On marche sur un chemin de campagne que je ne connais pas. Alors que les arbres défilent, je réfléchis à toute allure pour trouver un moyen de s’enfuir. Je ne peux pas croire que ça va s’arrêter là, que tous nos efforts cessent ici. La résistance ne peut pas se finir comme ça.
On arrive finalement devant un grand portail qui mène à une allée bordée d’une haie. Je la reconnais immédiatement. Je sais où nous sommes. Et donc, avec un peu de chance, Voldemort n’est pas ici.
Greyback me prend par le bras et me place devant le portail. Une sorte de visage apparaît parmi les barreaux qui fronce les sourcils en me voyant.
— Ouvrez-nous, et vite.
— Un instant je vous prie.
Quelques secondes à peine et le portail s’ouvre.
— C’est bien ce que je pensais, marmonne Greyback en me poussant devant lui.
Rien n’a changé si ce n’est que c’est plus triste encore, plus terne. Comme si ce jardin lui-même avait dépéri avec la guerre. Pourtant ce n’est pas dans les habitudes des Malefoy de laisser leur parc se détériorer. Ça m’étonne un peu, mais il y a toujours les grands paons albinos qui se baladent.
La silhouette de Narcissa Malefoy se dessine en haut des marches. En me voyant arriver la première, elle s’avance et passe une main sur ma joue. Ce geste me surprend, je ne m’attends pas à ça, pas à de la douceur, ni à de la gentillesse.
— Emilynn, tu es vivante…
Serait-ce du soulagement ?
— Que t’est-il arrivé à la joue ?
— Elle s’est débattu, répond Greyback.
— Merci de l’avoir ramenée, dit-elle froidement.
Elle s’apprête à tourner les talons, pensant que c’était tout, mais Greyback l’arrête.
— Nous sommes venus voir Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom !
Elle se retourne avec tout le dédain dont elle est capable.
— Nous avons capturé Harry Potter !
Saisissant sa chance, il fait avancer Harry à la lumière.
— Je sais qu’il a la tête enflée, madame, mais c’est lui ! intervient Scabior. Si vous y regardez de plus près, vous verrez sa cicatrice. Et là, cette fille, vous la voyez ? C’est la Sang-de-Bourbe qui voyageait avec lui. Il n’y a pas de doute, c’est bien lui, et on a sa baguette, aussi ! Tenez, madame...
Elle ne tend même pas la main pour la prendre, se contentant juste de froncer le nez. Oui, même moi, je ne dois pas être très présentable.
— Emmenez-les à l’intérieur, dit-elle en me regardant dans les yeux. Drago, mon fils, est là pour les vacances de Pâques. Si c’est vraiment Harry Potter, il le reconnaîtra.
Elle connaît déjà la réponse. Je retiens mes larmes de désespoir, ce n’est pas le moment d’abandonner. Il doit bien exister une solution… Je cherche, je cherche, mais sans baguette, c’est compliqué de faire s’échapper trois personnes plus Dean et le Gobelin si je décide de ne pas les laisser derrière nous. En me transformant, je pourrais… Non, non, quand bien même je récupère une baguette, ils sont bien plus nombreux que moi.
— Qu’est-ce que c’est ?
Nous sommes maintenant dans le salon. Lucius vient vers nous, et derrière lui Drago. Il tressaille en me voyant.
— Emy…
Son regard me quitte un instant, je devine qu’il dévisage les visages des autres prisonniers. Il va forcément reconnaître Harry. Je sais qu’ils se sont toujours détestés, mais au point de le jeter comme ça en pâture ? S’il le fait, nous sommes perdus.
— Qu’est-ce qu’elle fait là ? demande Lucius.
— Ils prétendent avoir capturé Potter. Où étaient-ils ? demande-t-elle à Greyback.
— Dans la forêt. Ils avaient une tente. On les a retrouvés car ils ont prononcé son nom.
Drago n’approuve pas, mais le mal est fait. Il fixe maintenant Harry qui a toujours le visage gonflé.
— Alors, mon garçon ?
— Eh bien, Drago ?
— C’est lui ? C’est Harry Potter ?
Pitié Drago, pitié…
— Je ne... Je n’en suis pas sûr…
Je retiens mes larmes à grande peine priant les cieux, Merlin et tous ceux qui passent par là de nous tirer de ce mauvais pas.
— Examine-le attentivement ! Rapproche-toi ! Drago, si nous livrons Potter au Seigneur des Ténèbres, tout sera pardo...
— Allons, j’espère que nous n’allons pas oublier qui l’a vraiment capturé, Mr Malefoy ?
— Bien sûr que non, bien sûr que non !
Ils observent Harry de prêt, je n’ose pas regarder Narcissa ou quiconque dans les yeux. J’ai peur de ce qu’ils pourraient y lire.
— Say his name… It’s a tabou ! me gronde t-elle.
** Dire son nom… C’est interdit ! **
— I know… je marmonne.
** Je sais… **
— Don’t mumble.
** Ne marmonne pas. **
— Sorry…
** Désolée… **
— Where have you been during all this time ?
