Le lendemain, Hermione est toujours archi contre cette idée. Je ne tente pas de la convaincre du contraire, elle ne sait pas pourquoi on veut parler à Sirius ou mon père et elle ne pourrait peut-être pas comprendre.
Ou alors c’est ce que je me dis, en me mentant à moi-même pour éviter d’avoir à affronter son opinion. Qui est souvent la bonne. Et qui risque d’être encore plus archi contre l’idée en apprenant toute la vérité. Elle passe alors la journée à me convaincre de ne pas le faire.
La journée se passe crescendo. Plus ça va, plus elle est insistante et nous sort de nouveaux arguments pour ne pas le faire. Histoire de la Magie, ce n’est pas très embêtant, de toute manière, je n’écoute jamais grand chose. Par contre potion, j’aime moins et je finis par lui demander de se taire avant que Rogue nous enlève des points pour bavardage. Ça ne lui plait pas bien sûr et une fois que nous sommes dehors, elle se penche vers moi.
— Pourquoi cette idée folle ? Et Rogue n’a pas adressé un mot ou un regard envers Harry, que s’est-il passé en Occlumencie ?
— Rien.
— Vraiment ?
Je suis obligée de manger vite, puisque j’ai mon rendez-vous avec le professeur McGonagall à propos de mon avenir. Je n’ai toujours pas réfléchi sur ce sujet, c’est toujours la confusion dans ma tête. Heureusement, ça m’évite d'entendre une autre bonne raison de ne pas parler à Sirius ou mon père.
Quand j’entre, je ne pensais pas tomber sur Ombrage. Immédiatement, la colère sourde qui est maintenant familière m’envahit. Ça va être long cette séance, je le sens.
— Asseyez-vous, Emilynn, dit le professeur McGonagall, une liasse de parchemins à la main.
Elle non plus ne semble pas être ravie de voir Ombrage ici. Est-elle là pour tous les élèves ou pour juste ceux qu’elle s’amuse à persécuter ?
— Bien. Emilynn, cet entretien a pour objet de parler des idées de carrière que vous pourriez avoir et de vous aider à choisir les matières que vous devriez continuer à étudier en sixième et septième année. Avez-vous déjà pensé à ce que vous aimeriez faire lorsque vous aurez quitté Poudlard ?
Petit raclement de gorge. Mes poings se serrent et j’essaie de me focaliser sur une dalle au sol pour ne pas juste exploser de colère.
— Auriez-vous quelque chose à dire Dolores ?
— Vous n’êtes pas sans savoir qu’Emilynn est une loup-garou, elle est enregistrée au Ministère grâce à sa grand-mère, feu Walburga Black.
Serrer les poings et fixer le sol n’est pas assez. Je me mords la lèvre jusqu’au sang, rendre mes ongles dans mes poings. Comment ose-t-elle citer cette femme devant moi ? Grâce à elle ? À cause d’elle !
— Et alors ? réplique McGonagall.
— Il est important que dans sa réflexion, elle intègre le détail qu’elle n’est pas fiable pour un employeur. De ce fait, toutes les formations ne lui sont pas ouvertes. Il est de votre devoir de le lui rappeler Minerva.
McGonagall se tourne vers moi, je lis de la sympathie dans son regard. Ou alors j’invente complètement.
— Elle n’a pas besoin qu’on le lui rappelle, c’est mon étudiante de ma maison, je sais qu’elle a tous ces éléments en tête Dolores. Alors Emilynn ?
Elle tient toujours sa liasse de parchemins. Ce ne sont pas des prospectus, ils ne sont pas colorés comme ceux que m’a montrés Hermione.
— Je ne sais pas trop… je commence. Auror ? Médicomage ?
Nouveau toussotement que McGonagall ignore.
— Il vous faudra d’excellentes notes pour cela. L’un demande au moins cinq ASPIC avec la mention « Effort Exceptionnel » au minimum. L’autre en demande six. Ensuite, il vous faudra passer une série de tests d’aptitude et de personnalité très rigoureux au bureau des Aurors. C’est une carrière difficile, ils ne prennent que les meilleurs. La formation de Sainte Mangouste, quant à elle, est réputée pour être la plus dure, mais la meilleure.
Toussotement. Cette fois-ci Ombrage n’attend pas pour parler.
— Enfin Minerva, les Médicomages font face à la vue du sang tout le temps, vous ne pouvez pas croire qu’elle pourra être apte à y faire face !
Le professeur McGonagall comme si elle se retenait de dire quelque chose qu’elle pourrait regretter.
— Emilynn, vous avez d’excellentes notes, je ne doute pas que les deux formations vous conviendraient parfaitement.
— C’est une idée comme ça, je marmonne.
Il n’y a pas que ça, mais je ne peux pas ou plutôt je n’ose pas le dire à voix haute. Je n’ai pas monté sur un balai depuis des mois, et officiellement, je ne suis pas autorisée à le faire avant deux bonnes années.
— Rien d’autre ? me demande McGonagall après qu’elle m’ait expliqué les matières et notes attendues.
— Non…
Sait-elle ? On dirait. Elle me tend la laisse de parchemins.
— J’ai reçu ça ces derniers mois, tenez.
Ce sont des lettres. Mon pouls s’accélère alors que je lis la première, puis la deuxième, elles sont toutes pareilles.
— Vous avez l’embarras du choix, dit-elle avec un sourire.
— Je… Mais ils n’ont pas retiré leur proposition depuis que j’ai été exclue ?
