Les insomnies ont des avantages et des inconvénients. L’avantage est que quand j’ai officiellement dix-sept ans, je suis réveillée, assise devant la maison. Une silhouette se dessine sur le chemin, c’est mon père.
— Je me doutais que tu ne dormirais pas.
— Mrs Weasley a essayé de m’envoyer au lit, mais je savais que je n’allais pas dormir.
— Joyeux anniversaire.
— Merci.
— Alors ? Quel est ton premier sort ?
— Je n’en sais rien. C’était quoi toi ?
Il soupire en cherchant dans sa mémoire.
— Je ne sais plus. On était à Poudlard, ça aurait pu être n’importe quoi. Ça n’a pas eu de grande différence je dois admettre.
Je réfléchis pendant qu’il s’assoit à côté de moi.
— On avait une tradition. Ça avait commencé avec ta mère et Sirius, on les a jetés dans le lac. En novembre, c’était gelé, mais on a bien rigolé. Du coup, je m’étais tenu prêt, mais ils m’ont eu au saut du lit. Pour James on s’est carrément levés en pleine nuit.
— Tu n’es pas là pour me jeter dans la mare ?
— Non, ne t’inquiète pas, dit-il en souriant.
— Bien, je me serai débattue.
— Ne crois pas que les jumeaux n’ont rien prévu.
— Oui, je sais.
Je commence à les connaître.
— En fait, je suis venu pour te donner ça.
Il me tend une boîte. Je devine ce qu’il y a dedans. Je connais la tradition, et je vois que cette boite n’est pas toute jeune. Faites le calcul, il est simple.
Dans le sac de ma mère, j’ai pris plusieurs de ses affaires, des vêtements principalement. On fait la même taille, j’ai toujours quelque chose à elle sur moi. Il y a certaines choses auxquelles je suis plus attachée, d'autres moins.
L’émotion me prend à la gorge. Ça m’embarrasse un peu. Je crois que c’est aussi lié à ce qui arrive, à mon départ, à notre histoire avec mon père qui n’est pas simple. À son absence à elle qui a toujours été entre nous deux.
Je prends la boîte et la fixe un moment avant de me décider à l’ouvrir.
— Euphemia Potter lui avait offert quand elle a eu dix-sept ans. Elle ne la quittait jamais. Je peux comprendre si tu ne veux pas la garder, on peut t’en choisir une neuve. C’est toi qui décide.
Elle portait cette montre quand elle est morte…
Je la sors de l’étui, observe le cadran rond qui a quelques rayures, elle est toute simple, dans un style classique avec un bracelet en cuir noir craquelé. Derrière est écrit : « Pour Lyra. »
— Je veux bien la garder, dis-je finalement.
— Tu es sûre ?
— Oui, merci papa.
— Joyeux anniversaire ma grande, dit-il en déposant un baiser sur ma tempe.
Je récupère ma baguette, il est temps que je jette mon premier sort.
Aujourd’hui, j’ai dix-sept ans.
*****
— Joyeux anniversaire ! j’hurle en sautant sur le lit.
Harry me lance son oreiller en pleine figure, je m’étouffe de rire en lui balançant un t-shirt qui traînait par terre.
Mrs Weasley a raison, cette chambre est un dépotoir.
— Joyeux anniversaire ! dit-il en l’évitant.
— Alors ? Tu as déjà jeté un sort ?
— Il s’est déjà pris ses lunettes dans la tête surtout, ricane Ron depuis son lit.
Harry lève les yeux au ciel, je remarque qu’il a un livre à la main.
— Douze moyens infaillibles de séduire les sorcières, c’est quoi ce truc ?
— Rien, disent-ils à l’unisson.
— Oh, allez, dites-moi, c’est quoi ? C’est pour apprendre à ne pas manquer de tact ?
— Ouch, fait Ron en retombant à la renverse sur son lit.
— Cadeau de Ron, m’explique Harry.
— C’est vraiment intéressant, se défend-il.
— L’écouter quand elle parle, par Merlin Ron, tu ne savais pas ça ? C’est du savoir vivre !
Il me balance son oreiller comme réponse, honnêtement, je l’avais cherché.
— Demandez-moi la prochaine fois que vous avez une question.
— Tu joues dans les deux camps, répond Ron. Ce livre est neutre.
Je lève les yeux au ciel en soupirant.
— On va manger ? demande Harry qui a caché son livre sous son oreiller.
— Allons-y, je te préviens, il y a tout le monde.
Mrs Weasley me fait un grand sourire en me voyant redescendre.
— As-tu seulement dormi cette nuit ?
— Quelques heures oui. Good morning.
Monsieur Delacour n’était pas là tout à l’heure. Il est maintenant assis à côté de Bill.
— Good morning, happy birthday.
— Thank you.
Je suis de bonne humeur, je m’assois et prends une tasse de thé, des tartines et observe Harry ouvrir son premier cadeau.
— Arthur m’a chargée de te souhaiter un joyeux anniversaire pour tes dix-sept ans. Il a dû partir tôt pour aller travailler, mais il reviendra à l’heure du dîner. Notre cadeau est le premier de la pile.
C’est une montre. Je repose ma tartine et regarde Mrs Weasley qui me fait un sourire avant de poser une main sur mon épaule.
— Remus nous avait dit qu’il voulait te laisser le choix. Je vois que tu as décidé de garder celle de Lyra. Je suis contente pour toi.
J’hoche la tête, la gorge nouée en devinant l’émotion que Harry va ressentir dans quelques minutes.