** Où étais-tu durant tout ce temps ? **
— Away…
** Ailleurs… **
Je ne peux rien lui dire. Même si elle n’est pas une Mangemort, c’est tout comme à mes yeux. Elle pose à nouveau sa main sur ma joue, je n’arrive pas à décrypter son regard. Encore une fois, sa douceur me surprend.
À côté, ils veulent être sûrs d’avoir bien capturé Harry avant d’appeler Voldemort. S’il faut attendre la fin des effets du sort, ça peut nous permettre de trouver un plan en attendant. Du temps, oui, c’est ça, il nous faut du temps.
— Et la Sang-de-Bourbe, alors ? grogne Greyback.
— Attendez, dit brusquement Narcissa. Oui... Oui, elle était dans la boutique de Madame Guipure avec Potter ! J’ai vu sa photo dans La Gazette ! Regarde, Drago, n’est-ce pas cette dénommée Granger ?
— Je... Peut-être... Oui.
— Dans ce cas, celui-là est le jeune Weasley ! s’écrie Lucius. Ce sont eux, ce sont les amis de Potter... Drago, regarde-le, c’est bien le fils d’Arthur Weasley ? Comment s’appelle-t-il, déjà ?
Drago leur tourne maintenant le dos. Vouté, il n’ose plus les regarder.
— Oui. C’est possible.
— Are they Granger and Weasley ? Are you with Potter ?
** Est-ce Granger et Weasley ? Es-tu avec Potter ? **
Elle ose me demander ça !
— Go fuck yourself.
** Allez vous faire foutre. **
Elle me gifle et ça fait bien plus mal que Greyback. Lui, je suis habituée à sa brutalité. Elle, je ne sais pas ce que j’espérais, mais peut-être qu’elle nous épargne. Qu’elle se rende compte de la merde dans laquelle Voldemort nous plonge. Que tout ça c’est mal et qu’il faut y mettre fin.
Je ne sais pas si elle a été un jour proche de ma mère. Je me rends compte que j’ai encore la bêtise de croire que les liens du sang peuvent changer quelque chose. Au contraire, Bellatrix a tué Sirius sans états d’âme.
Cette gifle, je la vis comme une trahison de plus. La même trahison que la petite fille qui avait besoin d’aide, mais que sa tante n’a pas aidé par lâcheté. Je ne lui pardonnerai jamais tout ça.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qui s’est passé, Cissy ?
Je chancelle un peu plus en reconnaissant la voix. En me voyant, Bellatrix s’arrête net.
— Emilynn ! Ma parole, c’est elle !
— Oui, et elle c’est Granger ! s’exclame Lucius. L’amie Sang-de-Bourbe de Potter. On pense que c’est lui ! Ils sont enfin capturés !
— Potter ?
Elle le regarde, mais ne semble pas convaincue.
— Vous lui avez demandé ?
— Elle ne veut rien dire, répond Narcissa.
— Vous lui avez vraiment demandé ?
Bellatrix lève sa baguette, mais Narcissa l’empêche de poursuivre.
— Tu ne peux pas faire ça !
— Laisse-moi ! Si le Seigneur des Ténèbres apprend que nous avons Potter, nous serons à nouveau…
Ses mots s’étranglent dans sa gorge alors qu’elle voit l’épée de Gryffondor à la main d’un des Rafleurs.
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
— Une épée.
— Donnez-la-moi.
— C’est pas à vous, m’dame, c’est à moi, c’est moi qui l’ai trouvée.
Ils ont fait l’erreur de ne pas entrer en totalité. À quatre contre une, ils ne font pas le poids. Je dois admettre que c’est une incroyable sorcière.
— Stupéfix ! Stupéfix !
Même Greyback est forcé de se rendre.
— Où as-tu pris cette épée ?
— Comment osez-vous ? Relâchez-moi !
— Où as-tu trouvé cette épée ? Rogue l’avait fait mettre dans ma chambre forte, à Gringotts !
— Elle était dans leur tente. Je vous ai dit de me relâcher !
Elle le libère d’un coup de baguette. Cependant, il n’est pas assez idiot pour se frotter à nouveau à elle, il est parti se réfugier derrière un fauteuil.
— Drago, fiche-moi toute cette vermine dehors. Si tu n’as pas assez de courage pour les achever, laisse-les-moi dans le jardin.
— Ne parle pas à Drago sur ce…
— Tais-toi ! La situation est plus grave que tu ne peux l’imaginer, Cissy ! Nous avons un problème très sérieux !
Elle se met devant moi.
— Où avez-vous trouvé cette épée ?
Je me mure dans le silence, décidée à ne rien dire. Ça la fait bouillir de fureur.
— Les prisonniers doivent être enfermés dans la cave pendant que je réfléchis à la façon dont il convient d’agir !
— Nous sommes dans ma maison, Bella, tu n’as pas d’ordres à donner dans ma…
— Faites ce que je vous dis ! Vous n’avez aucune idée du danger que nous courons !
J’attends le cœur battant que tout se mette en place. Narcissa les envoie dans la cave, je n’y suis jamais allée, ça va être compliqué de les retrouver…
— Emmenez-les tous, tous sauf... sauf la Sang-de-Bourbe et ma nièce.
Le grognement de plaisir de Greyback me donne envie de vomir.
— Non ! s’écrie Ron. Prenez-moi à sa place, gardez-moi si vous voulez !
