En voyant sa main tendue, je me retransforme en Emy, l’humaine. À bout de souffle, tout comme le loup, mais capable de serrer son père dans ses bras. Je sens son cœur battre la chamade, je sens aussi que je lâche toute la tension accumulée pendant la dernière heure.
— Thank God you’re alive.
** Merci dieu tu es en vie. **
— You’re squeezing me…
** Tu me serres… **
— I don’t care…
** Je m’en moque… **
— Maugrey is dead.
** Maugrey est mort… **
— I know.
** Je sais. **
Cette fois-ci, je me mets franchement à pleurer. Pas beaucoup, juste un peu, suffisamment pour que je renifle toutes les deux secondes. Il recule et je me retrouve submergée par Harry, Ron et Hermione.
— On a eu peur, me dit-elle.
— Je sais. Moi aussi.
— T’as plein d’égratignures, s’inquiète Ron.
— C’est rien. Juste des branches. Et vous ? Tout le monde va bien ?
Ils échangent un regard que je n’aime pas.
— George… commence Ron.
Il est derrière eux, près de la maison, appuyé contre Fred qui le soutient. Un gros bandage recouvre sa tête. J’ignore Ron et court rejoindre George. Son bandage m’inquiète, le sang que je vois aussi, j’hésite à le prendre dans mes bras, lui, il me tombe dessus. Je tangue un peu, mais tiens le coup.
— George, George que s’est-il passé ?
— Tu es en vie, dit-il en pleurant.
— Oui, je suis en vie…
— Tu saignes…
— C’est rien, c’est rien, George que s’est-il passé ?
— J’ai cru que t’étais morte…
Mes mots se bloquent dans ma gorge. Il pleure devant moi, je ne crois pas l’avoir déjà vu comme ça, autant à perdre ses moyens. Ça me touche et avec tout ce qui s’est passé, ça fait beaucoup, beaucoup d’émotions.
Il me reprend contre lui et je ferme les yeux pour renflouer les larmes. Il ne faut pas fléchir maintenant, ils vont avoir besoin d’informations maintenant sur ce qui s’est passé. Je dois tenir jusque là.
— J’ai perdu une oreille, murmure George.
Je me recule en fronçant les sourcils.
— Oh… Ok.
— George, allonge-toi maintenant, le supplie Mrs Weasley.
Fred s’avance pour le diriger vers la maison. Mr et Mrs Weasley me prennent dans leurs bras à leur tour. Je me blinde à nouveau et tiens le coup. On entre dans la maison, je vais directement au chevet de George qui a vraiment plein de sang sur son bandage, ça dégouline sur son épaule.
— Je vais te donner une potion régénérante, dit Mrs Weasley en reniflant.
Bill sort une bouteille de whisky pur feu et fait voler plusieurs verres. Fleur me fait un pâle sourire, elle semble secouée. Tout le monde d’ailleurs a mauvaise mine.
— Happy to see you.
** Contente de te voir. **
— Me too.
** Moi aussi. **
Hagrid pose une main - pour une fois - délicate sur mon épaule.
— Ça va Emy ?
— Ça va.
J’ai chaud soudain, j’enlève mon sweat, accepte avec reconnaissance le verre d’eau que me tend Dora et les observe trinquer pour Maugrey.
— À Fol Œil.
Je reste avec mon verre d’eau appréhendant la question qui va suivre. Ma peau me brûle un peu, je suis couverte de griffures à cause des branches que je me suis prise en volant. Mrs Weasley vient d’enlever le bandage de George, il n’a plus d’oreille effectivement. C’est un grand trou plein de sang à la place.
Je prends sa main et laisse sa mère finir avant de prendre à mon tour son désinfectant. Je commence par mes bras, remontant mes manches, ignorant la marques, ne voyant que mes cicatrices et les entailles qui zébrent mes bras.
Je serre les dents et commence pendant qu’ils parlent autour de moi de ce qui s’est passé. Tous s’interrogent sur le traître. Ils doivent aussi vouloir savoir ce qui s’est passé avec Mondingus, il a juste pris peur. Il n’y a rien d’autre à dire. C’était un lâche, c’est tout.
Dora s’assoit à côté de moi.
— Je peux t’aider pour ton visage.
— Merci.
Je n’aurais pas pu finir seule. Elle commence à imbiber quelques compresses. Je crois qu’elle a besoin de s’occuper les mains. Elles tremblent d’ailleurs. J’ai tellement été prise par les émotions, George et les autres, que je n’ai pas été la voir. Elle vient de perdre un proche, c’est dur. Je passe ma main sur ses épaules et pose ma tête contre elle. Je n’arrive pas à parler par contre. Mais ses mains se calment.
— Tu te sens de raconter ce qui s’est passé ? demande mon père qui s’est rapproché.
Je comprends qu’ils veulent savoir. Alors je dis tout ce que je sais, leur raconte la course poursuite en balai, la suite dans la forêt, la maison brûlée où mon père fait une grimace mais ne dit rien de plus, puis le transplanage à la colline où nous avions pris le portoloin pour la coupe du monde de quidditch. Le reste j’ai couru sous ma forme de loup, mon balai à l’abri dans mon sac, et c’est tout. Puis je leur demande de me dire à leur tour ce qui s’est passé. Je découvre que tout le monde a été attaqué. Qu’en fait, Voldemort est passé presque partout pour trouver Harry.
— Je sais ce que vous pensez, dit Bill, et moi aussi, je me suis posé la question en revenant ici. On aurait dit qu’ils nous attendaient, non ? Mais Mondingus ne peut pas nous avoir trahis. Les Mangemorts ne savaient pas qu’il y aurait sept Harry, ils ont été pris au dépourvu en nous voyant apparaître et, au cas où vous l’auriez oublié, c’est Mondingus lui-même qui a suggéré ce petit stratagème. Pourquoi alors ne leur aurait-il pas révélé ce point essentiel ?
