3 novembre 1981
Les quelques rayons de soleil qui étaient là paraissaient bien ironiques pour Remus. Voilà des années qu’ils n’avaient pas eu un beau temps en Angleterre. Et maintenant que la guerre était finie, ils avaient eu trois beaux jours de soleil.
Les derniers enterrements auxquels il avait assisté s’étaient passés sous la pluie et la bruine, dans un froid humide. Cette fois-ci était bien différente, le petit village de Godric’s Hollow paraissait joyeux avec ses arbres colorés de l’automne.
On dévoila la statue, il entendit des applaudissements polis, même quelques reniflements, cela l’agaça encore plus. Tous les sorciers venus pour l’enterrement de Lyra, James et Lily semblaient être des hypocrites. On voulait voir les martyrs, ces derniers morts qui avaient marqué la fin de la guerre. Remus aurait voulu vivre ce moment seul. Leur dire au revoir sans des dizaines de regards dirigés vers lui.
Oh oui, il les sentait ces regards plein de pitié envers le pauvre veuf qui tenait sa fille dans ses bras, sa fille qui avait été témoin de l’événement.
Saleté de voyeurs.
Saleté de guerre.
La statue devant lui ne lui faisait ni chaud ni froid. Elle était cruelle de réalisme, représentant James et Lily se tenant la main, et dos à eux, Lyra, qui avait sa baguette brandie. À leurs pieds, deux bébés, Harry et Emy. L’hommage aurait pu le toucher si la douleur n’était pas si récente, si vive. Là, dans l’état actuel des choses, il voulait préserver sa fille de tout cela.
Le cortège se dirigea vers le cimetière. Il les suivit en dernier, entouré de ses parents qui restaient à une certaine distance de lui. Il appréciait cette intimité, mise à part Emy, voir des personnes était difficile pour lui. Se contrôler surtout.
Parmi les invités, il remarqua Hagrid, Dumbledore, quelques professeurs de Poudlard comme McGonagall, mais aussi Jonathan.
L’inhumation fut un supplice pour lui. Mais il ne pleura pas. Il n’avait plus de larmes. Cela faisait trois jours qu’il ne dormait pas et ressassait les événements de ce triste jour du 31 octobre dans sa tête. Lyra était morte. Il ne l’acceptait pas, mais commençait enfin à réaliser qu’elle ne reviendrait pas, que c’était fini, que oui, c’était injuste, qu’il allait devoir apprendre à vivre avec.
Ou mourir.
La cérémonie aurait tout aussi bien pu être courte que longue, il n’aurait su dire. Le petit souffle d’Emy contre son cou était la seule chose dont il avait conscience, oubliant l’audience autour de lui.
Lyra reposerait dans une tombe juste à côté de James et Lily, c’était bien, non ?
Le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort.
Il resta un moment à méditer devant cette phrase. Elle était profonde. Son « lui » d’avant l’adorait, elle voulait tout dire, tout signifier, la vie surtout. Son « lui » d’aujourd’hui la détestait.
Les larmes revinrent.
Un homme en larmes, son bébé, et ses souvenirs. Voilà ce qu’il restait.
*****
— Bonjour Monsieur Lupin. Mes plus sincères condoléances.
Il ne s’embarrassait plus de faire des efforts de socialisation, il hocha juste la tête, cela suffirait.
— Asseyez-vous, je vous en prie. Désirez-vous un thé ou un café ?
— Non merci.
Il s’assit et remit Emy bien sur ses genoux. Elle avait son doudou lapin contre elle et somnolait sur son épaule. Il ne tentait plus de la poser, il la gardait dans ses bras toute la journée et même le soir. Sinon elle pleurait, ses démons semblaient la rattraper.
Une autre personne était déjà présente dans la pièce. Jonathan Verrier se leva et fit un sourire vers Remus. Sans non plus être chaleureux au vu des circonstances, il était honnête et cela lui fit un peu chaud au cœur.