— Il est de tradition d’offrir une montre à un sorcier qui atteint sa majorité, lui explique t-elle. J’ai bien peur que celle-ci ne soit pas neuve comme l’était celle de Ron. En fait, c’était celle de mon frère Fabian qui n’était pas très soigneux avec ses affaires. Le dos est un peu bosselé, mais...
Ses mots se perdent alors qu’Harry la serre dans ses bras. Je comprends, il y a certaines choses qu’on ne peut pas dire.
— T’as déjà vu Remus ? me demande Harry en remettant ses lunettes.
— Mmmh, mmmh, dis-je en me raclant la gorge. Je n’arrivais pas à dormir…
— Pour changer, complète Ron.
— Et il est venu cette nuit. Il devait s’en douter.
Harry regarde mon poignet, j’ôte ma montre et la lui tends.
— C’est ta grand-mère qui lui avait offert, j’explique quand il la retourne.
— Elle est très belle, dit-il en me la rendant.
On va peut-être devoir faire un petit debrief en milieu de journée pour statuer le niveau d’émotions de chacun. Je lui fais un sourire compatissant auquel il répond.
Super, on devient bons en télépathie.
— Joyeux anniversaire, Harry et Emy ! lance Hermione en me sautant dessus pour me serrer dans ses bras.
— Merci !
— Ce n’est pas grand-chose, mais j’espère que ça te plaira. Emy, c’est un cadeau commun avec Ron qui est là. Qu’est-ce que tu as offert à Harry ? demande t-elle à Ron.
Il ignore sa question.
— Ouvre notre cadeau Emy !
Il me supplie du regard de ne rien dire à propos du livre de séduction. En vrai, ça pourrait jouer à son avantage, c’est mignon je trouve. Maladroit et mignon, du Ron tout craché.
J’ouvre leur paquet pour découvrir un bracelet en argent. C’est simple, exactement comme j’aime. Je les regarde, un peu à court de mots.
— C’est…
— Ouvre-le maintenant.
Il me montre un autre paquet, c'est exactement la même taille. En fait, il y en a plusieurs exactement pareils. Je les ouvre tous et découvre que tous ces petits bracelets sont en fait un seul. Tout le monde s’est cotisé pour m’offrir ce bijou.
— C’est magnifique… C’est trop.
Tout le monde me regarde avec un grand sourire, toute la famille est maintenant dans la petite cuisine. Je fais alors un tour de câlins, les remerciant pour leur générosité.
— Tu peux remercier George, c’est lui qui a eu l’idée, me souffle Fred à l’oreille.
Après ça, je suis un peu gênée de reprendre mon petit-déjeuner devant autant de regards. Je prends ma tasse et suis Hermione à l’étage.
— Je vais mettre tes cadeaux dans ton sac pour toi, dit Hermione à Harry tandis qu’on remonte tous les quatre l’escalier.
— On en est où ? je demande. J’ai récupéré des piles électriques hier et aussi les couvertures.
— J’ai presque fini les bagages, j’attends simplement que le reste de tes caleçons soient lavés, Ron.
J’adore quand elle met Ron dans l’embarras sans même s’en rendre compte. Nous sommes au premier et la porte de Ginny s’ouvre au même moment.
— Harry, tu veux bien venir un instant ?
D’un seul mouvement, on prend Ron par le bras et on l'entraîne à l’étage.
— Qu'est-ce qu’il fait ? Pourquoi il y va ?
— Ils ont le droit de se parler, je réponds, tendue.
— Ils ont rompu, qu’est-ce qu’il peuvent avoir à se dire ?
— C’est son anniversaire Ron, dit Hermione.
Nous sommes au troisième, on pose les cadeaux d’Harry sur le lit et je les mets dans le sac d’Hermione. Elle a les vêtements, les livres, j’ai le matériel en tout genre, trousse à pharmacie, tente, couvertures…
— Non mais ils ont rompu, pourquoi ils se voient encore ?
— Tu veux que je te fasse un dessin Ron ? dis-je sans masquer mon agacement. Ils sont grands, laisse-les tranquille.
Il fait les cent pas dans le couloir, soudain, quand on a le dos tourné, il retourne en bas.
— Ce qu’il peut être têtu… soupire Hermione.
Je dévale l'escalier et arrive au moment où il ouvre la porte. Bon, il semblerait que j’avais raison, Ginny et Harry s’embrassaient.
— Ron ! s’énerve Hermione derrière moi.
Oh pitié achevez-moi, je n’en peux plus d’être entre eux. Que suis-je censée faire ? Ginny s’est retournée comme pour pleurer. Ron est énervé, Hermione inquiète, et Harry est triste. On descend tous dans le jardin, c’est un beau bazar.
— Tu l’as laissée tomber. Pourquoi tu t’amuses avec elle, maintenant ?
— Je ne m’amuse pas avec elle, proteste Harry.
— Ron... commence Hermione, mais il ne l’écoute pas.
— Elle avait le moral à zéro quand tu as rompu...
— Moi aussi. Tu sais très bien pourquoi j’ai rompu. Ce n’était pas parce que j’en avais envie.
— Oui, mais maintenant, tu vas dans sa chambre pour la bécoter et elle va de nouveau s’imaginer des choses...
— Elle n’est pas idiote, elle sait que c’est impossible, elle ne s’attend pas à... à ce qu’on finisse mariés, ou...
Il ne finit pas sa phrase. Inquiète, je pose une main sur son épaule.
— Harry… Ça va ?
Il revient sur terre.
— Ginny sait que ça n’ira pas plus loin.
