Quand je vois mon père, je ne peux pas être triste et ressasser le passé. On s’enfermerait dans nos souvenirs. Au lieu de ça, on parle beaucoup. Il me pose des questions sur moi, mon avenir, mes amis. C’est agréable d’avoir ces petites bulles tranquilles avec lui.
Ça compense avec le poids des mensonges.
— Pour Noël, je ne pourrai pas être au repas, avec la pleine lune, ce sera trop proche…
—Oui, je comprends.
— Toi, tu ne ressens aucune gêne après la pleine lune ?
— Non.
Ce n’est pas pire que l’avant. Et franchement, c’est gérable. Son regard empli de fierté me fait sourire.
*****
À Noël, Harry est beaucoup plus détendu. On le retrouve en train de rire avec Ron quand on arrive avec Hermione.
— Harry…
— Oui !
Ce n’est pas possible. Ma parole, mais il ne m’avait pas dit qu’il avait acheté un nouveau balai !
— Mais…
— Oui !
Je m’approche pour observer l’Éclair de Feu qu’il tient à la main.
— Je l’ai reçu en cadeau. Je ne sais pas de qui, il n’y avait pas de carte.
Hermione qui lâche Pattenrond dans la pièce malgré les protestations de Ron, semble beaucoup moins enthousiaste. Soudain, celui-ci bondit sur Ron et s’ensuit une scène d’apocalypse. Ron se tape l’orteil contre la malle d’Harry, un Scrutoscope siffle et Croûtard pousse des cris stridents. J’entraine Hermione avec moi pour sortir avec son chat, pas besoin d’insister plus.
— Non, mais vraiment, je ne comprends pas pourquoi il est comme ça avec lui. Il est sage avec le rat de cette fille de quatrième année.
— Oui, mais il semble que Croûtard semble plus appétissant que les autres rats.
— Emy, je sais qu’il ne veut pas le manger.
Le pyjama déchiré de Ron dirait le contraire. Ce débat stérile me fatigue un peu, Harry aussi, on est souvent entre eux deux qui se disputent, c’est fatiguant.
— Et ce balai est peut-être un piège, dit-elle.
Ah, peut-être que le sujet Pattenrond/Croûtard m’intéresse plus finalement.
— Emy, ne te laisse pas obnubiler par l’envie de gagner la coupe.
— Je sais prendre du recul, dis-je un peu vexée qu’elle puisse penser le contraire.
Et en même temps, si je suis honnête avec moi-même, je dois lui donner un peu raison.
— C’est un balai qui vaut une fortune. Qui l’offrirait comme ça ? C’est étrange !
— Tu penses à qui ? Tu penses que cette personne l’a trafiqué pour intégrer un siège éjectable ?
Ma blague ne la fait pas du tout rire.
Mais elle pense à qui alors ?
*****
— Mais où est donc ce cher professeur Lupin ?
Elle est fascinante cette professeur de divination. Je comprends tout de suite pourquoi Hermione ne la supporte pas.
— J'ai bien peur que le malheureux soit à nouveau malade, répond Dumbledore. C'est d'autant plus dommage que cela tombe le jour de Noël.
Oui, la pleine lune était hier. Celle-ci, ça allait pour me contrôler. En tout cas, je ne me suis pas blessée comme la dernière fois.
— J'imagine que vous deviez déjà le savoir, Sibylle ? dit le professeur McGonagall, avec un ton qui me fait rire.
Je reste discrète, mais le regard glacial du professeur Trelawney n’aide pas. On échange un sourire avec Hermione.
— Tu vois… murmure t-elle.
— Bien sûr que je le savais, Minerva. Mais ce n'est pas parce qu'on sait les choses qu'il faut s'en vanter sans cesse. Je me comporte souvent comme si je n'avais pas le Troisième Œil pour ne pas mettre les autres mal à l'aise.
— Voilà qui explique bien des choses.
C’est un sketch, c’est hilarant. Il ne faut plus que je croise le regard d’Hermione, je vais rire sinon.
— Si vous voulez tout savoir, Minerva, j'ai vu que ce malheureux professeur Lupin ne restera pas parmi nous bien longtemps. Il semble lui-même conscient que le temps lui est compté. Il a tout simplement pris la fuite lorsque je lui ai proposé de lire son avenir dans la boule de cristal.
Sans blague…
— Voyez-vous ça, dit sèchement le professeur McGonagall.
— À mon avis, intervient Dumbledore, il est très peu probable que la vie du professeur Lupin soit en danger immédiat. Severus, vous lui avez préparé sa potion ?
— Oui, Monsieur le Directeur.
— Très bien. Il devrait donc être sur pied dans très peu de temps... Derek, vous avez pris des chipolatas ? Elles sont excellentes.
*****
— Et quand elle a dit « Cela n’a aucune importance, à moins qu’un tueur fou attende de découper à la hache le premier qui sortira de la salle », c’était à mourir de rire !
Hermione se tient le ventre tellement elle rigole.
— Arrête, j’ai trop mangé, j’ai mal… Ha ha…
— Mais vois-tu, je le savais que tu as mal au ventre, c’est mon Troisième Oeil qui me l’a dit.
— Il t’a dit aussi que j’ai envie de faire pipi ?
Je fais mine de réfléchir, ce qui la fait rire à nouveau.
— Oh, arrête, tu comprends pourquoi elle est insupportable ?
— Oui, je suis bien contente de ne pas avoir pris cette matière.
— Honnêtement, j’ai pensé plus d’une fois à arrêter.
Ça me surprend beaucoup d’elle. Mais je comprends, elle a trop de cours et de devoirs.
— Ah, ça m’a fait du bien de rire, j’en ai marre de ces conflits avec Ron.
— J’imagine oui.
Ils ne se sont presque pas parlés de la journée. Et puis avec sa dénonciation au professeur McGonagall du cadeau étrange d’Harry, je ne pense pas que ça va améliorer leur relation.
— Dis, tu comprends toi pourquoi j’ai fait ça ?
Si je suis honnête, oui, je comprends. Mais démonter un balai comme ça, ça me parait fou. Et je ne comprends pas quel plan machiavélique il pourrait y avoir en offrant un balai dernier cri.
— Je pense que l’idée que Sirius Black offre ce balai à Harry n’est pas totalement insensée.