— Nous sommes ici pour l’ouverture testamentaire de Lyra Irma Black. Une autre personne est citée, mais Sirius Black étant à Azkaban, il est donc considéré aux yeux de la loi comme « retiré » de cet échange.
Remus ne réagit pas, c’était injuste, et il était las de chercher à comprendre ou à se faire entendre.
— Walburga Black s’est présentée à mon bureau hier après l’enterrement. Elle désirait obtenir les effets de sa fille, mais n’étant pas citée dans le testament, ce droit lui a été refusé. De plus, je sais que Lyra a bénéficié avec son frère d’une émancipation anticipée. Je voulais toutefois vous en informer.
Mage Bailey, se tourna vers Remus.
— Cela fait des années que je travaille pour les Black, Monsieur Lupin. D’abord pour Alphard Black, puis pour Lyra et Sirius. Si je peux vous donner un conseil : méfiez-vous de Walburga.
— Merci, je…
Remus se racla la gorge, il se rappelait si bien de ce jour à l’hôpital, peu après la naissance d’Emy. Il se rappelait de l’échange violent entre Lyra et sa mère et surtout de ce profond sentiment de haine contre cette femme. Elle avait laissé sa propre fille se faire violenter, il la haïssait du plus profond de son être.
— J’en ai conscience, merci.
Le Mage hocha la tête avant de sortir un parchemin entouré d’un trait comme s’il avait été brûlé. Le sortilège de protection avait disparu en même temps que Lyra, seul un filin permettait de savoir qu’il avait un jour existé.
— M’autorisez-vous à entamer la lecture ?
Il se blinda et hocha la tête. Le Mage se racla la gorge et commença la lecture.
— Je, soussignée, Lyra Irma Black remettre à ma fille Emilynn Espérance Lupin la totalité de mes possessions en accord avec la loi Black sur l’héritage. Ma fille disposera de son héritage à sa majorité. D’ici là, son tuteur légal, c'est-à-dire, Remus John Lupin, mon mari, dispose d’un droit de jouissance sur mon legs. Je souhaiterais formuler mon souhait qui n’aura aucune valeur légale, je le sais, mais qui saura être entendue par Remus : j’aimerais que Jonathan Verrier puisse continuer à vivre sur la propriété du Roc au vent, en France, léguée par mon oncle Alphard Black, en accord bien sûr avec Sirius Black, mon frère et détenteur à cinquante pourcents du bien. Seule exception, je souhaite que mes bijoux reviennent à ma fille qui pourra en disposer avant sa majorité.
Remus concentrait toute son énergie à écouter et comprendre les paroles du notaire. C’était dur à entendre. Lyra n’avait jamais pensé que tout se finirait aussi tôt, n’est ce pas ?
— C’est quoi la loi Black ? demanda-t-il.
Lyra ne lui en avait pas parlé, ni Sirius d’ailleurs.
— La loi Black sur l’héritage empêche à un Black de léguer à quiconque d’autre qu’un Black ou un Sang-Pur. Ce qui fait que seule votre fille peut hériter de votre femme puisque le sang Black coule dans ses veines. Lyra m’avait contacté pour tenter de retirer cette loi, mais cela impliquait de réunir tous les membres vivants de l’illustre famille Black…
— Compliqué… murmura Remus.
— Oui. Attendez-vous alors à ce que Walburga Black tente de faire blocus sur la décision de Lyra.
Cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Il s’en moquait de l’héritage, si sa fille pouvait obtenir des souvenirs de sa mère qu’elle ne connaîtrait jamais, alors cela lui suffisait. Remus ne dit rien et hocha la tête.
— Bien.
— Voici les bijoux que portait votre femme le jour de sa mort, ils reviennent donc à votre fille.
— Bien.
Il signa les papiers, assura à Jonathan qu’il pouvait continuer à vivre sur la propriété, prit le sachet de bijoux, puis s’apprêtait à partir quand Jonathan l’arrêta.
— Voulez-vous venir vivre en France toi et Emy ?