d’eau.
J’essaie de me réjouir pendant la journée, vraiment, mais toutes ces questions tournent en boucle dans ma tête. Je me décide finalement à écrire une lettre à George après le déjeuner. Deux heures après, il transplane en dehors de la zone sécurisée et nous rejoint dans le jardin.
— Tu viens ? dit-il en préambule de « bonjour ».
— Ok.
L’équivalent d’un « salut ça va ».
Il m’emmène à la limite de la protection, puis transplane. Nous arrivons en plein Chemin de Traverse, il me prend la main et me dirige au travers de la foule.
— Je t’aurais bien proposé de sortir, mais ton père dirait que ce n’est pas sûr et je dois lui donner raison. Tu ne peux pas utiliser ta baguette. J’ai fait aussi vite que j’ai pu dès que j’ai reçu ta lettre. J’ai pris mon aprèm, Fred assure à la boutique pour moi. Ce soir Angie va sûrement passer, elle vient quasiment tous les jours, ils se sont rabibochés, enfin bon, c’est toujours un peu compliqué entre eux deux.
Ça fait beaucoup d’infos en une fois.
— Je suis content que tu m’aies écrit, dit-il en poussant la porte d’entrée de la boutique. On va en parler à l’étage.
Il s’arrête là parce que c’est bondé et que la suite est trop personnelle. De tout âge, de tout genre, des gens découvrent la magie des jumeaux. Ça me fait toujours sourire de venir ici, l’atmosphère est très agréable, et on peut toujours entendre un rire quelque part.
La boutique est sur deux étages, il y a un autre escalier derrière la caisse qui mène à une salle encore en travaux, puis à l’appartement des jumeaux. Il me dirige entre les étagères et nous arrivons au comptoir où Verity est à la caisse.
Lavande la verrait, elle ne comprendrait pas pourquoi je ne suis pas plus jalouse.
Verity est vraiment le genre de fille parfaite (je trouve). Sûre d’elle, mais pas prétentieuse, qui met en confiance, est très gentille, toujours souriante, très stylée avec ses cheveux blancs, bleus et roses et puis… Bref, je m’arrête là, la liste est longue.
Ok, je suis juste un petit peu jalouse.
— Hi Emy ! Ça va ?
— Super, merci, et toi ?
— Merveilleusement bien.
Son sourire est contagieux, mais sitôt que nous sommes au troisième étage, je ressens la boule de tristesse me serrer le cœur. Nous montons encore un dernier étage, puis il ouvre sur leur appartement fraîchement acquis.
La pièce à vivre est assez grande, à gauche, il y a le salon, à droite la cuisine avec une table recouverte la plupart du temps par des parchemins et diverses notes. Puis il y a la salle de bain entre les deux chambres en face de nous. Celle de George est au fond à droite, d’un geste de la baguette, il referme la porte de celle de son frère, on avait le visu sur un sous-vêtement que j’espérais ne jamais voir.
— Elle passe - vraiment - souvent.
— Je vois ça, je marmonne en désignant un mug avec une trace de rouge à lèvres.
D’un nouveau geste de la main, il fait chauffer de l’eau et entreprend de ranger un peu la cuisine.
— T’embête pas pour moi…
— Il faut bien le faire un jour ou l’autre.
Ça me fait drôle de le voir en train de gérer son « chez lui ». J’ai toujours su qu’il avait deux ans de plus, je crois que c’est maintenant que je m’en rends compte le plus. Il a une barbe mal rasée, son appart, les gens de son âge couchent ensemble, il gère son business, a une employée canon de son âge…
Et moi ?
J’ai passé mes BUSES, je pleure mon oncle mort et… J’aime le quidditch ?
— J’ai écrit à ton père pour lui dire que tu étais chez moi, il m’avait demandé de le prévenir au début de l’été. Si tu veux retourner au Terrier ce soir, je peux te ramener, c’est comme tu veux.
Il se retourne et je me rends compte qu’il attend une réponse.
— Oh, heu, je ne sais pas… Je vais peut-être rentrer chez moi, je ne veux pas te déranger…
Il me fait un grand sourire.
— Tu ne me déranges pas.
L’eau bout, il sort deux tasses, verse l’eau puis s’accoude au comptoir.
— Alors ?
Oui, alors ? Par où commencer ? Ma cicatrice à ma main me démange, je la masse du bout des doigts.
