Dorcas remue dans son sommeil et marmonne. Au début, elle pense être endormie, et prisonnière d'un rêve particulièrement réaliste. Puis, cette impression s'évapore, et elle pense bien être en train de vivre la bataille qui a bien failli la tuer. Elle qui pensait jusque là être plongé dans un rêve, se persuade d'être de nouveau en danger de mort, dans un contexte curieusement et douloureusement familier.
Benjy se tient devant elle, sur son balai, ils foncent au-dessus des champs, chez eux, en Angleterre. Ils sont une dizaine de membres de l'Ordre, et au moins une trentaine de Mangemorts. Voldemort est parmi eux. Dorcas sait qu'ils ne vont pas tous rentrer vivants chez eux. Comme ils le savent tous.
Benjy se retourne vers elle.
- Tu es un monstre.
Le visage de Dorcas se chiffonne, et elle secoue la tête. Benjy insiste.
- Tu es un monstre. Combien d'entre nous doivent mourir alors que toi tu as fui ?
Dorcas ne comprend pas pourquoi il lui dit qu'elle a fui, alors qu'elle est bien là, avec lui, avec eux, en pleine bataille dans le ciel. Benjy ne regarde pas où il va, ni autour de lui, elle ne comprend pas pourquoi son attention reste centrée sur elle, alors qu'ils sont poursuivis, alors que des sorts fusent partout autour d'eux, et qu'il ne se défend pas. Cette scène est étrange, comme si elle savait ce qui allait se passer, mais Dorcas ne comprend pas ce qui cloche.
- Regarde devant toi, Benjy !
Mais le visage fatigué et prématurément vieilli de Benjy demeure tourné vers elle, exposant sa barbe hirsute qui efface ses traits. Il semble la juger du fond de ses yeux enfoncés dans ses orbites. Il n'a pas dormi depuis plusieurs jours, il tient à peine sur son balai. Dorcas aimerait qu'il accélère, qu'il se sorte de là. Il a une femme et la petite Julia chez qui rentrer, alors qu'elle, elle n'a personne pour la regretter, à part des amis de Poudlard, et Alastor. La guerre a tout détruit. La guerre a empêché Dorcas d'avoir une vie normale, sitôt ses Aspics obtenus. Que serait-elle si tout allait bien ? Aurait-elle un travail à la hauteur de ses talents, des personnes avec qui elle ne craindrait pas de se lier de peur de les perdre ?
Dorcas remarque un mouvement sur sa droite, et crie.
- Attention, Benjy !
Plusieurs sorts le touchent et le sorcier, le regard toujours posé sur elle, explose en plein vol en une brume de chair et de sang, et quelque chose touche Dorcas au flanc. Sa main se porte sur son côté et elle se plie en deux de douleur, et se sent tomber, alors que des yeux rouges suivent sa chute et qu'un ricanement résonne dans l'air. Un rire qui n'est que froid et vice, dépourvu de toute humanité. Voldemort l'a touchée. Elle va mourir.
Quelque chose a attrapé Dorcas qui s'agrippe à ce qu'elle peut alors que sa chute n'en finit pas, que ses mains sont pleines de sang, celui de Benjy et le sien mêlés.
- Meadowes !
Quelque chose la secoue, et dans sa chute, elle tourbillonne.
- Meadowes, réveillez-vous !
Dorcas est envahie par la peur, et ne pense qu'à repousser ce qui l'effraie. Quand elle ouvre les yeux, elle rencontre ceux de Fury, grands ouverts, et elle n'a pas le temps de comprendre ce qu'il se passe que son besoin viscéral de mettre loin d'elle tout ce qui l'effraie l'emporte sur tout le reste, et Fury décolle pour s'écraser contre le mur avec un grognement de douleur. Il s'écrase comme une poupée de chiffons sur le sol, non sans se cogner dans le coin du bureau.
Dorcas secoue la tête, essayant de sortir de sa stupeur, de rassembler ses esprits. Elle ne se rend pas compte qu'elle tremble comme une feuille, et a le regard rivé sur Fury qui se tient les côtes, étouffe un autre grognement, et redresse la tête vers elle, tout en reprenant son souffle.
- Meadowes, ça va aller. Respirez.
Dorcas acquiesce frénétiquement, et se redresse dans son lit.
- Je suis désolée, murmure-t-elle.
Fury hoche la tête.
