Les choses ont changé entre George et moi. Premier je t’aime, premiers baisers passionnés. Quand nous avons dormi ensemble cette nuit-là, des milliers d’idées m’ont traversé la tête. Je me suis finalement endormie dans ses bras pour me réveiller avec un château totalement couvert de neige. Les garçons avaient déjà quitté la chambre, alors pour une fois, je me suis autorisée à rester au lit à ne rien faire. George blotti contre moi, la chaleur de son corps contre le mien, je me suis rendormie.
Oui, j’étais vraiment fatiguée.
Quand j’ai rejoint les autres pour le déjeuner, tous étaient surpris de me voir de si bonne humeur.
— Hagrid est de retour, me lance Hermione en guise de bonjour.
Je suspends mon geste vers la carafe d’eau. Mince, j’aurais pu y aller hier soir finalement.
— Alors ? dis-je.
Il n’y a plus personne dans la Grande Salle quand ils ont fini de me raconter toute l’histoire.
— J’ai passé la matinée à essayer de lui faire comprendre qui est Ombrage, qu’il devait bien préparer ses cours, rien de dangereux, mais rien à faire. Il m’a dit que le premier cours serait une surprise.
En parfaite synchronisation, Ron et Harry poussent un gémissement avec moi.
— Oui, approuve Hermione. Il est d’une drôle d’humeur, il n’a pas voulu me dire d’où venait ses blessures ni ce qu’il faisait dans la forêt.
— Il fait toujours des choses dans la forêt, dit Ron en frissonnant.
Les araignées.
— Les deux sont peut-être liés, dis-je en grignotant du raisin même si je n’ai plus faim.
— Mmmh peut-être.
Elle échange un regard avec les garçons.
— Et toi ? Ça va ?
Harry ose pour la première fois depuis que je les ai rejoint me regarder dans les yeux.
— Ça va aller. Je vais me battre. Elle pense m’avoir tout pris, très bien, elle croira que je n’ai rien à perdre.
— Fred m’a dit ça ce matin aussi, déclare Ron.
— Oh, oui, on va trouver de quoi faire.
— C'est-à-dire ? Intervient Hermione.
— Je veux la faire payer, c’est la guerre. Elle me sort un nouveau décret, paf, on lance une offensive. Quoi exactement ? Je ne sais pas encore. On va en parler avec les jumeaux, mais je ne vais pas me laisser faire comme ça.
Je m’arrête là, je sens que je m’énerve à nouveau.
— Emy, commence Hermione en se penchant vers moi, honnêtement, tu devrais voir Dumbledore, elle ne peut pas t’empêcher de te transformer.
Je secoue la tête.
— Non, il n’a aucune chance contre elle. Surtout pas concernant ce sujet. Elle ne lâchera pas l’affaire me concernant, tu l’aurais vue avec McGonagall, elle a les pleins pouvoirs, elle le sait et en profite.
— En abuse, rectifie Harry.
Il se racle la gorge.
— Je tenais à m'excuser pour hier. Ce que tu as dit dans le couloir… Ça m’a beaucoup fait réfléchir. Tu as raison quand tu disais qu’on aurait jamais dû céder à la colère. Par contre, je te demande de considérer mon point de vue et celui des jumeaux.
— Drago disait des horreurs Harry, je ne le conteste pas. Cependant…
Cependant je repense à Walburga et tous ses laïus sur la personne qu’était ma mère, sur mon père, sur le fait que j’avais une tare, qu’elle devait la rectifier… Toutes ces choses que je tente de toujours repousser loin dans mon esprit refont surface.
— Cependant, je sais ce que c’est d’entendre des horreurs. Et il voulait appuyer pour faire mal.
Harry serre des dents et je m’arrête là. Pas besoin d’aller plus loin.
— Bref, ça va. Vraiment.
— Désolé.
— Moi aussi.
— Il faut qu’on trouve un moyen de communiquer sur les dates d'entraînement, reprend Hermione en sortant un parchemin de sa poche.
— J’y ai pensé, dis-je en regardant si personne ne nous regarde.
Non, trop risqué, il y a trop de monde. Je tapote mon avant-bras et ils comprennent immédiatement. Surtout Hermione.
— Harry pourrait prévenir les autres, commencés-je.
— Oui, approuve-t-elle. Il suffit d’un objet…
— Qu’Ombrage ne trouverait pas suspect…
— Un parchemin, c’est trop évident si la date est écrite…
— On pourrait tenter un Protéiforme…
— Mais oui !
Elle saute de joie. J’adore quand on est comme ça à finir les phrases l’une de l’autre.
— Oh, je sais.
Elle fouille dans sa poche, sort sa bourse et me montre un gallion.
— Regarde, les numéros de série. Les mornilles et les noises n’en ont pas, mais les gallions si ! Harry pourrait changer le sien et ainsi prévenir les autres !
— Oui ! je m’écris en sautant sur place à mon tour.
On éclate de rire alors que les garçons nous regardent avec de grands yeux.
— Vous nous expliquez quand vous voulez, fait Ron entraînant une nouvelle hilarité.
*****
— Prêts ?
L’air enjoué d’Hagrid pourrait être rassurant.
Pourrait.
— Bon, alors, pour votre cinquième année, je vous ai réservé une petite excursion dans la forêt. Je pense qu’il vaut mieux voir ces créatures dans leur milieu naturel. Ce qu’on va étudier aujourd’hui est plutôt rare. Je crois bien que je suis la seule personne au Royaume-Uni à en avoir dressé.
Je commence à prendre la direction de la forêt, ignorant Drago et ses commentaires, sinon je risque d’être méchante.