Ma réponse semble lui convenir, elle approuve d’un hochement de tête.
— Ils finiront par te pardonner, dis-je pour la rassurer.
Elle pince les lèvres, visiblement inquiète. Alors elle se saisit d’un nouveau livre à consulter pour aider Hagrid.
La conversation est close, je prends un livre et me mets moi aussi à le feuilleter.
Bien sûr qu’ils lui pardonneront, non ?
*****
L’atmosphère ne s’améliore pas à la rentrée. Ron et Harry font la tête à Hermione. Je reste donc beaucoup avec elle pour ne pas la laisser seule. On passe la majorité de notre temps à trouver une solution pour Hagrid. Je réunis des informations sur des affaires similaires, et entame une stratégie de défense. Les écrits de Norbert Dragonneau sont excellents pour ça. Je me replonge avec plaisir dans ses analyses. C’était un génie.
Au cours de DCFM juste après la pleine lune, Hermione observe un instant les cicatrices de mon père. Elle se penche vers moi et chuchote tout bas :
— Tu sais ce qui peut autant marquer la peau comme ça ?
Ha ha, j’ai la réponse parfaite.
— Un sort ? Comme Harry.
Elle n’ajoute rien.
*****
La malle en bois est assez lourde, mais à deux, on s’en sort pour la transporter. Nous venons de passer dans le bureau de Rusard pour lui enlever un épouvantard, mon père avait tellement fait la razzia, qu’il n’y en avait plus pendant un temps. Celui-ci tombe à pic, avec les prochains matchs qui arrivent, Dubois avait peur que Harry et moi réagissions encore mal aux détraqueurs.
— Ça va ? me demande mon père.
— Oui.
Je le rassure d’un sourire. Vivement par contre qu’on pose cette grosse malle, c’est super lourd. Harry est déjà dans la salle quand on arrive.
— Ah Harry, vous êtes là, c’est parfait. Emilynn était arrivée en avance, j’en ai profité pour ramener ceci avec son aide.
— Qu’est-ce que c’est ?
Mon père lui explique le plan qui semble convenir à Harry. Maintenant, la pression monte un peu. J’appréhende de découvrir mon épouvantard, et surtout d’affronter les détraqueurs.
Mon père explique le sortilège du Patronus. On en a déjà parlé, mais j’écoute attentivement ce qu’il dit, je préfère ça que de commencer à psychoter.
Mon souvenir heureux, je l’ai déjà choisi. J’ai pris un jour quand j’étais petite et que papa m’avait emmenée au travail avec lui. Je ne sais plus trop pourquoi, mais c’était chouette. Je pense aussi aux après-midi passés avec Louise, les framboises d’oncle Jo, Plume qui ronronne… À George aussi, à cette matinée passée avec lui au soleil à s’embrasser…
— Vous avez votre souvenir ? me demande mon père.
Ça me fait toujours un peu drôle qu’il me vouvoie.
— Oui.
— Vous voulez commencer ?
Harry est assis, les yeux dans le vide, il est plongé dans ses souvenirs.
— Ok.
— Nous allons voir si l’épouvantard prend bien la forme d’un détraqueur, et rappelez-vous, la formule, c’est Spero Patronum.
Je suis prête. J’ai ma main fermement serrée sur ma baguette et attends qu’il ouvre la malle. D’un coup de baguette, celle-ci s’ouvre et un capuchon de détraqueur apparaît. Puis la silhouette sombre, et ce froid, maintenant familier, envahit la pièce.
« Il faut souffrir pour être belle Emilynn ! »
« Cessez de pleurer comme cela Emilynn ! »
« Grandissez un peu Emilynn ! »
Mon prénom est répété, répété, la voix martèle mon crâne et je m’effondre. Mon père esquisse un pas vers moi, mais je brandis ma baguette devant moi et cri :
— Spero Patronum !
« Cessez de geindre de la sorte, votre sang n’est pas assez pur pour être une Black, vous devez vous en montrer digne. Sinon vous n’êtes rien. Vous m’entendez ? Rien ! »
Ma voix n’est qu’un murmure, je tremble, j’oublie où je suis et finis par fermer les yeux, espérant que la voix s’arrête.
Des bras autour de mes épaules me ramènent à la réalité.
— Ça va ? Tiens, mange un peu.
Mon père en oublie de me vouvoyer tant l’inquiétude est grande. Je prends le carré de chocolat et m’oblige à le croquer. Je m’en veux d’avoir aussi vite lâché, je devrais faire mieux.
Je me redresse et m’assois un peu plus loin. C’est au tour de Harry. Il répète plusieurs fois la formule avant de s’évanouir. Mon père ramène le détraqueur, non l’épouvantard pardon, dans la malle qu’il referme d’un coup de baguette. Même chose que pour moi, il lui donne du chocolat et lui dit d’attendre avant de recommencer. Harry se tourne vers moi.
— Tu entends des voix toi aussi ?
Quel est le juste milieu de ce que je peux dire ?
— Oui…
— Qui ?
— Des mauvais souvenirs, dis-je simplement.
Il est trop secoué pour insister. C’est à moi de me tenir devant l’épouvantard. Je suis moins surprise par ce qui arrive. Maintenant, je sais quelle forme il a.
Le froid.
La terreur.
— Spero patronum !
Cette fois-ci, j’arrive à crier, mais mon sort ne fait aucun effet, je ne sens plus mes doigts, j’entends une autre voix.
« — Lily ! Prends Harry et va-t'en ! C'est lui ! Va-t'en ! Cours ! Je vais le retenir… »
Je sanglote franchement, effondrée au sol. Je préfère Walburga. Tout, mais pas ça…
« — Je viens avec toi.
— Non, tu prends Harry, et tu pars d’ici.
— Je… d’accord. »
Sa voix, c’est sa voix…
« — J’ai tué le père. Pousse-toi et tu vivras.
— Non.
— Tant pis. »
Maman…
— Là… C’est fini…
Mon père me frictionne les bras énergiquement. L’épouvantard est retourné dans sa malle et Harry a posé une main réconfortante sur mon épaule.
— Tu t’en es bien sortie, assure t-il.
