— Tenez, fait le professeur Rogue.
Il me tend cette potion immonde qui est devenue mon quotidien depuis plus d’un an.
— On ne peut pas rajouter du sucre ?
Son regard n’incite pas du tout à la conversation, mais en même temps, ce n’est pas lui qui doit la boire pendant une semaine tous les mois !
— Non, cela affecterait ses effets.
— Et des fraises ? Du sirop ? Du chocolat ? Je ne sais pas, un truc bon quoi !
« Tu es une Gryffondor, tu es une Gryffondor » me répétais-je alors qu’il me foudroie du regard. J’en tremblerais presque.
— Vous pourriez m’apprendre à en faire ?
Il hausse un sourcil. L’équivalent d’un fou-rire.
— Buvez votre potion.
Je m’exécute et grimace en tirant la langue quand le goût envahit mon palais. Et en plus, c’est tenace, je sors de mon sac du chocolat qui me permet de masquer un peu le goût.
— C’est vraiment infâme.
— De rien.
— Merci.
Il me regarde, espérant sans doute que je parte maintenant que j’ai bu ma potion.
— Alors ?
Je sais, je joue avec ses nerfs.
— Quoi ?
— Vous ne voulez pas m’apprendre à la faire cette potion ?
— Elle est bien trop compliquée. Peu de personnes savent la faire.
— Sauf vous.
Le compliment ne le fait même pas réagir. Tout du moins, en apparence.
— Partez d’ici, j’ai du travail.
À vos ordres capitaine.
*****
— Venez, on s'en va, déclare Harry.
On échange un regard soulagé avec Ron. Ouf, cette soirée de morts était affreuse. Entre la musique, les odeurs de nourriture moisie, et Peeves, je ne suis pas mécontente de repartir.
— Peut-être qu'il restera encore du gâteau, dit Ron.
— Oh oui ! De la tarte au potiron.
— Miam.
Il me tape dans la main, on fait équipe sur ces sujets-là. On prend la tête de notre groupe, nous hâtant vers l’escalier qui mène au rez-de-chaussée, guidés par nos estomacs affamés.
— Harry, qu'est-ce que...
Hermione derrière nous, regarde Harry qui s’est figé en chemin, le regard tourné vers le mur.
— C'est encore cette voix. Taisez-vous...
Je tends l’oreille, tentant d’entendre quelque chose, un bruit, un murmure, une phrase, pourtant, même avec mes capacités de loup-garou, la seule chose que j’entends est un sifflement.
— Écoutez !
Je me tourne vers Ron en hochant la tête. Il me répond en faisant le même signe, et Hermione fait de même. Ok, c’est bizarre. Aucun de nous ne semble entendre quoi que ce soit, à part Harry.
— Par ici ! s’écrie Harry en courant vers le hall.
— Harry, qu’est-ce que… demande Hermione qui est toute aussi inquiète que moi.
— Chut !
On n’entend rien avec le brouhaha qui s’échappe de la Grande Salle.
— Il va y avoir un meurtre !
Cette fois-ci, c’est plus de l’inquiétude, c’est de la peur. De quoi parle t-il bon sang ! Il part en courant dans les escaliers. On n’a pas le choix, on doit le suivre, je me retiens de lui demander de quoi il parle, il ne nous écoute pas, quelque chose se passe et on est totalement impuissants. Je déteste ce sentiment.
— Regarde ! crie Hermione devant moi.
Je la suis dans un couloir et ce que je vois me glace d’effroi.
LA CHAMBRE DES SECRETS A ÉTÉ OUVERTE.
ENNEMIS DE L'HÉRITIER, PRENEZ GARDE.
Oh… Merde.
*****
Je crois Harry. Vraiment. Mais depuis qu’on a retrouvé Miss Teigne, mon cerveau essaie de trouver une explication logique au fait qu’Harry ait entendu quelque chose qui allait se produire alors que nous non. On était avec lui ! Comment est-ce possible ?
Je ne comprends pas.