Mes chaussures dans la neige s’enfoncent à chaque pas, la progression n’est pas facile, puis, plus nous progressons dans la forêt, plus la neige se fait rare. Je me sens bien à marcher dans le froid, ça me rappelle petite, nos balades avec mon père principalement. Promenade pour ramasser les châtaignes, les champignons, les prunes ou tout simplement découvrir les environs.
Quand Hagrid pose sa demi vache morte au sol, je scrute les environs à la recherche de cette fameuse créature. Un instant, je suis tentée de me transformer, avant de me rappeler que je n’ai plus le droit. Et nul doute que Pansy ou l’une de ses copines se fera un malin plaisir de le rapporter à Ombrage.
— Tu crois que c’est quoi ? murmure Hermione qui s’est placée à mes côtés.
— Aucune idée. Mais un truc qui mange des carcasses de vache, ça ne m’inspire pas du tout confiance.
Elle soupire.
— Hagrid… Heureusement qu’elle n’est pas là pour inspecter.
Oui, heureusement.
Hagrid pousse un premier cri aigu. Puis un deuxième pour les appeler. Cela suffit, j’esquisse un sourire en voyant le premier Sombral arriver.
— Les voilà, je murmure.
— Où ? Je ne les vois pas.
Je la regarde avec un sourire.
— Tant mieux.
En me retournant, je vois que seul trois personnes semblent les voir. Harry, Neville et un gars de Serpentard. Harry croise mon regard et vient me rejoindre.
— Tu les vois ?
— Bien sûr, dis-je.
Il semble soulagé.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Donc je ne suis pas fou, me répond-il. C’est bien ces créatures qui tiraient la diligence du 1er septembre.
— Oui, dis-je toujours sans comprendre.
— Luna les voit aussi, je ne les avais pas vus avant, et quand elle a remarqué ma surprise, elle m’a dit « Tu es aussi sain d’esprit que moi. » tout en lisant son livre à l’envers. Tu comprends pourquoi j’étais inquiet.
Je le rassure d’un sourire.
— Pardonnez-moi, mais on est censés voir quoi ? nous demande Hermione.
— Ah en voilà un autre ! s’exclame au même moment Hagrid. Et maintenant, levez la main, ceux qui arrivent à les voir.
Nous levons la main avec Harry.
— Oui, bien sûr... je savais que tu les verrais, Harry, dit Hagrid.
Il me fait un sourire.
— Emy, oui… Ah, toi aussi, Neville, hein ? Et...
— Excusez-moi, l’interrompt Malefoy, mais qu’est-ce qu’on est censés voir, exactement ?
Nous grinçons des dents avec Hermione. Je l’ignore depuis le match, mais il rend la tâche difficile.
Les gens poussent des cris de surprise en voyant des morceaux de chair voler dans les airs, puis disparaître.
— Qu’est-ce qui fait ça ? demande Parvati. Qui est-ce qui mange ?
— Des Sombrals.
— Oh, fait Hermione tout bas. Je comprends mieux. Oui, effectivement, tant mieux si je ne les vois pas
— Il y en a tout un troupeau, à Poudlard, reprend Hagrid. Maintenant, qui peut me dire... ?
— Mais ils portent malheur ! l’interrompt Parvati complètement terrifiée. On dit qu’il arrive d’horribles catastrophes aux gens qui les voient. Le professeur Trelawney m’a dit un jour...
— Non, non, non, ça, ce sont des superstitions, ils ne portent pas malheur du tout, au contraire, ils sont très intelligents et très utiles ! Oh, bien sûr, ceux-là n’ont pas beaucoup de travail, ils tirent simplement les diligences de l’école. Parfois, Dumbledore les utilise aussi quand il a un long voyage à faire et qu’il ne veut pas transplaner. Maintenant, qui peut me dire pourquoi certains d’entre vous les voient et d’autres pas ?
Hermione lève la main alors que je m’approche du nouveau venu. J’ai lu le livre de Newt Scamander maintes et maintes fois. Il faut les approcher comme des chevaux, tendre la main bien à plat pour qu’ils la sentent. Hagrid me regarde faire sans objecter, signe que je ne me trompe pas.
— Je t’écoute.
— Les seules personnes qui peuvent voir les Sombrals, répond Hermione, sont celles qui ont vu la mort.
— C’est exactement ça. Dix points pour Gryffondor. Donc, les Sombrals...
— Hum, hum...
Oh non.
*****
— Cette vieille harpie ! je marmonne tout en dépliant la lettre de mon père. Regardez, le sceau est cassé, elle ne s’est pas privée pour tout lire ! Au moins, elle n’a pas blessé ce hibou.
J’expire profondément en évitant de regarder vers la table des professeurs.
— Tu lui as dit pour le quidditch ? me demande Harry.
J’acquiesce.
— Et l’AD ?
— Bien sûr que non. Il n’en sait pas plus que Sniffle.
Depuis quelque temps, nous avons pris l’habitude avec mon père de plus nous envoyer des lettres. On se partage nos lectures, les choses innocentes qu’il peut me raconter et moi mes progrès en magie. Notre correspondance me fait beaucoup de bien dans ma gestion de ma colère. C’est essentiel, j’ai envie de claquer Pansy et Drago dès que je les croise, et je ne parle même pas des cours de DCFM.
— Il te donne de ses nouvelles ?
Tirée de ma lecture, je ne comprends pas de quoi il parle.
— Quoi ?
— Il te parle de Sniffle ? De comment il va ?
— Non. On ne peut pas prendre le risque d’évoquer un chien. Surtout avec la menace de Drago.
Ce n’est pas ce qu’Harry veut entendre.
— Je suis désolée.
— Oh, c’est rien, on devrait rentrer pour Noël.
— Justement, commencés-je avec un sourire. Je voulais voir avec mon père pour rentrer et que tu viennes chez moi.
Il sourit.
