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Nous vous informons que la 138e édition des Nuits d'HPF se déroulera le Vendredi 15 décembre à partir de 20h. N'hésitez pas à venir découvrir les nuits. vous inscrire !
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De Equipe de modération d'HPFanfiction le 12/11/2023 21:43


Journées Reviews - octobre 2023


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De L'équipe des Nuits d'HPF le 15/10/2023 11:38


Changement de règlement sur la place des avertissements de contenu (TW et CW)


A partir d'aujourd'hui, la place des avertissements de contenu dans une fiction sera au choix de l'auteur·ice. Trois solutions possibles :


1 - Comme ce qui est fait actuellement, vous pourrez continuer à préciser les avertissements de contenu en note du début de chapitre concerné
2 - Ecrire la liste complète des avertissements de contenu dans la note d'histoire du premier chapitre
3 - Ecrire la liste complète des avertissements de contenu dans un premier chapitre à part, à mettre au tout début de votre fic

Dans les cas 2 et 3, nous vous demanderons d'indiquer, au début de chaque chapitre concerné "Contient un avertissement de contenu", avec le lien menant à la liste complète, afin de faciliter le travail de la modération, tout en permettant aux lecteur·ices de ne pas s'y référer s'iels le souhaitent.

Merci à vous et bonne lecture sur nos sites !


De le 06/10/2023 18:34


Il fera bon vivre par Juliette54

[6 Reviews]
Imprimante Chapitre ou Histoire
Table des matières

- Taille du texte +
Note d'auteur :

Merci à Amnesie, camarade d'organisation passionnée par la plus belle, la plus grande, l'unique, la merveilleuse Barbara < 3

Merci à Calixto pour le flots d'idée lors de discussions improvisées < 3

Merci à toutes les participantes du concours < 3

Merci aux auditrices de Barbara, aux lectrices de cette fanfic < 3

Merci à mon chéri qui n'a pas écouté cette histoire mais qui en écoute beaucoup d'autres < 3

Note de chapitre:

Lien vers le post du concours : ici 

Contraintes pour la fanfic : Ma plus belle histoire... 

Contraintes pour le chapitre 1 : Barbara, Le mal de vivre, 1965 < 3 (paroles en note de fin)

Edit : j'avais oublié, cette fic est en quelque sorte la suite de L'éclat de l'espoir, mais elle peut se lire seule (vous serez juste spoilés de la fin de ladite fanfic qui sera alors un préquel pour vous hihi) < 3

Chapitre 1 : Le mal de vivre

.

.

Il y avait toujours un quelque chose qui finissait par la réveiller. Un quelque chose qui venait la saisir au cou, au cœur et au creux des reins. Aucun cri ne déchirait sa chambre lorsqu’elle était chez ses parents. Aucun geste ne brisait le sommeil d’Ernie lorsqu’elle dormait avec lui. Seul le fantôme d’une main mauvaise s’emparait de sa gorge et la pressait jusqu’à ce qu’elle se réveille. Si ce n’était pas suffisant pour l’éveiller, une seconde main posait un doigt vengeur entre ses côtes, là, sous son sternum, et appuyait jusqu’à l’asphyxier d’angoisse.

Lorsqu’elle ouvrait enfin les yeux, après une lutte acharnée contre Morphée pour retrouver la lumière, ce n’était pas le brillant Hélios qui l’accueillait, mais une Séléné ensanglantée. La lune lui assenait son regard réprobateur et méprisant tout en la consumant de l’intérieur. D’abord la rate, organe du rire, entrait en fusion et convulsait, jusqu’à s’éteindre pour respecter son caractère inessentiel à la vie humaine. Puis le cœur ralentissait sa course contre la montre afin de cesser la fuite du temps et la fuite en avant. Enfin le foie, siège des passions – amours, excès et souffrances – se comprimait et se contorsionnait jusqu’à mourir à son tour et la laisser vide de vie.

La mort s’étendait alors à ses membres qui, d’alanguis, devenaient lourds et gourds.