On est tous un peu perturbés, Harry pour commencer, puis Ron, Hermione et moi qui le soutenons sans trouver ce qui nous échappe. Ginny aussi est perturbée, d’habitude, il nous arrive de manger ensemble avec les Weasley, les dimanches par exemple, mais depuis l’incident, elle est livide et se tient à distance de nous. J’aimerais la réconforter, mais même les blagues de Ron n’ont aucun effet sur elle.
J’en parle un peu aux jumeaux qui me disent de ne pas m’inquiéter.
— Elle est jeune, c’est sa première année, c’est normal que cette histoire de chambre des secrets l’inquiète.
— Vous connaissez quelque chose sur cette chambre d’ailleurs ?
Il échange un regard qui me laisse sceptique. Ils me cachent quelque chose.
— Non, jamais vu ou entendu parler d’un tel endroit.
Ils sont honnêtes, alors je me joins à Hermione pour chercher à la bibliothèque des indices sur cet étrange message. S’il faut lire tous les livres de cette bibliothèque pour avoir une réponse, je le ferai.
*****
— Tu crois qu'on n'a rien de mieux à faire en cours de potions que d'écouter Rogue ? grommelle Ron.
La remarque de Ron me fait sourire.
— Le Polynectar permet de prendre l'apparence de quelqu'un d'autre. Réfléchissez un peu ! On pourrait se transformer en quatre élèves de Serpentard sans que personne ne sache que c'est nous. Malefoy nous dirait sûrement tout ce qu'on veut savoir. Il doit passer son temps à se vanter dans la salle commune des Serpentard.
— Tu as raison, dis-je. On va faire du Polynectar, on espionne et on voit si c’est Drago derrière tout ça.
Harry et Ron semblent moins confiants.
— Il ne nous reste qu’à trouver ce livre, Potions de grands pouvoirs.
— La Réserve ? dis-je.
— Pourquoi pas ?
J’hoche la tête. Ça me va.
— Et comment on obtient ce livre ? demande Harry.
— Il faut qu’un professeur nous fasse une autorisation écrite.
— Difficile de faire croire qu'on a besoin de ce livre si ce n'est pas pour fabriquer une potion, dit Ron.
— Si on fait semblant de s'intéresser uniquement à la théorie, on aura peut-être une chance, répond Hermione.
— Aucun prof ne croira jamais ça. Il faudrait vraiment qu'il soit idiot !
— Et Lockhart ? propose-je.
Ils me regardent un instant avant qu’un sourire ne fende le visage d’Hermione et Ron.
— Mais oui !
— Oh non… soupire Harry.
— À toi, il dira oui.
— Pas lui…
— C’est notre seule chance, dis-je en joignant les mains.
Hermione et Ron m’imitent en faisant de grands yeux innocents. Harry finit par éclater de rire en nous repoussant.
— Hermione a tout autant de chances que moi. Qu’elle soit intéressée par des potions hors programmes est plus crédible.
— Oui, toi pas du tout, dit Ron, ce qui nous fait tous rire.
*****
On n’aurait pas dû aller tous les quatre chercher le livre. Mrs Pince nous regarde suspicieusement comme si la signature de Lockhart était fausse. Ron a raison, c’est vraiment un parfait crétin, n’en déplaise à Hermione.
— Les Potions de grands pouvoirs ?
Je fais la mine la plus innocente possible face au visage imperméable de Mrs Pince.
— Je voudrais bien le garder.
— Ça suffit. Ce ne sera pas difficile d'avoir un autre autographe. Lockhart signe tout ce qu'il trouve.
Je me retiens de pouffer de rire, Hermione lâche le billet, ce qui satisfait Ron. Il ne porte vraiment pas Lockhart dans son cœur depuis l’épisode des lutins. On attend patiemment que la bibliothécaire revienne avec le livre, puis nous nous dirigeons vers les toilettes de Mimi Geignarde.
— Vous êtes sûre que c’est tranquille là-bas ? Demande Harry.
— Tu nous as déjà vues aller aux toilettes dans celles-ci ? répond Hermione.
— Non.
— Tu as ta réponse.
J’y suis allée une fois en première année, je n’ai jamais renouvelé l’expérience.