« Je ne dois pas être insolente. »
Il ne me presse pas et pose deux tasses de thé fumant devant nous. J’ai confiance en lui, vraiment, et il est venu me chercher après avoir lu ma lettre, alors je peux lui raconter.
Cette après-midi là, on parle de plein de trucs. Après les notes, l’avenir et les cours, nos tasses sont vides et nous nous allongeons dans son lit côte à côte, en parlant les yeux fixés au plafond.
Enfin, moi. Lui, non. Il est tourné vers moi ce que je trouve légèrement stressant. Je rougis un peu au début, puis j'oublie et je m’habitue un peu à son regard. Il me parle de son stress ici à gérer une entreprise, de sa joie d’être autonome, des choses moins drôles comme les responsabilités, la pression et les obligations. Mais il est parfait pour ce travail, c’est évident, et il s’épanouit.
Le Ministère a repéré certaines de leurs créations. Ils veulent travailler avec eux pour les adapter en objets de défense. C’est assez fou oui, c’est aussi une super nouvelle.
— Tu sais, tant que tu n’y es pas, tu ne peux pas savoir.
— Je sais, stresser, c’est souffrir deux fois.
— En quelque sorte, sourit-il. Et puis, tu m’as parlé de ces équipes qui voulaient te rencontrer, c’est un super début.
— Oui, mais et si…
— Pas de « oui mais » dans mon monde.
Je rigole.
— C’est quoi ce monde ?
— Tu veux les règles ?
— Oui.
— Déjà dans ce monde, on fait ce qui nous plaît.
— C’est un bon début.
— Ouais, ça te plaît ?
— C’est quoi la suite ?
— Et bien, dans ce monde, tout le monde a confiance en soi pour réaliser ses rêves. Et puis le chocolat est bon pour la santé et le temps n’est qu’un concept parmi d’autres, on n’est pas obligé de se plier à ses règles.
— C’est-à-dire ?
— Je voulais passer l’après-midi avec toi, je le fais. Point. Même si la journée est un temps de travail.
— Et la nuit, tu fais quoi ?
— Dans mon monde idéal, je passe toutes mes nuits avec toi.
Je ne m’attendais pas à cette réponse, je sens que je deviens toute rouge. L’année dernière, on rêvait de ce moment où on serait seuls, complètement libres de faire ce que l’on veut. Aujourd’hui, nous y sommes.
— Pardon, je ne voulais pas t’embarrasser, dit-il en prenant ma main.
— Non, ça va.
— C’est juste que…
Il glisse sa main dans mes cheveux, ses yeux glissent sur mon corps et je retiens un frémissement.
— C’est compliqué pour toi en ce moment. Je ne veux pas être maladroit.
— Tu ne l’es pas George. Jamais.
Je me penche pour l’embrasser. Nous sommes seuls, cette pensée tourne en boucle dans ma tête. Nous sommes seuls. Tout pourrait se passer là, maintenant. Tout mon corps s’enflamme, j’ai envie d’aller plus loin et en même temps, une peur terrible me pétrifie et je finis par me reculer.
— Pardon, je… dis-je à bout de souffle.
Il m’embrasse à nouveau. Son corps passe au-dessus de moi. Je sais qu’il est excité, c’est toujours le cas depuis quelque temps quand on s’embrasse. Mais ses mains restent sagement de chaque côté de ma tête. Quand nos lèvres se séparent, je retiens un soupir, j’ai envie de l’embrasser à nouveau, qu’on ne s’arrête pas.
— Cette nuit, je devrais dormir dans le canapé, dit-il contre mes lèvres. J’ai peur de…
— On peut voir où on va… Se laisser porter… je murmure à mon tour.
— Emy, il faut que tu me dises stop, sinon…
Il passe sa langue entre ses lèvres et je me sens complètement fondre.
— Ok. Ça va.
— Ok.
On s’embrasse à nouveau, je ne sais pas l’heure qu’il est, je remarque à peine que la nuit est tombée. Seul compte le corps de George reposant sur le mien. Je pourrai l’embrasser des heures, je ne m’en lasserai pas, j’en suis sûre.
Sa main glisse sur ma taille, passe sous mon t-shirt puis remonte. Mes baisers se font plus fiévreux, plus pressés, plus passionnés alors qu’il caresse ma poitrine. Je sais que je dois faire attention, je peux perdre le contrôle, me transformer, mais tout se passe bien. Mon corps a juste envie de plus, de plus de sa peau, de ses baisers, de sa chaleur, de lui.
C’est ça l’amour ?