Dora a fini avec mon visage, je la remercie, puis prends un nouveau verre d’eau. J’ai les yeux fixés au sol, je n’arrive pas à croire que je suis là, et que nous sommes presque tous rentrés. Si je croise leur regard, ça va être compliqué de poursuivre.
— Je crois plutôt que Ding a paniqué, c’est aussi simple que cela. Dès le début, il ne voulait pas venir avec nous, mais Fol Œil l’y a obligé et Vous-Savez-Qui a foncé droit sur eux : il y a de quoi provoquer la panique chez n’importe qui.
Je reste accoudée à l’évier. George est endormi sur le canapé, il est très pâle, il a dû perdre tellement de sang…
— Vous-Savez-Qui a agi exactement comme l’avait prévu Fol Œil, remarque Dora. Fol Œil avait dit qu’il penserait que le vrai Harry se trouverait avec l’Auror le plus coriace, le plus habile. Il a donc poursuivi Fol Œil en premier et quand Mondingus s’est trahi, il s’est reporté sur Kingsley.
— Oui, eh bien, c’est très gentil, tout ça, coupe Fleur, mais ça n’explique pas comment ils ont su qu’on transférait Arry cette nuit, non ? Il y a sûrement eu une négligence. Quelqu’un a laissé échapper la date prévue en présence d’un tiers. C’est la seule façon d’expliquer qu’ils aient été au courant de la date mais pas des détails du plan.
Je cherche dans mes souvenirs si j’ai pu être celle qui a commis cette erreur. Je cherche dans ma mémoire, mais nous n’avons jamais évoqué l’évasion d’Harry avec George en dehors des réunions.
— Non, s’écrie Harry un peu trop fort. Je veux dire... se reprend-il. Si quelqu’un a commis une erreur et a laissé échapper quelque chose, ce n’était pas volontaire. Ce n’est pas sa faute. Nous devons avoir confiance les uns dans les autres. J’ai confiance en chacun de vous, je ne crois pas que quiconque dans cette pièce m’aurait vendu à Voldemort.
Le whisky lui donne confiance, il parle fort et avec assurance. Il ne s’excuse plus d’exister. Peut-être que moi aussi je devais m’y mettre. Je fixe mon verre vide, le remplit d’eau à nouveau et le vide. Non, pas d’alcool pour moi, pas de drogues, ça n’apporte rien de bon. On est déjà assez nombreux dans ma tête et mon corps pour ne pas ajouter autre chose.
— Bien dit, Harry, déclare Fred.
George bouge dans le canapé, ouvre les yeux et me cherche du regard. Je reviens m’asseoir en face de lui sur la table basse et prends sa main.
— Il faut toujours lui prêter une oreille attentive.
Je ne peux pas m’empêcher de sourire.
— Tu es bête…
— Ça, ça veut dire qu’elle m’aime, marmonne-t-il les yeux fermés.
J’échange un regard avec Fred, tous les deux savons que nous ne pouvons pas vivre sans George. On a tous les deux eu très peur, et tant que George fera des blagues, nous saurons que cela signifie qu’il va bien, et qu’il vit.
— Vous pensez que je suis un imbécile ?
Je me tourne vers Harry. À qui parle-t-il ?
— Non, je pense que tu es comme James, répond mon père, le visage fermé. James aurait considéré la méfiance à l’égard de ses amis comme le comble du déshonneur.
Je sais où il veut en venir, Harry aussi quand je sens la colère qui bout en lui. Mon père ne lui laisse pas le temps de poursuivre.
— Il y a un travail à faire…
— Je t’accompagne, dit Kingsley.
Dora est déjà debout.
— Je viens aussi, déclare Bill.
— Où allez-vous ? demande Fleur.
— Le corps de Fol Œil. Nous devons le retrouver.
— Est-ce qu’on ne pourrait pas... ? commence Mrs Weasley avant que Bill ne réponde.
— Quoi ? Tu préfères que ce soient les Mangemorts qui s’en emparent ?
— Je reviens, je murmure à George.
— Tu ne vas pas… commence-t-il à protester.
— Non, je n’y vais pas, je sors juste prendre l’air. Reste allongé, je reviens.
— Tu promets ?
— Je te le promets, dis-je avant de me lever.
Je les rejoins dehors, mon père se retourne en me voyant les suivre.
— Non, tu restes ici.
— Je ne vous accompagne pas.
Il fronce les sourcils, il ne comprend pas ce que je fais ici. Ça le prend de court quand je le prends dans mes bras.
— Je t’aime papa.
Ses bras se referment sur moi et je sens enfin que je respire. Je n’ose jamais le dire, c’est idiot, je devrais le dire à tous ceux que j’aime, et ça commence par lui.
— Merci de m’avoir fait confiance…
— Tu as fait ce qu’il fallait pour Fol Œil, il n’y a rien que tu aurais pu…
— Je sais, je sais. Ça ira mieux demain.
Il sourit et dépose un baiser sur mon front.
— Moi aussi ça ira mieux demain, soupire-t-il.
Il a cru me perdre. Pour avoir déjà vécu cette situation avec lui, je sais qu’il réagit avec colère. Il a besoin de temps pour absorber tout ça, pas besoin de chercher bien loin pourquoi il est comme ça. Ma mère, ses amis ont été tués, du jour au lendemain, sa vie a été détruite.
— Prends le temps qu’il te faut, je réponds.
Avec surprise, je le vois sourire.
— Depuis quand tu es aussi sage ?
— Depuis que je vais avoir dix-sept ans.