— Elle est pas si terrible, dit Ron.
— Attends de passer plus de deux minutes avec elle, dis-je.
La dernière fois, Peeves l’avait fait fuir, ça ne comptait pas.
*****
— Emy, tu dors ?
— Non, viens.
J’entends des bruits de draps repoussés, puis Hermione qui s’approche pour se faufiler dans mon lit avec moi. Elle retire les rideaux derrière elle, nous protégeant des oreilles indiscrètes de Lavande et Parvati.
— Tu crois qu’on va y arriver ?
Elle parle du Polynectar. Je comprends son inquiétude, je la partage même. En lisant la liste des ingrédients et les consignes, j’ai moi aussi beaucoup hésité. Mais avons-nous vraiment le choix ? Nous devons trouver l’héritier de Serpentard, c’est hors de question que les enfants de moldus soient renvoyés.
— Tu veux dire si on va réussir à faire cette potion sans nous changer en crapaud pour le restant de nos jours ?
— Arrête c’est pas drôle…
Malgré elle, un sourire fend son visage.
— On va y arriver, affirmés-je confiante. On va s’en tenir au protocole, si on le suit à la lettre tout ira bien.
Elle hoche la tête, son inquiétude n’est pas entièrement partie, ce n’est pas grave.
— « Le doute est une force. Une vraie et belle force. Veille simplement qu’elle te pousse toujours en avant. »
— Mmmh, c’est vrai.
Mon père me disait ça. Je ne pensais pas la redire le jour où je m’apprête à enfreindre je-ne-sais-combien de règles pour faire une potion hautement dangereuse.
Hermione me tend un parchemin où on a recopié les instructions. Je commence déjà à la connaître par cœur à force de la relire.
— On peut se répartir les ingrédients à récupérer.
— Je m’occupe de ce qu’il y a dans la réserve de Rogue.
Trop soulagée que je m’en charge, elle ne remarque pas mon trop grand enthousiasme. C’est tant mieux. Quand j’ai vu que le sisymbre devait être cueilli à la pleine lune, j’ai paniqué. Je peux certes me contrôler pour rester humaine, mais pas au point de faire la cueillette en gambadant gaiement.
— Ok, je m’occupe du sisymbre, et je vais voir ce qu’on peut obtenir sans en piquer à Rogue.
— Super.
— Et, pour demain, tu surveilleras Harry, hein ?
— Je dois jouer aussi, dis-je. Je ne peux pas le surveiller tout le temps.
— Emy, on s’en fout du match. Et si quelqu’un s’en prenait à lui ?
— C’est tellement peu courant, répondis-je ironiquement. Je ne vois pas de quoi tu parles.
On rigole ensemble tout doucement pour ne pas réveiller les filles.
— Oui, je ferai attention à lui, promis-je.
Elle se laisse retomber contre l’oreiller, soulagée d’avoir abordé tous les sujets compliqués. Avec Hermione, les choses sont simples. On ne se dispute jamais vraiment. Si seulement je pouvais être entièrement honnête avec elle et tout serait parfait.
On finit par s’endormir, elle paisiblement, moi rongée par les remords.
Je suis fatiguée des mensonges.
*****
— Les Serpentard ont de meilleurs balais que nous, il ne servirait à rien de le nier. Mais nous, nous avons de meilleurs joueurs sur nos balais. Nous sommes beaucoup mieux entraînés qu'eux, nous avons volé par tous les temps et nous allons leur faire regretter le jour où ils se sont vendus à ce petit détritus de Malefoy. C'est toi, Harry, qui devras leur montrer qu'il ne suffit pas d'avoir un père riche pour être un attrapeur digne de ce nom. Saisis-toi du Vif d'or avant Malefoy, donne ta vie pour cela si c'est nécessaire, Harry, car aujourd'hui, il faut absolument que nous remportions la victoire, il le faut.
— Sans vouloir te mettre la pression, Harry, dit Fred en lui adressant un clin d'œil.
Je fais un grand sourire à Harry pour le détendre. Pas de pression, il n’est pas non plus question de vie ou de mort. Enfin un peu. Ça m'embêterait que les Serpentard gagnent, ils seraient insupportables.