Elle se lovait tant bien que mal contre elle-même, plus seule que jamais. Le fantôme d’une coquille vide venait pleurer à son oreille lorsqu’elle dormait chez Ernie. Le fantôme de morts prématurés gémissait à son oreille lorsqu’elle était chez ses parents. Le fantôme du rire d’Hannah s’aventurant sous ses draps lorsqu’elle dormait chez son amie.

La seule compagnie qui l’entourait – qu’elle ouvre les yeux ou non – avait la forme de spectres et d’ombres. Ils laissaient voir la noirceur en eux, et ils pleuraient pour Susan, mais ils ne prononçaient plus un mot. Plus une cohérence. Plus une logique. Plus une idée. Plus…

Ils ne prononçaient plus.

Le souffle d’Ernie qui s’emballa aurait fait s’emballer son cœur six mois plus tôt. Là, plus rien. Elle resta immobile alors qu’il roulait dans son sommeil et se tournait vers elle.

« Susan ? »

Elle n’avait même plus la force de lui répondre durant ces moments où le mal de vivre l’embrassait jusqu’à lui faire oublier l’intérêt et le sens de tout ça. Il l’embrasait pour la détruire, la détruire comme la guerre ne l’avait pas encore détruite, elle, petite Susan Bones qui voulait jouer les grandes dans les couloirs du Ministère. Jouer à la justicière en s’assurant que les Grands Procès se tenaient dans les règles afin que jamais les jugements ne puissent être défaits.

Mais les Grands Procès approchaient inexorablement de la fin.

La soif de justice de Susan ne pourrait bientôt plus s’étancher à la fontaine des crimes de la guerre.

« Tu dors ? »

Non, non elle ne pouvait pas dormir quand les souvenirs l’étouffaient.

.

.

Un cri déchire l’air avant qu’elle ne comprenne qu’il s’agit de son ventre qui expulse la peur qui l’alimente depuis des mois.

Justin est couvert de sang au-dessus d’Ernie. Il appuie ses deux mains sur le visage de leur ami qui est plus blanc que la paix qui ne viendra pas. Ils se font massacrer.

Le visage de Justin est livide sous les trainées sanguinolentes.

« Tomas est allé chercher Madame Pomfresh, Tomas c’est… »

Elle s’en contrefout de qui est Tomas. Ernie est en train de crever. Elle voit la vie quitter un à un ses membres.

« Il a pris un sortilège de Macnair dans la figure, il… »

Elle s’en contrefout du corps de Macnair mis KO quelques mètres plus loin par « Tomas ». Elle tombe à genoux pour s’approcher d’Ernie. Elle n’arrive plus à parler. Jamais. La parole est partie.

Madame Pomfresh finit par arriver. Après quelques secondes, la sentence tombe.

« Maléfice d’Aveuglement Perpétuel. »

Ah.

« Je vais tenter de le détourner dans l’œil gauche, comme ça…

— Dans l’œil droit ! Ernie est gaucher, dans l’œil droit. »

Elle s’entend parler, mais elle n’entend plus sa gorge vibrer. Son corps lui fait défaut. Ses pensées s’emmêlent. Les sensations la quittent. Plus rien ne vaut la peine de…

« Dans l’œil droit. »

Madame Pomfresh accepte. Elle fait ce qu’elle peut. Elle sauve Ernie de la mort.

Elle ne sait pas qu’elle le condamne à une vie en noir et blanc.

.

.

La voix d’Ernie était un peu étouffée depuis qu’il avait reçu le Maléfice d’Aveuglement Perpétuel. Le Maléfice avait manqué de lui ronger les deux yeux. Littéralement. Il s’était attaqué à la vue avant de s’en prendre au globe oculaire. Puis la haine de Macnair avait même fait remonter le maléfice dans les nerfs, vers le cerveau, pour détruire tout d’Ernie, avant que Madame Pomfresh n’intervienne. La voix d’Ernie était étouffée, la vue d’Ernie était assombrie et amputée d’un angle : l’œil gauche avait oublié les couleurs, l’œil droit avait oublié le monde.