Il hoche la tête toujours avec ce sourire.
— Rassure-toi, j’ajoute. Tu as fait du bon travail.
Il ne répond pas, mais ses yeux parlent pour lui. Je lui fais un dernier sourire avant de me reculer, les autres l’attendent à la limite de la protection.
— À demain.
— À demain Emy.
Je retourne à la maison, Hermione me rejoint sur le pas de la porte.
— Harry veut partir. Il ne veut pas nous mettre plus en danger.
— Je sais que…
— Fol Œil n’aurait pas voulu… le coupe Ron.
— JE LE SAIS ! hurle Harry.
Il a mal à sa cicatrice. Après toutes ces années, je peux le voir. Il a besoin d’être seul pour souffler un coup. Tout le monde d’ailleurs. Je m’avance pour poser une main sur son épaule, avant que je puisse lui proposer d’aller à l'étage, Mrs Weasley lui demande où est Hedwige.
Il ne répond pas tout de suite, il finit son verre de whisky. Elle est morte.
— Attends un peu qu’on sache que tu y es arrivé encore une fois, lance Hagrid. Que tu lui as échappé, que tu as réussi à le battre alors qu’il était à tes trousses !
— Ce n’était pas moi, répond Harry. C’était ma baguette. Ma baguette a agi
toute seule.
Je fronce les sourcils, c'est quoi cette histoire ? C’est possible de faire ça ?
— C’est impossible, Harry, dit Hermione. Tu veux sans doute dire que tu as lancé un sortilège sans t’en rendre compte, que tu as réagi instinctivement.
Évidemment, elle va contre lui, elle écoute la raison. Dans ces moments-là, il faut lui laisser du temps, tenter de comprendre. Sinon il s’énerve. Et puis, à chaque fois qu’on disait que c’était impossible, il prouvait que non.
— Non, réplique Harry. La moto tombait, j’aurais été incapable de savoir où était Voldemort. Mais ma baguette a tourné d’elle-même dans ma main, elle l’a trouvée toute seule et lui a jeté un sort. Ce n’était même pas un sort que je connaissais. Je n’avais encore jamais fait jaillir des flammes dorées.
— Souvent, dit Mr Weasley, quand on est soumis à une pression intense, on arrive à produire des phénomènes magiques dont on ne se serait jamais douté. Les petits enfants le découvrent parfois avant d’avoir rien appris...
— Ce n’était pas cela, coupe Harry.
Il est vraiment temps de souffler. Cette conversation ne va mener à rien.
— J’ai besoin de prendre l’air, dis-je doucement. Tu m’accompagnes Harry ?
Il me suit comme un automate, je rassure Ron et Hermione d’un regard. On ne va pas s’échapper ce soir, je vais juste l’aider à avoir les idées claires.
L’air frais me fait à nouveau du bien, on étouffe dans la maison. Harry marche maintenant devant moi, il s’arrête devant le jardin, plié en deux. Je cours le rejoindre et pose une main sur son dos. Je ne sais pas quoi dire, il ne va pas bien et j'ai aucun moyen de stopper ça.
Nous sommes à genoux par terre, je le tiens contre moi, attendant que ça finisse enfin. Je me suis remise à pleurer, je tremble autant que Harry, c’est insupportable de le voir comme ça. Deux mains se posent sur mon épaule, je relève la tête pour voir Ron et Hermione.
— Ça va aller, dit-elle doucement, les joues en larmes.
Personne n’y croit, mais on a besoin de l’entendre. Harry a cessé de trembler, il relève la tête vers moi.
— Voldemort n’est pas content.
Je m’en doutais.
— Dumbledore m’aurait cru, il aurait cru tout ça.
— Je te crois Harry.
— Il interrogeait Ollivander… Il pensait qu’en changeant de baguette, il n’y aurait plus de connexion entre sa baguette et la mienne.
— Alors lui aussi ne comprend pas.
Il hoche la tête. Ron et Hermione sont silencieux derrière nous.
— Ok, et bien on va chercher des réponses. On va étudier, comprendre pourquoi elles agissent comme ça, dis-je avec, j’espère, un peu de confiance.
— Tu es vivante, me dit Harry.
Oui. De l’affirmer une nouvelle fois me fait réaliser qu’ils ont vraiment eu peur, qu’ils ont cru que je ne reviendrais pas. Ils ont dû apprendre la mort de Maugrey, puis m’attendre. Combien de temps j’ai pris pour revenir ?
— Oui, je suis vivante, Harry et je vais t’aider.
— Je ne supporte pas que les gens meurent pour moi.
— Pas pour toi, je le corrige. Nous travaillons pour la paix, c’est pour la paix, pour les moldus, les nés moldus que nous faisons ça. Il se trouve que tu es un peu la clé de la paix, mais crois-moi, tu serais n’importe qui d’autre, nous le ferions.
— Pour la paix, répète-t-il.
— Pour la paix, oui.
On se relève, Hermione a les bras croisés.
— Dumbledore voulait que tu fermes ton esprit. Voldemort est en train de s’emparer du ministère, des journaux, et de la moitié du monde des sorciers ! Ne le laisse pas entrer dans ta tête, en plus !
Elle y va fort.
— On rentre ? je propose.
— Je vais me coucher, approuve Harry.
Hermione veut ajouter quelque chose, mais Ron la retient. Elle nous suit donc en silence. Le salon est presque vide, Mrs Weasley donne une potion à George et Mr Weasley parle à voix basse à Fred.
Je laisse les trois autres partir devant, je veux savoir l’état de santé de George avant d’aller prendre une douche. Longue et brûlante, je me sens très sale, j’ai besoin de me vider la tête.