— J’en ai reçu une il y a quelques jours.
Alors non. Je regarde ces lettres sans y croire.
- Désiriez-vous faire une carrière dans le quidditch ? me demande le professeur McGonagall.
Le toussotement ne se fait pas attendre.
— Emilynn est exclue de l’équipe.
— Nous n’avez pas parlé de jouer aujourd’hui au quidditch, répond McGonagall cinglante.
— Elle ne pourra pas y jouer jusqu’à la fin de sa scolarité.
— Tant que vous êtes à Poudlard, rectifie McGonagall.
Silence de mort.
— Professeur… dis-je avant que l’autre ramène à nouveau sa fraise. Oui, oui, j’aimerais beaucoup en faire carrière.
— Bien, continuez vos entrainements, c’est bien d’avoir une bonne condition physique, travaillez dur vos BUSES, et je suis sûre que vous aurez un bel avenir, fait-elle avec un nouveau sourire.
Je prends les brochures d’information qu’elle me tend et je sors de la pièce sans un regard pour le crapaud. Quand je rejoins Hermione en arithmancie, je suis sur un petit nuage de bonheur. Je vais avoir un avenir.
Je vais avoir un avenir !
Je n’écoute pas grand chose du cours, quand je vais en DCFM, c’est la première fois que je n’ai pas une grosse boule d’angoisse au creux du ventre. Quoique dise ou fasse Ombrage, je m’en moque, rien ne va m’atteindre.
Hermione est déterminée à nous faire changer d’avis.
— Dumbledore s’est sacrifié pour qu’Harry reste à l’école.
J’inspire profondément. Notre différence avec Hermione résidera toujours dans le fait que nos histoires personnelles sont très différentes. Elle ne comprendra jamais ce manque que j’ai au fond de moi. Harry, lui, oui.
— Je le remercie pour ça, mais ça ne change rien. J’ai besoin de leur parler.
— Mais Emy…
— Je ne changerai pas d’avis.
Elle cesse de tenter de me convaincre, et se tourne vers Harry. Étonnement, Ron prend notre défense.
— Laisse-les un peu tranquilles, tu veux ? Ils sont capables de décider tous seuls.
Je ne sais pas ce qui se passe dans la tête d’Harry quand il sort de cette classe. Moi, je n’ai aucun doute. Lui, peut-être moins. J’essaie de ne pas penser aux jumeaux, à ce que tout cela signifie pour George et moi.
Un bruit retentit au loin, puis des cris, difficile à dire si c’est positif ou pas. Ombrage part immédiatement dans cette direction, quant à moi, je pars déjà dans l’autre.
— Harry... s’il te plaît ! j’étends Hermione supplier.
Il me rejoint et nous partons vers l’aile est.
— J’ai besoin de le faire, me dit-il.
— Je sais.
Lui, plus que moi, a besoin de réponses. Si je dois me faire renvoyer pour ça, et bien très bien, de toute manière comme l’a si bien souligné Ombrage, quel avenir ai-je ? Je reste une loup-garou aux yeux du monde semble t-il.
Il nous couvre de la cape et sort le couteau de Sirius qui ouvre toutes les serrures. En quelques secondes, la porte s’ouvre, nous permettant d’entrer rapidement. Je repère rapidement le petit pot de poudre et tends une poignée à Harry.
— À toi l’honneur.
— Je me baisse et je dis le lieu, c’est ça ?
— Oui, comme un voyage par le réseau de cheminette.
— Ok.
Il s’exécute et je me mets à genoux à côté de lui. Ma main reste sur ma baguette, je surveille du coin de l’oeil la porte. Qui sait combien de temps Ombrage sera occupée avec les jumeaux ?
— Sirius ?
— Harry ! Qu’est-ce que tu... Qu’est-ce qui s’est passé, tout va bien ? Emy va bien ?
C’est la voix de mon père.
— Oui. Elle est là, avec moi. Je me demandais simplement... Je veux dire, j’aurais voulu... bavarder avec Sirius.
— Je l’appelle. Il est monté voir où était Kreattur. Il semble qu’il se soit encore caché dans le grenier...
Harry se tourne vers moi en attendant.
— Merci de faire ça avec moi.
J’hoche juste de la tête.
— Qu’est-ce qu’il y a ? je finis par entendre.
Sirius. Je ne peux pas voir, je peux juste entendre ce qui se dit, C’est Sirius et mon père qui voient Harry, je ne sais pas si on peut se mettre à deux dans la cheminée. J’en doute maintenant que le process est en marche. Et on va éviter des expérimentations de téléportation de têtes.
— Ça va, Harry ? Tu as besoin d’aide ?
— Non, ce n’est pas ça... Je voulais simplement parler... de mon père.
Il y a un silence après qu’Harry ait fini de leur raconter ce qui s’est passé avec Rogue.
— Je ne voudrais pas que tu juges ton père d’après ce que tu as vu là-bas, Harry, dit mon père. Il n’avait que quinze ans...
— Moi aussi, j’ai quinze ans.
— Écoute, dit Sirius, James et Rogue se sont haïs dès l’instant où ils se sont vus. Ce sont des choses qui arrivent, tu peux le comprendre, non ? Je crois que James représentait pour Rogue tout ce qu’il aurait voulu être – il était aimé de tout le monde, très doué pour le Quidditch – d’ailleurs, il était doué à peu près en tout. Rogue, lui, était ce petit personnage bizarre, plongé jusqu’aux yeux dans la magie noire, et James – quelle que soit la façon dont il t’est apparu, Harry – a toujours détesté la magie noire.