— Si tu commences à la tripoter à la première occasion... reprend Ron.
— Ça n’arrivera plus, coupe Harry d’un ton brusque. OK ?
Ron semble s’être calmé.
— Bon, alors, c’est... ouais, d’accord.
Il repart vers la maison, Hermione le suit tandis que je reste avec Harry.
— Tu veux parler ?
Il soupire et part un peu plus loin.
— Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir supporter tout ça encore.
— Demain c’est le mariage, ensuite, on part. Ça va arriver vite.
— Chaque heure de plus est… Ça rend le départ plus difficile.
— Ça ne sert à rien d’y penser maintenant…
— Vraiment ? Vraiment Emy ? Tu vas me faire croire que tu arrives à ne pas y penser à chaque fois que tu es avec George ?
— Tu veux que je dise quoi ? je réponds à mon tour énervée. Que ça va être l’une des choses les plus difficiles que j'ai eu à faire ? Que j’ai peur de ne jamais le revoir, tout comme mon père ou Dora ou cette famille géniale qui me prend pour leur fille ? Oui Harry, c’est dur, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas arranger cette situation de merde.
Je m’arrête pour reprendre mon souffle.
— Et il faut que tu cesses d’attaquer ceux qui sont proches de toi quand tu es triste ou en colère ! Je suis dans ton camp alors soit tu me dis que tu as besoin d’en parler, soit tu me dis que non et tu pars ruminer dans ton coin !
Je suis dure, mais aujourd’hui je n’ai pas la patience de gérer ça. Je crois que ça se sent, il me fixe en silence un moment sûrement hésitant entre s’énerver franchement et se poser pour vider son sac. Finalement il se retourne, me tournant le dos pour… pleurer.
— Je suis fatigué Emy…
— Ça va aller…
— Ginny va me détester…
— Elle t’aime.
— Je n’aurais jamais dû sortir avec elle, ça rend tout plus compliqué, elle souffre et je ne fais qu’aggraver les choses.
— Laisse-la aussi être responsable de ses actes Harry. Elle voulait être avec toi, elle te connait, elle savait que ça pourrait arriver que tu partes pour finir cette guerre. Aucun de nous aurait pu deviner la mort de Dumbledore, mais elle savait que tu avais un rôle dans tout ça. Ne porte pas tout sur tes épaules Harry, vous êtes deux.
Je le serre contre moi, nos têtes sont l’une contre l’autre à contempler ce jardin vide de gnomes pour une fois, ce qui est assez perturbant.
— Dès qu’on était assis à côté à table, c’était l’horreur… Ces derniers jours, je n’ai fait que de l’éviter alors que je mourais d’envie de la voir…
Il renifle un coup, ses yeux sont rouges, il ne s’autorise jamais à trop avoir d’émotions. Je pense qu’il devrait tout faire sortir maintenant, la journée va être longue, nul doute que le repas de ce soir va être plein d’émotions.
Harry est silencieux, alors je me perds dans mes pensées en attendant de le laisser reprendre. C’est vrai que nous avons dix-sept ans aujourd’hui, je ne me sens pas plus différente qu’avant. Ce n’est pas comme si un petit bonhomme me donnait enfin les clés pour être une adulte. Je suis toujours aussi perdue dans ma vie.
— C’était un beau cadeau celui de Mr et Mrs Weasley, dit-il enfin.
— Oui, j’approuve en faisant quelques pas pour enlever une mauvaise herbe et la jeter au loin.
Mrs Weasley veut que le mariage soit parfait.
— Tu penses à elle ? me demande-t-il.
— Je pense à eux. À toute la bande. C’est drôle, parfois quand j’y pense, mon père, je ne l’ai jamais connu comme avant. Avant d’avoir le deuil. Il a toujours été comme je le connais. A-t-il un jour été insouciant ?
— Je ne pense pas, me dit Harry.
— Ils faisaient des bêtises tous les quatre.
— Oui mais…
— Je sais, il a toujours eu du mal à accepter sa lycanthropie.
Peut-être que pour moi c’est facile parce qu’elle a toujours été là. Ça fait partie de moi, et encore plus depuis que le loup ne me quitte plus.
— Des fois, je me dis que je mourais même avant eux… ils avaient vingt et un. Je n’en ai que dix-sept.
C’est glauque. Mais il sait que ces choses-là, il peut me les dire.
— Oui, peut-être que je vais mourir alors que j’aurais pu faire les championnats du monde de Quidditch.
Il sourit.
— Peut-être que je mourais puceau.
Ma réaction est instantanée, j’éclate de rire. Il rigole avec moi et on finit assis dans l’herbe à se tenir le ventre.
— Ah… Stop ce jeu va me tuer… je déclare.
Il repart dans un fou rire et je ne peux que le suivre.
Mis à part ça, on va bien dans nos têtes.
Dans la journée, j’arrive à avoir un moment seule avec George. Sa blessure est bien cicatrisée, il n’a plus besoin d’un bandage, je dois un peu m’habituer à le voir comme ça.
— Plus de risques de nous confondre, dit-il avec un sourire.
— Ha ha très drôle.
— Tu ne nous confonds jamais.
— Non, encore heureux.
— Tu as déjà eu des doutes ?
— Non.
— Qu’est-ce qui nous différencie ?
— Le regard, dis-je en m’allongeant dans l’herbe. Ta manière d’agir quand tu sais que je suis là. Votre look aussi, tu portes plus de noir que lui.
— Je trouve que ça me va mieux au teint.