— J’adorerais.
Puis son sourire disparaît.
— J’imagine que Dumbledore dira non.
C’est ce que je me disais, oui.
— Mais peut-être qu’il accepterait si on allait au Square Grimmaurd.
— Tu serais ok d’y retourner ? intervient Ron.
La tartine qu’il tient à la main déborde de confiture, Hermione lève les yeux au ciel devant tant de sucre.
— Oui, ce serait mieux pour tout le monde.
— Et puis, maintenant, on est rodés avec Hermione, décorer le Square Grimmaurd après avoir fait le château, ça devrait aller.
— Ça s’est passé comment au fait ?
Il grogne. Être préfet n’est pas comme il le pensait.
— Essaye donc de poser des guirlandes quand c’est Peeves qui tient l’autre bout et qu’il cherche à t’étrangler avec.
On rigole avec Harry.
— Je pensais qu’être préfet serait plus drôle, ajoute t-il.
— Drôle ? soulève Hermione.
— Bah oui, on enlève des points à ceux qui nous ennuient…
Elle hausse un sourcil et il rectifie de suite.
— Ceux qui ne sont pas corrects, quoi. Et puis, ça nous permet de sortir en dehors des heures autorisées.
— Et la réalité ? je demande.
— C’est beaucoup de surveillance, admet Hermione. Ce n’est pas ce que je préfère. Mais on bénéficie de la confiance des professeurs, c’est gratifiant.
L’autre jour, ils ont dû surveiller les premières et deuxièmes années qui passaient leurs récréations dans le château pour être protégés du froid.
— J’ai pas le souvenir qu’on nous gardait pendant les récrés, dit Harry.
— Non, moi non plus, répond Ron. Et ils sont d’une insolence incroyable ces petits morveux, on n’était sûrement pas aussi mal élevés quand on était en première année.
Il se fait une nouvelle tartine qui a encore plus de confiture que la précédente.
— Ça dégouline, j’interviens.
— Quoi ?
— Ta confiture.
— Oh… Ah ! Merde ! fait-il en étalant la tâche sur son pantalon.
— J’aimerais bien qu’on diminue le rythme des rondes, ajoute Hermione en lui tendant une serviette. Je n’ai pas eu le temps de tricoter et malgré ton aide Emy, je n’ai plus que trois bonnets.
— Tu tricotes ? s’exclame Ron de la confiture sur les doigts.
— J’aide Hermione, je rectifie.
— Tu veux libérer les elfes ?
— J’aide mon amie parce que je l’aime et que je veux la soutenir dans ses projets.
— Donc tu veux libérer les elfes.
Harry se met à rire.
— Pardon, dit-il. Faites comme si je n’étais pas là.
On échange un regard et je me mets à rire moi aussi.
— Ne me regarde pas, ça va être pire !
Il m’a dit pour Dobby durant l’une des récréations sans Ron et Hermione. Je sais parfaitement que tout ce que je tricote pour elle, ne servira absolument à rien.
— Elle a fait un très joli travail au crochet, remarque Hermione, très sérieuse.
Je jette un regard triomphant aux garçons qui rigolent un peu plus. Mais pas pour les mêmes raisons.
— Fais-moi plaisir Emy, rit Harry, tricote-moi quelque chose.
— L’image de moi qui tricote est risible ?
— Oui, dit-il sans aucune hésitation.
Il rigolera moins quand je vais lui faire un bonnet.
*****
Depuis que je suis expulsée de tout entraînement de quidditch, j’ai multiplié mes sorties pour courir et faire des exercices de musculation et cardio. Je ne veux pas perdre de temps, de plus, ça m’aide à canaliser mon énergie.
En partant pour cet entraînement, juste avant la dernière réunion de l’AD, je me sens bien, apaisée. Angelina m'interpelle alors que je pars vers le parc.
— Je peux venir avec toi ?
Elle est en tenue de sport, baskets, jogging et sweat à capuche. Visiblement, elle est prête.
— Bien sûr.
L’air froid nous pique les joues. J’adore cette sensation qui s’empare de tout mon corps. Il faut bouger pour se réchauffer, c’est mon shot d’adrénaline qu’il me faut.
— C’est Krum qui t’a expliqué tout ça ?
— Oui. D’abord, on court, puis on fait des sprints et on fait quelques montées et descentes des marches. À voir si ça ne glisse pas trop. Puis quelques exercices de musculation.
— Ok, je te suis.
Nous ne parlons pas pendant les exercices, toutes les deux sommes concentrées sur notre souffle et nos mouvements. C’est de moins en moins difficile de me plier à tous ces efforts. Je sens que mon corps et mon cœur prennent de l’assurance.
Angelina suit bien le mouvement, pour une première, elle m’impressionne.
— Je faisais de l’athlé petite, explique t-elle quand nous procédons aux étirements. Ma mère m’avait inscrite pour que je ne sois pas le genre de petite fille qui fait des colliers de perles et pleure pour un rien.
Elle sourit devant ma surprise.
— Oui, elle a vraiment dit ça. Ce n’était pas méchant, elle n’a pas eu une vie facile, elle vient de Tanzanie, toute sa vie n’a été que lutte.
— Et ton père ?
— Il vient du même village qu’elle. Mais il a pu partir plus tôt, c’était un garçon.
C’est malheureux, mais ça explique tout.
— Et un sorcier. Mes grands-parents l’ont envoyé ici à onze ans pour qu’il étudie à Poudlard. Il rentrait aux vacances, est tombé amoureux de ma mère et puis voilà.
— Ils sont âgés ?
— Quarante-quatre.
Je fais rapidement le calcul, ils l’ont eu à vingt-sept ans.
— Et ton père à quel âge ?
— Trente-cinq. Ils m’ont eu jeunes.