C’est comme ça que je me l’imagine oui, le cliché du Gryffondor, droit dans ses bottes où il ne faut jamais s’écarter du droit chemin. Prompt à faire le meilleur pour ses proches.
— D’accord, admit Harry, mais il a quand même attaqué Rogue sans aucune raison, simplement parce que... parce que tu lui as dit que tu t’ennuyais.
— Je n’en suis pas très fier, répond Sirius.
— Écoute, Harry, ce que tu dois comprendre, c’est que ton père et Sirius étaient les meilleurs à l’école, dans tous les domaines – tout le monde pensait qu’on ne pouvait pas faire plus cool – même si, parfois, ils se laissaient un peu emporter...
— Même si, parfois, on se conduisait comme de petits imbéciles arrogants, tu veux dire, rectifie Sirius. C’est pas ce que Lyra a dit ? Tu l’as vue ?
— Oui, dit Harry. Elle s’est énervée contre lui.
— Elles avaient commencé à être amies avec Lily. Elle supportait moins ce genre de choses, explique Sirius.
Harry me jette un coup d'œil.
— Mais ils étaient proches avec James ?
— Oui, dit mon père. Les trois avec Sirius étaient inséparables. Ils se disputaient parfois. Mais avec de forts caractères, comme les leurs, c’était normal, que parfois la tension monte, ça ne durait jamais longtemps. James l’a aidée comme aucun d’entre nous. Emy est avec toi ?
Harry hoche la tête. Je me sens un peu plus apaisée maintenant que je sais tout ça.
— Oui, et elle gère bien les pleines lunes, dit-il pour le rassurer.
Merci Harry. Difficile d’en parler par lettres avec Ombrage qui lit tout.
— D’accord, c’est bien, fait Sirius.
— Il n’arrêtait pas de se passer la main dans les cheveux pour avoir l’air décoiffé.
Il est revenu à James. J’entends des rires.
— C’est vrai, j’avais oublié, dit Sirius.
— Est-ce qu’il jouait avec le Vif d’or quand tu l’as vu ? demande mon père.
Il a cette voix nostalgique que je connais tant.
— Oui. Moi, je trouve qu’il était un peu idiot, ajoute Harry.
— Bien sûr qu’il était un peu idiot, dit Sirius. Nous étions tous idiots ! Enfin, Lunard pas tellement.
Le calme et le sage de la bande.
— Est-ce que je vous ai jamais dit de laisser Rogue tranquille ? Est-ce que j’ai jamais eu le cran de vous empêcher d’aller trop loin ?
Je sens du regret dans sa voix. Ça me rassure sur ce qui s’est passé. Sur la nature de mon père. Il ne cautionnait pas ça. Et oui, nos parents et leurs agissements ne font pas ce que nous, nous sommes, mais je préfère avoir des parents dans le juste plutôt que des personnes dont je pourrai avoir honte.
— Parfois, dit Sirius, tu faisais en sorte qu’on ait honte de nous-mêmes... C’était déjà quelque chose...
— Et puis aussi, insiste Harry, il n’arrêtait pas de jeter des coups d’œil vers les filles assises au bord du lac en espérant qu’elles le regardaient !
— Oh, il se rendait toujours ridicule quand Lily était dans le coin. Il ne pouvait s’empêcher de faire le malin chaque fois qu’il se trouvait près d’elle.
— Comment se fait-il qu’elle l’ait épousé ? Elle le haïssait !
— Non, pas du tout, assure Sirius.
— Elle a commencé à sortir avec lui en septième année.
— Quand la tête de James s’est un peu dégonflée.
— Et qu’il a cessé de jeter des maléfices aux autres simplement pour s’amuser.
— Même à Rogue ? demande Harry.
— Oh, Rogue, c’était un cas particulier, dit lentement mon père. Lui-même n’a jamais perdu une occasion de lancer des sorts à James et donc on ne pouvait pas s’attendre à ce que James reste sans réaction, non ?
— Et ma mère ne trouvait rien à redire à ça ?
— Elle n’en savait pas grand-chose, pour te dire la vérité. James n’emmenait pas Rogue quand il sortait avec elle et il ne lui jetait pas de maléfices en sa présence.
Petit silence, je doute que la réponse lui plaise à Harry. Je tends l’oreille pour entendre si la diversion des jumeaux fonctionne encore. Ils avaient dit vingt minutes.
— Écoute, James était le meilleur ami que j’aie jamais eu et c’était un type bien. Beaucoup de gens sont bêtes quand ils ont quinze ans. Ça s’est arrangé quand il a grandi.
— Oui, oui, bien sûr, dit Harry. Mais je ne pensais pas qu’un jour Rogue me ferait pitié.
— Au fait, dit mon père, comment a réagi Rogue quand il s’est aperçu que tu avais vu ça ?
— Il m’a dit qu’il ne me donnerait plus jamais de cours d’occlumancie. Comme si ça pouvait me déran...
— Il QUOI ? s’écrie Sirius.
Oh, oh…
— Tu parles sérieusement, Harry ? demande mon père. Il a vraiment arrêté de te donner des leçons ?
— Ben oui. Mais ce n’est pas grave, ça m’est égal, c’est même plutôt un soulagement si vous voulez mon...
— Je vais aller là-bas dire deux mots à Rogue !
Sirius et son côté impulsif.