J’espère. Je ne veux plus être aussi sensible. Je veux pouvoir les combattre. Mon père et Harry échangent quelques mots alors que je croque dans une chocogrenouille. Tiens, j’ai la carte de Mélusine. Je m’oblige à lire sa description pour oublier ces voix que j’ai entendues.
J’ai cessé de trembler quand Harry se relève pour faire face une nouvelle face au détraqueur/épouvantard. Même schéma, il crie le sortilège avant de s’évanouir. Mon père tapote sa joue pour le faire revenir à lui.
— Tu peux me passer la couverture, il est gelé. Toi ça va ?
— Oui, oui…
— Emy.
— Oui, assurés-je. Je peux les combattre.
Ma détermination semble le convaincre, il hoche la tête et dépose la couverture sur Harry tout en lui tapotant la joue. Quand Harry ouvre les yeux, il est blême.
— J'ai entendu mon père… C'est la première fois que j'entends sa voix... Il a essayé d'affronter Voldemort tout seul pour donner le temps à ma mère de s'enfuir...
Oui, c’est ce que j’ai compris aussi. Je me rends compte que ma joue est trempée. De sueurs froides ou de larmes ? Je ne sais pas.
— Lyra… Lyra Black, ce devait être sa voix. Elle a aussi dit à ma mère de partir. Elle a refusé de laisser Voldemort passer.
Mon père a tressauté en entendant Harry évoquer le nom de ma mère.
— Vous avez entendu James ?
Il est perturbé et jette un regard en ma direction. Il se demande si j’ai entendu la même chose.
— Oui... Pourquoi ? Vous... Vous connaissiez mon père ?
— Oui... Oui, en effet...
Attention… Ne pas trop en dire…
— Nous étions amis quand nous étions élèves à Poudlard. Harry, je crois que nous ferions bien d'en rester là pour ce soir. Ce sortilège est beaucoup trop complexe... Je n'aurais jamais dû essayer de vous l'apprendre... Ni à vous, ajoute t-il en ma direction.
— Je veux continuer, dis-je.
— Si ! approuve Harry. Je veux essayer encore une fois ! Je ne me concentre pas sur des souvenirs suffisamment heureux, voilà tout... Attendez...
— Je veux réessayer aussi.
Je vois qu’il hésite, puis il se relève, et pointe sa baguette sur la malle.
— Pensez à votre souvenir heureux.
George, pense à George, ses lèvres, son odeur, son sourire…
Le froid arrive.
— Spero Patronum !
Son rire, ses bras qui m’enlacent, ses baisers dans le cou quand on dort ensemble…
Le désespoir.
— Spero Patronum !
Ses regards plein d’amour… L’amour…
La peur, le noir, la mort, les souvenirs, le passé…
— Spero Patronum !
Une vague forme argentée apparaît au bout de ma baguette. Mon père intervient à ce moment-là et enferme l’épouvantard.
— Bien, Harry ?
Il ne fait aucun commentaire.
Quoi ? Ce n’était pas bien ? J’ai pourtant fait quelque chose. J’ai un peu réussi.
Je suis si contente que je m’effondre sur une chaise et tente de reprendre mon souffle. Je suis épuisée. J’observe du coin de l'œil Harry faire de même et mon père intervenir à la fin pour enfermer l’épouvantard.
À nouveau, la pleine lune apparaît.
- Excellent ! s’exclame mon père avec un grand sourire. Je ne voulais pas vous féliciter avant qu’Harry passe, Emilynn, mais c’est une belle réussite, bravo ! Et bravo, Harry ! C'était un très bon début ! Vous vous tirez vers le haut, c’est super !
— On peut faire un nouvel essai ? demande Harry. Juste un ?
Ce sera sans moi, je suis incapable de me lever.
— Non, pas maintenant, répond fermement mon père. Ça suffit pour ce soir. Tenez...
Il nous donne des nouveaux morceaux de chocolat. Mon préféré de chez Honeydukes.
— Mangez tout, sinon, Madame Pomfresh sera furieuse contre moi. On recommence à la même heure la semaine prochaine ?
— D'accord.
Mmmh que c’est bon. Immédiatement, un sentiment immense de réconfort m’envahi.
— Professeur Lupin ? dit Harry alors que je me dirige vers la porte. Si vous avez connu mon père, vous avez dû connaître aussi Sirius Black ? Et Lyra ?
— Qu'est-ce qui vous fait croire ça ?
Le ton de sa voix est sec.
— Rien... Je sais simplement qu’eux aussi étaient amis quand ils étaient à Poudlard...
— Oui, je les connaissais. Ou plutôt, je croyais le connaître dans le cas de Sirius. Vous feriez bien d'y aller, Harry, il est tard.
On sort et nous nous dirigeons vers la salle commune.
— Je regrette de lui avoir posé la question, il n’avait visiblement pas envie d’en parler.
— T’inquiète, il était sans doute perturbé que tu parles de tout ça.
— Comment ça ?
— Et bien, s’ils étaient amis, toi, tu as perdu ton père, lui ses amis.
Harry est pensif un instant.
— C’est au nom de Lyra que je l’ai senti le plus perturbé.
Sans surprise.
— Tu as raison, il n’a visiblement pas envie d’en parler… C’est juste que je pense beaucoup à ce qu’ils disaient sur mes parents, Lyra, ce bébé qui était avec moi…
— C’est normal, dis-je.
Je n’ajoute rien, je repense à la voix de ma mère. C’est probablement la seule fois que je l’entendrai. Sauf… Sauf si je laisse les détraqueurs près de moi. Mais c’est hors de question que je tombe dans une spirale comme celle-là.
Un instant, je me demande si Harry ressent la même chose. Si lui aussi est attiré vers ces voix malgré lui, parce que c’est tout ce qui nous reste… A t-il lui aussi envie de céder à la tentation ?
*****
Avec Harry, on entame un rythme très soutenu d’entrainements pour le quidditch et aussi du sortilège du patronus. Dubois est plus motivé que jamais avec la défaite des Serdaigle. Le fait d’être aussi occupée me plait beaucoup. Je n’ai pas le temps de réfléchir. La fatigue est secondaire, je suis… Heureuse, vraiment heureuse et ce sentiment me donne une énergie folle.