- Vous faisiez un cauchemar. Maintenant vous êtes réveillée, et en sécurité, Meadowes. Tout va bien.
Dorcas dit encore oui de la tête et s'assoit dans son lit, découvrant ses jambes. Elle serre ses bras contre elle.
- Je vais me lever. Je ne vous ferai pas de mal.
- Je sais, murmure-t-elle.
- Vous voulez un verre d'eau ?
Dorcas le regarde comme si elle ne le comprenait pas, puis acquiesce de nouveau. Elle ne le quitte pas des yeux alors qu'il se lève en se tenant les côtes, grimace, se redresse, s'étire, et attrape un verre qu'il va remplir dans la salle de bain. Il revient avec le journal qu'il dépose négligemment à côté de lui sur le bureau sur lequel il s'assied sur le bout des fesses. Le regard de Dorcas, toujours aussi hanté, se pose sur le journal et la face grimaçante de Sirius Black emprisonné pour avoir trahi les Potter, alors que Fury étudie discrètement son tatouage sur la cuisse, ce qui ressemble vraiment à un holster et la baguette de bois, se disant qu'il y a quelque chose à creuser de ce côté-là. Il lui tend le verre, qu'elle boit doucement. Leurs regards se croisent et ne se quittent plus. D'une voix posée, Fury lui demande si elle va mieux. Dorcas lui dit oui, un peu plus assurée mais terriblement gênée, et lui tend le verre en le remerciant, ce qui le fait sourire.
Fury maintient une distance volontaire avec Dorcas, et continue de l'étudier d'un air doux. C'est un soldat, elle aussi, un soldat qui en a vu trop, comme tant d'autres. Il en est convaincu.
- Vous êtes télékinésique ?
Dorcas fronce les sourcils et réfléchit une seconde avant d'acquiescer.
- Depuis toujours ?
Nouveau hochement de tête.
- Cela fait partie de votre talent et de votre société secrète plus secrète que toutes les autres ?
- Oui.
Le visage de Dorcas s'assombrit, elle craint que Fury ne la cuisine, alors qu'elle a juste envie de se rouler en boule sous sa couverture, et se rendormir, mais si possible, sans faire de cauchemars. A sa grande surprise, Fury se contente d'acquiescer, de marmonner un bref « ok » avant d'éteindre la lumière, de monter dans son lit et de lui souhaiter bonne nuit. La jeune femme reste quelques instants indécises avant de se recoucher à son tour et d'adresser un merci à l'homme allongé sur le matelas du dessus.
En la présence de Fury, Dorcas ne sait pas pourquoi, mais elle se sent en sécurité. Rien ne lui arrivera. Peut-être même chassera-t-il les vilains souvenirs et les cauchemars effrayants. Il ne lui faut pas plus de deux minutes pour s'endormir et Fury, qui attendait d'entendre sa respiration régulière, se berce au doux rythme de son souffle avant de lâcher prise à son tour. Il la cuisinera demain. Oui, ça sera bien. Pas quand elle est au bord de la rupture.
Le lendemain matin, Dorcas sent dans le regard de Nick Fury qu'elle doit avoir des explications à lui donner. Lors de la réunion quotidienne, elle ignore ses yeux posés sur elle et les mécanismes de son esprit en train d'essayer de donner un sens à ce qu'il s'est passé dans la nuit. Mais Dorcas fait de son mieux pour mettre de côté les noms qui dansent dans sa tête, l'édition de la Gazette du Sorcier réduite dans sa poche, qu'elle a relu ce matin pendant que Fury prenait sa douche. Il faut qu'elle rencontre Cromwell, ou n'importe quel sorcier du Macusa pour qui elle travaille, sinon cela va la rendre folle. Un sombre pressentiment fait penser à Dorcas que la guerre n'est pas finie. Voldemort a disparu, il n'ont pas trouvé son corps dans les ruines de la maison des Potter à Godric's Hollow. James et Lily sont morts, Peter Pettigrow a été assassiné par Sirius Black qui a été arrêté. Les Aurors sont aux abois, en train d'arrêter les Mangemorts en fuite. La guerre s'achève mais elle fera encore des victimes.
Et Harry, le fils de James et Lily, a survécu à un sortilège de mort. Dorcas se demande quelle magie Voldemort a pu utiliser, et qui s'est retournée contre lui, pour qu'un si petit enfant survive à cela, et que celui qu'on désigne comme le mage noir le plus puissant se soit volatilisé.