— Les parents d’Harry étaient de la même année ?
— Oui.
Elle arrête l’exercice et expire un coup.
— Vingt et un an, c’est trop jeune.
Pour mourir.
— Pardon, c’est maladroit de ma part.
— Non, ça va.
— Tu vas comment en ce moment ? Tu gères comment cette suspension ?
— C’est pour ça que tu es venue t’entrainer avec moi ? je demande avec un sourire.
— Non, j’avais juste envie de le faire avec toi. Je pense que je le ferai plus souvent. Ça me fait du bien.
— J’en serai ravie.
Elle sourit.
— Alors ? Comment ça va ?
— Bien honnêtement.
Elle semble surprise.
— J’attends Noël pour m’assurer de deux trois choses, puis je vais commencer à la faire payer.
— Co… Non, ne me dis rien, je ne veux pas savoir. Fred agissait bizarrement ces derniers jours. Je veux dire, plus que d’habitude.
Je repense à la dispute que j’ai surprise entre eux deux. Elle est déjà en train de récupérer son pull et me jette le mien.
— Enfile-le. Tu as peut-être chaud maintenant, mais tu vas attraper froid si tu ne te couvres pas.
Je tombe rarement malade, ma lycanthropie ou mon animagus peut-être. Je ne le précise pas, et obéis. Quand nous marchons vers le château, je me rends compte à quel point j’apprécie cette fille.
Un peu comme une grande soeur.
— Vous avez trouvé des remplaçants ?
— On y travaille. Quatre d’un coup, ça fait beaucoup. En poursuiveuse, on a trouvé une fille, Alicia Spinnet, elle est dans la classe de Katie. En batteurs, on a Andrew Kirke et Jack Sloper. Et en attrapeuse - puisque c’est une fille - devine qui c’est.
*****
— Oh, elle a réussi, je suis si contente !
— Elle t’en avait parlé ?
Hermione pose une main sur mon épaule.
— Oui, elle a hésité à t’en parler également, mais tu étais à fleur de peau depuis que tu as été expulsée, et elle ne voulait pas te faire plus de peine.
— Hum, ok, je comprends, je lui en parlerai.
— En parlerait de quoi ? fait Ron en nous rejoignant pour finir son devoir de Métamorphose.
— Qu’il faut que tu te coupes les cheveux Ronald, dis-je avec le plus grand sérieux. Ça ne va pas du tout, ça fait voyou.
Il éclate de rire.
— C’est cela oui.
Harry arrive enfin de la réunion. Il semble ailleurs quand il s’assoit à côté de nous.
— Qu’est-ce que tu faisais ? demande Ron.
Il ne répond pas. On échange tous les trois un regard inquiet.
— Ça va bien, Harry ? s’inquiète Hermione.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
Je plisse les yeux en le regardant tenter de trouver ses mots.
— C’est à propos de Cho ? je demande.
— Elle t’a coincé après la réunion ? ajoute Hermione.
Il hoche la tête. Ron ricane, mais Hermione le fait taire d’un regard.
— Et... heu... qu’est-ce qu’elle voulait ? se reprend t-il.
— Elle… Elle... heu...
Respire Harry, ça va aller.
— Vous vous êtes embrassés ?
Hermione ! Tu aurais pu le laisser finir. Elle me fait un regard innocent.
— Alors ? fait Ron en renversant sa bouteille d’encre.
Il nous regarde un à un puis hoche la tête.
— HA ! Alors ? Comment c’était ?
— Humide.
Je ne peux pas m’empêcher de pouffer de rire, m’attirant un regard noir d’Hermione. Désolée, je m’attendais tout sauf à ça.
— Parce qu’elle pleurait, ajoute Harry.
Évidemment. Je suis désolée, malgré tous mes efforts, je n’arrive pas à apprécier cette fille. L’autre jour, elle a coupé la parole à Ginny pour dire je-ne-sais-quoi à Harry devant tout le monde. Franchement, tu peux attendre deux minutes, non ?
— Oh, fait Ron. Tu embrasses si mal que ça ?
Je lève les yeux au ciel.
— Sais pas. C’est possible.
— Bien sûr que non, j’interviens.
— Comment tu le sais ? dit Ron.
— Tout simplement parce que Cho passe la moitié de son temps à pleurer, ces temps-ci, répond Hermione sans lever le nez de sa lettre. Elle pleure pendant les repas, aux toilettes, un peu partout dans le château.
— Un bon baiser, ça aurait dû lui remonter le moral, ajoute Ron.
Je lève de nouveau les yeux au ciel.
— Ron, dit Hermione, tu es le butor le plus insensible que j’aie jamais eu l’infortune de rencontrer.
Bien sûr.
— Ça veut dire quoi, ça ? Tu connais des gens, toi, qui pleurent quand on les embrasse ?
— Oui, c’est vrai, dit Harry, tu en connais, toi, des gens comme ça ?
— Ça n’a rien à voir, je dis en soupirant.
Tous les deux nous regardent bêtement.
— Vous ne comprenez donc pas ce que Cho peut ressentir en ce moment ? demande Hermione.
— Non.
Elle me regarde.
— Je t’en prie, dis-je en prenant un parchemin de calculs sur lequel je butte depuis quelque temps.
Leur expliquer la vie, très peu pour moi. Oui, je suis lâche. Mais comment ne peuvent-ils pas comprendre ? Ça me dépasse.
— Il est impossible de ressentir tout ça à la fois sans exploser, dit Ron quand elle a fini.
— Ce n’est pas parce que tu as la capacité émotionnelle d’une cuillère à café qu’il en va de même pour tout le monde.
J’éclate de rire, ce qui la fait sourire.
— Bien vu.