— Ça va, dit-elle en me voyant arriver. Il a un peu de température, mais c’est à prévoir, je lui ai donné une potion régénérante, sa plaie a cessé de saigner.
— Je vais dormir ici cette nuit, je déclare. Je pourrai surveiller son état.
Elle me fait un doux sourire.
— Non, chérie, tu as besoin de sommeil, toi aussi tu as besoin de te soigner. Tes côtes te font mal ?
— Non, ça va. Ça ne me dérange pas Mrs Weasley. Je ne vais pas dormir je pense trop de toute façon…
Elle pose sa main sur mon front.
— Tu n’as pas de température, j’aimerais toutefois que tu désinfectes à nouveau tes plaies, certaines sont tout de même profondes.
Je ne lui rappelle pas que j’ai été habituée à avoir plein de plaies. Même si les dernières pleines lunes violentes remontent, je vais pouvoir supporter quelques coupures.
— D’accord, je prends une douche, puis je désinfecterai.
Elle rejoint son fils et son mari. George est endormi, je pars donc me laver. Quand je reviens, ils sont toujours là, j’ai même un mug de tisane qui m’attend.
— Un peu de verveine, me dit Mrs Weasley.
J’accepte la boisson et m’assois avec eux.
— Ça va ? me demande Fred.
— Et toi ?
Il sourit. Ses parents nous observent, un air grave sur le visage.
— Emilynn…
Quand les adultes commencent une phrase avec mon prénom en entier, c’est toujours pour dire quelque chose de très sérieux. Ça marche aussi pour Ron.
— Nous sommes très contents de te voir ici, finit Mr Weasley.
— Très contents, ajoute Mrs Weasley en me prenant la main.
Je jette un coup d'œil à Fred, mais il ne lâche pas le morceau.
— Moi aussi, je réponds.
— On organise un mariage pour notre premier fils dans quelques jours. Un jour, je serai heureuse si c’est pour toi et George que nous le faisons. Mais nous n’avons pas besoin de ça pour te considérer dans la famille.
Ouch. J’avais bien tenu jusque là, mais là, c’est trop pour moi. Je me mets à pleurer et je sais que ça va être pour un moment. Elle m’attire contre elle et je me mets à sangloter contre son épaule. Ça fait du bien d’avoir quelqu’un qui nous entoure de ses bras, qui nous protège du reste du monde, qui nous assure que ça va aller, qui ne nous juge pas…
— J’ai croisé ta maman que brièvement. C’était à l’enterrement de mes frères après une bataille de l’Ordre. Je ne vais pas m’avancer en disant que je la connaissais. Mais de ce que j'ai appris, elle serait fière de toi. N’importe qui le serait d’avoir une fille comme toi.
Je ne réponds pas, je me laisse aller contre elle.
— Tu n’as pas besoin de tout tenir sur tes épaules tout le temps, ajouta-t-elle tout bas, sa main caressant mon épaule. Nous sommes là pour prendre le relai. Ça va aller…
Quand je me blottie dans un plaid dans le fauteuil en face de George, je suis toujours extrêmement triste pour Maugrey. Mais je me sens aussi en quelque sorte plus apaisée.
En face de moi, il dort a poing fermé grâce à une potion. Mrs Weasley m’a proposé d’en prendre une, mais je voulais garder les idées claires pour la suite. Ne pas dormir ne me dérange pas, j’ai un livre sur les baguettes à lire et ça m’évite les mauvais rêves.
J’entends des bruits de pas descendre l’escalier.
— Je peux me joindre à toi ? demande Fred.
*****
Le deuil est tellement quelque chose d’imprévisible. De toute façon, ça fait des années que j’ai l’impression de faire mon deuil. Dès le lendemain de la mort de Maugrey, je reprends le sport, Ron se joint à moi. Pas Ginny. Elle ne va pas bien, je sais pourquoi, je ne peux rien y faire alors je la laisse gérer ça à sa façon.
Avec Harry on parle beaucoup. Il a toujours cette culpabilité qui ne part pas vraiment. Mais le sera t-elle un jour ? Je n’en sais rien.
— C’était comment ces dernières semaines ?
— À part gérer le stress de tout le monde, et dire au revoir sans vraiment le faire tu veux dire ?
Je n’ai pas la patience de masquer mon sarcasme.
— Raconte, dit-il.
— Rien, dis-je en regrettant mes mots.
Je suis comme ça en ce moment, je m’énerve, puis je regrette. Sauf avec George.
— Raconte, répète-t-il.
On est allongés dans l’herbe sous un arbre. Même s’il fait nuageux, c’est tout de même l’été. Alors je lui parle de ce sentiment de se préparer à son propre décès. Je ne parle pas d’Hermione, c’est à elle de le faire si elle est prête. Je parle de mon père, de lui et Dora, de comment je le vois hésiter à m’aborder de telle ou telle manière. Je parle aussi de George qui voudrait accepter le fait que je parte, mais qui en réalité est en colère et très inquiet pour moi. Je parle de l’horloge qui s’accélère, et de la fatigue que je ressens. Je parle des fish and chips, des cinémas moldus et des parties d'échecs. Je parle de comment la présence de ma mère me poursuit, de combien j’ai hâte d’avoir dix-sept ans, d’assister au mariage de Bill et Fleur et d’enfin passer à l’action par la suite avec la mission.
— Ça fait beaucoup effectivement, approuve Harry.
Je rigole et me rassoit.
— Moi aussi j’ai envie de passer à l’action. J’ai l’impression que c’est la chose qui va m’aider avec mon chagrin, cette culpabilité et puis Ginny… Je n’arrive pas à la regarder en face, j’ai envie de profiter de chaque instant avec elle, alors que ça ne nous ferait que du mal.
— Vous avez parlé ?