— Si quelqu’un doit aller voir Rogue, ce sera moi ! répond mon père. Mais d’abord, Harry, il faut que tu dises à Rogue qu’il ne doit en aucun cas arrêter de te donner des leçons. Quand Dumbledore saura que...
— Je ne peux pas lui dire ça, il me tuerait ! Vous ne l’avez pas vu quand on est sortis de la Pensine.
— Harry, rien n’est plus important que ton apprentissage de l’occlumancie ! Assure mon père. Tu comprends ? Rien !
— D’accord, d’accord. Je... J’essaierai de lui dire un mot... Mais ce ne sera pas...
— Harry, j’interviens.
— Quoi ?
— Des bruits de pas.
Je me saisis de la cape et nous recouvre avec alors qu’Harry les salue. C’est Rusard qui arrive, il cherche des papiers. C’est notre occasion de sortir.
— Autorisation de donner des coups de fouet... Autorisation de donner des coups de fouet... J’ai enfin le droit de le faire... Ils le méritent depuis tant d’années...
On sort et nous courons vers le bruit pour nous mêler à la foule. Nous n’avons pas le temps de débriffer ce que nous avons entendu. Le cœur battant, je me fraye un chemin parmi la foule. Toute l’école est là et forme un cercle autour des jumeaux. Même Peeves les survole d’un air triste.
Qu’ont-ils fait ?
Je m’arrête au bord du cercle et immédiatement, le regard de George se pose sur moi. Lui et Fred avaient un air coupable sur le visage, maintenant, c’est un sourire radieux qui prend place et je dois dire qu’il est contagieux.
— Ils vont se faire virer, murmure Harry qui m’a suivie.
Je repense à ce que Lavande disait. Au fait qu’il va partir, qu’on ne va pas se voir pendant plus d’un mois, et puis… Et puis quoi ?
— Bien ! dit Ombrage d’un air triomphant alors qu’elle les rejoint comme une proie qui se prépare à bondir.
Vieille peau.
— Alors, vous trouvez amusant de transformer un couloir de l’école en marécage, n’est-ce pas ?
Alors c’est ça qu’ils ont fait. Je dois dire que celui-ci, je ne m’y attendais pas du tout. Depuis quelques temps, les projets se sont multipliés, je travaille au tout début du process, puis je leur donne mes calculs et c’est eux qui font opérer la magie. Je ne suis plus les projets jusqu’à la fin, il y en a trop.
Un marais putain…
— Très amusant, oui, répond Fred.
Rusard arrive, ses papiers à la main. C’est le plus beau jour de sa vie.
— J’ai le formulaire, madame la directrice. J’ai le formulaire et les fouets sont prêts... Oh, s’il vous plaît, donnez-moi l’autorisation de le faire tout de suite...
— Très bien, Argus, dit Ombrage. Vous deux, vous allez voir ce qui arrive dans mon école aux canailles de votre espèce.
— Eh bien, moi, je crois qu’on ne va rien voir du tout, réplique Fred. George, je pense que nous n’avons plus l’âge de faire des études à plein temps.
— Oui, c’est bien ce qu’il me semblait.
Son ton est léger, il est serein.
— Le moment est venu d’exercer nos talents dans le monde réel, tu ne crois pas ?
— Sans aucun doute.
Ils lèvent leurs baguettes et par réflexe, nous nous baissons tous, attendant la mauvaise blague. Mais rien du tout.
— Accio balais !
Leur magie combinée, avec cette envie de liberté qui les a toujours hantés, rien ne les arrête. Les balais volent jusqu’à à eux, toujours enchaînés, mais plus attachés à quoi que ce soit. L’image me fait rire et je cours les rejoindre pour les embrasser.
Fred jette un regard menaçant à Ombrage.
— Ne vous avisez pas de vous en prendre à elle, elle n’a rien à voir avec tout ça.
George m’attire à lui et j’oublie le monde autour de nous. Il n’y a que lui et moi, ses yeux rieurs, sa bouche qui se pose sur la mienne et mon cœur qui fait boum dans ma poitrine. C’est les jambes tremblantes que je recule pour les laisser s’envoler.
— Au plaisir de ne plus vous revoir, disent-ils en dise d’adieu à Ombrage.
— Oui, ne vous donnez pas la peine de prendre de nos nouvelles.
— Si quelqu’un a envie d’acheter un Marécage Portable semblable à celui dont nous avons fait la démonstration là-haut, rendez-vous au 93, Chemin de Traverse, chez Weasley, Farces pour sorciers facétieux. Nos nouveaux locaux !
— Réduction spéciale pour les élèves de Poudlard qui jurent d’utiliser nos produits pour se débarrasser de cette vieille grenouille.
— ARRÊTEZ-LES ! s'écrit Ombrage qui comprend qu’ils sont sérieux.
Elle est bien trop en retard, ils s’envolent et rejoignent Peeves au plafond.
— Rends-lui la vie infernale à cette vieille folle, Peeves, lance Fred.
Le fantôme hôte son chapeau et se met au garde-à-vous devant les jumeaux alors que la foule se met à les acclamer. George me fait un dernier clin d'œil en mimant une phrase qui me va droit au cœur puis ils disparaissent dans la nuit.
Ombrage se tourne vers moi.
— Vous ! Vous venez avec moi tout de suite !
— Et sous quel prétexte ? je réplique.
— Faites disparaître ce marécage !
Plein de répliques cinglantes fusent dans mon esprit. Ça fait un moment que je garde tout pour moi, depuis le départ de Dumbledore en fait.