Bellatrix le frappe au visage, je mords ma lèvre pour ne pas pleurer.
— Si elle meurt pendant l’interrogatoire, c’est de toi que je m’occuperai tout de suite après. Sur ma liste, les traîtres à leur sang viennent juste après les Sang-de-Bourbe. Emmène-les au sous-sol, Greyback, et enferme-les bien, mais ne leur fais rien d’autre... pas encore.
Puis, à l’aide de sa baguette, elle fait venir des chaînes qu’elle fait s’enrouler autour de ma taille. Immédiatement, je sens que l’air me manque et je tombe à genoux au sol. Ces chaînes sont magiques. Si je pensais pouvoir m’échapper en me transformant, c’est maintenant impossible. Il y a une sorte de sort qui éteint le loup. La violence manque de m’assommer, j’ai des étoiles qui dansent devant mes yeux. Je parviens toutefois à échanger un regard désespéré avec Hermione. Que va t-elle nous faire ?
— Bella, Emilynn n’a rien à voir avec tout ça, tu ne peux pas la traiter comme les autres… s’insurge Narcissa.
— Oh Cissy, épargne-moi tes remontrances. Tu voulais qu’elle aille sur le droit chemin, il fallait le faire quand tante Walburga était encore de ce monde !
— Lyra…
— Ne me parle pas de cette traîtresse !
Narcissa ne dit plus rien. Elle a abandonné une nouvelle fois. Cette fois-ci, je laisse quelques larmes couler. J’ai aucune idée de comment on peut se sortir d’ici, j’ai peur, et je ne veux pas mourir.
— HERMIONE !
On entend Ron crier d’ici.
— Bien. Très chère, maintenant tu vas me dire où vous avez pris cette épée ?
— Dans la forêt, sanglote Hermione. Elle était dans la forêt, on l’a trouvée au fond d’une mare.
— Endoloris.
Je veux lui crier d’arrêter, mais un bandeau m’empêche de parler. J’essaie de bouger, de réussir quelque chose, n’importe quoi, je lutte en vain, les liens se resserrent un peu plus et je finis à sangloter au sol, complètement désespérée alors que j’entends les hurlements de ma meilleure amie.
— Tu mens et je n’aime pas ça. Où l’avez-vous trouvé ?
— Dans une mare ! répète Hermione.
Même traitement.
— Tu mens, immonde petite Sang-de-Bourbe, et je le sais. Vous avez pénétré dans ma chambre forte, à Gringotts ! Dis-moi la vérité, dis-moi la vérité !
Les cris me rendent folle, je ne peux rien faire, pourquoi me fait-elle endurer ça ? Où est le loup ?
— HERMIONE !
C’est Ron qui hurle…. Je veux sortir de ce cauchemar, pitié…
— Qu’est-ce que vous avez pris d’autre ? Qu’est-ce que vous avez emporté ? Dis-moi la vérité ou je te jure que je te transperce avec ce poignard !
Je commence à paniquer par le manque d’air, je sanglote et ne parviens pas à respirer correctement. Et s’ils appellent Voldemort… Mais pourquoi ne nous croit-elle pas ? Je veux sortir d’ici, s’il vous plait, sortez nous d’ici…
— Qu’avez-vous pris d’autre ? Quoi d’autre ? RÉPONDS-MOI ! ENDOLORIS !
— HERMIONE ! HERMIONE !
Bellatrix la lâche enfin. Je suis toujours allongée au sol, incapable de prendre une bouffée d’air. Elle fait glisser le bandeau et me fixe droit dans les yeux avec son regard gris.
— Où avez-vous pris cette épée ?
Je suis incapable de penser à une quelconque stratégie de réponse. La vérité sort toute seule.
— Au fond d’une mare, elle était au fond d’une mare dans la forêt, près d’Humber.
— Comment êtes-vous entrés dans ma chambre forte ? Est-ce que le sale petit Gobelin enfermé dans la cave vous a aidés ?
Elle n’écoute pas. Je suis désespérée, et le pouvoir des chaînes me rend si mal…
— Endoloris !
La douleur me frappe de plein fouet. J’ai mal, j'ai si mal, je ne vois même pas quand elle coupe le sortilège. Ni entends ce qui se passe autour de moi. Je suis juste allongée au sol, à tenter de reprendre le dessus sur mon corps qui souffre.
Je reprends un peu conscience quand un nouveau hurlement horrible d’Hermione retentit. J’essaie d’ouvrir les yeux, je vois flou… Où est le loup ? Je me remets à pleurer.
— Alors ? Cette épée est la vraie ?
— Non. C’est un faux.
— Vous êtes sûr ? Vraiment sûr ?
— Oui.
De quoi ils parlent ? Une épée ? Je referme les yeux et tire contre les chaînes. Je ne sens plus mes mains. Et le loup ? Où est le loup ?
À un moment, je ne saurai pas dire quand quelqu’un me tire en arrière. Il y a des cris, un grand fracas, une main sur mon épaule qui me rassure, et puis, c’est le saut dans le vide.
*****
Le sol est mou et humide. L’odeur… L’odeur c’est celle de la maison. Le bruit aussi. On est à la mer.
— Emancipare.