— Pour dire quoi ?
Il marque un point.
— Non, non, on ne s’est rien dit. Je me concentre sur les Horcruxes, c’est tout ce à quoi je dois penser.
On observe Ron et Hermione étendre du linge. Mrs Weasley essaie de toujours nous occuper pour éviter qu’on conspire et de toute manière il y a de quoi faire.
— Tous les deux ils… commence Harry.
J’attends sa fin de phrase qui ne vient pas.
— Ils ne sont pas ensemble si c’est ta question.
— Mais ça progresse.
— Oui, oui…
Il n’a pas tort.
— Ça avance à leur rythme. D’ici la fin de l’année ils se tiendront la main.
Harry rigole et me pousse gentiment.
— Je sais, je suis méchante, je reprends en rigolant. Mais j’ai passé beaucoup de temps avec eux deux, et c’est de plus en plus difficile de ne pas leur dire de passer à l’étape supérieure, de s’embrasser et d’arrêter de tourner autour du pot.
— Ils ont peur.
— Oui, je pense aussi. C’est vrai que ça fait déjà beaucoup à gérer de trouver et détruire les horcruxes.
L’inquiétude d’Hermine est toujours aussi valide, s’ils se mettent ensemble, se disputent pendant la quête, elle n’en sera que plus compliquée.
Et on n’a pas besoin de ça.
— Ça va toi concernant George ? me demande Harry.
Il pense à son oreille.
— Tu veux le même discours enflammé que Fleur à propos de Bill ?
Il secoue la tête.
— Je t’avoue que ça me saoule franchement de devoir rester un jour de plus pour le mariage.
— Elles vont nous tuer si on n’est pas là, je réponds.
— Je sais, Ron m’a dit la même chose.
Je joue avec un brin d’herbe, savourant ce calme avant la tempête.
— Ça va aller pour partir ? il me demande finalement.
— Ça va aller, j’assure.
On n’a pas le choix.
*****
Je reste chez les Weasley. J’ai récupéré tout ce que j’avais à prendre chez moi ou chez mon père et Dora. Nos sacs sont prêts avec Hermione, on a décidé que c’était plus sûr de les faire bien avant le départ.
— Si le Ministère tombe avant, nous devons être prêtes.
— Fleur me tuera si je pars avant son mariage.
Hermione me donne un regard qui dit « pour ce que j’en ai à faire » ou « personne ne va s’occuper de Voldemort pendant ce temps », c’est difficile à dire.
— Les filles…
Harry rentre dans la chambre de Ginny où nous sommes assises toutes les deux, notre sac à la main.
— C’est bon, Mrs Weasley m’a parlé, elle m’a sorti le même discours que vous je pense.
— Qu’on avait mal compris et que ce n’était pas des jeunes de dix-sept de se charger de Voldemort ?
Il acquiesce.
— Elle a les mêmes yeux que Ginny ça n’aide pas…
— Vous avez parlé ? demande Hermione.
Non de toute évidence.
Il est franchement déprimé, j’aimerai l’aider, mais je ne crois pas qu’on puisse faire grand chose avec Hermione.
Mrs Weasley nous appelle pour l’aider aux préparatifs du mariage et après ça, on n’a plus trop de temps pour discuter. Je vais souvent tenir compagnie à George, sa plaie ne saigne plus au bout d’un jour, mais il a mal (même s’il ne le dit pas) et elle reste à vif. Je le vois entre chaque tâche, j’amène un truc à manger, à boire, une potion, j’ai toujours une excuse.
— Je voulais juste te voir, dis-je une fois où je n’avais aucune excuse pour venir.
Il sourit et tapote le lit pour que je m’assois à côté de lui. Chaque seconde que je peux avoir, je la prends, la course contre la montre a repris, je déteste ça.
Le Terrier est une sorte de QG de l’Ordre, nous sommes un peu à l’étroit quand tout le monde vient, mais ça évite de trop penser aux absents. Je sais, c’est un peu égoïste, mais on fait ce qu’on peut pour garder la tête hors de l’eau.
Lors de l’après-midi avant la pleine lune, je me sens fébrile. J’ai besoin de sortir, de me transformer et de vraiment courir. Je sais aussi que les Mangemorts sont de plus en plus agités depuis qu’Harry est arrivé au Terrier. Alors j’espère juste que mon père a trouvé un endroit pour la pleine lune.
Toutes les deux minutes, je surveille le chemin qui mène à la maison, je suis distraite et ça ne plaît pas beaucoup à Hermione qui finit par tout faire pour moi. Mais elle ne m’en veut pas, elle finit par me dire de m’asseoir et elle range elle-même la remise avec la magie.
— Dora avait l’air bien ces derniers temps ? je demande.
— Oui Emy, et oui, j’ai trouvé aussi qu’il allait bien quand il est venu hier.
— Tu crois qu’il…
— Oui, je crois qu’il va venir. Vous avez toujours trouvé un endroit sûr où se transformer, au moins dans la Forêt Interdite et il adore ces moments ensemble. L’un comme l’autre vous vous portez mieux. Il va venir, ne t’inquiète pas.
— Comment je vais faire les pleines lunes quand on ne sera que tous les quatre ?
— On trouvera une solution. Tout cela dépendra de ce qu’on fera.
On n’a pas de réponse, on ne peut pas anticiper, je n’aime pas ça. Je me lève pour tourner en rond, j’ai fait du sport ce matin, mais je pourrai tout aussi bien reprendre maintenant.
— Emy, ton père est là.
Je remercie Ginny en sortant de la remise. En effet, il s’approche vers moi.
— Bonjour, comment ça va ?
— On fait la pleine lune ensemble ?
— À une condition.