— C’est elle qui a commencé, dit Harry. Moi, je n’aurais rien fait... Elle est venue vers moi... et elle s’est mise à e pleurer dessus... Je ne savais plus comment réagir...
— Ça, je te comprends, dit Ron.
— Il suffisait d’être gentil, expliqués-je.
Oui, je donne des conseils à Harry pour être avec Cho.
— De l’écouter si elle a envie d’en parler, et c’est tout. Rien de bien compliqué.
— George fait ça ? me demande Ron.
Je soupire alors qu’Hermione rigole.
— Oh, Ron…
Puis elle reprend son sérieux.
— J’espère que tu as été gentil Harry.
— Ben, heu... Je lui ai... donné des petites tapes dans le dos.
Je me mords les lèvres pour ne pas rigoler. Il ne faut surtout pas que je croise le regard d’Hermione qui heureusement a bien plus de patience que moi.
Oui, je rigole souvent aux mauvais moments.
— J’imagine que ça aurait pu être pire, soupire-t-elle. Tu vas la revoir ?
— Il faudra bien, non ? Nous avons d’autres réunions de l’A.D.
— Non, mais Harry ! je ne peux m’empêcher de dire.
— Tu sais très bien ce que je veux dire, s’impatiente Hermione.
Il reste silencieux pendant un moment.
— Oh, de toute façon, tu auras sûrement plein d’occasions de l’inviter, dit Hermione en retournant à sa lettre.
— Et s’il n’en a pas envie ? réplique Ron.
Oh, ça va mal finir cette histoire.
— Ne sois pas stupide, Harry aime Cho depuis une éternité, n’est-ce pas, Harry ?
— Qu’importe, interviens-je coupant court à une potentielle dispute. Il fera ce dont il a envie de faire, et si besoin, il peut toujours nous voir pour des conseils.
Je ne comprends toujours pas mon calcul. Ça m’agace, je n’ai jamais autant buté sur une demande des jumeaux. Il faudrait que j’aille à la bibliothèque prendre les manuels de septième année. Il doit y avoir des explications qui me manquent. Sinon je demanderai à mon père à Noël.
— À qui tu écris ce roman ?
— À Viktor.
— Krum ?
— On connaît combien d’autres Viktor ?
Ron me fait de gros yeux, comme s’il voulait que je lui explique. Désolée, je suis fidèle à Hermione. Alors il pousse un grognement de mécontentement.
Ceux-là alors…
*****
Je ne sais pas pourquoi, cette nuit-là, je n’arrive pas à dormir. Ça m’arrive parfois que quoique je fasse, je vais juste tourner et tourner encore dans mon lit. Il est vrai que c’est plus courant depuis que je ne peux plus me transformer. On est au milieu de la nuit, l’idée de sortir et me transformer effleure mon esprit. Je devrais penser à demander la carte à Harry.
Oh, tant pis, j’y vais.
Je saute du lit, enfile de grosses chaussettes avec les boots de ma mère, prends un vieux blouson en cuir de mon père par-dessus mon hoodie et bien sûr une grosse écharpe. Toutes les filles dorment quand je quitte la pièce, par contre dans le couloir, j’entends du bruit. Je croise Neville, Seamus et Dean complètement paniqués.
— Qu’est-ce qui se passe ?
Ils sont surpris de me voir habillée pour sortir.
— Pourquoi tu es habillée ?
— Qu’est-ce que vous faites debout à cette heure ?
— Harry a eu un rêve étrange. Et toi ?
Je sens mon coeur s’emballer.
— Il s’est passé quoi ?
— Il disait que le père de Ron a été attaqué.
Oh non…
— Où est Harry ?
— Le professeur McGonagall l’a emmené voir Dumbledore. Ron est avec lui.
Sur ces paroles, je la vois arriver.
— Emilynn ? Oh, vous feriez mieux de venir, ce n’est pas plus mal. Allez réveiller Ginny Weasley. Faites la venir ici.
—D’accord.
Je cours dans l’escalier jusqu’au quatrième. Sa chambre est plongée dans le noir, heureusement que je sais où est son lit. J’ouvre le rideau et pose doucement ma main sur son épaule.
— Ginny, réveille-toi.
Elle sursaute alors je lui laisse le temps de reprendre ses esprits avant de poursuivre.
— Viens.
— Keskisepasse ?
— Ton père a été attaqué, McGonagall est en bas en train de réunir tes frères. On va voir Dumbledore.
— Quoi ? Mais… Il va bien ?
— Je n’en sais pas plus.
Je préfère ne pas lui faire de faux espoirs.
— Prends un pull et viens.
— Pourquoi tu es habillée ?
J’avais oublié tiens.
— Oh, je voulais sortir.
— Au milieu de la nuit ?
— Oui.
— Comment tu sais pour papa ?
— Harry l’a vu.
Elle part devant et dévale l’escalier pour rejoindre ses frères. Fred tend les bras vers elle.
— Ça va aller, dit-il.
— Bien, allons-y, fait le professeur McGonagall.
Mais heu… Hermione.
— Emy ? me fait George.
— Je… J’arrive.
— Je préviendrais moi-même Miss Granger, déclare McGonagall devinant mon hésitation. Allons-y.
— Merci. Heu… D’accord.
— Suivez-moi.
Je me décide à les suivre. Tout me parait surréel. L’inquiétude prend place maintenant que l’adrénaline retombe. Pendant qu’on marche, je prends la main de George, il me la serre brièvement. Je suis là pour lui et il le sait.
Quand on arrive dans le bureau du professeur Dumbledore, Harry et Ron sont déjà là, ils sont tous les deux bouleversés.
— Harry... Qu’est-ce qui se passe ? Emy m’a dit que tu avais vu papa blessé...