Les chaînes s’ouvrent et tombent au sol, c’est comme si je prenais une grande bouffée d’air. Je revis… Alors j’ouvre enfin les yeux et me laisse glisser sur le côté pour voir un ciel noir étoilé.
Libre…
Un haut le cœur me soulève et je me mets à vomir de la bile, secouée par des tremblements. Mon corps est en état de choc, le loup surtout. Bouger est impossible pour l’instant, je reprends contrôle petit à petit…
— DOBBY ! Dobby... non... AU SECOURS ! AU SECOURS !
Je tente de me redresser et fini par ramper vers Harry. Cependant, c’est déjà trop tard… Dobby a un poignard dans le ventre et il y a beaucoup, beaucoup trop de sang. On est seuls sur la plage avec un Gobelin inconscient. Où sont Ron et Hermione ? Qui sont les gens qui viennent vers nous ?
Au sol, je reconnais ma baguette, je la récupère alors que les silhouettes sont de plus en plus proches. Si je parviens à faire un Lumos, ce sera exceptionnel, mais jamais je ne me rendrais sans rien faire. À côté, Harry pleure.
Finalement je découvre avec surprise Bill, Fleur, Dean et Luna. C’est un mélange assez étonnant, comment se fait-il qu’ils soient ensemble ? Et Dobby ?
— Hermione ? demande Harry à côté de moi. Où est-elle ?
— Ron l’a amenée dans la maison, répond Bill. Elle se remettra.
Donc nous sommes chez Bill et Fleur ? Les gens parlent, mais je ne comprends rien. Mon corps s’est maintenant mis à trembler, Fleur s’apprête à s’approcher pour faire je ne sais quoi, mais je me recule immédiatement.
— Non… Je dois être seule…
Le loup se réveille, il faut que je m’éloigne d’eux. Je parviens à me lever en titubant, jette un dernier regard à Dobby qui est mort dans les bras d’Harry. Je ne comprends pas ce qu’il fait ici, il y a plein d’éléments qui m’échappent.
Je parviens à marcher jusqu’à la mer, cette vieille amie… Là, j’enlève mon sac et ma veste, retire pull, chaussures, jean et laisse tout en plan pour aller dans l’eau. Elle est glaciale bien sûr, aucune idée du jour ni du mois. Mais ce froid me fait du bien. On est en vie, la douleur part, le mal-être aussi. Je plonge alors la tête sous l’eau et laisse la mer apaiser mon cœur. Le froid m'endors et me réveille à la fois, quand je ressors, je suis grelottante, mais j’ai retrouvé mes esprits.
Une serviette a été posée sur mon tas de vêtements, je m’enroule dedans, range tout dans mon sac et pars à pied vers la lumière qui provient d’une petite maison, plus loin sur le bord de côte. Marcher pieds nus sur la plage sous un ciel étoilé fini de m’apaiser pour de bon. Je suis prête à comprendre ce qui se passe.
Une fois arrivée, je grelotte franchement et Fleur m’oblige à partir prendre une douche chaude et à enfiler un pull.
— Then come back here, you need to eat.
** Et reviens ici, tu as besoin de manger. *
J’obéis et reviens quelques minutes plus tard. Ron est à table cette fois-ci, à parler gravement avec Bill assis en face de lui. Il y a Dean aussi, silencieux à fixer les rainures du bois.
— Elle dort, m’informe Ron.
J’hoche la tête et m’assois à mon tour. Fleur pose un bol de soupe devant moi, l’odeur me saisit sans que je me prépare et je me retrouve soudain à sangloter. Ron prit de court passe un bras autour de mes épaules.
— On est un peu fatigué, dit-il simplement.
— Pas d’inquiétude, répond son frère, le visage tendu par l’inquiétude.
Les larmes finissent par se calmer et je mange ma soupe sans rien dire, le bras de Ron toujours autour de mes épaules. Il raconte ce qui s’est passé depuis qu’il est passé les voir il y a quelques mois. Bien sûr, il ne parle pas des horcruxes, il reste vague, déclarant qu’on avance. Puis il explique les Rafleurs, le Manoir, Luna qui était prisonnière avec Ollivander et finalement j’apprends comment on est sortis de ce bourbier. Tout est grâce à Dobby. Dobby qui est mort.
— Que fait Harry ? demande-t-il quand il a fini.
— Il creuse une tombe. Sans magie.
Du Harry tout craché. Et je le comprends. Se perdre dans le travail physique, noyer le chagrin, tout plutôt que de rester assis avec ses sombres pensées.
— Merci, dis-je d’une voix rauque.
Je me relève.
— Que fais-tu ? s’inquiète Ron.
— Le rejoindre. Tu peux t’occuper d’Hermione ?
— Bien sûr…
Je ressors et marche rejoindre Harry qui est le long d’une haie à faire son trou. Je ne sais pas s’il remarque ma présence, qu’importe, je me transforme et commence à l’aider à creuser. Sous ma forme de loup, c’est facile de se perdre dans ses pensées. Le temps passe, les étoiles font leur balade au dessus de nos têtes et finalement le jour commence à arriver. À un moment, Ron et Dean viennent nous aider, alors on creuse tous les quatre en silence.