Après les entraînements, je rejoins mon père et nous parlons pendant des heures. On joue aussi, et je suis très fière de voir que j’arrive à le battre aux échecs parfois. Harry utilise peu la carte et ne surveille pas les allées venues avec, je suis donc tranquille. Ce rythme m’éloigne un peu d’Hermione, on passe moins de temps ensemble. Ça ne semble pas trop la déranger, avec tout le travail qu’elle a, elle est plongée dans les livres à longueur de journée.
Les seuls moments où on parle est quand on se couche et faisons le point sur ce qu’on a trouvé pour la défense de Buck. Un samedi, on profite même d’une journée pluvieuse pour la passer avec Hagrid et aider à lui remonter le moral.
— Donc cet arrêté de 1786 peut faire jurisprudence pour notre cas.
Hagrid me regarde sans comprendre. Je prends ma feuille de notes qui part un peu dans tous les sens. Je commence toujours par tout écrire proprement, puis plus il y a d’infos, d’idées à creuser, plus j’ajoute des sous-notes, de notes de notes.
— Le fait qu’une fois, le Magenmagot s’est prononcé en faveur de l’animal, cela nous sert à les inciter à le refaire. C’est un super point pour nous.
Hermione hoche faiblement de la tête. Elle a de larges poches sous les yeux.
— Oh, je vois…
Hagrid ne sourit pas, enfin, il ne me semble pas. Sous une grosse barbe, c’est difficile à dire.
— C’est Hermione qui a trouvé ces archives.
— Merci Hermione, c’est super.
Cette fois-ci, je suis sûre de voir un sourire. Malheureusement, le résultat est que Hermione se met franchement à pleurer. Un instant, on reste interdits avec Hagrid, on ne s’attendait pas à avoir une telle réponse. Je me ressaisis rapidement et passe un bras autour de ses épaules.
— Oh Hermione, qu’est-ce qui se passe ?
— C’est rien… Je suis fatiguée, c’est tout… sanglote t-elle.
Je la sers contre moi alors qu’Hagrid sert une nouvelle tasse de thé.
— Bois un peu, ça va te faire du bien. Tu t’en sors avec tous tes cours ?
Elle hoche faiblement de la tête, mais aucun de nous n’est dupe.
— Tu veux que je t’aide ? dis-je en lui tendant un mouchoir.
— Non, ça va. Tu as déjà bien assez à faire avec tes entraînements, et puis, tu vois George, c’est normal.
Mmmh, pas tout à fait vrai. Je le vois parfois, c’est vrai, mais il me sert également de couverture.
— Tu peux prendre mes devoirs d’arithmancie et des autres matières qu’on a en commun. Ça te fera un peu moins de travail.
Je sais que c’est peine perdue, elle ne fera jamais ça. Mais je ne peux pas la laisser s’épuiser comme ça sans rien faire.
— Non, jamais je ne pourrais faire ça !
Oui, bon, je m’en doutais.
— Hermione, tu ne peux pas continuer comme ça.
Elle m’ignore. Ça m’inquiète cette crise de larmes. Jusque-là, je me disais que c’était son choix d’avoir autant d’options et qu’elle se débrouillait avec son organisation incompréhensible. Par contre, là, elle n’est pas lucide, continuer comme cela, n’est pas possible.
Mais Hermione est têtue, autant parler dans le vide…
*****
— Comment tu te sens ?
— Bien.
Le sourire d’Harry est presque confiant. Il fait un temps idéal pour le match contre Serdaigle et il a récupéré son Éclair de Feu. Nous sommes vraiment optimistes pour demain.
— Enfin, ça va, mais si Ron pouvait faire la paix avec Hermione, ce serait encore mieux, ajoute Harry.
— Tu crois qu’il l’a vraiment mangé ?
— Pattenrond est un chat. Croûtard un rat, oui évidement. Et en plus il y avait du sang.
Ça m’embête, mais moi aussi, j’y crois. J’ai peu d’espoirs pour Croûtard.
Nous sommes derrière le reste de l’équipe qui rentre au château. La pleine lune approche, on voit clair dans le parc. Au loin, je crois voir un détraqueur qui survole la cime des arbres. Harry a dit lors d’un entraînement que Sirius mériterait de recevoir un baiser du détraqueur. Je n’ai pas osé en parler avec mon père, pense t-il aussi la même chose ? J’avais l’impression que non. Que malgré tout ce qu’un sorcier peut faire, cette punition ne mérite pas d’être donnée.
Moi, je ne sais pas ce que j’en pense. Je ne me rappelle pas de lui. Et sans sa trahison, tout aurait été si différent…
— J’aimerais faire des patronus plus consistants, soupire Harry me tirant de mes réflexions. Il y a ça aussi qui me tracasse.
— Tu vas y arriver.
— Comment tu fais toi ?
Les miens ne prennent pas une forme fixe, mais j’arrive à produire quelque chose.
— Je pense à George, finis-je par dire en rougissant.
Harry esquisse un sourire.
— Je vois…
*****
Hermione pleure contre mon épaule, je n’ai pas de mouchoirs à portée de main. Alors je la sers fort contre moi et tente de lui transmettre tout mon amour avec ce geste. Le dire est impossible, c’est drôle non ? Ne pas réussir à dire « je t’aime » aux personnes qui comptent pour nous. Un surplus de pudeur ? Peut-être.
Elle ne reconnaitra jamais qu’elle a tort, et tant qu’elle ne le fera pas, Ron lui en voudra.
Je retiens un soupir.
— Désolée… Va avec les autres… Profite de la victoire…
— Je ne te laisse pas.
— Emy… Je ne te retiens pas… Il y a la fête en bas… Tu peux descendre…
— Hermione, je reste, dis-je fermement.
Mon ton lui fait comprendre que c’est définitif puisqu’elle n’insiste pas. Au bout d’un moment, ses soubresauts et sanglots se calment et elle parvient à reprendre son souffle.
— Je suis désolée…
— Tu n’as pas à t’excuser.
— Je suis fatiguée si fatiguée… et cette histoire avec Croûtard… Tu as vu Pattenrond dans leur dortoir ?
— Parfois dans leur escalier oui. La plupart du temps, je le vois dans le parc quand je reviens des entraînements.
— Ça avance comment le patronus ?
— Ça va…
— Et Harry ?
— Il se débrouille.
Je suis optimiste, il va y arriver, il manque juste de confiance, je pense.