J’adore quand il a toujours réponse à tout. J’adore le fait qu’il puisse faire de l’humour sans s’apitoyer sur le fait qu’il a perdu une oreille et donc n’entend rien d’un côté. Je fais d’ailleurs attention à ça, parler plus fort ou du bon côté. Ce n’est pas évident, il m’arrive… eh bien… d’oublier.
— Ça va ?
— Très bien, je réponds.
— Deux jours, n’est-ce pas ?
Je ne sais pas quoi répondre. Est-il triste ? En colère ?
— Tu viendras me dire au revoir ou je dois m’attendre à ce que tu disparaisses d’un coup ?
— Tu préfères quoi ?
Je ne pensais pas qu’il répondrait au tac au tac, mais au contraire, il prend le temps de bien y réfléchir.
— Tu me juges si je te dis que je préfère l’option deux ?
— Je disparais ?
— Oui. Pas de dernier baiser, pas de promesses qu’on ne peut pas tenir, pas de dernière fois qu’on fait l’amour, rien de tout ça. Je préfère profiter dans l’ignorance.
Je crois que je comprends.
— D’accord.
Il se penche vers moi pour m’embrasser.
— C’est peut-être le dernier, dis-je. Attention…
Oui, je suis morbide en ce moment.
— Alors en voilà un autre, fait-il en m’embrassant à nouveau. Et un autre… Tu vois, c’est pas le dernier…
— On ne va pas s’embrasser pendant deux jours…
— Et pourquoi pas…
— J’ai un gâteau d’anniversaire ce soir.
Il rigole.
— Je savais que tu choisirais ton estomac.
— Un gâteau de ta mère ! je me justifie. Ça ne se refuse pas.
Comme pour me donner raison, mon ventre gargouille.
On part alors préparer tout pour le repas de ce soir. Il a ensorcelé des lanternes avec Fred, c’est magnifique, je sais déjà que je vais passer une belle soirée. Mon père vient, accompagné de Dora qui me serre fort dans ses bras.
— Joyeux anniversaire ma belle.
— Merci.
— Tu as passé une bonne journée ?
On s’entend bien, j’aimerais bien pouvoir passer plus de temps avec elle. Apprendre à la connaître, apprendre à vivre dans cette nouvelle dynamique qu’ils installent.
— Ça va ? me demande mon père.
Je chasse l’ombre sur mon visage pour la remplacer par un sourire.
— Très bien. Regarde le superbe gâteau de Mrs Weasley.
Il part lui parler, Mr Weasley se joint à eux, je n’entends pas ce qu’ils disent, mais je devine une émotion similaire à la mienne ce matin.
— Alors, ça y est, vous avez dix-sept ans ? lance Hagrid nous prenant par les épaules avec Harry. Ça fait six ans qu’on s’est vus pour la première fois, vous vous souvenez ?
Pfiou, le retour en arrière.
— Je me rappelle de ce drôle de duo qui m’attendait dans le hall. Madame Firmin ne savait pas où se mettre, je rigole.
— Je me rappelle vaguement de ce jour où vous avez défoncé la porte, où vous avez fait pousser une queue de cochon à Dudley et où vous m’avez annoncé que j’étais un sorcier, dit Harry.
Il se tourne ensuite vers moi.
— Mais je me rappelle ensuite de tes yeux, et comme Hagrid m’avait dit que tu étais une sorcière, je me disais que tu avais bien le look.
On rigole tous les trois.
— J’avais oublié les détails, fait Hagrid. Ça va, Ron, Hermione ?
Il part un peu plus loin, nous laissant tous les deux.
— Alors comme ça tu trouves que je fais sorcière ?
— Oh s’il te plait, ne fais pas ta surprise. Tu sais très bien que tes yeux intriguent les gens.
Peut-être bien oui. Je n’y fais pas attention, mais il a sans doute raison.
— Tu paraissais si frêle dans cet endroit lugubre.
Je ne pense pas qu’il a envie d’entendre qu’il paraissait aussi être bien malheureux. Personne n’a envie qu’on lui rappelle une période misérable. Encore moins quand il y a tant d’injustices et de chagrin sur le chemin.
Hagrid revient vers nous.
— Emy, tu pourras passer avant la rentrée ? J’aurais ton cadeau à t’offrir.
— C’est quoi ? je demande avec un sourire malicieux.
— Oh, tu verras, je ne peux rien dire…
Je meurs d’envie de lui faire cracher le morceau. Il donne son cadeau à Harry, puis il se tourne vers moi avec un clin d'œil.
— Tout ce que je peux dire, c’est que tu étais ma meilleure élève en Soin des Créatures Magiques.
Mes yeux s’écarquillent alors que toutes les possibilités traversent mon esprit.
— Vous voulez m’offrir quoi ? Un croups ?
— Ha ha, tu verras…
Il ne sait pas qu’on ne retournera pas à Poudlard. Ou peut-être pense t-il que je peux repasser avant à l’école. Ce n’est pas le soir où j’ai envie de lui casser sa bonne humeur. On se met à table, et que dire de plus à part que c’est un bon moment ? Les gens sont joyeux, vraiment joyeux pour la première fois depuis le décès de Maugrey. Le cerveau humain est bien fait, on se tourne vers le positif.
Je suis parfois gagnée par des vagues de tristesse ou de nostalgie, difficile à dire. C’est quelque chose qui m’arrive régulièrement quand nous sommes aussi nombreux. George garde toujours le contact avec moi, on se tient la main, on touche l’épaule de l’autre, on pose notre main sur la cuisse de l’autre, et finalement, ça m’aide à ne pas me laisser emporter par la vague.