On se dirige vers le terrain en tentant tous plus ou moins de chasser la boule de stress logée au creux de nos estomacs. J’échange un sourire avec George, j’adore ces moments pré-match, malgré la tension, j’adore la cohésion de l’équipe, l’atmosphère de préparation.
J’enfourche mon Étoile Filante et m’envole sous l’immense clameur qui monte des tribunes. C’est la folie, le public est déchainé. Mrs Bibine siffle un coup et le jeu commence. C’est Adrian Pucey qui a le souafle, avec les filles, on vole pour le récupérer, j’évite un cognard envoyé dans sa direction par George quand celui-ci change de trajectoire et retourne vers… Harry. Je l’évite de justesse, faisant une pirouette pour ne pas me le prendre et tomber.
Je tente de revenir sur le jeu, Angelina a récupéré le souafle, le passe à Katie, elle vole avec, je la suis de près, parée à ce qu’elle me fasse une passe. Sauf que Flint débarque à toute allure et récupère le souafle sans qu’on ait pu faire le moindre geste.
— C’est leur balai, râle Katie qui fait demi-tour pour le suivre.
C’est peine perdue. Il est déjà à l’autre bout du terrain et vient de marquer que nous ne sommes même pas à moitié chemin. Les deux buts suivants sont aussi durs à accepter. Ils jouent violemment, n’hésitent pas à nous foncer dessus au risque de nous faire tomber de nos balais. Ce n’est pas interdit, mais ce n’est pas franchement ce que j’appelle un beau jeu.
Pucey a le souafle, je fais une feinte qui le fait hésiter une seconde. Une seconde de trop, j’en profite pour récupérer la balle et vole vers les buts, les deux autres poursuiveurs sont sur moi, Angelina est dégagée, je lui fais une passe, elle est près des buts, elle va marquer et…
Un cognard débarque de nulle part et manque de la faire tomber. Elle lâche le souafle. Sous la surprise, nous prenons du temps avant de réagir, les Serpentard en profitent pour marquer un nouveau but.
Je risque un coup d’oeil vers Harry. La saleté de cognard continue de le suivre, ce n’est pas normal.
Le match continue tout aussi difficilement. C’est impossible de vraiment jouer, on doit tout le temps faire attention au cognard (l’autre étant avec Harry), les Serpentard ne font rien dans la demi-mesure nous fonçant dessus à toute vitesse, je ne cesse de surveiller Harry du coin de l’oeil, et en plus, il pleut.
— Serpentard mène par soixante points à zéro, finit par annoncer Lee.
Je suis distraite, je n’arrive pas à me concentrer. Les jumeaux sont pourtant avec Harry, mais c’est tellement étrange le comportement de ce cognard…
Mrs Bibine siffle la mi-temps, je soupire de soulagement. On se rejoint tous vers les buts de Gryffondor, on se fait tellement huer que Dubois est obligé de crier.
— Qu'est-ce qui se passe ? On est en train de se faire écraser. George, qu'est-ce que tu fabriquais quand le Cognard a empêché Angelina de marquer ?
Il lui explique la situation. S’ils sont tous les deux à protéger Harry, c’est sûr, que nous, on a aucune chance. Je me doute de ce qui va suivre…
— Alors, dit Harry. Occupez-vous des autres joueurs, je me charge du Cognard fou.
— Arrête, c’est ridicule, dis-je.
— Ne sois pas idiot, ajoute Fred, il va t’arracher la tête.
Angelina se joint à nous. Je comprends Dubois, il ne veut pas déclarer forfait pour ne pas perdre le match, mais c’est pourtant évident que c’est très louche ce cognard ! Un accident va finir par arriver. Mrs Bibine arrive, interrompant nos échanges.
— Prêt à reprendre le match ?
Dubois jette un coup d'œil à Harry qui parait toujours aussi déterminé.
—Oui. Fred et George, vous avez entendu Harry ? Laissez-le se débrouiller tout seul avec les Cognards.