— Hermione, il faut que tu réfléchisses à une solution pour ton agenda. Tu ne peux pas continuer comme cela jusqu’à la fin de ta scolarité. Je ne te dis pas de faire quelque chose maintenant, juste d’y réfléchir.
Elle reste silencieuse un instant, si bien que j’ai peur de l’avoir froissée.
— Ok, fait-elle finalement.
Cela sonne comme une promesse.
*****
Je sais que je suis pâle. Depuis l’attaque de Ron par Sirius dans sa chambre, je suis très perturbée. Ça m’a fait l’effet d’une claque. Un rappel, pour me dire : n’oublie pas que tout est éphémère. Et s’il avait bel et bien tué Ron avant qu’il ne se réveille ? Et s’il avait trouvé le lit d’Harry avant et l’avait tué ? Voulait-il vraiment les tuer ? Quel risque insensé ! La tour était remplie d’élèves, et ils sont cinq dans le dortoir.
Au-delà de ça, le mensonge qui m’entoure depuis des mois, des années même me pèse. L’attaque m’est tombée dessus comme une chape de plomb. Je ne veux plus mentir, parfois, je croise Harry dans les couloirs et je meurs d’envie de l’emmener à part et de tout raconter.
Un instant d’hésitation et le moment est passé.
Jusqu’au prochain.
Hermione est trop perturbée pour le voir, elle a été folle d’inquiétude pour Ron, puis le procès de Buck nous a rappelé à l’ordre. Alors on a continué nos recherches.
Depuis des semaines, mes yeux sont rouges et me piquent, je ne sors plus profiter du soleil, j’ai trop à faire.
Sauver Buck.
Sauver Harry.
Comment ?
Mon père est soucieux, il n’est pas le seul, Fred et George aussi.
— Il faut qu’ils se réconcilient, ça ne va pas continuer comme ça.
Facile à dire.
Tout se mélange, Sirius, la coupe de quidditch, Buck, Hermione et Ron, les mensonges…
— C’était une erreur de te demander de garder le secret comme ça, dit un jour mon père.
— Pourquoi tu dis ça ?
— Te demander de mentir comme cela, ce n’est pas correct… Tu en souffres et ça…
Il ne finit pas sa phrase. Moi, je ne suis pas d’accord.
— Je veux passer l’été avec toi.
— Je ne sais pas s’ils vont vraiment le faire Emy.
Comment ça ? Son air dépité m’inquiète.
— Pourquoi tu dis ça ? Tu as reçu une lettre ? Ils t’ont dit quelque chose ?
— Que Sirius soit arrivé dans la tour commune, qui plus est dans la chambre d’Harry a fait du bruit.
La dernière pleine lune l’a fatigué, il a de larges cernes sous les yeux. Ces histoires avec Sirius doivent lui rappeler de mauvais souvenirs.
— Je ne veux pas que tu te fasses de faux espoirs Emy, loin de là.
Il tente de me sourire pour me rassurer, mais mon cœur bat la chamade. Ils avaient promis, ils avaient promis, ça a de la valeur une promesse, non ?
— Je n’ai pas encore reçu d’annonce pour réviser ta tutelle. J’ai fait de mon mieux avec les élèves, et j’ose espérer avoir fait du bon travail…
- Tu es le meilleur, le coupés-je. Tout le monde le dit.
Ça lui fait plaisir, ça se voit.
— Mais que Sirius aie réussi par deux fois à entrer, des personnes se posent des questions.
— C’est ridicule…
— Certains le comprennent bien, ils savent bien que je ne pourrai jamais l’aider en quoique ce soit. Sauf que d’autres pensent autre chose. Walburga, même décédée, a dû pouvoir.
Il pose une main réconfortante sur mon épaule.
— Je ne veux pas que tu imagines des choses impossibles. Attends d’avoir la confirmation avant de te réjouir. Tu comprends pourquoi je te dis tout ça ?
J’hoche la tête, il s’approche et me sert contre lui. Son odeur familière me réconforte et pendant un instant, Buck, Hermione, Sirius partent loin.
Seuls restent, moi et mon père, et nos souvenirs.
*****
Hermione fulmine qu’Harry ose penser à Pré-au-lard alors que Sirius a tenté de tuer Ron. Moi, je ne prends pas part aux débats, je vais en profiter pour passer l’après-midi avec George.
— Bon, et bien à tout à l’heure.
— Mmmh, oui, je vais faire mon arithmancie.
Avant de partir, je récupère un parchemin que je lui tends.
— C’est quoi ?
— Mon devoir d’arithmancie. Prends-le, et profites-en pour faire une sieste.
— J’ai une sale tête, c’est ça ? dit-elle avec un pâle sourire qui s’apparente plus à une grimace.
— Oui, elle est horrible, dis-je avec ironie en lui mettant mon parchemin dans sa main. Prends-le et copie-le. Après, va dormir, tu en as besoin.
Peine perdue, cause toujours, mais je ne peux pas la laisser continuer comme ça sans rien faire.
— À plus tard, fait-elle.
Je descends dans la salle commune où George m’attend. On sort et nous allons vers les vestiaires. On a prévu de soigner nos balais, avec le dernier match de l’année qui approche, on préfère être prêt. En nous mettant au travail, on parle de tous les scénarios possibles qui pourraient se jouer.
— En conclusion, il faut marquer cinquante points avant qu’Harry attrape le vif d’or.
— On a toutes nos chances de gagner, dis-je avec un sourire.
— Tu te mets à aimer la compétition ?
J’hausse les épaules, oui et non.
— Ahhh, tu veux gagner maintenant…
— Disons que ça me ferait plaisir, comme tout le monde.
Le sourire de George s’élargit.
— Ah ! Tu avoues !
Il tend son bras pour me faire une chatouille, je le repousse en rigolant et tente de répliquer à mon tour. Rapidement, on abandonne les balais sur le côté alors que nous sommes allongés dans l’herbe à regarder les nuages passer paisiblement. Il fait bon avec le soleil, le terrain est désert, tout le monde est de sortie ou révise, les examens de fin d’année vont arriver vite.
Je me place au dessus de George et l’embrasse doucement. J’observe aussi son visage, ses yeux marrons toujours un peu rieurs, ses taches de rousseurs qui parsèment son nez, ses cheveux roux qui partent dans tous les sens…
— Comment ça va ?