Je crois aussi qu’on avait tous besoin d’une raison d’être réunis pour passer un bon moment.
La surprise d’anniversaire a été l'arrivée du Ministre de la Magie.
Rufus Scrimgeour est plus grisonnant, fatigué et usé que la dernière fois que nous l’avons vu, en décembre. Il se tient devant le gâteau, nous regarde tour à tour Harry et moi, puis marmonne :
— Tous mes vœux.
— Merci.
— Merci.
— Je souhaiterais m’entretenir avec vous en particulier, poursuit-il. Ainsi qu’avec Mr Ronald Weasley et Miss Hermione Granger.
— Nous ? s’étonne Ron. Pourquoi nous ?
— Je vous expliquerai tout cela lorsque nous serons dans un lieu plus discret. Pouvez-vous m’indiquer un tel endroit ?
Je reste assise, bras croisés.
— Miss Emilynn Lupin, vous êtes également conviée, dit-il un peu embarrassé.
Je n’aime pas qu’il débarque comme ça sans prévenir, qu’il interrompe tout pour ses mystères qu’il ne prend même pas la peine de présenter. On n’est pas à sa merci.
— Désolé d’avoir interrompu votre soirée… poursuit-il.
Et bien, il a beaucoup changé depuis cet hiver pour être comme ça. Il n’aurait pas supporté que je lui tienne tête. En rassemblant toute mon insolence, je me lève et le suit, main dans les poches, air blasé.
Tête à claques, oui, merci, je prends le compliment.
— J’ai des questions à poser à chacun d’entre vous et je pense qu’il vaudra mieux que je le fasse seul à seul. Si vous voulez bien attendre en haut, tous les trois, je commencerai par Ronald.
— Nous ne bougerons pas d’ici, réplique Harry. Vous nous parlerez à tous les quatre ensemble ou pas du tout.
Je soupire. Le Ministre a beau être le Ministre, il m’agace à donner des ordres, pourquoi nous demander de venir si c’est pour nous parler séparément ? Et il croit vraiment qu’on ne va pas se répéter ce qu’il a dit ?
— Très bien, dans ce cas, restons ensemble. Comme vous le savez sûrement, c’est le testament d’Albus Dumbledore qui m’amène ici.
Ah bon ? Je pensais plutôt qu’il savait je-ne-sais-comment que nous partions accomplir la mission de Dumbledore. Je pensais qu’il voulait des informations. Rectification, il veut probablement des informations, mais certainement pas celles auxquelles je pense. On échange un regard tous les quatre.
— Apparemment, il s’agit d’une surprise ! Vous ignoriez donc que Dumbledore vous avait légué quelque chose ?
Hein ? Nous sommes tous les quatre dans son testament ?
— À... À tous les quatre ? À Hermione, Emy et à moi aussi ?
— Oui, à tous les quatre...
— Dumbledore est mort il y a plus d’un mois. Pourquoi faut-il si longtemps pour nous donner cet héritage ?
Ils examinaient son contenu et sa possible signification.
— C’est évident, non ? intervient Hermione. Ils voulaient examiner ce qu’il nous a laissé. Vous n’aviez aucun droit de faire ça !
Pourquoi nous a-t-il légué des biens ? Certainement pas pour faire un cadeau. Ça doit avoir un rapport avec la mission.
— J’avais tous les droits. Le décret sur les Confiscations légitimes donne au ministère le pouvoir de confisquer le contenu d’un testament...
— Cette loi a été créée pour empêcher les sorciers de léguer des instruments de magie noire, et le ministère doit d’abord posséder des preuves que les objets en possession du défunt sont illégaux avant de les saisir ! Vous voulez insinuer que Dumbledore a essayé de nous transmettre quelque chose de maléfique ?
J’aime bien quand elle cloue le bec aux adultes qui nous prennent de haut et qui sont condescendants.
— Avez-vous l’intention de faire carrière dans la justice magique, Miss Granger ?
— Non, pas du tout, répliqua Hermione. J’espère plutôt pouvoir faire un peu de bien dans le monde !
On éclate de rire avec Ron, ce qui nous attire un regard noir.
— Oh, ça va, je réponds. Vous débarquez ici en vous croyant le roi du monde, vous le prouvez une nouvelle fois en vous cherchant des excuses minables avec cette loi, elle a juste été plus futée que vous, c’est tout.
Il hésite à me crier dessus, je connais ce mécanisme, petite, à l’orphelinat, j’étais une pro pour pousser les limites.
— Maintenant vous savez que vous pouvez cesser de nous prendre pour des idiots. Arrêtons de tourner autour du pot, voulez-vous ?
— Pourquoi avez-vous décidé maintenant que nous pouvions recevoir ce qui nous revient ? demande Harry décidé lui aussi à en finir. Vous n’avez pas trouvé de prétexte pour le garder ?
— Non, c’est simplement parce que le délai de trente et un jour est écoulé, répond Hermione. Ils ne peuvent pas conserver les objets plus longtemps à moins d’avoir pu prouver qu’ils étaient dangereux. C’est bien ça ?
On l’assomme de questions, Scrimgeour a le visage fermé, nous ignorant, il se tourne vers Ron.
— Diriez-vous que vous étiez proche de Dumbledore, Ronald ?
— Moi ? Non... pas vraiment... C’était toujours Harry qui…
N’en dis pas plus ! Scrimgeour semble très content de cette réponse, il enfonce un peu plus le clou, Hermione tente de sauver la mise, mais ça ne change pas grand chose. Dumbledore nous a légué quelque chose, à tous les quatre, c’est très étrange.