— Voyez professeur, je n’ai vu aucune théorie à ce sujet dans mes manuels. Sans théorie, pas de pratique. Et je ne peux exercer la pratique que lors des BUSES qui ne sont que dans quelques semaines.
Elle est rouge de colère, et je pars avant qu’elle puisse réagir. D’un pas rapide, je me dirige vers la salle commune, évitant les acclamations d’élèves. Quand je me retrouve dans la salle, la folie des jumeaux me frappe en plein fouet. C’est bon, ils sont partis. Je ne croiserai plus George dans les couloirs, plus de sourires à la dérobée, pas de repas à la Grande Salle ensemble, plus de baisers cachés, plus de…
Je monte dans leur chambre, leurs affaires ne sont plus là. Ce vide me paraît trop grand pour pouvoir être géré. Je m’assois sur le lit de George sous l’émotion, puis finis par totalement m’allonger. Ça fait beaucoup en une journée.
Et maintenant qu’est-ce que je fais ?
Je passe mes BUSES.
Ok, je me relève et descends pour remonter vers mon dortoir. Il y a du monde dans la salle commune, je préfère aller dans ma chambre. Tout le monde est porté par une telle euphorie, c’est assez agréable de voir des sourires sur tous les visages.
— Ça va Emy ? me demande Hermione en me rejoignant.
— Oui, je vais réviser.
— Tu n’as pas mangé, me fait-elle remarquer.
— Je n’ai pas faim.
En réalité, je sors quelques chocogrenouilles, parce que c’est du chocolat, et que réviser sans chocolat, c’est un comble. Elle me laisse travailler un peu, puis sa curiosité ne tient plus.
— Alors ? Vous leur avez parlé ?
— Oui.
Elle pince les lèvres.
— C’est à Harry de t’en parler, pas moi. Et s’il ne t’en parle pas, c’est qu’il n’est pas encore prêt.
J’espère qu’elle ne va pas mal le prendre.
— Je comprends oui.
Je scrute son visage à la recherche d’un air triste, mais rien. Rassurée, je retourne à mes révisions.
— Et que t’a dit George en partant ?
Je rougis.
— T’as compris ?
— Non, fait-elle. Mais toute l’école va vous adorer. C’était très romantique.
Je rougis encore plus. Sur ce fait, les filles entrent dans la chambre.
— Emy ! On raconte qu’Ombrage a descendu ton balai avec celui d’Harry dans les cachots et qu’un troll le garde !
Je grimace.
— Ces cachots sont pleins d’humidité…
Elle rigole.
— Et ce baiser ! Wouaouh ! Je veux la même chose !
Mais comment mes joues peuvent être aussi chaudes ? Peut-on mourir de gêne ? Je n’ai pas réfléchi sur le moment. J’aurais peut-être dû.
— Quelle classe de se barrer comme ça ! Peeves va lui faire vivre un enfer, ça va être génial.
— Il y a vraiment un marais dans les couloirs ? je demande.
— Dans le couloir du cinquième de l’aile est, précise Hermione.
C’est le département de DCFM.
— Putain… je murmure.
Toute la soirée, les filles reparlent des meilleurs moments de cette soirée. Ginny nous rejoint et on rigole bien. Les révisions attendront demain finalement.
*****
Le lendemain, l’atmosphère est électrique au château. Ombrage ne me croie pas bien sûr et passe son temps à me fixer de son regard globuleux. Génial.
Mis à part ça, Lee me fait part d’une idée pour embêter Ombrage, puis Peeves passe un moment me prévenir qu’il a une réserve de Bombabouses et de boules puantes. Je comprends ainsi qu’il vaut mieux que je prenne l’habitude de pratiquer un sort de Têtenbulle dès que je sors de classe.
— J’aime bien que tu sois dans les petits papiers de Peeves, me glisse Hermione. Je ne supporte plus ces odeurs. Et ça évite les mauvaises surprises.
Assez d’accord.
Quant à moi, je ne tente rien contre Ombrage. J’ai bien assez fait à une période, et je me focalise sur mes révisions. C’est difficile de se concentrer, si je suis à la bibliothèque ou même dans la salle commune, des élèves viennent me voir pour me donner des bons de commande.
Ça attendra juillet, de toute manière comment je pourrai transmettre tout ça aux jumeaux avec Ombrage qui surveille tous les colis et lettres ?
La pleine lune qui arrive m’angoisse un peu, je ne sais pas comment je vais pouvoir l’appréhender. Je me décide à aller tout de même dans la Salle sur Demande. Depuis le temps, Ombrage a peut-être cessé de la faire surveiller, et puis elle a - j’espère - d’autres choses en tête.
— Tu n’as pas le choix de toute manière, me souffle Hermione. C’est pour ton bien. Tu en as besoin. Et une fois que tu es dans la Salle, tu es protégée.
— On peut t’aider, assure Ron. En tant que préfets, on t’accompagne jusque là-bas avant l’heure du coucher et tu ressortiras au matin.
— Tu peux prendre ma cape, ajoute Harry.
— Vous pensez que je peux ?
— Oui, affirme Hermione. Sans aucun doute.
Alors, c’est ce que je fais. Honnêtement, je n’aurais pas pu ne pas me transformer cette nuit-là. Je ne peux plus faire taire le loup. Il fait partie de moi. Je dois vivre avec et cela signifie écouter la lune.