— Votre père a été attaqué pendant qu’il accomplissait une mission pour l’Ordre du Phénix, explique Dumbledore. Il a été transporté à l’hôpital Ste Mangouste pour les maladies et blessures magiques. Vous allez tous retourner dans la maison de Sirius qui est beaucoup plus pratique que le Terrier pour se rendre à l’hôpital. Vous retrouverez votre mère là-bas.
— On y va comment ? demande Fred, qui tient toujours Ginny par les épaules. Par la poudre de Cheminette ?
— Non. Trop risqué, le réseau des cheminées est surveillé. Vous prendrez un Portoloin. Nous attendons simplement que Phineas Nigellus vienne faire son rapport... Je veux être sûr que la voie est libre avant de vous donner le feu vert...
Puis il se tourne vers moi.
— Tu veux partir avec eux ?
— Je peux ?
Il échange un bref regard avec le professeur McGonagall.
— Tu peux oui.
— Alors je viens.
Un éclair de flammes apparaît sur son bureau et une plume d’or se pose doucement.
— C’est un avertissement de Fumseck. Le professeur Ombrage doit savoir que vous avez quitté vos dortoirs... Minerva, allez l’occuper... Racontez-lui une histoire quelconque...
— Il dit qu’il sera ravi de les accueillir, annonça Phineas. Mon arrière-arrière-petit-fils a toujours manifesté un goût étrange dans le choix de ses invités. Emilynn, bonsoir.
— Bonsoir.
On a toujours une drôle de relation tous les deux. Je suis son héritière donc il reste poli, mais s’il avait eu à choisir, je n’aurais clairement pas été son premier choix.
— Venez ici. Vous avez tous déjà utilisé un Portoloin ?
On hoche tous la tête.
— Bien, attention, à trois... Un... Deux... Trois.
J’atterris brutalement au sol. La première chose que je reconnais, c’est l’odeur.
— De retour, les sales petits gamins traîtres à leur sang. Est-il vrai que leur père est à l’agonie ?
— DEHORS !
— Salut Sirius, je grogne en me relevant.
— Qu’est-ce qui se passe ? demande-t-il en tendant une main à Ginny pour l’aider à se relever. Phineas Nigellus a dit qu’Arthur avait été gravement blessé...
— Demandez à Harry, dit Fred.
— Oui, moi aussi, j’aimerais bien savoir, ajoute George.
— J’ai eu... commence Harry.
Il s’interrompt et je sens qu’il a besoin de soutien. Alors je me place à ses côtés et pose une main sur son épaule.
— Asseyez-vous, je vais faire du thé.
Tout le monde obéit. Sirius prend ma place aux côtés d’Harry. Tout en faisant chauffer l’eau, je l’écoute expliquer comment il a eu ce rêve qui s’est révélé être une vision. La description de l’attaque d’Arthur me donne froid dans le dos.
— Maman est là ? demande Fred.
Je me méfie. Lui et George sont vraiment touchés par ce qui est arrivé. Non pas que ça me surprend, mais ils sont plus âgés que Ginny et Ron. Et cette flamme de révolte dans leurs yeux, je la connais, même si je ne sais pas exactement jusqu’où elle peut les mener.
— Elle ne doit pas encore être au courant. L’important, c’était de vous éloigner d’Ombrage avant qu’elle ne puisse s’en mêler. Je pense que Dumbledore va prévenir Molly, maintenant.
— Il faut qu’on aille tout de suite à Ste Mangouste, dit Ginny. Sirius, vous pouvez nous prêter des capes ou autre chose ?
— Attendez un peu, vous n’allez pas vous précipiter comme ça à Ste Mangouste !
— Bien sûr que si. On va à Ste Mangouste si on a envie d’y aller, réplique Fred. C’est notre père !
— Et comment allez-vous expliquer que vous êtes au courant de l’attaque dont il a été victime alors que l’hôpital n’a même pas encore prévenu sa femme ?
— Quelle importance ? dit George.
C’est ce dont j’avais peur. Je pose les tasses de thé devant tout le monde, mais personne n’y prête attention. Ron est étonnement silencieux.
— C’est important parce qu’il ne faut surtout pas attirer l’attention sur le fait que Harry voit dans ses rêves des choses qui se passent à des centaines de kilomètres ! Vous vous rendez compte de ce que le ministère pourrait faire d’une telle information ?
— Quelqu’un d’autre que Harry aurait pu nous prévenir… tente Ginny.
— Qui, par exemple ? demande Sirius. Écoutez-moi bien, votre père a été blessé au cours d’une mission pour le compte de l’Ordre. Les circonstances de l’attaque sont déjà suffisamment louches, si en plus on s’aperçoit que ses enfants étaient au courant quelques secondes plus tard, l’Ordre pourrait en subir de très graves conséquences...
— On s’en fiche complètement de cette idiotie d’Ordre !
— Tout ce qui compte, c’est que papa est en train de mourir !
Les jumeaux se lèvent, furieux.
— Votre père savait à quoi il s’exposait et il ne vous remerciera pas d’avoir compliqué les choses ! Voilà pourquoi vous n’êtes pas membres de l’Ordre... Vous ne comprenez pas... Il y a des causes pour lesquelles il vaut la peine de mourir !
Je ne pensais pas que ça irait aussi loin. Je pars vers l’évier, m’occuper les mains même si tout est déjà propre et rangé.
— Ça vous va bien de dire ça, vous qui restez toujours collé ici ! On ne vous voit pas beaucoup risquer votre peau !
Je me tourne vers Fred et le fusille du regard. Il est allé trop loin.
— Ça serait Remus qui aurait été attaqué, vous seriez déjà là-bas !
— Bien sûr que non, lui répond Sirius froidement. Le bien de l’Ordre passe avant tout le reste. Crois-moi, je sais de quoi je parle !