« Tu es si belle. »

Susan ne pouvait pas bouger non plus lorsqu’Ernie lui disait ce genre de chose dans le clair-obscur de la chambre qu’ils partageaient. Elle ne disait rien non plus lorsqu’il lui disait des compliments la journée. Elle n’arrivait même pas à sourire lorsqu’il lui offrait quelque chose. Elle riait. Elle riait pour faire partir l’angoisse et l’engourdissement afin qu’ils ne la dévorent pas.

Elle riait pour ne pas pleurer. Elle riait pour paraître bien.

En vie.

Vivante.

Mais elle vivait hantée.

Elle sentit la main d’Ernie sur son poignet, là où elle porterait éternellement le bracelet qu’il lui avait offert. Une belle histoire, ce bracelet. Une histoire d’amour et d’amitié.

.

.

Ernie accepte enfin, après des semaines passées à Poudlard, des nuits entières passées à l’infirmerie, de venir marcher avec elle le soir, au clair de lune, autour du Lac Noir. Il accepte qu’elle le regarde un peu ; malgré le bandeau qu’il porte autour de la tête pour cacher son œil mort ; malgré son cœur à elle qui pense autant à Theodore qu’à Ernie.

Elle les aime tous les deux, mais différemment.

Et puis de toute façon, ce n’est ni l’amour de l’un, ni l’amour de l’autre qui l’aidera à soigner le mal qui comprime sa poitrine et ses seins jour après jour. Dès qu’elle plonge la main dans son sac, elle plonge la main dans l’obscurité sans fin de la ruine. Dès qu’elle s’habille, c’est le noir qu’elle choisit. Peut-être que la bataille est finie, mais tout ce qu’elle fait ne concerne encore que la bataille de Poudlard, depuis plus d’un mois. Plus encore si on pense au temps passé à lutter contre les Carrow avant la bataille.

« Tu as de beaux yeux. Même s’ils sont gris à présent. »

Un rire franchit ses lèvres, comme un étranglement, lorsqu’Ernie fait preuve d’autodérision pour la deuxième fois ce soir. Le voilà qu’il se met à rire des séquelles que la guerre a laissé sur lui, comme s’il acceptait ces séquelles.

« Tu ris parce que c’est drôle ou parce que tu es gênée ? »

Les deux. Elle ne pense presque plus à Theodore Nott. Theodore cherche à aider pour reconstruire Poudlard, mais il est d’un mépris et d’une agressivité qui rendent les gens méfiants et agressifs à leur tour. Quand elle pense à lui, elle pense à quelque chose qu’ils ont manqué.

Quand elle pense à Ernie, elle a envie d’aller le voir.

« Je… J’ai demandé à mon arrière-grand-père le bracelet de mon arrière-grand-mère, le premier qu’il lui avait offert. Je… Je voulais que tu l’aies. Pour toujours. Peu importe ce qui se passe plus tard. »

Peu importe qu’ils se quittent un jour. C’est un bracelet contre le malheur, le mal être, le mal de vivre. Il l’incarne et le chasse, avec ses serpentines écossaises. Il repousse les esprits malfaisants, les pensées qui font mal. Il est fait pour Susan à présent.

Comme les baisers d’Ernie : ils sont faits pour Susan en ce moment.

.

.

Susan ferma les yeux. Peut-être qu’Ernie le vit. Peut-être que non. Peut-être qu’il pensait qu’elle dormait toujours. Peut-être qu’il se l’imaginait. Il était très fort pour être aveugle lorsqu’il le voulait.

Lorsqu’il ne le voulait pas aussi.

Elle devenait ironique.

Le rire revenait-il ?

Elle sentit la main d’Ernie remonter le long de son bras avant de redescendre. Elle aimait encore quand il la caressait, même si elle ne frissonnait plus. Sa main, bijou protecteur au poignet, reposait à présent dans celle d’Ernie, entre eux deux. Elle le sentit jouer avec ses doigts un long moment.