— Ça va.
— Il paraît que tous les cinquième année sont au bout du rouleau.
— Pas moi, rassure-toi. On a de quoi s’occuper avec Fred…
— Comment ça ?
Il me sourit et embrasse mon bout du nez.
— Ha ha, surprise, tant que rien n’est fait, je préfère ne rien dire. Et puis Fred me tuerait si je te le dis sans qu’il soit là.
— Je ne peux pas me contenter de ça comme réponse…
— J’ai bien peur que si, fait-il en m’embrassant à nouveau.
— Et les BUSES ?
— On a décidé de se répartir les matières avec Fred. Moitié-moitié.
C’est du génie.
— Comment vous allez choisir qui fait quoi ?
— Je ne sais pas, Fred veut la botanique, sinon on verra bien. Et toi ?
Je l’embrasse une nouvelle fois avant de répondre.
— Je suis optimiste.
Il fronce les sourcils.
— Ça veut pas dire que ça va, ça.
Je lui souris puis me laisse tomber contre lui. Ses bras m’entourent alors qu’il dépose mille baisers sur mon front. George a une force incroyable : il n’a pas besoin de savoir pour aimer.
Ce qu’il ne sait pas ne lui fait pas peur.
*****
Plus tard, je laisse George partir faire une course rapide à Pré-au-lard, tandis que je me dirige vers le bureau de mon père, je compte profiter de cette fin de journée avant de reprendre mes devoirs. Je dois aussi passer voir Hagrid, son audience était aujourd’hui.
En marchant, je pense à Harry qui est sûrement parti avec Ron au village. Ou alors il a pris sa cape d’invisibilité et y est allé via un passage secret. Le même que la dernière fois probablement. La curiosité me pique, et je me dirige machinalement vers la statue de la sorcière borgne. J’arrive au moment où je vois Harry cacher quelque chose, il est en sueur et peine à reprendre son souffle.
— Ah, c’est toi.
Avant que je n’ai le temps de dire quoi que ce soit, il s’écarte de la statue et surgit la silhouette de Rogue à l’autre bout du couloir. Quand il nous voit, il vient se planter devant nous. Harry me jette un regard inquiet.
Ne t’inquiète pas, je suis une tombe.
— Alors ?
Visiblement, il est content.
— Alors il fait beau, dis-je. C’est agréable, non ?
— Venez avec moi Potter, et vous aussi Lupin.
Il n’a pas apprécié la touche d’humour. Le contraire m’aurait étonnée d’un autre côté. On se dirige vers son bureau dans les cachots. Le chemin est long et j’ai le temps de me faire mille scénarios avant qu’on arrive.
De toute évidence, Harry est allé à Pré-au-lard, quelque chose s’est passé et Rogue a immédiatement été prévenu. Il voulait Harry.
Cherchez le dénominateur commun et vous trouvez Drago.
— Asseyez-vous. Je vais être à vous dans un instant Miss Lupin. J’apprécie peu vos petites insolences. Quant à vous Potter, Mr Malefoy vient de me raconter une très étrange histoire. Il m'a dit qu'il se trouvait près de la Cabane hurlante lorsqu'il a rencontré Weasley, apparemment seul. Mr Malefoy m'a affirmé qu'il était en train de parler avec Weasley et qu'il a soudain reçu de la boue sur la tête. Comment pensez-vous que cela ait pu se produire ?
— Je n'en sais rien, professeur.
— Mr Malefoy a alors été témoin d'une étrange apparition. Pouvez-vous imaginer de quoi il s'agissait, Potter ?
— Non.
Encore un peu et Harry aurait une auréole d’ange au-dessus de la tête.
— C'était votre tête, Potter. Votre tête qui flottait en l’air.
Le long silence qui suit est pesant. Moi, je commence à avoir envie de rire.
— Il ferait peut-être bien de consulter Madame Pomfresh. S'il voit des choses comme...
Oh non Harry… Je me mords la lèvre, ça devient comique leur ballet à tous les deux. Harry l’innocence même et Rogue qui rêve de lui coller une bonne punition.
— Qu'est-ce que votre tête pouvait bien faire à Pré-au-lard, Potter ? Votre tête n'a pas le droit de se rendre là-bas. Aucune partie de votre corps n'a reçu l'autorisation d'aller à Pré-au- lard.
Je m’esclaffe et je me prends un regard noir de la part de Rogue.
— Excusez-moi, dis-je en essayant de ne pas sourire.
— Vous devriez, oui, fait Rogue froidement avant de se tourner à nouveau vers Harry.
— Je le sais. Il semblerait que Malefoy ait eu une hallucin...
— Malefoy n'est pas sujet aux hallucinations. Si votre tête se trouvait à Pré-au-lard, le reste de votre personne devait également y être.
Je ne devrais pas rire, mais dans une situation stressante, parfois, c’est plus fort que moi…
— J'étais dans la tour de Gryffondor, proteste Harry, c'est vous-même qui m'aviez dit...
— Quelqu'un peut-il le confirmer ?
J’ouvre la bouche pour le confirmer, mais Rogue est plus rapide.
— Sauf Miss Lupin qui de toute évidence serait prête à mentir à un professeur pour vous couvrir.
Il n’a pas tort.
— Très bien, fait-il en se redressant.
Puis il commence un discours affreux. Un discours qui vise à culpabiliser Harry. Il parle du ministère, des efforts déployés pour la sécurité d’Harry et ensuite, voyant qu’Harry ne réagit pas, il s’attaque à son père. Mon envie de rire est tout de suite partie.
— …La ressemblance entre vous est saisissante, inquiétante, même...
— Mon père ne se pavanait pas, lâche Harry. Et moi non plus.
Oh, non.
Il n’aurait pas dû répondre. Juste serrer les dents, attendre que ça passe. Rogue n’avait aucune preuve mis à part le témoignage d’un élève dont il est de notoriété publique qu’il hait Harry. Rogue n’aurait pas pu le punir. Le gronder un peu à la limite. Mais c’est tout.
— Votre père n'aimait pas plus que vous se conformer aux règlements, poursuivit Rogue, une expression mauvaise sur son visage mince. A ses yeux, les règlements étaient destinés au commun des mortels, pas aux vainqueurs de la coupe de Quidditch. Il avait la tête tellement enflée...