Je suis déjà prête à accepter, j’ai trop besoin de sortir d’ici.
— Si tu te sens capable de nous faire rester dans le périmètre de Poudlard. On va aller dans la Forêt Interdite, c’est le seul endroit que j’ai trouvé.
— Oui !
— Tu es sûre ?
— Certaine.
— Tu ne perds jamais l’esprit ?
Il n’a aucun souvenir des pleines lunes. C’est assez fou, mais une autre personne prend sa place. Je suis toujours celle qui prend les devants, il m’écoute toujours.
— Non, jamais.
Ça me fait toujours plaisir de voir sa fierté dans le regard.
— Le loup se soumet toujours à toi ?
J’acquiesce.
— Pas d’exceptions ?
— Non, aucune. Il n’a jamais cherché à prendre le pouvoir.
— Parfait. Alors on peut y aller si tu es prête.
Je pars prévenir George dans sa chambre, j’attrape un sweat au passage, redescend pour enfiler mes boots. Il fait si chaud ce soir, je préfère rester en short et en t-shirt, il ne devrait pas faire trop froid.
— Bien, prenez soin de vous, nous dit Mrs Weasley.
— Tu as ta baguette ?
— Toujours.
On sort et allons vers la limite de la protection.
— Ça va ? je demande.
— Ça ira mieux quand on y sera.
— Je peux transplaner moi-même, le Ministère en a rien eu à faire que j’utilise ma baguette.
— Tu n’as pas le permis.
C’est vrai, mais bon… J’hausse les épaules.
— Tu ne vas pas le passer avant de partir ?
— On ne va pas avoir le temps.
— Tu n’as vraiment reçu aucune lettre du Ministère pour usage absusif de la magie ?
— Non rien.
— Ce n’est pas une bonne nouvelle.
Il a raison, ça veut dire qu’ils ont autre chose à faire que de s’occuper d’adolescents impatients.
— Je vais tout de même transplaner, dit-il en me tendant la main.
— Je suis sûre que j’aurais mon permis du premier coup.
— Je n’en doute pas.
— Ça change quoi de transplaner à deux ?
Il sourit.
— Ça change que l’autre pose beaucoup de questions.
Il transplane avant que je puisse rire. Nous arrivons devant la Cabane Hurlante. Sous le soleil d’été, même discret, elle est bien plus accueillante.
— Très drôle, je réponds.
Un nuage de poussière me fait éternuer quand je pousse la porte d’entrée.
— Allez entre Miss Questions, j’ai le goûter.
On monte à l’étage, partons à gauche vers la chambre qui a encore un balcon, vue sur la forêt. J’inspire un grand coup, il faut savourer chaque instant de paix. On ne sait pas de quoi demain sera fait. C’est ma dernière pleine lune avec mon père avant très longtemps. Alors je vais regarder le coucher de soleil, me transformer et profiter.
Demain est un autre jour.
*****
Cette tarte aux pommes était délicieuse. Tous les gâteaux de Mrs Weasley sont en réalité très bons. Je comprends pourquoi Ron était si obsédé par la nourriture à Poudlard. Il doit deviner à quoi je pense car il me montre la glace à la vanille. Je prends un peu des deux et je dois dire que oui… Il a raison, c’est excellent.
À côté, Fleur prévient Harry qu’il devra changer son apparence pour le mariage.
— Oui, c’est vrai, approuve Mrs Weasley en relisant la liste des choses à faire. Ron, as-tu rangé ta chambre ?
— Pourquoi ?
Je deviens allergique aux disputes. Avant c’était Ron et Hermione, en ce moment c’est Ron et sa mère ou Ginny et sa mère.
— Pourquoi faudrait-il que je range ma chambre ? Elle nous convient très bien telle qu’elle est, à Harry et à moi !
— Dans quelques jours, nous allons célébrer ici le mariage de ton frère, jeune homme...
— Et ils vont se marier dans ma chambre ?
Je retiens un rire.
— Non ! Alors pourquoi, par les glandes de Merlin...
— Ne parle pas comme ça à ta mère ! intervient Mr Weasley. Et fais ce qu’on te dit.
Je n’aime pas les disputes, mais je trouve ça toujours fascinant de voir Ron avec ses parents. C’est une dynamique que je ne connais pas. C’est comme quand il est avec ses frères et sœurs, c’est toujours une vraie étude sociologique pour moi.
— Je peux t’aider, il y a une partie du désordre qui est à moi, dit Harry.
— Non, Harry, mon chéri, je préférerais que tu aides Arthur à nettoyer le poulailler et toi, Hermione, tu me rendrais un grand service si tu voulais bien changer les draps pour Monsieur et Madame Delacour, ils arrivent demain matin à onze heures.
Je retiens un bâillement, la pleine lune était la vieille, je suis épuisée.
— Emilynn, va faire une sieste, tu es toute pâle.
Je suis toujours pâle, mais si ça peut m’éviter de trier des boutons ou de replier des serviettes, je prends cette mission avec plaisir. Harry part avec Mr Weasley, pendant que nous finissons de débarrasser la table.
— Comment était la pleine lune ? me demande Ron.
— Très bien. Aucune égratignure, j’ai réussi à le garder dans la zone, c’était bien.
On monte dans sa chambre où je m’allonge sur son lit pendant qu’il commence à ranger. En fait, il soulève un magazine de quidditch qu’il me tend.
— Tiens, c’est la dernière édition, ils parlent des sélections juniors.
Je le prends pour le feuilleter. Quelques clubs font des sélections publiques ouvertes à tous.
— Ron, tu ranges ta chambre ? demande sa mère depuis le salon.
— Oui, oui ! crie t-il.
— Je n’entends pas beaucoup de bruit !