Être enfermée seule dans une salle n’a rien de bien réjouissant, la présence de George changeait beaucoup même s’il finissait toujours par s’endormir dans les poufs. Mais c’est mieux que rien et je me sens bien plus apaisée le lendemain matin.
Je n’ai pas dit aux autres que j’avais des propositions d’équipes internationales de quidditch. Je veux en parler à mon père avant, en face à face. Je veux m’en réjouir, poser les choses à plat et vraiment voir ce que je peux faire. Ombrage et ses idées parasites m’encombrent la tête, j’ai besoin de mon père et qu’il m’aide à faire le tri.
J’avoue que je me coupe un peu de ce qui se passe autour de moi. Quand Ron nous confie qu’Harry marmonne toujours dans son sommeil, je suis un peu gênée d’avoir tant pensé à moi.
— Il faut qu’il convainque Rogue de reprendre ses cours d’occlumencie, dit Hermione.
— Peut-être qu’il faisait juste un rêve normal, dit Ron.
— Bien sûr, fait-elle sarcastiquement. Je n’ai jamais pas l’impression qu’il essaie de fermer vraiment son esprit. Emy, il t’en a parlé ? Cette décision d’arrêter était tout de même très soudaine et avec le départ de Dumbledore…
— Il ne m’a rien dit, je réponds.
C’est un peu faux. Mais après cette discussion, je trouve un moment pour parler seule à Harry.
— Tu fais encore tes rêves ?
Il n’a pas besoin de me répondre que je connais la réponse.
— Toujours avec cette porte ?
— Je ne parviens pas à l’ouvrir.
— Mais tu ne dois pas l’ouvrir ! je réplique énervée.
Merde, mais il ne comprend pas ce que Voldemort pourrait faire ?! J’ai pourtant l’impression qu’à Noël, il avait saisi l’importance de ces cours !
— Je peux peut-être récupérer des informations importantes !
Il s’énerve lui aussi.
— Il faut que tu retournes voir Rogue et que tu reprennes ces leçons. Harry, tu ne peux pas laisser l’opportunité à Voldemort de…
— Je sais très bien Emy, réplique-t-il sèchement. Crois-moi, je sais très bien de quoi il est capable.
— Alors fais quelque chose ! Arrête de vouloir ouvrir cette porte !
— Facile à dire !
Ça m’énerve encore plus et je préfère partir plutôt que de dire quelque chose que je regretterais.
Retour aux révisions.
Le dernier match de l’année entre Serdaigle et Gryffondor est une torture pour moi. Je ne peux pas me réjouir comme les autres élèves à l’idée de deviner qui pourrait l’emporter. Les résultats médiocres de Ron me font mal au cœur et je finis par fuir tous les sujets quidditch comme la peste.
Malheureusement le jour J, je ne peux pas fuir, c’est la mort dans l’âme que je m’assois dans les gradins. Hermione pose une main réconfortante sur mon épaule.
— Tu peux étudier leur jeu.
C’est pas faux.
Elle a raison, je suis là pour soutenir mon ami, même s’il a dit ce matin, qu’il ne peut pas faire pire que ce qu’il a déjà fait, et franchement ça ne met pas en confiance.
Je sors une chocogrenouille de ma poche et m’adosse à mon siège pour profiter au mieux. Les joueurs sont entrés, Angelina, Katie et la nouvelle poursuiveuse, Alicia volent bien ensemble. Leurs passes sont fluides, par contre, dès qu’un cognard entre dans le champ de vision de Alicia, elle se freine et ses passes mettent en difficulté ses co-équipières.
Je n’ai pas le temps de regarder plus longtemps. Hagrid nous appelle. C’est urgent et ne peut pas attendre. Avec son air abattu et toutes ses ecchymoses et blessures, difficile de dire non.
On part discrètement avant qu’Ombrage puisse mettre la main sur nous. Il marche vite et on doit presque courir pour le suivre. À ma grande surprise, nous ne nous dirigeons pas vers sa cabane, mais plutôt vers la Forêt Interdite. Je n’y ai pas mis les pieds depuis des lustres.
L’odeur de la terre, des feuilles, le silence et le calme que seules les forêts peuvent inspirer me fait monter en moi une envie puissante. Le loup s’est réveillé, il veut courir, il veut être libre.
— Hagrid, pourquoi êtes-vous armé ?
— Simple précaution.
— Vous n’aviez pas emporté votre arbalète le jour où vous nous avez montré les Sombrals.
— On n’allait pas aussi loin, ce jour-là. Et puis, c’était avant que Firenze quitte la forêt.
Je n’écoute plus, la Bête au fond de moi est à deux doigts de surgir. Je ne m’attendais pas à une telle force de sa part. Oui, c’est drôle, elle et moi, nous ne sommes qu'une. Mais faire la différence, m’aide à mieux lutter. C’est comme si la nature appelait cette autre partie de moi. Je suis obligée de m’arrêter tant j’ai peur de perdre le contrôle. Les autres s’arrêtent alors que je suis pliée en deux, à tenter de faire mes habituels exercices de respiration.
Quand je vois rouge, je…
— Emy ça va ?
— Oui, partez devant, je vous rejoins.
— La forêt n’est pas sûre, dit Hagrid.
Pour un peu j’en rigolerais.
— Ça va aller.
Ils n’ont pas l’air décidés à partir sans moi. Je reprends la marche, les poings serrés. Définitivement, je ne passerai plus des mois entiers sans répondre à la lune. Je vais devenir folle sinon.
— Je vais me transformer, je déclare.