— TAISEZ-VOUS !
Je prends le bras de Harry pour l’inciter à se taire, mais il se dégage et foudroie Rogue du regard. Celui-ci est terrifiant, ses yeux noirs ne sont que des fentes de haine. De la haine pure. Il voit James en Harry, il en oublie la raison.
— Qu'est-ce que vous venez de me dire, Potter ?
— Je vous ai dit de vous taire ! Ne me parlez plus de mon père.
— Harry… dis-je, mais il me coupe la parole.
— Non Emy, je connais toute la vérité. Je sais pourquoi il le déteste comme ça parce que je sais que mon père vous a sauvé la vie ! Dumbledore me l'a dit ! Sans mon père, vous ne seriez même pas là !
— Est-ce que le directeur vous a expliqué dans quelles circonstances votre père m'a sauvé la vie ? murmure Rogue ce qui est bien pire que s’il avait crié. Ou bien a-t-il estimé que les détails de l'histoire pouvaient choquer les oreilles délicates du précieux petit Potter ?
Je ne connais pas cette partie de l’histoire. Mon père ne m’a rien dit à ce propos. Que s’est-il passé ? Rogue me jette un bref regard avant de se focaliser à nouveau sur Harry.
- Je serais navré que vous partiez d'ici avec une fausse idée de votre père, Potter. Vous avez sans doute imaginé un acte d'héroïsme auréolé de gloire ? Mais je vais vous détromper. Votre vénéré père et ses amis m'ont fait une farce désopilante qui aurait pu avoir ma mort pour conséquence si votre père et Lyra, oui Lyra Black elle-même, ne s'étaient pas ravisés au dernier moment. Il n'y avait rien d'héroïque dans ce qu'il a fait. Il a sauvé sa peau en même temps que la mienne. Si leur farce avait marché, il aurait été renvoyé de Poudlard. Videz vos poches, Potter !
Je sursaute par son changement de ton. Je ne comprends pas cette histoire, mon père aurait participé à cette blague ? Une blague qui mettrait en vie celle de Rogue ? J’ai du mal à le croire.
— Je vous ai dit de vider vos poches, sinon, je vous emmène chez le directeur. Allez-y, Potter, retournez-les !
Harry, qui n’avait pas bougé, commence à sortir lentement de ses poches les babioles qui traînent. Parmi elles, la carte.
— Vous dites, que vous étiez avec Mr Potter toute l’après-midi Emilynn ?
— Oui, on a travaillé le sort du patronus ensemble.
— Ridicule, des troisième année ne pourraient jamais accomplir un tel sortilège. Vous devriez mieux travailler vos mensonges la prochaine fois.
Quelle mauvaise foi, il a vu Harry en jeter un lors de notre dernier match contre Serdaigle. Il poursuit avant de me laisser répondre.
— Expliquez-moi aussi si la pratique du sort du patronus inclut des farces et attrapes de chez Zonko.
— C'est Ron qui me l'a donné, intervient Harry. Il me l'a rapporté de Pré-au-lard la dernière fois qu'il y est allé.
— Vraiment ? Et vous avez laissé ce sac dans votre poche pendant tout ce temps ? Très touchant... Et ça, qu'est-ce que c'est ?
Il a pris la carte, je reste stoïque comme Walburga m’avait appris. Il ne doit rien voir.
— C'est un morceau de parchemin, répond Harry.
— De toute évidence, soufflé-je.
Je reçois un regard noir qui ne me fait ni chaud ni froid.
— Vous n'avez sûrement pas besoin d'un vieux bout de parchemin comme ça, dit-il. Je ferais mieux de le jeter.
Il fait un geste vers le feu qui brûle dans la cheminée.
— Non ! dit aussitôt Harry.
Merde.
— Alors... S'agit-il d'un autre précieux cadeau de Mr Weasley ? Ou bien serait-ce quelque chose d'autre ? Une lettre écrite à l'encre invisible, peut-être ? Ou encore... Un moyen d'aller à Pré-au-lard sans passer devant les Détraqueurs ? Voyons, voyons... Révèle ton secret…
Il tapote la carte avec sa baguette heureusement, mon père et ses amis l’ont protégée semble t-il. Je ne me suis jamais trop intéressée à cette carte, j’avais autre chose à faire cependant en cet instant, il faut à tout prix que Rogue ne découvre rien. S’il sait qu’on la détenait depuis tout ce temps, avec les infractions de Sirius. Et puis les jumeaux… Et mon père aussi. Il connaissait l’existence de la carte.
Bref, c’est la merde.
— Allons, révèle-toi ! Severus Rogue, professeur dans cette école, t'ordonne de livrer les secrets que tu détiens !
Jusque-là, elle ne réagissait pas, puis des mots apparaissent.
« Mr Lunard présente ses respects au professeur Rogue et lui demande de bien vouloir cesser de mettre son énorme nez dans les affaires d'autrui.
Mr Cornedrue approuve Mr Lunard et voudrait ajouter que le professeur Rogue est un horrible crétin.
Mr Patmol voudrait faire part de son ébahissement à la pensée qu'un tel imbécile ait pu devenir professeur.
Mr Queudver souhaite le bonjour au professeur Rogue et lui conseille de se laver les cheveux, s'il veut cesser de ressembler à un tas d’ordures. »
Je suis stupéfaite. Le silence qui suit est affreux. Je ne sais pas quoi faire, on est dans les ennuis jusqu’au cou.
— Très bien, nous allons voir tout cela...
Il s’approche de la cheminée et appelle mon père. Un instant plus tard, il apparaît dans l’âtre. Ses yeux se posent un instant sur moi, puis sur Harry avant qu’il ne découvre la carte dans la main de Rogue.
Il la reconnaît. C’est obligé, je vois son visage, il la reconnaît. Il se tourne à nouveau vers moi, et c’est de la colère que je lis dans son regard. Je sais, j’aurais probablement dû lui parler de la carte…
C’est de pire en pire.
— Vous m'avez appelé, Severus ?
— En effet. Je viens de demander à Potter de vider ses poches et voilà ce qu'il y cachait. Alors ? Alors ? Emilynn prétend que ce n’est qu’un simple parchemin, mais de toute évidence, il déborde de magie noire. Vous êtes censé être un expert en la matière, Lupin. Où pensez-vous que Potter ait pu se le procurer ?