— « Dernières volontés et testament d’Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore… » Voyons... Ah, voilà... « À Ronald Bilius Weasley, je laisse mon Déluminateur dans l’espoir qu’il se souviendra de moi lorsqu’il s’en servira. »
C’est très cool comme objet, vraiment cool. Mais pourquoi le donner à Ron ? Scrimgeour insiste un peu plus pour comprendre lui aussi, mais Ron n’a pas plus de réponses à lui donner.
— Dumbledore a dû avoir des milliers d’élèves, insista Scrimgeour. Pourtant vous êtes tous les trois les seuls dont il se souvienne dans son testament. Pour quelles raisons ? Quel usage pensait-il que vous feriez de ce Déluminateur, Mr Weasley ?
— Il pensait que j’éteindrais les lumières, j’imagine, grommèle Ron. À quoi ça peut servir d’autre ?
Et bien ça c’est fait.
— « À Miss Hermione Jean Granger, je lègue mon exemplaire des Contes de Beedle le Barde dans l’espoir qu’elle y trouvera de quoi se divertir et s’instruire. »
Le Déluminateur, je pouvais saisir pourquoi. Mais ce livre de contes, non. Ce ne sont que des histoires pour enfants. Hermione est touchée par ce don, elle a les larmes aux yeux, je suis trop loin d’elle pour pouvoir la réconforter, et de toute manière, on est tassés comme des sardines sur ce canapé. Ron y arrive toutefois et ça me réchauffe le cœur de les voir se rapprocher comme ça.
— Pourquoi pensez-vous que Dumbledore vous a laissé cet ouvrage, Miss Granger ?
— Il... Il savait que j’aimais les livres.
— Mais pourquoi ce livre en particulier ?
— Je ne sais pas. Il a dû penser qu’il me plairait.
— Avez-vous jamais parlé avec Dumbledore de codes ou d’autres moyens de transmettre des messages secrets ?
— Bien sûr, je réponds sarcastiquement, on s’est dit que le Sorcier au cœur velu voulait dire qu’on aurait des frites au déjeuner.
Il me regarde froidement.
— Je n’aime pas votre ton Miss Lupin.
— Et moi, je n’aime pas vos questions.
— Votre passé et les erreurs commises par mes prédécesseurs ne vous permettent pas d’oublier à qui vous parlez.
— N’ayez crainte, je ne risque pas de l’oublier, je m’esclaffe.
— « À Harry James Potter, je lègue le Vif d’or qu’il a attrapé lors de son premier match de Quidditch à Poudlard, pour lui rappeler ce que la persévérance et le talent apportent de récompenses et de bienfaits. »
Les questions s’accumulent. Pourquoi léguer un Vif d’or. En souvenir du bon vieux temps ? Non, il doit y avoir une explication.
— Pourquoi Dumbledore vous a-t-il fait don de ce Vif d’or ?
— Aucune idée. Pour les raisons que vous venez de lire, je suppose... Pour me rappeler ce qu’on peut obtenir quand on... persévère... enfin, ce qu’il a écrit...
— Alors, vous pensez qu’il s’agit d’un simple symbole ?
— J’imagine. Qu’est-ce que vous voulez que ce soit d’autre ?
— C’est moi qui pose les questions.
On échange un regard avec Harry. Depuis le début, on pousse Scrimgeour, on cherche sa limite, rester ici et poser ces questions doit être plus important, plus important que se laisser traiter de la sorte.
— J’ai remarqué que votre gâteau d’anniversaire avait la forme d’un Vif d’or. Pour quelle raison ?
On rigole avec Hermione.
— Ça ne peut certainement pas être une allusion au fait que Harry est un remarquable attrapeur, ce serait trop évident. Il doit sûrement y avoir un message secret de Dumbledore caché dans la crème Chantilly.
Je rigole et on se tape dans la main. Elle aussi est agacée, clouer le bec au ministre, ok, se moquer ouvertement de lui, en est une autre.
Les Vifs d’or ont une mémoire tactile. C’est peut-être comme ça que Dumbledore a dissimulé quelque chose. Scrimgeour pense la même chose, il veut que Harry le prenne à main nue, mais peut-il l’obliger à le faire ? Dumbledore était un personnage important, est-ce que son lègue est une affaire du ministre pour autant ?
Harry se penche pour le prendre, nous attendons tous quelque chose, on ne sait pas quoi, mais nous sommes focalisés sur cette petite balle qui brille dans la pénombre.
Les doigts d’Harry se referment sur elle et…
Il ne se passe rien.
— Voilà qui est spectaculaire, dit-il froidement.
Nous éclatons tous les trois de rire. Scrimgeour est furieux, il reprend son parchemin et se racle la gorge avant de poursuivre.
— « À Emilynn Espérance Lupin, je lègue l’épée de Godric Gryffondor, je sais qu’elle aura le courage de la relever afin de détruire tous les obstacles qui se dresseront sur son chemin. »
Je cesse immédiatement de rire. L’épée de Gryffondor ? Pourquoi ? Il ne l’a pas avec lui, son sac est trop petit. Alors où est-elle ? Mais je reviens surtout à ma première question, il m’a léguée l’épée. Pour quoi faire ?
— Où est-elle ? demande Harry.
— Malheureusement, répond Scrimgeour, il n’appartenait pas à Dumbledore de faire don de cette épée. L’épée de Godric Gryffondor est un objet d’une grande importance historique et, en tant que tel, elle appartient au Ministère.