À ce rythme là, le trou est rapidement prêt. Harry lui passe son blouson, Ron lui enfile ses chaussettes, je lui donne mon écharpe de Gryffondor, et Dean lui met un bonnet.
Les autres viennent nous rejoindre, je pars directement soutenir Hermione qui est bien pâle dans sa robe de chambre. De l’autre côté, Ron passe un bras au-dessus de ses épaules. On fait front, tous ensemble.
— Il faudrait lui fermer les yeux, dit Fleur.
Harry la laisse faire.
— Voilà. Maintenant, c’est comme s’il dormait.
C’est un moment difficile. On sort d’un cauchemar pour être toujours dans le même mauvais rêve géant. Cet elfe, il a eu une courte liberté, il aurait pu en inspirer tant d’autres. Ce n’est pas un aussi petit enterrement qu' il mérite. On lui doit tous la vie.
— Je crois que nous devrions prononcer quelques mots, suggère Luna. Je vais commencer, d’accord ? Merci, Dobby, de m’avoir arrachée de cette cave. Il est tellement injuste que tu aies dû mourir alors que tu étais si bon, si courageux. Je me souviendrai toujours de ce que tu as fait pour nous. J’espère que tu es heureux, à présent.
Chacun murmure des remerciements. C’est assez inconfortable comme moment. J’aimerais trouver les mots justes, mais c’est un peu une envie idiote pour me distraire de la peine. S’obséder sur quelques mots à la fin, quand finalement c’est toute la vie qui a le plus compté.
Puis, on repart vers le cottage. Je me sens encore sous le choc de tout ce qui s’est passé. C’est le matin, mais on est tous un peu à l’envers. Certains prenant un premier café, d’autres n’ayant jamais cessé d’en boire durant la nuit.
— As-tu des nouvelles de George ?
Ma question, un murmure parmi les cliquetis de cuillères et de boisson qu’on verse dans une tasse installe un grand silence. Bill semble épuisé. Assis dans un fauteuil du salon, il approuve d’un hochement de tête.
— Oui, il tient le coup.
Je fronce les sourcils, ce n’est pas le genre de nouvelles auquel on s’attend.
— Ça a été difficile, complète-t-il.
Oh. Ok.
— Durant la nuit, j’ai été au Terrier, poursuit-il. J’ai été mettre les parents et Ginny en sécurité chez tante Muriel. C’est une chance que Ginny soit en vacances. Si elle avait été à Poudlard, ils auraient pu venir la prendre avant que nous ayons eu le temps d’intervenir. Maintenant, nous sommes sûrs qu’elle aussi est en sécurité.
Debout à l’entrée du living-room, Harry s’est figé en entendant le nom de Ginny.
— Je les ai tous sortis du Terrier, lui explique Bill. Ils sont installés chez Muriel. Maintenant que les Mangemorts savent que Ron est avec toi, ils vont sûrement s’en prendre à la famille... non, non, ne t’excuse pas. Depuis des mois, papa disait que ce n’était plus qu’une question de temps. Nous sommes la plus nombreuse famille de traîtres à leur sang qui existe. J’ai aussi envoyé un message à Remus pour le prévenir que vous êtes en sécurité et qu’il soit vigilant.
— Merci.
— Comment sont-ils protégés ? demande Harry.
Je déconnecte mon cerveau pendant qu’ils parlent. Je me suis tellement coupé de tout, chamboulée par des émotions, que d’en avoir me bouleverse. En huit mois, c’est mon premier contact avec George. Huit mois déjà…
Il faut que je sorte. Je retourne dehors et marche machinalement vers la mer. Assise face à l’océan, le loup et moi retrouvons notre harmonie.
*****
Nous venons de parler à Gripsec et Ollivander. Voici ce que nous avons :
• Nous voulons pénétrer par effraction dans le coffre de Bellatrix Lestrange ;
• Si elle était paniquée comme ça, c’est que quelque chose de plus important que l’épée a été placée ;
• Gripsec va réfléchir à peut-être nous aider.
Et Ollivander :
• Il nous a donné l’origine de chacune des baguettes que nous avons récupérés ;
• Voldemort veut une baguette plus puissante que les autres pour avoir toutes les chances de combattre Harry ;
• Pour lui la baguette de Sureau existe (oui, c’est fou).
On sort de la chambre d’Ollivander avec plein de théories dans la tête. On ne peut pas discuter dans le couloir, alors on sort dans le jardin, allant vers les falaises pour que le vent coupe le bruit de nos conversations.
Harry marche avec difficulté. Avec le temps, j’ai appris à reconnaître quand quelque chose ne va pas. Je pense qu’il a une vision. Qu’il en a plein depuis des heures, mais maintenant que l’adrénaline est retombée, il n’a pas la force de les contrer.
— Gregorovitch possédait la Baguette de Sureau il y a très longtemps. J’ai vu Vous-Savez-Qui essayer de le retrouver. Lorsqu’il y est parvenu, il s’est aperçu que Gregorovitch ne l’avait plus : elle lui avait été volée par Grindelwald. Comment Grindelwald avait-il découvert qu’elle était chez lui, je n’en sais rien – mais si Gregorovitch a été assez stupide pour en répandre la rumeur, ça n’a pas dû être si difficile. Grindelwald s’est servi de la Baguette de Sureau pour accéder à la puissance. Et quand il est parvenu au sommet du pouvoir, Dumbledore a compris que lui seul avait la force de l’arrêter. Il s’est alors battu en duel contre Grindelwald, il l’a vaincu, et il a pris lui-même la Baguette de Sureau.