Je lâche un profond soupir. C’est dans ces moments que je considère que gagner à aucune importance. Je m’en moque de ce que dit Dubois. Si je vois que ça ne va pas, je vais rejoindre Harry et l’aider. Tant pis si Serpentard marque des buts.
On repart sur une pluie encore plus forte. Je suis trempée, mais ne ressens pas le froid, l’adrénaline fait son travail. Le match reprend, et c’est tout aussi difficile de se démarquer des Serpentard. On a beau avoir une bien meilleure technique, et plus les cognards à se préoccuper, ils n’en restent pas moins bien plus rapides que nous sur leurs balais. Ils sont aussi bien plus souples que nous, ils peuvent se permettre de faire des changements de direction à la dernière minute. Je peine avec mon Étoile Filante à les suivre et rester à leur hauteur.
Au loin, je vois Harry virevolter dans les airs pour éviter le cognard. Drago lui crie quelque chose, mais avec la pluie, impossible d’entendre. Soudain, Harry se fige et le cognard en profite pour le taper de plein fouet. Je me rue vers lui, poussant au maximum ma vieille Étoile Filante.
Fait étonnant, Harry fonce maintenant sur Drago, le cognard se dirige à nouveau vers lui. C’est difficile de distinguer quoi que ce soit à travers le rideau de pluie. La foule est en délire. Je ne comprends rien.
Mais…
On a gagné ?
Je rejoins Harry qui est allongé dans la boue, les autres arrivent en même temps que moi, on se penche sur lui alors qu’il tend le bras vers nous.
— On a gagné…
Et il s’évanouit. Je tends la main au moment où il lâche une petite balle dorée. Le vif d’or !
— On a gagné ! répétais-je.
— Hein ?
Dubois, me regarde avec un air ahuri. Tout comme les autres de l’équipe. Mrs Bibine arrive en courant, sous les cris de la foule, qui n’a absolument pas compris ce retournement de situation.
— Il a eu le vif d’or !
— Putain, mais avec cognard qui lui a foncé dessus, je ne pensais pas que…
— Fred, attention à ton vocabulaire !
— Avec le match qu’on vient de se taper, je peux me permettre de jurer bordel.
— On a gagné, putain, on a gagné !
— Fred !
— Quelqu’un peut m’expliquer ce qui se passe ?
— Tu vois Angelina, Dubois aussi il jure.
— C’est pas une raison !
— Attention le cognard ! crie-je.
— Couchez-vous !
On obéit et nous nous ruons au sol à même la boue pour permettre aux jumeaux de bloquer ce maudit cognard. Mrs Bibine arrive sur ce fait accompagnée de… Lockhart.
Oh non, pas lui…
*****
On célèbre la victoire du match dans la salle commune. Enfin, les autres célèbrent, moi, je rumine. J’ai mal joué, je suis frustrée et je suis saoulée d’être frustrée alors que je devrais être en train de célébrer. Bref, je tourne en rond. Hermione et Ron sont comme moi, perturbés par les derniers événements. Harry a eu de la chance, ce cognard aurait pu le tuer.
Drago aurait fait ça ? Je ne parviens pas à y croire.
— Les cognards sont censés être protégés des maléfices, non ? répète Hermione.
— Oui, soupire Ron.
— Alors comment Malefoy a pu réussir à le trafiquer ?
— Aucune idée.
Elle soupire à son tour. On reste dans notre coin pendant que les autres improvisent une petite fête, mais elle ne dure pas longtemps. Le match n’était pas si incroyable, Harry manque à l’appel, et on est tous à bout de nerfs. Les gens partent se coucher, un à un. Hermione se lève et se tourne vers moi.
— Tu viens ?
— Vas-y, je te rejoindrais.
— Bonne nuit alors.
— Bonne nuit.
J’aimerais bien rejoindre Harry, ne pas le laisser tout seul pour la nuit. Traverser le château de nuit, sans se faire repérer par Rusard serait déjà un exploit, et puis il faudrait que je parvienne à entrer dans l’infirmerie. Je doute qu’un simple Alohomora fonctionne. Ah, mais il n’y a plus Miss Teigne. Peut-être que traverser le château sera plus aisé…
J’hésite sur la démarche à suivre quand George s’assit à côté de moi sur le canapé. On est encore tout boueux du match, mais ni l’un ni l’autre ne nous en préoccupons. La chaleur du feu qui crépite est réconfortante, j’aime bien les gros fauteuils de la salle commune. On pourrait se perdre dedans et y dormir à jamais.