Je sens que je peux garder le contrôle. Et je ne peux pas continuer à marcher comme ça. Hagrid ne donne pas d’avis contraire, alors je m’exécute.
C’est comme si j’avais passé les derniers mois en apnée. La paix de la forêt fait partie de moi, je me sens bien, réellement bien comme je ne me suis pas sentie bien depuis longtemps.
J’avance facilement sur le chemin qu’Hagrid nous indique. Les ronces, les racines, les branches ne sont pas un problème. Au loin, je peux sentir des lapins, beaucoup de rongeurs, des oiseaux, le passage des centaures et puis une odeur prend le dessus. Elle est étrange, très forte qu’elle me fait frémir. Ce n’est rien de proche de tout ce que j’ai pu sentir avant. Et j’ai l’impression qu’on va directement vers cette chose. Je me retransforme tout de suite.
— Hagrid…
— Tu l’as senti ?
— Oui… C’est quoi ?
Harry et Hermione ont allumé leurs baguettes. Hagrid s’arrête et nous fait face.
— Bon, alors, reprit Hagrid, voilà… Il y a de fortes chances que je sois renvoyé d’un moment à l’autre. Depuis que je suis revenu, Ombrage cherche un prétexte pour se débarrasser de moi. Je n’ai pas envie de partir, bien sûr, mais s’il n’y avait pas... heu... les circonstances particulières que je vais vous expliquer, je m’en irais tout de suite, avant de lui laisser l’occasion de me chasser devant toute l’école, comme elle l’a fait avec Trelawney.
Ils s’indignent tous les deux, mais moi, je suis incapable de prononcer un mot. J’ai encore cette odeur dans la tête. L’odeur d’un prédateur.
— Oh, ce n’est pas la fin du monde, je pourrai aider Dumbledore quand je serai parti d’ici. Je peux être utile à l’Ordre. Et vous autres, vous aurez Gobe-Planche, vous... vous n’aurez pas de mal à passer vos examens... Ne vous inquiétez pas pour moi.
Il se retient de pleurer, d’un seul geste, on tapote son bras avec Hermione.
— Écoutez, je ne vous raconterais pas tout ça si je n’y étais pas obligé. Vous comprenez, si je m’en vais... je ne peux pas partir sans... sans dire à quelqu’un... Parce que je... je vais avoir besoin de vous trois pour m’aider. Et de Ron aussi, s’il veut bien.
— Bien sûr qu’on va vous aider, dit Harry. Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ?
— Je savais que vous accepteriez, mais je... n’oublierai... jamais... allez... venez... c’est un peu plus loin, là-bas... faites attention, il y a des orties...
— Hagrid, dis-je alors qu’il allait repartir. Ce n’est pas prudent d’aller dans cette direction, je ne sais pas ce qu’il y a, mais c’est dangereux.
J’ai failli dire mauvais.
— Oui, je m’en doutais que tu dirais ça. Les loups-garous et eux ne se sont jamais entendus. C’est viscéral, c’est comme ça.
— Qui eux ? j’insiste mais il a déjà repris sa route.
— Emy, qu’est-ce que tu as senti ? me demande Hermione blanche comme un linge.
Harry n’est pas mieux.
— J’en sais rien, mais je vais garder ma baguette à la main, juste au cas où.
Ça ne les rassure pas, mais franchement, ce n’était pas le but. Le cœur battant, je suis Hagrid qui s’arrête à l’orée d'une clairière.
— Oh merde… je murmure.
— Il dort, chuchote Hagrid.
Putain de merde. J’échange un regard horrifié avec Hermione.
— Hagrid, dit-elle tout bas. Qui est-ce ?
Je me recule le plus loin du géant. Mes tripes me disent de partir loin, très loin. Le loup n’est plus là, c’est comme s’il savait que la créature en face de lui pourrait le broyer, le casser en deux d’un coup de main.
Instinct de survie.
— Hagrid, vous nous aviez dit... Vous nous aviez dit qu’aucun d’entre eux n’avait voulu venir !
— Justement, il ne voulait pas venir. Mais il fallait que je l’emmène, Hermione, il le fallait !
— Pourquoi donc ? Pourquoi... Qu’est-ce que... oh, Hagrid !
— J’étais sûr que si j’arrivais à le ramener, et à lui apprendre un peu de bonnes manières, je pourrais le sortir et montrer à tout le monde qu’il est inoffensif !
— Inoffensif ? je relève.
Cette créature est tout sauf inoffensive !
Je veux me barrer d’ici, je peux regarder toute une semaine des matchs de quidditch sans participer si ça me fait partir d’ici maintenant.
— Emy, tu ne crains rien, il est attaché, me dit Hagrid.
— Mais il me sent comme moi, je le sens. Je ne m’approche pas de lui.
Harry est sous le choc, Hermione est au bord des larmes.
— C’est lui qui vous donnait des coups, n’est-ce pas ? dit-elle. C’est pour ça que vous avez toutes ces blessures !
— Il ne connaît pas sa force ! Mais il fait des progrès, il se bat beaucoup moins...
— Voilà donc la raison pour laquelle vous avez mis deux mois à revenir ! Oh, Hagrid, pourquoi l’avez-vous amené, s’il ne voulait pas venir ? N’aurait-il pas été plus heureux avec son propre peuple ?
— Ils n’arrêtaient pas de le brutaliser, Hermione. Il est si petit !
— Petit ? Petit ?
— Je ne pouvais pas l’abandonner… Tu comprends, c’est mon frère !