Il expire profondément pour maîtriser sa colère. Je retourne à mon évier.
— Je sais que c’est difficile, mais nous devons tous agir comme si nous ne savions rien. Il faut rester ici au moins jusqu’à ce que votre mère nous prévienne, d’accord ?
Tout le monde se rassoit, et Ginny prend même une gorgée de thé. Le silence est lourd. Je finis par me joindre à eux et suis du bout des doigts les rainures du bois.
— Pour quelle mission vous avez dû mettre de côté vos émotions ? demande Fred au bout d’un moment.
Sirius soupire et passe une main dans ses cheveux mi-longs.
— C’était avec Lyra, lâche-t-il.
Évidemment.
— J’ai plusieurs exemples en tête… Une fois, elle revenait de mission avec Marlene. C’était notre amie depuis Poudlard, elles partageaient la même chambre.
— Marlene sortait avec Peter ?
Sirius me regarde en frémissant.
— Oui, oui, ils étaient ensemble. Marlene est restée au QG plus longtemps après la mission. Quand Lyra nous a rejoint, un patronus est apparu, c’était Marlene. Le QG avait été attaqué, Lyra a foncé là-bas, c’était en feu, la nuit, on n’y voyait rien. Ils étaient encore là, elle a dû les surprendre, ils l’ont emmenée avec eux.
Quand on a vu Peter, il y a plus d’un an, il a évoqué le fait que la mort de Marlene la détruit.
— On s’en est vite rendus compte. Moi, j’étais prêt à aller dans les baraques de tous les cousins de ma foutue famille et trouver où ils les détenaient. Mais Dumbledore m’a dit que ça risquait plutôt de les presser à les tuer et surtout que je me ferais capturer. Croyez-moi, je voulais tout sauf laisser ma sœur derrière et attendre sagement qu’on ait un plan.
Il tâte ses poches en un geste nerveux, semble ne rien trouver, alors repose ses mains sur la table en soupirant.
— Le père de James et Maugrey ont épluché tous leurs tuyaux, on a fait un à un toutes leurs planques, puis James et Lily ont choppé un Mangemort.
— C’est comme ça que vous les avez retrouvées ? demande George.
— Non, il nous a donné l’adresse d’autres planques. On avançait, mais lentement. Pendant ce temps, ils ont tué Marlene devant Lyra. Puis ils l’ont enfermée, ils voulaient y revenir un peu plus tard. C’était sûr qu’elle ne sortirait pas vivante. Pour une raison que j’ignore - enfin, elle ne l’a jamais confirmé - elle s’est échappée et a pu revenir à Londres.
Il relève la tête.
— Si elle ne s’était pas échappée, elle aurait été tuée. On aurait trouvé des indics, des pistes, mais on l’aurait jamais retrouvée à temps. On le sait tous. Mais le bien de l’Ordre passait avant.
J’imagine mon père et toute la bande pendant que ça se passait. Tous devaient être morts d’inquiétude.
— Elle est rentrée seule à l’appart, a appelé les parents de Remus, puis s’est effondrée. Elle était dans un état épouvantable.
Il est plongé dans ses souvenirs, ses yeux soins perdus dans le loin. Puis, comme s’il se souvient d’être entouré, il se redresse et esquisse un sourire.
— Rien n’est facile dans ce qui nous attend. Je ne le dis pas pour vous faire peur, mais pour que vous vous prépariez à ce qui va arriver. Tant que Voldemort sera vivant, nous risquerons notre vie. Tous.
Les jumeaux ne répondent pas. Ils sont tous les deux placés de chaque côté de Ginny qui semble si petite entre eux. Ron aussi semble soudain si fragile, son teint est cireux. Alors je fixe mon reste de thé froid, je n’ai jamais fait divination ou prié pour quoique ce soit, mais ce soir, je prie pour qu’Arthur s’en sorte sain et sauf.
La nuit est longue. À un moment, nous recevons une lettre de Mrs Weasley expliquant qu’elle arrive à Sainte Mangouste. Puis l’attente se poursuivit. Je m’inquiète pour Harry, j’aimerais que nous parlions de ce qui s’est passé, comprendre dans quel état psychologique il est.
Je me redresse subitement.
— Quelqu’un vient d’arriver.
Sixième sens ou faculté d’animagus, je n’en sais rien, mais je l’ai entendue. Tout le monde se lève pour accueillir Mrs Weasley. Elle est très pâle, cependant son sourire nous rassure tous.
— Il va s’en sortir. Pour l’instant, il dort. On pourra tous aller le voir un peu plus tard. Bill est resté avec lui. Il a décidé de ne pas aller travailler ce matin.
Fred retombe sur sa chaise, le visage dans les mains. George et Ginny se lèvent et se précipitent vers elle pour la serrer dans leurs bras. Ron a un petit rire et fini d’une traite sa tasse.
— Petit déjeuner ! dit Sirius en se levant. Où est ce maudit elfe de maison ? Kreattur !
— Pas grave, on peut le faire, dis-je en me levant.
Je me sens un peu mal à l’aise de partager tant d’intimité avec les Weasley. On se connait depuis longtemps, je suis toujours avec au moins l’un des membres de la famille, mais cette tragédie, n’allait pas être la mienne. Je ne voulais pas en être spectatrice.
— Bonne idée, fait Sirius.
— Je vous aide, déclare Harry en nous rejoignant près de la gazinière.
— Très bien, nous sommes huit, donc oeufs au bacon, avec du thé et des toasts...
— Très bien, dis-je en mettant du beurre dans une poêle.
Harry, toujours sans aucun sourire, part vers le buffet pour sortir les assiettes, mais Mrs Weasley l’arrête en chemin et le prend dans ses bras.