Un frisson la secoue et elle sort de sa rêverie, maintenant consciente des visages tournés vers elle. Dorcas passe sa main sur son visage mais n'y trouve aucune larme qu'elle n'aurait pas eu conscience de verser.
- Meadowes, avez-vous écouté un seul instant l'exposé de la mission ?
Le regard de Dorcas se pose sur le tableau, les photos de véhicules abandonnés en bordure d'une forêt, celles des pièces d'identité de personnes disparues.
- Non, répond-elle d'une voix absente, ignorant Anderson qui lui annonce qu'elle ne fera pas partie de la mission en Colombie.
Dorcas fronce les sourcils quand son regard se pose sur les pavés au pied d'une des voitures. Il y a le dessin d'une sorte de roue formée par ces pierres érodées par le temps, mais la photo n'est pas centrée sur le sol, et la jeune femme ne fait qu'en deviner les tracés. Mais cela lui rappelle quelque chose qu'elle a déjà lu, il y a longtemps.
Sans qu'elle ne se rende compte, Dorcas s'est déjà levée et s'approche, très concentrée, du tableau, des photos exposées, des documents étalés. Elle se fait une place à côté de Nick Fury qui s'efface, alors que les agents du Shield présents pour le brief observent la scène, demeurant silencieux comme l'a demandé Anderson d'un simple geste de la main que Dorcas n'a pas remarqué. Peut-être vont-ils résoudre deux affaires en une, celle des disparus de Guatavita* et celle de ce mystère qu'est Dorcas Meadowes.
Les agents du Shield ne voient que des personnes disparues, des touristes, seulement. Des voitures de location abandonnées, des papiers d'identité à l'intérieur, des agents de tourisme colombiens sceptiques. Ils ne savent même pas pourquoi cette affaire leur a été confiée. La police locale peut très bien s'en occuper, même si parmi les touristes disparus, il y a des Américains.
Mais Dorcas voit tout autre chose. Elle effleure de nouveau du bout des doigts la cour pavée d'un observatoire qui donne vue sur le lac Guatavita, et elle cherche dans sa mémoire ce que cette roue signifie, de quel cycle de la vie elle est le symbole. Quelque chose la dérange, elle associe à cette roue, là, en Colombie, une sensation de danger.
- Il y a des femmes parmi les disparus ? Demande-t-elle d'une voix absente.
- Non, que des hommes. Colombiens, Américains et Canadiens. Les Colombiens guidaient les touristes.
Et soudain, elle remarque sur une des photos des arbres coupés récemment. Au pied de ces arbres, des pierres antédiluviennes qui semblent avoir été sculptées, jadis, mais que le temps a poli. Son regard saute d'une photo à l'autre. Un cercle de protection magique a été brisé, sans doute involontairement. La frontière entre les mondes magiques et moldus est fine, selon les pays, les coutumes. Et en Colombie, des descendants de civilisations passées vivent encore, comme un peu partout dans le monde, en petites poches de résistance, où ces frontières n'existent pas. Dorcas a l'ébauche d'une idée, mais elle n'arrive toujours à voir l'ensemble du problème, ce vers quoi ce faisceau d'indices mène. Elle se tourne vers Fury qui semble aussi circonspect qu'elle, puis vers French.
- Vous allez mieux ?
Se rendant compte qu'elle lui pose une question, le scientifique balbutie avant de répondre oui.
- Vous avez d'autres images du lac, des environs ?
French bondit de sa chaise comme un élève surpris à dormir et qui est interrogé par le professeur. Il bégaye de nouveau, prend la télécommande, appuie sur plusieurs boutons et des photos sont projetées sur le mur blanc. Un silence pesant recouvre la salle, et plusieurs agents sont surpris de retenir leur souffle.
Dorcas regarde avec une grande attention les arbres du sommet de la montagne, tronçonnés, les pavés de la place d'observation, les pierres qui étaient au pied des arbres et qui ont été négligemment déplacées. Le cercle est bien là, brisé, mais il protégeait de quoi ?
- Il y a quoi, dans ce lac ? Marmonne-t-elle pour elle-même.
- Des poissons, des canards, des algues ? Commence à énumérer French.