Il me jette un regard suppliant, désolée, mais ça ne change rien, je ne m’approche pas. C’est déjà un miracle que mon odeur ne l’ait pas réveillé.
— Hagrid, quand vous dites « mon frère », ça signifie... commence Harry.
— Enfin bon, mon demi-frère. Il se trouve que ma mère est partie avec un autre géant quand elle a quitté mon père et c’est à ce moment-là qu’elle a eu Graup...
— Graup ?
— Oui... En tout cas, c’est ce qu’on comprend quand il dit son nom. Il ne parle pas très bien anglais... J’ai essayé de lui apprendre... Ma mère n’a pas l’air de l’avoir aimé beaucoup plus que moi. Vous savez, avec les géantes, ce qui compte, c’est de faire de beaux gros enfants et lui, pour un géant, il est plutôt du genre avorton... Il ne mesure que cinq mètres...
— Oh oui, c’est minuscule ! Absolument minuscule !
D’habitude le sarcasme d’Hermione me fait rire. Pas aujourd’hui.
— Les autres n’arrêtaient pas de le maltraiter... Je ne pouvais pas l’abandonner...
— Madame Maxime était d’accord pour le ramener ? demande Harry.
— Elle... enfin, elle voyait bien que c’était très important pour moi. Mais, au bout d’un moment, elle en a eu un peu assez, je dois l’avouer... Alors, on s’est séparés et on est rentrés chacun de notre côté... Mais elle a promis qu’elle n’en parlerait à personne...
— Et comment avez-vous fait pour le ramener sans que personne le remarque ?
— C’est pour ça qu’il m’a fallu si longtemps. On ne pouvait voyager que la nuit et en pleine nature. Bien sûr, il avale pas mal de kilomètres quand il veut, mais il avait toujours envie de revenir chez lui.
— Oh, Hagrid, pourquoi ne l’avez-vous pas laissé partir ? Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ? demande Hermione avec appréhension.
La réponse ne va pas me plaire.
— Que vous vous occupiez de lui, répond Hagrid. Quand je serai parti.
Et merde.
— Bon, je vais le réveiller maintenant... Pour vous présenter… Je vais vous expliquer…
Le ventre serré par l’angoisse, je le regarde s’approcher du géant pour le réveiller. Je veux bien croire qu’il est petit pour son espèce, mais c’est déjà bien trop grand pour moi.
Quand il se lève en poussant un rugissement, je sursaute de peur. Puis ses yeux se posent directement sur moi, à l’écart près du chemin qui ramène au château. Ce qui sort de sa bouche est un grognement, je ne suis pas experte en géants, mais encore une fois, mon instinct est là pour prendre le relais.
— Graupy, c’est une amie. Elle est gentille.
« Graupy » en a visiblement rien à foutre car il se jette vers moi, et je remercie les cordes pour le retenir.
— Non ! Vilain Graup ! s’exclame Hagrid.
Les grognements n’ont pas cessé. J’ai envie de me transformer et faire de même. Oui, c’est ridicule, je suis une sorcière, je pourrai jeter un sort. Au lieu de ça, je veux redevenir louve.
— Emy, je crois que c’est mieux si tu…
— Je vous attends plus loin.
Je pars d’un pas rapide, le cœur battant la chamade. Je suis née loup-garou, je n’ai jamais eu à m’adapter à un mode de vie. Il a toujours été là.
Je me trompais, je ne savais pas que le loup pouvait à ce point me dominer. La plein lune, ok, la colère et les émotions fortes, ok. Mais quelque chose comme ça à ce point ? Non, je n’en savais rien. Ça m’inquiète un peu d’ailleurs. Je n’aime pas l’idée d’avoir cette faiblesse, puisque ne pas avoir le contrôle, c’est une faiblesse.
N’est-ce pas ? Non ?
Je m’arrête et m'adosse à un arbre pour souffler. Combien d’autres choses je ne sais pas sur ma condition ? Une pensée me frappe de plein fouet. Je n’ai jamais rencontré d’autres loups-garous que mon père. Serais-je différente en leur présence ? Sont-ils comme des loups ?
Perdue dans mes pensées, je n’entends pas les autres revenir.
— Désolé Emy, dit Hagrid. Je pensais que ça pourrait fonctionner.
— Ça va, je marmonne.
J’ai pas mieux, désolée.
Harry et Hermione semblent toujours aussi secoués. Limite plus. Que s’est-il passé ? On retourne vers le château rapidement. Pourvu que le match soit toujours en cours, Ombrage ne doit pas se rendre compte que je suis partie dans la forêt et encore moins que je me suis transformée. Parce qu’elle n’aurait pas eu tellement tort en disant que je suis incapable de me contrôler. Je n’ai sauté à la gorge de personne, mais j’avais tout de même besoin de devenir loup.
— Hagrid, dit Hermione qui marche devant moi, si les centaures ne veulent pas d’humains dans la forêt, je ne vois pas comment Harry et moi nous pourrions...
De quoi elle parle ?
— Oh, tu as entendu ce qu’ils ont dit, ils ne tuent pas les poulains, enfin, les enfants. De toute façon, on ne va pas se laisser impressionner par cette bande là.
— Bien essayé, murmure Harry. On t’expliquera Emy.
Ok, bon. Ça ne peut pas être pire que faire du babysitting à un géant, si ? Au bout du troisième ortie qui me pique à travers mes vêtements, je me retransforme et finis le trajet sous ma forme de louve. Ma patience à ses limites.
Et cette après-midi, on les a atteintes.