Je m’assois au sol, tout commence à prendre forme dans mon esprit.
— C’était Dumbledore qui avait la Baguette de Sureau ? demande Ron choqué lui aussi par ces révélations. Mais alors... où est-elle, maintenant ?
— À Poudlard.
— Dans ce cas, allons-y !
— Sauf que c’est déjà trop tard, n’est-ce pas ? je demande doucement.
— Oui, approuve Harry en se prenant la tête dans les mains. Il sait où elle est. Il y est en ce moment même.
— Harry ! s’exclame Ron avec fureur. Depuis quand sais-tu tout cela ? Pourquoi avons-nous perdu tout ce temps ? Pourquoi as-tu parlé à Gripsec en premier ? On aurait pu aller... On peut toujours aller...
— Non.
Il est maintenant à genoux dans l’herbe.
— Hermione a raison. Dumbledore ne voulait pas que la baguette me revienne. Il ne voulait pas que je la prenne. Il voulait que je retrouve les Horcruxes.
— Enfin, quoi, la baguette invincible, Harry !
— Je ne suis pas censé m’en occuper... Je suis censé m’occuper des Horcruxes...
Sa voix s’éteint alors qu’il perd connaissance. On le soulève doucement avec Ron et le monte dans notre chambre. Une fois que c’est fait, on se regarde tous les trois un peu choqués par tout ce qui se passe.
— Je crois que je vais aussi dormir un peu, déclare Hermione, toujours très pâle.
— Oui, repose-toi approuve Ron. Il reste de la potion de sommeil.
Elle en prend un peu, et s’endort alors que nous quittons la pièce.
— On va dehors ? propose Ron.
— Oui, allons-y.
On retourne sur la plage qui est absolument vide.
— On a l’impression d’être seuls au monde, hein ?
Ça le fait sourire.
— C’était comme ça chez toi ?
— La falaise en moins.
— Et comment ça va ?
J’expire un grand coup ce qui nous fait tous les deux sourire.
— Ça fait beaucoup en peu de temps.
— Oui, je trouve aussi, marmonne t-il. Bill n’a pas cessé de me demander ce qui s’est passé, si je voulais lui répondre, je n’aurais pas su quoi dire.
— Je comprends. Le principal est que nous sommes tous les quatre en vie.
— Pour combien de temps… dit-il si bas que je crois l’avoir inventé.
La fatigue me frappe de plein fouet alors je m’allonge au sol et fixe le ciel gris aux nuages qui font la course.
— Hermione va s’en remettre.
— Oui.
— Elle est forte.
— Oui.
— Et toi ?
— Ça va aller Ron.
— Tu ne veux pas en parler ?
— Parce que tu veux en parler ?
Il ne répond pas. Je me relève pour me mettre face à lui.
— Je t’ai entendu l’appeler. J’ai vu les bras autour des épaules et les sourires. Ne fais plus machine arrière par contre s’il te plait. Pas alors que tes sentiments sont si forts qu’on ne peut plus l’ignorer. Parce que là, tu vas lui faire mal, et je ne vais plus vous laisser vous détruire…
Ça me surprend autant que lui la dureté de mes propos.
— Oh… Ok…
On observe la mer en silence et notre discussion s’arrête là. Je ne sais pas si j’ai bien fait de lui parler. Peut-être que j’aurais dû ne rien dire, faire comme d’habitude et les laisser à leurs trucs. Mais non, pas cette fois. Pas quand j’ai vu ma meilleure amie se faire torturer sous mes yeux.
Pendant les jours qui suivent, on remet en cause nos théories et on les décortique. Enfin, surtout Ron et Hermione comme d’habitude. Harry a changé je trouve, ça ne lui ressemble pas de prendre la décision de laisser Voldemort récupérer la baguette de Sureau.
— Mais est-ce qu’il est vraiment mort ?
— Oui, Ron, il est mort, s’il te plaît, ne recommence pas !
— Regarde les faits, Hermione. La biche argentée. L’épée. L’œil que Harry a vu dans le miroir…
— Harry reconnaît que cet œil était peut-être un effet de son imagination ! N’est-ce pas, Harry ?
— C’est possible, marmonne- t-il sans grande conviction.
— Mais tu ne le penses pas vraiment ?
— Non, je ne le pense pas vraiment.
— Et voilà ! Si ce n’était pas Dumbledore, explique-moi comment Dobby a pu savoir que nous étions dans cette cave, Hermione ?
Je ne participe pas à ces discussions. Je me sens seule dans ma tête. La fatigue après ces derniers huit mois se fait ressentir. La seule chose qui me fait tenir est cette perspective de plan qui se dessine avec le Gobelin : dérober Gringotts.
— Je l’ignore... Mais peux-tu m’expliquer comment Dumbledore nous l’aurait envoyé s’il repose dans une tombe à Poudlard ?
— Je ne sais pas, c’était peut-être son fantôme !