— Elle a été pendant des années à Poudlard, répond Ron. Vous avez décidé soudainement qu’elle avait trop d’importance historique ?
Scrimgeour l’ignore royalement, il se tourne vers moi alors que je peine à reprendre mes esprits.
— Pourquoi pensez-vous que...
— Dumbledore ait voulu me donner l’épée ? je le coupe. J’en sais rien, peut-être pensait-il qu’elle irait bien sur le mur de mon salon ?
— Ce n’est pas une plaisanterie, Lupin ! Était-ce parce que Dumbledore croyait que seule l’épée de Gryffondor pouvait vaincre l’héritier de Serpentard ? Souhaitait-il vous la confier parce qu’il savait que vous seriez avec Potter pour anéantir Celui-Dont- On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ?
— Intéressante théorie, commente Harry. Quelqu’un a-t-il déjà tenté de passer une épée au travers du corps de Voldemort ? Le ministère devrait peut-être envoyer quelques-uns de ses employés étudier la question plutôt que de leur faire perdre leur temps à démonter des Déluminateurs ou à cacher au public les évasions d’Azkaban. C’est donc ainsi que vous occupez vos journées, monsieur le ministre, enfermé dans votre bureau à essayer d’ouvrir un Vif d’or ? Des gens meurent, c’est ce qui a failli m’arriver, Voldemort m’a poursuivi à travers trois comtés, il a tué Maugrey Fol Œil, mais le ministère n’en a pas dit un mot, n’est-ce pas ? Et vous pensez toujours que nous allons coopérer avec vous ?
— Vous allez trop loin !
Il se lève brutalement et les deux sortent leur baguette. On se lève à notre tour, baguette au poing.
— Je pense qu’il est temps de partir, je déclare froidement.
La tension est à son comble, ça s’échange quelques piques, mais il finit par partir. Tout le monde dehors nous regarde avec curiosité. Je retourne m’asseoir et prends une nouvelle part de gâteau.
— Alors ? demande mon père.
— C’est un idiot.
— Emilynn, me reprend Mrs Weasley.
C'est parce que je l’aime bien que je n’insiste pas. Mais je n’en pense pas moins. C’est un crétin, tout comme le Ministère l’a toujours été.
— Il nous a lu le testament de Dumbledore, explique Hermione en tendant son livre. Il m’a légué une édition des Contes de Beedle le Barde.
Les gens se passent le livre pour l’admirer, tout comme le Déluminateur de Ron. Je sens le regard de mon père sur moi. Il ne m’a pas reprise quand j’ai insulté le Ministre, il n’en pense sûrement pas moins.
— Et toi ? Tu as eu quoi ?
— L’épée de Gryffondor.
Il est très étonné, oui, je sais, je ne comprends pas moi non plus.
— Mais il a refusé de la donner, dit Harry avec rage. Il considère que c’est la propriété du Ministère comme c’est un objet historique.
— J’en connais d’autres qui diraient autre chose, marmonne Bill.
Le repas se finit bien malgré cette parenthèse compliquée. Tout le monde finit par rentrer chez soi, ou part se coucher pour ceux qui dorment au Terrier. Je vais dans la chambre de Ron et Harry, on a des choses à dire. Hermione est déjà là.
— On nous entend du couloir ? me demande t-elle.
— Non, rien.
— Parfait.
— Elle a utilisé un sort du Prince, se moque Ron.
Je ne vais pas préciser qu’on l’a déjà fait plus d’une fois à Poudlard pour parler sans que Lavande ou Parvati nous entende.
— Je disais que le Déluminateur éteint la lumière, exactement comme la poudre d’Obscurité Instantanée du Pérou pourrait faire, reprend t-elle. Je ne pense pas qu’il aurait légué cet objet simplement pour nous aider à éteindre la lumière.
C’est une belle remarque. Je l’emprunte à Ron et le teste. C’est super efficace, on dirait un petit briquet, et il capture la lumière. Assez impressionnant je dois dire.
— Tu crois qu’il savait que le ministère confisquerait pour analyse tous les objets qu’il nous a légués ? demande Harry.
— Certainement, répond Hermione. Il ne pouvait nous indiquer dans son testament pourquoi il nous les laissait, mais cela n’explique toujours pas...
— Pourquoi il ne nous a pas donné un indice quand il était encore vivant ? achève Ron.
— C’est Dumbledore.
Tous les trois se tournent vers moi.
— Pensez-y. Dumbledore a toujours tout planifié à l’avance, il savait des choses qu’il ne nous disait pas toujours, juste pour attendre que nous soyons prêts ou que cela cadre avec ses plans.
— Il n’avait pas prévu de se faire tuer par Rogue, réplique Harry.
— Oui, mais il avait peut-être préparé un plan au cas où il meurt.
— Tu veux dire que tout cela va finir par faire sens ? me demande Hermione.
— Oui, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas y réfléchir. La chose qui me paraît la plus simple est le Vif d’or et Harry. Ils ont un antécédent.
— Oui, j'y ai pensé, dit Harry. Je pensais d’abord qu’il allait réagir quand je le prendrais. Mais je n’allais pas trop essayer devant Scrimgeour, non ?
Ça c’est sûr.
— De quoi parlez-vous ?
Hermione et Ron sont confus. Je me rappelle de ce premier match comme si c’était hier.
— Le Vif que j’ai attrapé dans mon tout premier match de Quidditch. Tu te souviens ?
— Celui que tu as failli avaler ?