« Je voudrais que tu… comment je pourrais te le dire ? Je voudrais que tu restes avec moi pour toujours mais jamais pour être une Macmillan. Je… Non, c’est maladroit. Je voudrais que tu restes dans ma vie pour toujours, mais que jamais tu ne deviennes comme les Macmillan. À part mon arrière-grand-père Tomas, mon oncle Paden et mes petites sœurs, ils sont tous enfermés dans leurs principes, leurs préjugés et… Non, c’est trop long. »

Elle savait ce qu’il voulait dire, elle n’avait pas besoin qu’il le lui dise. Ou peut-être que si. Peut-être qu’ils savaient tous les deux qu’ils se portaient mutuellement plus qu’ils ne s’aimaient véritablement. Ou peut-être que, lui, il l’aimait vraiment, mais qu’il avait trop conscience de l’état du monde magique et de leurs familles pour lui imposer des réunions conventionnelles lorsque l’apathie l’ensommeillait et qu’elle avait besoin de quiétude et de solitude.

Lorsqu’elle avait simplement besoin de cet espoir qu’il lui apportait.

Lorsqu’elle ne l’aimait pas comme lui.

Ils avaient découvert l’amour ensemble pour en recouvrir les souvenirs de la guerre. Ils s’étaient aimés pour ne pas se détester eux-mêmes de vivre dans un tel monde.

.

.

Elle est venue à la Villa Caledonia, la ferme du clan Macmillan, pour le week-end. Ce n’est pas la première fois qu’elle vient, loin de là. Elle y a déjà passé des après-midis entiers avec Hannah, Justin et Ernie, depuis leur première année et le début de leur amitié. Elle est déjà revenue depuis la fin de la guerre, pour un dîner, un thé, ou même passer un moment avec Ernie dans les vergers. Ernie ne quitte presque plus son village depuis qu’il est parti de Poudlard début juin. Il se cache un peu, à cause de son œil qui ne reviendra pas. À cause de leur candeur perdue. Il n’a pas cette boule anesthésiante dans la gorge et dans le ventre comme Susan. C’est davantage un dégoût pour la vie et pour lui-même qui lui tort encore les entrailles.

Mais il va mieux. Depuis qu’ils s’embrassent, depuis qu’ils se parlent, pareil et autrement, depuis qu’ils se prennent la main même devant leurs amis et leurs familles, Ernie sourit à nouveau et Susan aussi. Depuis qu’on leur a dit qu’ils n’avaient pas besoin de retourner à Poudlard pour valider leurs ASPICS, ils voient une échappatoire.

Ils ne retourneront pas à Poudlard pour revivre leurs cauchemars. Ils trouveront de nouveaux rêves ailleurs.

Elle travaille au Département de la Justice Magique depuis un mois. Une ancienne amie et collègue de sa Tante Amelia lui a proposé de la prendre comme stagiaire depuis le mois de juillet. Elle fait des tâches de greffière, et plus encore. Le Ministère manque de personnel qui n’a pas trempé dans le régime de Terreur de Pius Thicknesse. La réputation de sa famille et surtout la sienne avec ses actions dans l’AD lui assurent une place de choix dans la tenue des Grands Procès.

Hier, Ernie lui a demandé de relire son dossier de candidature au Département des Créatures Magiques. Il veut voir autre chose. Il veut ménager un nouvel espace pour les Créatures. Il va œuvrer aux côtés d’Hermione Granger qui peine en ce début d’août à boucler ses dossiers.

Son père et son grand-père ont très mal pris la nouvelle. Son arrière-grand-père, lui, n’a rien dit.

Susan pose sa tête contre le chambranle de la porte de la grange. Son regard se fixe sur une vache qui allaite son veau. Après un long moment, le veau s’en va dormir. La vache meugle puis tourne la tête vers Susan. Ses yeux brillants donnent l’impression qu’elle comprend les pensées ses tourmentées.

L’atmosphère de cette famille est très étrange pour Susan. Elle comprend parfois un peu mieux d’où viennent des habitudes d’Ernie qu’elle trouve stupides, illogiques voire agaçantes. Elle comprend mieux aussi ses croyances et son respect pour des esprits de la nature. Ils ont passé une journée entière de jeun et de silence dans leur salon. C’était la première fois qu’elle y assistait. C’était… reposant. Quelque chose comme du recueillement. Parfait pour elle qui aime tant le silence depuis la fin de la Bataille.