— Dumbledore ne reviendrait pas sous la forme d’un fantôme, assure Harry. Il aurait continué.
— Qu’est-ce que tu entends par « continué » ?
Oui, moi aussi j’aimerais savoir, mais Fleur arrive et Harry s’éclipse pour voir le gobelin.
— Vous voulez qu’il accepte ? demande Hermione avec une note d’inquiétude.
— Tu ne veux pas le faire ? je demande.
— Si, mais…
Elle pousse un soupir.
— On se lance encore dans une mission…
Elle ne finit pas sa phrase mais on a compris. Oui, on part dans une mission impossible que personne n’a jamais faite mais que nous on va devoir faire sinon… Sinon on a perdu.
— Eh bien ? nous appelle Harry depuis la maison. Vous venez ?
Ça me fait sourire. On reste une équipe.
*****
Les jours qui suivent, on prépare notre plan. C’est un rythme qui me plaît, j’aime avoir quelque chose à faire, ça me donne une raison de me lever le matin qui est concrète. Nous sommes tous requinqués par le fait d’avoir un lit et un repas chaud tous les jours. En me voyant dans le miroir, j’ai réalisé à quel point j’avais perdu du poids. J’ai l’air d’être un cadavre et ça me permet de me rendre compte que ma fatigue n’est pas juste psychique. Avoir un rythme normal fait un bien fou. C’est simple, on redevient humain.
On ne dit pas ce qu’on a prévu de faire. On garde tout pour nous. Ce n'est pas toujours facile. Bill nous a posé beaucoup de questions au départ, puis Fleur s’y est mise.
— Harry told me you were about to leave.
** Harry m’a dit que vous partiez bientôt. **
Dans ce genre de cas, je ne dis rien, laisse la personne poursuivre car honnêtement sans question, je n’ai rien à répondre.
— You can’t leave, you are safe here! Emy, you can’t be serious…
** Vous ne pouvez pas partir, vous êtes en sécurité ici ! Emy… **
— We have something to do.
** On a quelque chose à faire. **
— I know, but…
** Je sais, mais… **
— So we have to leave. It was already very kind of you to accept us here.
** Donc on doit partir. C’était déjà beaucoup de votre part de nous avoir accueillis. **
— Don’t say that…
** Ne dis pas ça… **
— It is, we are all putting you in danger by being here.
** Si, on vous met en danger en restant ici. **
— We are in the Order, it’s a risk anyway.
** Nous sommes dans l’Ordre, c’est un risque dans tous les cas. **
Je ne cherche pas à discuter le sujet plus longtemps.
Quelques jours plus tard encore, alors qu’avril est arrivé, Ollivander part pour aller chez Tante Muriel afin d’alléger le cottage qui est un peu surchargé. Je meurs d’envie de partir avec eux, juste pour voir George une seule fois…
Alors que Bill et Ollivander sont partis, je m’efforce de manger, tout en gardant un œil sur l’entrée. Fleur est inquiète, je n’imagine pas ce que ça doit être pour elle. À chaque fois que Bill part, elle doit s’imaginer mille scénarios tous plus horribles les uns que les autres.
Il finit par rentrer, et je m’enferme un peu plus. Depuis quelques jours, j'ai des bribes de souvenirs avec George qui viennent me hanter. Comme si c’était un rêve que j’avais eu, ou alors que c’était une autre Emy. Je ne me rappelle même plus de la sensation de sa bouche contre la mienne. Il me manque tellement que j’en ai mal au cœur.
— Ça va Emy ? me demande Hermione.
J’hoche la tête et me lève pour ranger mes affaires dans la cuisine. Je n’ai plus faim de toute manière. Au moment où je pose mon assiette dans l’évier, je remarque une ombre derrière le rideau de pluie qui tombe dehors. Je mets tout de suite la main sur ma baguette alors que la personne toque à la porte.
Tout le monde dans le salon a fait de même. Plus personne ne parle, nous sommes tous prêts à nous défendre s’il le faut. Qui connait cette adresse ? Est-ce qu'un mangemort prendrait la peine de toquer ?
— Qui est là ? demande Bill.
— C’est moi, Remus John Lupin !
Je me tourne vers Harry, le cœur battant. C’est sa voix, je reconnais sa voix. Est-ce bien lui ?
— Je suis un loup-garou, marié à Nymphadora Tonks, père de Emilynn et c’est toi, le Gardien du Secret de la Chaumière aux Coquillages, qui m’as donné l’adresse en me demandant de venir en cas d’urgence !
Je regarde Bill qui acquiesce en silence, c’est bien lui. Il va lui ouvrir et c’est un grand moment de stupéfaction. Il voit d’abord Harry, Ron, Hermione avant qu’il se tourne enfin vers le côté et me voit.
— Emy… Mais… Qu’est-ce… Vous êtes ici ?
J’hausse les épaules incapable de trouver les mots tant ma gorge est serrée. Je suis un peu plantée là, sans savoir quoi faire avant qu’il ouvre les bras et que je me précipite contre lui. Je suis à nouveau une gamine qui retrouve son père, son odeur, ses bras autour de moi… Je me mets à pleurer sans pouvoir me contrôler.