Il soupire, ça me fait rire, mais lui il lève encore plus les yeux au ciel.
— Tu as eu des nouvelles des recruteurs qui t’avaient contactée ?
— Oui, dis-je en reposant le magazine de quidditch, ils me demandaient mes plans en ces circonstances particulières. C’était juste après la mort de Dumbledore. Ils voulaient savoir si je voulais finir Poudlard ou commencer maintenant une carrière pro. Ça ne sera ni l’un ni l’autre.
— C’est fou que le monde du quidditch continue de tourner, déclare Hermione en nous rejoignant.
— Qu’est-ce que tu fais là ? lui demande Ron.
— Ta mère a oublié qu’elle m’avait déjà demandé de changer les draps hier avec Ginny.
— Tu vas vraiment abandonner le quidditch ? s’inquiète Ron en s’allongeant à côté de moi.
— Non, non… On verra après. Qui sait de quoi ce monde sera fait une fois que tout sera fini.
Il s’apprête à ajouter quelque chose, regarde Hermione qui lui fait son regard « ne dis rien », alors il referme sa bouche. Je ne les savais pas aussi complices. Il y a des progrès entre eux deux dont je ne serais pas au courant ? En tout cas merci, parler de quidditch n’est pas vraiment réjouissant ces derniers temps.
— Quoi ? je demande.
— Rien.
— Je connais ce rien.
— Ah oui ? dit-il pour rigoler.
— Oui, il veut dire tout sauf rien.
— Rien, c’est rien, lâche l’affaire.
— Ron…
Mais la porte s’ouvre, le faisant se relever d’un bon.
— Oui, oui, ça y est, je suis en train de ranger ! Ah, c’est toi.
— Salut, Harry.
Incroyable, nous avons tous réussi à lui échapper en même temps. Bon techniquement je dois me reposer, je suis allongée sur un lit, c’est pareil.
Ils parlent de Maugrey, c’est souvent un sujet qui revient. Comme mon père et les autres n’ont pas trouvé son corps, on peut se dire qu’il est encore en vie. Moi, je n’y crois pas, je l’ai vu tomber. Ce n'est pas un sujet ou je participe de toute manière.
— Les Mangemorts ont sans doute fait le ménage derrière eux, c’est pour ça que personne n’a retrouvé son corps, conclut Ron.
C’est possible oui.
— Ouais, dit Harry, comme Barty Croupton transformé en os et enterré dans le jardin de Hagrid. Ils ont sans doute métamorphosé Maugrey et l’ont empaillé...
— Ne dis pas des choses pareilles !
Hermione font en larmes, Ron à côté de moi bondit pour la prendre dans ses bras. J’avais raison, il se passe quelque chose…
— Oh, non… Hermione, je ne voulais pas te faire de peine...
— Tergeo.
Ron lui nettoie un mouchoir qu’il lui tend. Je sais qu’elle est à fleur de peau en ce moment, elle est stressée, mais je ne vais pas manquer de lui reparler de ce moment ce soir !
— Oh... merci, Ron... Je suis désolée... C’est tellement af... freux. Juste après Dumbledore... Je... n’a... n’avais jamais... i... imaginé que Fol Œil puisse mourir. Il paraissait si solide !
— Je sais. Mais tu sais bien ce qu’il dirait s’il était là ?
Il la serre contre lui. On devrait peut-être partir avec Harry.
— Vi... Vigilance constante.
— Exactement. Il nous dirait de tirer les leçons de ce qui lui est arrivé. Et la leçon que j’ai tiré c’est de ne jamais faire confiance à ce lamentable petit trouillard de Mondingus.
Ça la fait rigoler. Son bras bute contre sa pile de livres qu’elle triait à nouveau pour la énième fois. Le Monstrueux Livre des monstres s’ouvre et se jette sur la cheville de Ron. Harry et moi arrivons à le retenir et à le refermer avec une ceinture, mais on n’était pas trop de deux.
— Je suis désolée, je suis désolée ! s’écrie Hermione.
— On avait dit que lui on ne le prenait pas, je souffle en me relevant.
— Oui, mais…
— Il va détruire tous les autres, on a le livre de Scamander, il est parfait.
— Tu crois que ça suffira ? On pourrait…
— Ça vous gênerait de nous dire de quoi vous parlez ? demande Harry.
— J’essaye de décider quels sont les livres que l’on va emporter. On a déjà fait un tri avec Emy, mais je ne suis pas sûre de ma sélection concernant certains d’entre eux…
— Ah oui, bien sûr, dit Ron. J’avais oublié que nous devions traquer Voldemort dans une librairie ambulante.
— Ha, ha, très drôle, réplique-t-elle.
Je retourne m’allonger sur le lit. Pattenrond vient avec moi et se frotte à ma main en ronronnant.
— Écoutez, dit Harry.
Ah, je me doutais qu’il allait de nouveau nous dissuader d’y aller.
— Je sais bien qu’après l’enterrement de Dumbledore, vous m’avez dit que vous vouliez venir avec moi, commence t-il.
— Et ça y est, c’est parti, lance Ron.
— Trop tard, tu nous as déjà dit oui, j’ajoute.
— On savait qu’on y aurait droit, soupire Hermione. Je pense que je vais prendre L’Histoire de Poudlard. Même si nous n’y retournons pas, je ne me sentirais pas à mon aise si je ne l’avais pas avec...
— Écoutez !
— Non, Harry, c’est toi qui vas nous écouter, l’interrompt Hermione. On vient avec toi. La décision a été prise il y a des mois – des années, en fait. Et pas que pour Emy.
— Et je ne le fais pas juste parce que nos parents sont morts ensemble, dis-je.
Oui, les blagues lugubres, c’est mon truc.