— Ça va ?
Je sors de mes pensées, pour me tourner vers George. Son regard noisette est posé sur moi, je détourne le regard un peu gênée.
— Oui, oui.
— Pas vraiment.
Ça me fait sourire qu’il sache quand je mens.
— Non pas vraiment, j’ai mal joué, je n’étais pas là pour Harry, je me sens…
Je cherche les mots. Il n’y a pas que ça. Il y a aussi l’ultimatum du ministère qui me tracasse beaucoup. J’ai très envie de revoir mon père. Mais le ferais-je au détriment de mes amis ?
— Je me sens impuissante et je n’aime pas ça.
Je croise les bras autour de mes genoux que j’ai ramenés contre moi. George passe un bras au-dessus de mes épaules sans me toucher.
— Je peux ?
J’hésite. Je sens la Bête au fond de moi, ça me fait un peu peur et d’un autre côté…
— Oui.
Il pose son bras autour de mes épaules, on est si proche, je ne sais plus quoi dire, j’en oublie même de respirer. J’inspire et expire calmement pour ne pas faire une apoplexie. Ce moment serait franchement moins sympa sinon.
— Ils te posent beaucoup de questions ? demande t-il tout bas.
— Non, pas tellement. Je sens qu’ils en parlent parfois entre eux, mais ça reste rare. L’année dernière, c’était plus facile de leur cacher la vérité, mais on devient si proches, je passe mon temps avec eux et parfois des choses m’échappent…
Il ne dit rien, sa présence calme et silencieuse à mes côtés me rassure.
— L’autre jour, ils m’ont encore demandé quand était mon anniversaire.
— Tu ne veux pas leur dire ? C’est juste une date.
— Non, je ne veux pas prendre de risque. Et s’ils me demandent le nom de mes parents ? Puis s’ils connaissaient ceux de Harry ? Qu’ils étaient amis ? Je ne peux pas autant leur mentir…
— Je comprends.
Le feu crépite un peu plus fort que d’habitude, nous faisant sursauter. On échange un regard avant de rigoler.
— Quels Gryffondor nous faisons… se moque t-il.
— On devrait retourner affronter des cognards fous furieux.
— Absolument.
Contrôler la Bête n’est pas si difficile. Quand la pression devient trop grande, je pense à autre chose, et le calme revient. Alors je répète la liste des ingrédients du polynectar ainsi que le protocole. Plutôt efficace pour distraire l’attention.
— Emy, et moi, je peux te poser des questions ?
— Oui, bien sûr.
— Comment… Tu n’es pas obligée de répondre si tu ne veux pas. Je me demandais juste comment c’était pour toi avec… ta condition. Tu l’es depuis ta naissance. À quel moment ça s’est manifesté ? À moins que ça ait toujours été là.
Je fais tourner ma baguette entre mes doigts, ça me fait bizarre d’en parler. J’ai majoritairement été seule avec ça.
— Petite, il parait que je ne dormais pas beaucoup, que lors des pleines lunes, c’était pire. Quand j’ai grandi, j’ai beaucoup parlé à mon père de tout ce que je ressentais au fond de moi. La Bête. C’est comme ça que je l’appelle. C’est mon père qui m’a appris à la maîtriser.
— Tu sais à quel âge il a été mordu ?
— Quatre, cinq ans.
— Oh… C’est jeune.
— Oui et lui, il se transformait. Moi, j’ai eu ma première transformation vers mes neuf, dix ans.
On parle tout bas au cas où quelqu’un arrive. On l’entendrait arriver, mais on ne veut pas prendre de risques.
— Ces cicatrices que tu as… C’est ça ? Ce sont les transformations ?
J’hoche la tête avant de désigner la grande sur mon avant-bras.
— Elle non.