Des Êtres de l'Eau ? Les Chibchas avaient une cérémonie d'intronisation de leur nouveau chef, Dorcas a lu que, sur un radeau d'or, et recouvert de poudre dorée, le chef en devenir allait jusqu'au milieu du lac, et qu'ensuite seulement, il accédait à son pouvoir. Les légendes sorcières disent qu'il avait besoin de la bénédiction des Êtres de l'Eau, qu'ils avaient intégré à leur système de croyance, pour entrer en pleine possession de sa fonction, de ses pouvoirs. On dit que l'eau du Guatavita peut soigner ou rendre fou.
Ce n'est pas une enquête pour les Moldus du Shield, mais pour les sorciers colombiens. C'est une certitude.
Dorcas s'éloigne du tableau.
- J'ai besoin d'air, je ne me sens pas très bien. Je reviens...
Elle a surtout besoin de contacter le Macusa, et le service magique international, parce que les sorciers américains n'ont aucune raison d'intervenir en Colombie, sans obtenir l'aval du Président du Macusa, et du Grand Cacique colombien.
Dorcas sort précipitamment de la salle de réunion, suivie par Nick Fury qui lui emboîte le pas.
- Meadowes ? Meadowes !
- Quoi ! S'exclame-t-elle en se retournant vivement et en se plantant devant lui.
- Que faites-vous ? Lui demande-t-il d'une voix impérieuse.
Dorcas pointe la porte de la salle de réunion.
- Cette affaire va bien au-delà de vos compétences, mais vous avez de la chance, elle est parfaitement dans les miennes. Je vais aller empêcher d'autres hommes de se faire tuer stupidement ! Mais j'ai besoin de vérifier quelque chose. Je vous demande de me faire confiance, Fury.
L'agent du Shield se retourne vers la porte de la salle de réunion, laissée ouverte, où French piétine d'un pied sur l'autre, mal à l'aise. Fury attrape le bras de Dorcas et l'entraîne dans le dédale des couloirs jusqu'à leur chambre, dans laquelle il s'engouffre, après avoir poussé la jeune femme à l'intérieur.
- Dites-moi tout, Meadowes.
- Je vous jure que les circonstances seraient autres, Fury, vous ne m'auriez pas traînée comme un paquet de linge sale.
Dorcas affronte le regard furieux de Nick, et aucun d'eux ne laisse la moindre possibilité à l'autre de l'emporter.
- Refaites-le une autre fois, et vous saurez de quoi est capable une télékinésique.
L'air semble crépiter autour de Dorcas, et Fury se décompose. La jeune femme semble un peu gênée, comme si elle avait perdu un peu de ce contrôle qui lui est vital dans la mission qu'on lui a confiée. D'un air ironique, elle pose sa main sur la poignée de la porte des toilettes.
- Je peux ?
Fury la dévisage comme si elle était en train de se moquer de lui, mais Dorcas n'attend pas qu'il l'autorise à quoi que ce soit avant d'entrer dans la salle de bain et de claquer la porte derrière elle en poussant un grognement de frustration. Elle fait couler l'eau dans le lavabo, saisit son crayon moldu, qui est toujours dans la poche intérieure de sa veste, et commence son rapport sur le miroir, parce qu'elle a besoin d'une grande surface pour y voir plus clair, dans ce qu'elle écrit, comme dans ses idées.
Besoin informations sur le lac Guatavita en Colombie. Cercle de protection autour du lac avec dessins chibchas brisé. Disparition de sept hommes adultes. Lac à l'origine du mythe de l'Eldorado, non ? Nécessité de contacter Norbert Dragonneau, ou un responsable du service de liaison avec les Êtres Magiques ?
Réponse immédiate souhaitée.
Agent Lea.
Et Dorcas patiente. Nerveuse, elle en profite pour se passer un peu d'eau sur le visage. Elle ignore Fury qui toque à la porte. C'est ce dont elle a besoin. Une mission. Quelque chose pour la distraire de la béance qu'elle ressent. L'impression qu'elle aurait du être avec eux, ceux qui ont combattu jusqu'au bout, et sont morts.
Dorcas observe son visage, ses traits qui se sont affinés, voire même émaciés. Il faudrait vraiment qu'elle se remplume. Elle qui a toujours été grande et élancée ressemble maintenant à une brindille. Ses yeux en amande mangent son visage, ses pommettes sont saillantes, la ligne de ses mâchoires anguleuse. Dorcas tire sur son le col de son pull léger et soupire en regardant ses clavicules, l'os de ses épaules.
Non, vraiment, il faut qu'elle prenne du poids, on dirait qu'elle pourrait se briser rien qu'à la regarder trop longtemps.