— Mais…
— Ou parce que je n’ai pas envie de passer mes ASPICS.
— Vous êtes sûrs que vous avez bien réfléchi ?
Hermione lui montre le sac de ma mère, puis son sac en perle.
— Depuis des semaines, avec Emy, nous préparons les bagages pour que nous soyons prêts à partir à tout moment, ce qui a nécessité, je te le signale pour ton information, des manipulations magiques passablement difficiles. Sans parler du stock de Polynectar préparé par Fol Œil, que j’ai réussi à détourner sous le nez de la mère de Ron. J’ai aussi modifié les souvenirs de mes parents pour les convaincre qu’ils s’appellent en réalité Wendell et Monica Wilkins et que la grande ambition de leur vie est d’aller s’installer en Australie, ce qu’ils ont fait, à l’heure qu’il est. Tout cela pour rendre la tâche de Voldemort plus difficile s’il veut les retrouver et les interroger à mon sujet – ou au tien car, malheureusement, je leur ai raconté pas mal de choses sur toi. En admettant que je survive à la chasse aux Horcruxes, j’irai rejoindre papa et maman pour lever le sortilège. Sinon... je crois que j’ai utilisé un charme suffisamment puissant pour qu’ils puissent vivre heureux et en toute sécurité. Wendell et Monica Wilkins ne savent pas qu’ils ont une fille, tu comprends ?
J’ai pas de blague morbide en réserve. Ron se lève à son tour pour la prendre dans ses bras.
— Je... Hermione, je suis désolé... Je ne m’étais...
— Pas rendu compte que Ron et moi savons parfaitement ce que nous risquons en t’accompagnant ? Eh bien, oui, nous le savons. Ron, montre à Harry ce que tu as fait.
— Non, il vient de manger.
— Vas-y, il faut qu’il sache !
— Bon, d’accord. Viens, Harry.
Il partent dans le plafond pour qu’il lui montre la goule qui lui servira d’alibi. Après ça, Harry reste un moment silencieux à les regarder tous les deux. Puis c’est à mon tour.
— Et toi ?
— Harry… je soupire. J’ai vraiment besoin de le dire ?
— J’ai besoin de l’entendre.
— À la vie à la mort Harry. Depuis le jour un.
— Tu es prête à laisser ta vie derrière toi ?
— Non. Pas plus que vous. Mais je vais le faire parce qu’on le doit, on n’a pas le choix.
J’ajuste le bandage sur mon bras. Je change d’avis et décide de complètement l’enlever.
— Tu vois, la guerre a toujours été là. Un jour, j’espère ne plus avoir à porter de bandage. La question ne se pose pas, je t’accompagne.
Tous les trois la regardent avec un air dur. On n’a pas l’habitude de la voir, je ne la montre jamais. Peut-être l’oublient-ils parfois. Mais pas moi, elle est là et ça me rappelle tout ce pourquoi je me bats.
— Ok, lâche-t-il finalement.
— Bien, alors on commence par quoi ? je demande en remettant mon bandage.
*****
Le lendemain matin, je me réveille en me sentant stressée. Hier nous avons beaucoup parlé tous les quatre de comment détruire un horcruxe. On a des pistes, mais rien de certain. Et puis, comme l’a fait remarquer Ron, les crochets de basilic, ce n’est pas ce qu’on trouve à tous les coins de rue.
— Ça va ? murmure George en passant un bras autour de moi.
Il sait que chaque jour nous rapproche de la séparation.
— Et toi ? Réveillé depuis longtemps ?
— J’avais un peu mal, mais ça va.
On reste allongés un moment comme ça. On peut entendre la respiration de Fred à l’autre bout de la pièce. Je profite de ce moment de calme avant la tempête, aujourd’hui on accueille les parents de Fleur.
— Bon, je vais courir, dis-je en me levant.
Je ne peux pas rester à ne rien faire, le stress va revenir. Après le sport, je prends une rapide douche, enfile une combinaison à bretelles dans une gaze de coton noire. C’est confortable et léger, je pense qu’on ne va pas arrêter de la journée, Mrs Weasley veut que tout soit parfait avant le mariage.
Je regarde mon reflet dans la glace. Les égratignures ont disparu, j’ai de légères cernes, mais elles ne partent jamais vraiment. Je tiens ça de mon père. Il faut que je couvre ma marque et puis mes cheveux… Je vais les laisser comme ça.
Je rejoins George dans sa chambre, Fred est réveillé, et ils parlent un peu de la boutique. Sans que j’ai besoin de demander, il me fait mon bandage au bras puis on descend prendre un petit déjeuner.
Ils arrivent vers onze heures, Fleur les présente à Mr et Mrs Weasley puis elle les dirige vers moi.
— Voici Emy, elle parle français.
— Je peux faire l’interprète, j’ajoute avec un sourire un peu gêné.
— You speak French ? demande sa maman qui est toute aussi jolie que ses filles. Lovely. Where did you learn ?
** Vous parlez français ? Magnifique. Où avez-vous appris ? **
— My mom’s family speak French and I lived there when I was a kid.
** La famille de ma mère parle français et j’ai vécu là-bas enfant. **
— Where ?
** Où ? **
Son père a un grand sourire bienveillant sur son visage.
— North-West. Far from you.
** Nord, ouest. Loin de chez vous. **
— Yeah sure, do you miss it ?
** C’est sûr, ça te manque ? **
— Fleur is gonna be happy to know that I miss the food the most.
** Fleur sera contente de savoir que la nourriture me manque le plus. **
Elle rigole et ça me réjouit. Elle a beaucoup supporté Bill ces dernières semaines, ces prochains jours sont pour elle.
En réalité, la mer me manque. Et oncle Jo. Et les chats.