Je n’entends pas tout ce qu’elle lui dit. J’espère que ça rassure Harry. Car si je pense bien quelque chose après toutes ces heures d’attente, c’est qu’il doit être terrifié. S’il voit les attaques de Voldemort, qui sait ce qu’il peut également avoir comme connexion avec lui ?
Je mets les tranches de bacon à cuire, pendant que Sirius s’occupe des oeufs. L’eau est en train de chauffer, alors je coupe de grandes tranches de pain.
— Oh, Sirius, dit Mrs Wealsey. Je te suis tellement reconnaissante... Il devra rester un petit moment là-bas et ce serait merveilleux d’être un peu plus près... Bien sûr, ça signifie qu’on passera peut-être Noël ici.
— Plus on est de fous, plus on rit !
Tout le monde est joyeux, et arbore de grands sourires. Ça fait plaisir à voir.
— Emy, comment vas-tu ? Comment ça se fait que tu aies pu partir avec les enfants ?
— J’étais réveillée.
Je me rends compte à ce moment-là que j’ai toujours mon blouson et mon écharpe.
— Et Dumbledore m’a proposé de partir. Alors je suis venue.
— On prendra le temps de parler un peu, fait-elle en posant une main sur mon épaule.
Je sens ma main me démanger.
— D’accord, dis-je la gorge nouée.
— Maintenant, occupons-nous de ce petit-déjeuner ! Tu as bien avancé à ce que je vois.
— Oui, Sirius s’occupait des œufs.
— Je prends la relève.
Ils sont partis avec Harry. C’est bien s’ils peuvent un peu parler. J’enlève ma veste et fait griller les tartines. Rapidement, une bonne odeur se répand dans la cuisine. Tout le monde s’attable, Harry et Sirius reviennent et on peut manger. Je me rends compte que je mourrais de faim. Je savoure une énième tasse de thé quand ils partent se coucher.
— Tu ne veux pas dormir ? me demande Sirius qui est resté lui aussi.
— Je n’ai pas sommeil.
— Tu n’as pas eu de nouveaux épisodes avec ta marque ?
— Non, rien.
— Tu n’as pas peur que ça revienne ?
Les mots se bloquent dans la gorge. Il comprend, car il n’insiste pas.
— Montre-moi ta main.
Je fais semblant de ne pas comprendre.
— J’ai vu une cicatrice que tu n’avais pas avant. Ça vient d’où ?
— La réponse ne va pas te plaire.
Il secoue sa baguette pour nous resservir un peu de thé.
— J’ai tout mon temps.
Alors je lui parle de tout depuis le début de l’année. Ombrage et les cours de DCFM, Ombrage et les retenues, Ombrage et le quidditch.
— Tu as prévenu ton père ?
— Non, je ne pouvais pas. Elle lit le courrier. Le réseau de cheminette n’est pas sûr, je n’avais plus d’options.
— Et ne pas te transformer, comment tu te sens ?
Je soupire.
— Horrible. Je sens que je suis à fleur de peau. Tout est sujet à ce que je n’aille pas bien. Alors je fais du sport dehors, ça, elle ne peut pas m’en empêcher.
— Quelle garce… marmonne t-il. Tu sais, quand Lyra se préparait à ton arrivée, elle avait anticipé que s’il lui arrivait quelque chose, notre mère veuille te récupérer. James et Alice étaient tes parrains marraines, j’étais le tuteur de secours. Elle avait tout prévu.
Étrangement, ça me réconforte un peu.
— Ce n’était pas assez, on aurait jamais cru que… Bref, tu sais. Tout ça pour dire, que ton père peut encaisser tout ça. Il en a vu des belles. Parle-lui de tout ça, il devrait sûrement nous rejoindre à Sainte Mangouste ou alors ici. Il saura te conseiller.
J’hoche la tête.
— Oui, oui, j’avais prévu de lui parler.
— Vraiment ?
Je souris, il me connaît bien.
— Oui, bon, c’est vrai que c’est pas facile d’aborder le sujet avec lui. Je sens qu’il s’en veut beaucoup.
— Et c’est normal.
J’ouvre la bouche pour répondre, absolument prête à prendre sa défense, mais il reprend.
— C’est ton père et il t’est arrivé du mal. Je ne dis pas que c’est sa faute, mais que c’est normal qu’il se sente mal.
— J’aimerais qu’il passe à autre chose.
— Tu trouves que c’est trop présent entre vous deux ces années de séparation ?
— Mmmh, non. Il y fait attention. Non, ce que je veux, c’est qu’il soit heureux à nouveau.
— Il n’était pas heureux quand tu étais petite ?
J’esquisse un sourire.
— Si, je crois. Mais je ne suis pas objective, je l’ai toujours connu comme ça.
— Tu sais, ton père porte la tragédie de sa morsure sur ses épaules depuis toujours. Lyra a réussi à alléger cette charge. Toi aussi, à ta manière. Mais il n’a jamais eu de vie normale et n’en aura jamais une. Tout ne sera que combat. Il le sait et est habitué à ça. C’est pour ça que lui parler de ce qui se passe à Poudlard sera bien. C’est ton père, laisse le agir comme tel.
— C'est-à-dire ? Me protéger ?
— Pour commencer oui, te soigner aussi, tu as mis quoi sur cette main ?
— De la solution filtrée de tentacules de Murlap marinés.
— Bon, c’est pas trop mal, mais on devrait trouver mieux. Il doit avoir du dictame pour ses pleines lunes.
Ça me fait du bien de parler avec lui. Il doit sentir que je suis contente, que cette joie dépasse les mots puisque qu’il pose sa main sur la mienne et me la serre fort.
Bref, on n’est pas très forts pour exprimer nos sentiments.
Pour dire « je t’aime ».
Alors on se fait des sourires.
C’est un début.