— Exactement.
Il le colle à sa bouche, puis nous nous penchons dessus, espérant le voir s’ouvrir ou quelque chose. Des lettres commencent à apparaître, je déborde d’excitation, on a une piste, enfin quelque chose qui avance !
« Je m’ouvre au terme. »
Qu’est-ce que ça veut dire ? On réfléchit un peu, mais rien ne nous vient.
— Et l’épée ? dit Ron. Pourquoi Dumbledore voulait-il qu’Emy reçoive l’épée ?
— C’est aussi ce qu’il a dit qui m’interpelle, je réponds. Pour nous tous d’ailleurs, Dumbledore a choisi ses mots avec soin, ce ne sont pas des choses dites au hasard. « Je sais qu’elle aura le courage de la relever afin de détruire tous les obstacles qui se dresseront sur son chemin. » Ça veut dire quoi ?
— Il m’a dit que je pourrais me divertir et m’instruire, reprend Hermione. C’est un vieux livre de contes, en quoi c’est censé me divertir ?
— Ce sont les Contes de Beedle le Barde, je réponds.
Ron approuve d’un hochement de tête, mais les deux autres nous regardent sans comprendre.
— Les Contes de Beedle le Barde, répète Ron. La Fontaine de la bonne fortune... Le Sorcier et la Marmite sauteuse... Lapina la Babille et sa queue qui caquetait…
— Pardon ? dit Hermione avec un petit rire. C’était quoi, le dernier ?
— Arrêtez ! Vous avez sûrement entendu parler de Lapina la Babille...
Bon, reprenons.
— Ok, ok, dis-je. Les contes de Beedle le Barde, c’est comme ceux de Perrault : Le Petit Chaperon rouge, Peau d’âne ou le Petit Poucet… C’est un classique.
— Ouais, ajoute Ron. On dit que toutes les vieilles histoires viennent de Beedle. Je ne sais pas à quoi elles ressemblent dans leur version originale.
Hermione se tourne vers moi.
— Toi tu connais Blanche-Neige et les sept nains ou Cendrillon…
— Qu’est-ce que c’est que ça, une maladie ? demande Ron.
— Oui, je connais, non, c’est une princesse. Une histoire de Perrault justement.
Elle me regarde avec un drôle d’air.
— J’oublis, mais tu as été élevée dans les deux mondes, c’est pratique. Tu as plus de connaissances.
Heu… Oui ?
— Ma grand-mère était moldue, je réponds. Mais oui, mon père me parlait de Boucle d’or comme des Trois frères. Ron a raison, je connais une version orale, je devrais lire la version originale, c’est sûrement plus cru que la version enjolivée de mon père.
— Tu vois ce qui aurait pu décider Dumbledore de me donner ce livre ?
— Non… Non… dis-je en le feuilletant. Ce sont des contes pour enfants, il y a toujours une morale… Mais ça reste des histoires.
Je m’arrête en voyant des petites notes sur les pages.
— Il va falloir qu’on le lise en détail.
Elle le reprend et reste songeuse un instant. Un craquement en bas de l’escalier nous fait sursauter.
— C’est sans doute Charlie qui va se faire repousser les cheveux en douce, maintenant que maman dort, murmure Ron.
— On devrait quand même aller se coucher, répond Hermione. Il ne faudrait pas qu’on se lève trop tard demain matin.
— Tu as raison, approuve Ron. Un quadruple meurtre sanglant par la mère du marié jetterait un froid sur les noces. Je m’occupe d’éteindre.
Je retiens un rire. Il éteint la lumière avec le Déluminateur en un mouvement.
— Bonne nuit.
Ils nous répondent tous les deux, on sort dans le couloir et partons vers la salle de bain.
— Ça va ? me demande-t-elle en mettant du dentifrice sur ma brosse à dent tendue.
— Oui, oui… Je… Je me demandais si Harry connaissait ces histoires. Qu’elles soient moldues ou pas, tu sais avec les Dursley…
— Tu peux essayer de lui en parler si tu en as besoin.
On commence à se brosser les dents.
— Tu sais, dis-je, du dentifrice plein la bouche. Petite, je savais qu’il existait, je me demandais où il était, mais en même temps, c’était normal qu’il ne soit pas là… Tu comprends ?
— T’avais deux ans, tu ne pouvais pas comprendre.
— J’avais compris qu’il n’était pas mort. Mais je ne savais pas pourquoi il n’était pas là.
— Ça devait être perturbant de tout voir chamboulé du jour au lendemain.
— Je ne m’en rappelle pas. J’ai juste ce sentiment de quelque chose qui manque.
Je finis de me brosser les dents.
— Quand je vois qu’il ne connaît pas Beedle le Barde, je me sens gênée d’avoir eu de la chance d’avoir mon père et pas lui.
— Tu ne devrais pas voir les choses comme ça. Vous avez eu votre lot de tragédies, vous avez eu des parcours différents, le plus important est d’être ensemble maintenant.
— Oui, tu as raison…
J’expire un coup et part vers la chambre de George. Fred est parti, sûrement pour rejoindre Angelina. Je me glisse sous le drap, pour me blottir contre George. Il passe un bras autour de moi et m’attire contre lui, ses lèvres reposent quelques baisers au creux de mon cou. Puis il se rendort.
C’est ça que je veux pour plus tard. C’est pour ça que je vais me battre, je ne veux pas perdre ces moments-là. J’en veux plein, à l’infini. Juste me coucher et avoir George qui est là.
Je dors profondément cette nuit-là.