Mon père prend un temps avant de répondre. Rogue quant à lui est de plus en plus furieux.
— De magie noire… Vous croyez vraiment, Severus ? À mon avis, c'est tout simplement un morceau de parchemin qui insulte quiconque essaye de le lire. Puéril, mais certainement pas dangereux. J'imagine que Harry a dû trouver ça dans un magasin de farces et attrapes.
— Vraiment ? Vous croyez qu'un magasin de farces et attrapes pourrait fournir un tel objet ? Vous ne croyez pas plutôt qu'il l'a obtenu directement de ceux qui l'ont fabriqué ?
— Vous voulez dire de Mr Queudver ou de l'un des autres ? Harry, connaissez-vous l'un de ces messieurs ?
— Non.
- Demandez à Emilynn, insiste Rogue.
Il remue le couteau dans la plaie. Ce n’est pas la peine, je sais déjà qu’une fois seuls, mon père va me demander de m’expliquer.
Tout.
Et en détails bien évidemment.
— Non, je ne connais pas ces personnes, dis-je à mon tour.
— Mensonges, murmure Rogue, mais mon père fait comme s’il n’avait pas entendu.
— Vous voyez bien, Severus ? J'ai bien l'impression que ça vient de chez Zonko...
La porte s’ouvre sur Ron qui est hors d’haleine.
— C'est... moi... qui... ai... donné... ce... truc... à Harry, parvint-il à dire d'un ton haletant. Je... l'ai... acheté... chez... Zonko... Il y a... très... longtemps.
Hallelujah.
— Vous voyez ? poursuit mon père, ravi. Voilà toute l'explication. Je vais m'occuper de cet objet, Severus, d'accord ? Harry, Ron et Emy, venez avec moi. J’ai quelque chose à vous dire en ce qui concerne votre devoir sur les vampires. Excusez-nous, Severus.
Mon cœur bat la chamade. Petite, je me faisais rarement disputer, j’étais assez sage, et mon père me responsabilisait beaucoup. Si je cassais quelque chose, je devais le réparer, quelque chose comme ça. Mais là, je sens que ce n’est pas pareil, loin de là. J’ai franchi une grosse limite, et au-delà de la colère, j’ai peur qu’il soit déçu de moi. Ce serait pire que tout.
— Professeur, je… commence à un moment Harry alors qu’on arrive dans le hall.
— Je ne veux pas entendre d'explications, répond sèchement mon père.
Ah, je ne suis pas la seule destinataire de sa colère.
C’est mal de m’en réjouir ?
- Il se trouve que je connais l'existence de cette carte, poursuit mon père tout bas. Oui, je sais qu'il s'agit d'une carte et je sais aussi que Rusard l'a confisquée, il y a de nombreuses années. Je ne veux pas savoir comment elle est entrée en votre possession. Je suis en revanche stupéfait que vous ne l'ayez pas remise à l'un de vos professeurs. Surtout après ce qui s'est passé la dernière fois qu'un élève a laissé traîner des informations confidentielles.
Il finit les deux dernières phrases en me regardant. Si j’avais un doute jusque-là, maintenant je suis sûre que j’aurais dû lui en parler.
— Et je ne peux pas vous la rendre.
— Pourquoi Rogue a-t-il cru que je l'avais obtenue directement de ceux qui l'ont fabriquée ? insiste Harry.
— Parce que...
Il hésite.
— Parce que ceux qui ont établi cette carte auraient pu avoir pour but de vous attirer hors de l'école. Sans doute auraient-ils trouvé cela très amusant.
— Vous les connaissez ?
— Nous nous sommes déjà rencontrés.
Ce jeu de mensonges est épuisant. Mon cœur bat tout aussi fort, la Bête ne me laisse pas de répit depuis qu’on est entrés dans ce foutu cachot. Je sens mes mains qui tremblent alors je les dissimule dans mes poches.
— Ne vous imaginez pas que vous pourrez à nouveau compter sur moi pour vous tirer d'affaire, Harry. Emy non plus d’ailleurs. Je n'arriverai sans doute pas à vous faire prendre Black au sérieux, mais j'aurais pensé que ce que vous avez entendu chaque fois que vous vous êtes trouvé à proximité d'un Détraqueur aurait eu davantage d'effet sur vous. Vos parents ont donné leur vie pour sauver la vôtre, Harry. Eux et une autre personne. Vous avez une drôle de façon de leur exprimer votre gratitude... Prendre le risque de réduire à néant leur sacrifice pour le simple plaisir d'aller acheter un sac de farces et attrapes...
Une envie de pleurer s’empare de moi. Je n’ai pas pensé à ça quand les jumeaux nous ont révélé la carte. J’ai été idiote. Mon père a raison, et un grand étau de culpabilité me sert le cœur.
Il nous laisse et à la tête d’Harry, je vois qu’il est tout aussi secoué par ces paroles que moi. Ce soir, je vais parler à mon père, je dois lui expliquer ce qui s’est passé, m’excuser…
- Venez, dit Ron un peu mal à l’aise en nous entraînant vers la salle commune. C'est ma faute. C’est moi qui t'ai encouragé à venir Harry. Lupin a raison, c'était stupide. On n'aurait pas dû faire ça...
J’ai envie de m’isoler un peu, la honte me dévore et j’ai aussi envie de pleurer. Il faut que je leur fausse compagnie pour voir mon père tout de suite. Je ne pourrai pas attendre.
Sauf qu’Hermione apparaît en face de nous alors qu’on arrive devant le portrait de la Grosse Dame.
Hagrid ! Je l’avais oublié avec tout ça.
— Tu vas nous expliquer que c'est bien fait pour nous ? demande Ron avec son ton agressif qu’il ne quitte pas depuis des semaines. Ou alors tu viens nous dire que tu nous as dénoncés ?
— Arrête Ron, dis-je.
Je suis fatiguée de ces disputes. Ce n’est pas le moment.
— Non.
Hermione semble sous le choc, ses lèvres tremblent.
— Je pensais simplement que vous voudriez être au courant... Hagrid a perdu son procès. Buck va être mis à mort.
Non…