Elle a ensuite compris que cette quiétude était la seule source de calme que pouvait trouver les Macmillan. Sitôt les remerciements aux esprits finis, les reproches ont fleuri. Ernie, arrête de tenir la main de ta sœur et de Susan pendant les remerciements. Les Esprits veulent qu’on se consacre tout entier à eux. Et reparlons de cette candidature au Ministère. Qu’est-ce que c’est que ces histoires ? Tu dois t’occuper de la ferme avec nous. Quant à Susan, tiens-toi un peu. Ça commence déjà à jaser et…

Alors elle est lâchement sortie pendant qu’Ernie entraînait son père à l’écart.

De toute façon, elle a fini par comprendre que les femmes n’avaient pas voix au chapitre en ce qui concernait la ferme et les décisions, ici. C’est totalement différent dans la famille Bones. Quand elle l’a fait remarquer avec agacement à Ernie le mois dernier, son ami n’a pas nié. Il a réfléchi plusieurs secondes, puis il s’est rendu compte que oui, jamais sa mère ou sa grand-mère ne prenait la parole trop longtemps et surtout pas en ce qui concernait la ferme.

Il n’a plus parlé de la soirée ensuite.

Mais son attitude a changé vis-à-vis de ses sœurs. Il s’attache à leur poser de manière limpide  des questions sur ce qu’elles aiment, veulent et font. Il leur parle comme il parle à ses amis, et non plus comme s’il devait les couver. Il leur parle comme à Justin, Hannah et elle. C’en est souvent forcé et maladroit, mais Susan ne se serait jamais attendue à un changement d’attitude sur ce sujet.

« Susan, vous voilà. »

L’arrière-grand-père d’Ernie, celui qu’il appelle Grand-père Tomas, s’arrête à côté d’elle. Elle ne sait jamais vraiment quoi lui dire, même s’il semble l’apprécier. Il a une aura d’autorité certaine, mais également une forme de douceur dans la voix qui apaise. Un mot de sa part calme tous les Macmillan. Susan ne sait pas si ceci la rassure ou l’inquiète.

« Veuillez excuser Lachlann, il est un peu fermé d’esprit. »

Étonnante façon de parler de son propre petit-fils. Le père d’Ernie est autoritaire, oui. Et macho aussi. Fermé d’esprit, c’est une trop belle façon de le dire.

« Je ne sais pas. »

Merlin, c’est venu tout seul.

« Ne l’excusez pas alors. »

Le ton est amusé. Elle tourne la tête vers Grand-père Tomas. Il la regarde avec un sourire en coin. Les rides qui parsèment son visage forment comme les rayons d’un soleil autour de ses deux yeux bleus. Elle est fatiguée, elle aussi. Elle soupire. Le vieux sorcier perd son sourire.

« Je sais depuis l’an passé qu’Ernie ne reprendra pas la ferme. »

Ah ?

« C’est Sorcha qui la reprendra. »

La sœur d’Ernie ? Pas sûr que ça plaise au père d’Ernie.

« C’est bien. Lachlann et Cinaed arrêterons peut-être de se comporter comme des idiots. »

Drôle de façon de parler d’adultes, même s’il s’agit de son fils et de son petit-fils.

« Myrina aurait été heureuse que les choses changent vraiment. »

Myrina ?

« Mon épouse est décédée bien avant la naissance d’Ernie. C’était une grande Guérisseuse. Elle aurait eu une vie bien plus simple sans moi et sans les Macmillan… Comme vous, je crois. »

Le bracelet de l’arrière-grand-mère d’Ernie la brûle au poignet à présent.

« Ernie m’aide.

— Et vous l’aidez aussi. Mais Ernie vous aime, Susan.