Je n’en ai pas tellement de cicatrices. Une petite dizaine éparpillée sur mon corps. Je me rappelle vaguement du visage de mon père, je me rappelle qu’il en a sur le visage. On ne peut pas le manquer. Moi, mis à part la grande sur mon avant-bras, on ne les remarque pas, c’est discret.
— C’est impressionnant, dit-il.
Devant mon air étonné, il poursuit.
— Je veux dire que…
Il cherche ses mots, rougit un peu et finit par retirer son bras pour se lever, faire trois pas, se rasseoir.
— Tu sais que je suis en train de tomber amoureux ? murmure t-il.
Mon cœur bat la chamade et je dois inspirer calmement avant de répondre.
J’aimerais lui dire que moi aussi. Qu’en fait non, je l’étais déjà avant. J’aimerais l’embrasser, lui tenir la main, parler avec lui des heures.
Ne plus avoir peur.
— Tu ne me connais pas. Ni toi, ni personne.
Il me sourit doucement.
— Justement Emy, je crois que je commence à bien te connaître.
— Tu ne sais pas… Tu ne te rends pas compte à quel point je suis dangereuse.
— Je m’en moque des risques.
— Tu ne peux pas dire ça.
L’idée me parait au-delà de l’imaginable. Être un loup-garou, c’est une malédiction. Il n’a pas quitté son sourire, ses yeux pétillent de malice et quand il se tourne vers moi, je sens mon corps devenir tout mou. Même la Bête a déserté.
— Qu’est-ce que je peux faire pour te prouver que j’en ai rien à faire de tout ça ? Que c’est toi qui me plais, que le reste ne me fait pas peur, au contraire, ça me donne envie de tout défoncer… Pour toi.
Il inspire calmement et se tourne vers moi, il a un peu de boue dans les cheveux. Il en a aussi sur le visage qui se mêle avec ses taches de rousseurs. C’est craquant. Je ne dois pas être dans un meilleur état que lui, j’ai encore de la terre sous les ongles et mon pantalon écru ne l’est plus vraiment.
Moi aussi, j’aimerais tout défoncer pour lui.
— Moi aussi, je…
Je m'interromps. Pourquoi est-ce si dur de parler et d’aligner trois mots cohérents ?
— Pour bloquer la transformation, je pense à plein de choses qui me donnent suffisamment de force et de volonté…
Il devine où je veux en venir, il se saisit de ma main et caresse la paume distraitement avec son pouce.
— Tu penses à moi ?
Sa remarque me fait sourire. Oui, évidement. J’hoche la tête doucement, son sourire à lui s’élargit.
— Je suis flatté.
— Mes félicitations, marmonnés-je ce qui le fait rire.
— Dis Emy ?
— Mmmh.
— Je peux t’embraser ?
— Je ne sais pas si je suis prête pour ça, souffle-je tout bas.
— La Bête ? demande t-il tout aussi bas.
J’hoche la tête. Mon coeur bat toujours aussi fort, j’oublie toujours autant de respirer parfois, mais en même temps…
— En même temps, elle n’est pas là en ce moment…
— Elle est partie faire un tour ?
Sa remarque me fait rire. Oui, c’est étrange, une Bête vit au fond de moi et part faire des tours. L’image nous fait rire tous les deux.
— Donc ça veut dire oui ? reprend t-il sans se départir de son sourire.
— Ça veut dire oui.
— Alors permettez-moi de vous embrasser Miss Emilynn…
Il s’approche, je ferme les yeux alors que nos lèvres se frôlent.
Qui croit aux âmes soeurs ? Aux princes charmants et autres fariboles qui nous promettent monts et merveilles ?
Définitivement pas moi avant que je rencontre George.
La douceur avec laquelle il m’embrasse me retourne complètement. Je ne peux pas ignorer toute l’affection qui se dégage de ce baiser, mais surtout l’amour. Se sentir aimée comme cela est un sentiment grisant, le temps s’arrête, tout ce qui m’entoure cesse d’exister. Seul réside George, ses lèvres, mon cœur qui bat la chamade et nos âmes retrouvées.