Le crayon moldu qu'elle a posé sur l'évier s'élève et entreprend d'écrire. Dorcas ignore Fury qui se met à tambouriner sur la porte et observe les lettres qui se forment sur le miroir. Quand Fury perd patience et essaie d'ouvrir la porte de la salle de bain, la jeune sorcière hausse la voix et précise de nouveau qu'elle va bien, avant de se concentrer sur le message. Elle reconnaît l'écriture de Cromwell.
Recherches en cours sur le lac Guatavita, l'Eldorado et les chibchas. Besoin de contacter le Grand Cacique ? Le Macusa a peu de relations avec le Ministère de la Magie Colombien.
Dorcas regarde les lettres s'effacer une à une, comme la buée sur une vitre, et répond.
Besoin de contacter le Grand Cacique de toute urgence. Je pense que le Shield va agir sans délai.
La jeune femme sent en elle la tension qui précède chaque mission dangereuse, mais les souvenirs brouillés de ses lectures lui donnent la quasi certitude que ce qui menace ici, ne lui fera aucun mal.
Elle est sortie de ses pensées par Fury qui fait de nouveau jouer la poignée de la porte, mais Dorcas y met un coup d'épaule, bloque la poignée, et de sa main, prononce le sort pour sortir son holster et sa baguette de sa peau, et se tortille pour l'attraper. Après avoir jeté un dernier regard aux quelques lettres qui peinent à s'effacer du miroir, Dorcas lance sur la poignée le premier sort qui lui vient, luttant toujours contre Fury qui est plus fort qu'elle et va finir par entrer dans la salle de bain.
- Engorgio.
La jeune femme regarde avec horreur la poignée grossir, briser le bois de la porte et du cadre, la bloquant définitivement dans la salle de bain. L'exclamation de surprise qu'elle entend derrière ne fait que raviver sa colère qui couve.
- Bouse de troll, marmonne-t-elle, sans savoir à qui elle l'adresse en particulier.
Un instant passe et s'étire, jusqu'à ce que Fury brise le silence et lui demande, d'une voix autoritaire, de se pousser de là parce qu'il va enfoncer la porte.
- Mais non ! Je vais réparer ma bêtise, ne faites rien !
- Meadowes, cessez de faire l'enfant, et poussez-vous sinon vous allez vous prendre la porte.
Dorcas souffle avec peu d'élégance puis hausse le ton.
- Je viens de vous dire que je vais réparer ma bêtise, laissez-moi faire !
Pour toute réponse, le grand corps athlétique de Fury s'écrase avec un bruit sourd contre la porte, une fois, deux fois. Et c'est alors que ce qui était une situation franchement ridicule devient complètement catastrophique. Dans un crac tonitruant, Buddy apparaît, tenant dans sa main une boîte de conserve rouillée.
- Un portoloin pour dans une minute, Mademoiselle Lea !
Dorcas met immédiatement son index impérieux sur ses lèvres, intimant le silence à l'elfe de maison qui pose la boîte de conserve sur le bord de l'évier.
- Vous entendez ? La porte cède, Meadowes !
- Merci Buddy, va-t-en tout de suite, chuchote-t-elle.
La petite créature s'incline, sursaute en entendant Fury s'écraser de nouveau contre la porte, puis disparaît dans un craquement énorme.
- Allez vous donc arrêter de vous jeter contre cette porte, Fury ? Poussez-vous, je vais briser la poignée.
L'esprit de Dorcas file et étudie tous les scénarios possibles et imaginables impliquant Fury, une porte qui ne s'ouvre pas, une sorcière enfermée dans une salle de bain, et un portoloin qui part dans quelques secondes.
Un craquement fait sursauter Dorcas à son tour, et de peur de recevoir Fury et la porte en plein visage, elle se recule deux pas avant d'hésiter et de tendre la main vers le portoloin. Mais c'est sans compter sur Fury qui, trop heureux de ses progrès, assène un dernier et vigoureux coup d'épaule à la porte qui cède. Dorcas se recule contre le mur, ses yeux effrayés posés sur Fury, puis le portoloin qui s'est mis à vibrer.
Avant qu'elle n'ait eu le temps de penser à l'accioter, Fury se retourne vers la boîte de conserve.
- Qu'est-ce que...
- NON !
Mais l'agent du Shield a déjà empoigné la boîte de conserve, et Dorcas n'a pas le temps de bondir en avant qu'il disparaît.