— Ernie est mon ami, Ernie… »

Elle se tait. Tomas Macmillan ne lui apporte rien. Il ne comprend rien. Il ne comprend pas. La guerre sans armes, les Doloris sans cris, les Carrow enfermés, les chaînes incassables, le poids invisible, les larmes sèches. Il ne peut pas comprendre le mal qu’on veut ignorer. Elle ressent enfin quelque chose de vraiment doux et de vivant quand Ernie l’embrasse et quand elle le serre contre elle dans leur solitude. Et maintenant qu’ils ont de quoi opposer aux traumatismes, il faudrait s’en priver ?

« Ne tardez pas trop à le quitter, s’il vous plaît. »

Elle se détourne de la vache pour suivre la silhouette maigre et voûtée du vieux sorcier. Il s’en va au loin, dans la lande écossaise, remercier les esprits avec sa cornemuse cette fois-ci.

Il faut bien vivre même quand on se sent mourir. Il faut bien nourrir le mal de vivre pour ne pas mourir. Il faut se nourrir pour vivre mal et vivre, un jour, peut-être mieux.

Mais il faut se nourrir bien même si on vit mal et qu’on a du mal à vivre.

.

« Je crois qu’il faut qu’on arrête à présent. »

Le temps cessa de s’éparpiller dans la nuit des insomnies. Le temps reprit forme humaine dans la pièce et parla à nouveau.

« Déjà ? » souffla simplement Ernie.

Mais le mot fut davantage une acceptation qu’une question. Ils s’étaient relevés ensemble pendant six mois, lui grâce à elle, elle grâce à lui. Ils s’étaient guéris un peu, ils avaient pansé leurs blessures dans des nuits de découvertes, de caresses et de douceur. Ils avaient séchés mutuellement leurs larmes qui n’arrivaient même plus à couler. Ils s’étaient soutenus quand Wayne avait définitivement craqué, submergé par une culpabilité que tous et personne n’avait compris. Ils avaient souri et ri à nouveau, après des moments simples, gênants, cocasses et enfin drôles.

Entre deux poids sur le cœur, ils avaient fini de réapprendre l’espoir. De réapprendre à vivre.

C’était déjà le temps de se dire au revoir.

 

« Enfin » préféra Susan sous le sourire mélancolique d’Ernie.

 

Note de fin de chapitre :

Barbara, Le mal de vivre, 1965 :

Ça ne prévient pas quand ça arrive
Ça vient de loin
Ça c'est promené de rive en rive
La gueule en coin
Et puis un matin, au réveil
C'est presque rien
Mais c'est là, ça vous ensommeille
Au creux des reins

Le mal de vivre
Le mal de vivre
Qu'il faut bien vivre
Vaille que vivre

On peut le mettre en bandoulière
Ou comme un bijou à la main
Comme une fleur en boutonnière
Ou juste à la pointe du sein
C'est pas forcément la misère
C'est pas Valmy, c'est pas Verdun

Mais c'est des larmes aux paupières
Au jour qui meurt, au jour qui vient

Le mal de vivre
Le mal de vivre
Qu'il faut bien vivre
Vaille que vivre

Qu'on soit de Rome ou d'Amérique
Qu'on soit de Londres ou de Pékin
Qu'on soit d'Egypte ou bien d'Afrique
Ou de la porte Saint-Martin
On fait tous la même prière
On fait tous le même chemin
Qu'il est long lorsqu'il faut le faire
Avec son mal au creux des reins

Ils ont beau vouloir nous comprendre
Ceux qui nous viennent les mains nues
Nous ne voulons plus les entendre
On ne peut pas, on n'en peut plus
Et tous seuls dans le silence
D'une nuit qui n'en finit plus
Voilà que soudain on y pense
À ceux qui n'en sont pas revenus

Du mal de vivre
Leur mal de vivre
Qu'ils devaient vivre
Vaille que vivre

Et sans prévenir, ça arrive
Ça vient de loin
Ça c'est promené de rive en rive
Le rire en coin
Et puis un matin, au réveil
C'est presque rien
Mais c'est là, ça vous émerveille
Au creux des reins

La joie de vivre
La joie de vivre
Oh, viens la vivre
Ta joie de vivre

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