— Là… Là… Tout va bien…
— Pourquoi tu es là ? je demande en me dégageant, le visage en larmes. Il s’est passé quelque chose ?
Et là, il a un grand sourire éclatant.
— C’est un garçon ! Nous l’avons appelé Ted, comme le père de Dora.
Les gens derrière poussent des exclamations de joie tandis que je réalise doucement ce que ça veut dire. Dora a eu son bébé… J’ai un frère… Quand mon père se tourne à nouveau vers moi, j’ai un grand sourire comme je n’en ai pas eu un depuis longtemps.
— Mais c’est merveilleux…
Il éclate de rire et me serre plus fort dans les bras. On reparlera peut-être de notre dispute au Square Grimmaurd, mais pas ce soir. Pas alors que nous célébrons une si bonne nouvelle.
Tout s'enchaîne vite, Bill sort une bouteille, tout le monde trinque, Harry accepte d’être le parrain et tout le monde profite de la joie et de la bonne humeur.
— À qui ressemble-t-il ? demande Fleur.
— À Dora, je crois ; mais elle, elle pense plutôt qu’il me ressemble. Il n’a pas beaucoup de cheveux. Ils semblaient bruns quand il est né, mais je vous jure qu’ils sont devenus roux une heure plus tard. Ils seront sans doute blonds quand je reviendrai. Andromeda dit que les cheveux de Tonks ont commencé à changer de couleur le jour même de sa naissance.
Tout le monde rigole et certains en profitent pour se resservir.
— Bon, d’accord, encore un, dit mon père, radieux. Puis j’y vais.
Il finit par repartir dans la tempête qui secoue la nuit noire. Après ça, impossible d’aller se coucher, nous sommes tous trop excités par la bonne nouvelle. On finit par sortir un jeu de cartes et Hermione nous enseigne le rami. Bill et Harry reviennent un peu plus tard pour se joindre à nous.
— Tu as un frère Emy, s’exclame Harry.
— Et toi tu as un filleul, dis-je, heureuse de nous voir à nouveau réunis par l’univers.
On joue, on rigole, et c’est presque comme si la guerre disparaissait au loin. Une parenthèse dans la tempête. Alors que nous sommes au beau milieu de la nuit, mon père revient avec un petit carré blanc à la main.
— J’ai pris une photo. Tu as le bonjour de Dora et Andromeda.
Je saisis le précieux Polaroïds et admire ce visage parfait d’un petit bébé aux cheveux bleus maintenant. Je sens une immense vague d’amour me submerger. Ce bébé, c’est mon frère.
— Il est si beau…
Ça le fait sourire.
— Je dois rentrer, mais je peux revenir pour qu’on discute ? D’ici une semaine, le temps qu’on se pose avec Teddy, qu’en dis-tu…
C’est dur de revenir sur une dispute avec des mots aussi durs. Reconnaître où on a tort, reparler de choses difficiles…
— Tu sais, on va bientôt repartir. On pourra en reparler quand tout ça sera fini. Je viendrais vous voir.
— D’accord, oui… On fait comme ça…
Je sens qu’il est déçu de savoir qu’on repart aussi vite.
— C’est mieux pour tout le monde…
— Oui, je comprends.
Il ne demande pas où on en est. J’apprécie car je n’aurais pas pu lui dire grand chose. Finalement il me prend dans ses bras et je sens les larmes venir à nouveau.
— Je t’aime, je suis fier de toi, quoi qu’il arrive, toujours.
Autant dire que je ne sèche pas mes larmes de suite.
Quand je me couche ce soir là, j’ai un sommeil sans mauvais rêves, pour la première fois depuis des mois, je me sens enfin reposée. Même Ron le remarque.
— Tu as bonne mine.
« J’ai un frère, » est ma réponse.
*****
L’idée de quitter la Chaumière au coquillage me plonge dans une petite mélancolie. J’essaie de lutter, de ne pas penser aux douches chaudes ou aux repas tous les jours.
On a longtemps hésité entre Hermione et moi pour savoir qui prendrait la place de Bellatrix. Finalement, c’est moi qui vais prendre le polynectar, j’ai plus la froideur Black en moi et l’air hautain qu’elle.
La veille, je m’entraîne à jeter des sorts avec la baguette de Bellatrix qu’on a emmené avec nous. C’est difficile de contenir mon aversion, c’est elle qui a torturé Hermione, puis les parents de Neville, elle qui a tué Sirius, et toutes ces choses qu’on ne sait pas…
Le soir, on se dit au revoir en sachant qu’on ne se reverra pas avant la fin de la guerre. Je suis aussi contente de partir pour échapper à cette ambiance confinée, quitter bientôt Gripsec, me retrouver avec Harry, Ron et Hermione, seuls pour pouvoir parler librement. Cette ruse prévue par les garçons me met mal à l’aise. Je connais mal les Gobelins, tout ça me dépasse un peu.
La nuit est fraîche quand on sort avec Hermione. Elle a la dernière fiole de Polynectar tandis que j’enfile quelques vêtements emportés du Square Grimmaurd qui collent au personnage de Bellatrix. Avant de boire, je prends une profonde inspiration, écoute une dernière fois la mer qui va tant me manquer.
Les émotions de côté, un air froid sur le visage… Il est temps.