- Eh Black, fais attention !
- Evans ? Qu’est ce que tu fiches ici à cette heure ?
La tête rousse de Lily émergea, les cheveux en pagaille et les yeux rougis.
- Je n’arrive pas à dormir. Et toi ?
- Je rentre de retenue, évidemment. Ça va ? Tu n’as pas l’air en forme.
- Si, ça va très bien. Laisse-moi tranquille, renifla la rousse en s’essuyant les yeux.
Sirius leva les yeux au ciel et se jeta dans le canapé en passant par-dessus le dossier. Il atterrit presque sur Lily qui bondit à l’autre bout du sofa.
- Eh, mais qu’est-ce que tu fais ? tu cherches à m’écraser ?
- Je viens te tenir compagnie bien sûr ! Qu’est-ce que c’est ?
Lily serrait fermement une lettre écrite à l’encre violette sur laquelle elle avait visiblement pleuré. Elle la dissimula rapidement dans sa poche, mais Sirius devina sans peine.
- Une lettre de ta sœur ?
- Ça ne te regarde pas.
- Ce que tu peux être agréable quand tu t’y mets ! C’est ce qui te rend triste ?
- Je n’ai pas envie d’en parler, claqua Lily, et encore moins à toi.
- Tu as tort. Je suis plutôt bien placé pour parler mésententes familiales et problèmes fraternels, dit Sirius, vexé.
Lily se sentit honteuse. Elle n’avait pas été très amicale avec Sirius, alors qu’il avait toujours été plutôt gentil avec elle. Elle crut l’avoir blessé lorsqu’il se leva d’un bond et disparut dans son dortoir, mais il revint à peine quelques secondes plus tard avec deux tasses de chocolat chaud aux guimauves.
- Tiens, dit-il en lui tendant une tasse. Ça fait toujours du bien. C’est ce que Moony dit toujours.
- D’où tu sors ça, s’émerveilla Lily en buvant une bonne gorgée.
- On en a une marmite qui tourne en permanence dans notre dortoir. On a un accord avec les elfes de maison des cuisines. Tu ne veux pas me parler, mais il est de mon devoir de te remonter le moral. En plus, je n’ai pas dîner et je meurs de faim ! A la tienne, Evans !
Sirius s’amusa à lancer les guimauves une par une en l’air avant de les manger. Il les rattrapait presque à chaque fois. Lily en rit, et bientôt elle se sentit mieux. C’était la première fois qu’elle passait du temps avec Sirius. Elle l’avait toujours pris pour un garçon plutôt arrogant et fut surprise de constater à quel point il pouvait être gentil. Elle se décida à lui parler :
- Petunia m’a écrit. Elle a commencé un travail de dactylographe dans…
- De quoi ?
- Dactylographe. C’est… une plume à papote vivante. Bref, elle a trouvé ce travail dans une entreprise moldue et il y a un garçon qui lui plait, un certain Vernon. Elle veut le présenter à mes parents à Noël, donc elle me demande de ne pas venir pour les vacances. Elle ne veut pas que Vernon découvre que sa sœur est un monstre et que je gâche sa relation. Mes parents m’ont demandé d’accepter et de rester ici, pour être gentille avec Petunia mais…
- Tu en as marre, compléta Sirius.
- Tellement marre ! s’exclama Lily, comme si elle se libérait d’un poids. Je ne fais que ça, d’être gentille avec elle ! Je fais tout ce que je peux pour ne pas la froisser, mais c’est à croire que ma seule existence la dérange ! Je ne sais plus quoi faire ! Elle joue la pauvre petite malheureuse auprès de mes parents, et c’est toujours à moi de faire des concessions. Mais j’en ai assez ! Pourquoi est-ce qu’elle ne peut pas m’accepter telle que je suis ?
- Parce qu’elle est jalouse. Je suis sûr qu’au fond, elle aurait rêvé d’être une sorcière elle aussi. Toi, tu es unique. Elle, elle est juste… banale.
- Severus me dit la même chose, mais Petunia déteste la magie !
- Ça me répugne un peu de dire ça, fit Sirius avec une moue dégoutée, mais il a raison. Lily, tu ne peux pas changer qui tu es, et tu ne peux pas forcer ta sœur à l’accepter non plus. Vous ne vous entendez plus, c’est triste mais ce n’est pas grave et ce n’est pas de ta faute. Vous grandissez, vous êtes deux adultes, ou presque. Vous avez le droit de ne pas vous entendre, ça ne veut pas dire que vous ne vous aimez pas. Et quand bien même. Ce n’est pas parce que vous êtes de la même famille que vous êtes obligées de vous aimer, pas vrai ?
- C’est la chose la plus… mature et utile qu’on m’ait jamais dite à ce sujet, balbutia Lily, surprise. Et ça vient de Sirius Black !
- Je vais essayer d’ignorer ton étonnement, Evans ! dit Sirius en riant. Qu’est-ce que tu croyais ? Il y a un cerveau derrière cette gueule d’ange ! Aïe !
Lily venait de lui donner un coup de pied dans le tibia en pouffant. Sirius fit semblant de souffrir le martyre pour l’amuser. Pour la première fois, Lily s’attarda un peu plus sur son camarade depuis cinq ans. Il était beau, d’un charme insolent. Toutes les filles avaient le béguin pour lui. Elle-même devait admettre que son sourire ne la laissait pas insensible, mais cette fois elle fut captivée par ses yeux. Même quand il riait, ses yeux gardaient une certaine dureté, une sorte de mélancolie. Il semblait plus adulte, plus mature que les élèves de son âge lorsqu’il était sérieux comme ce soir.
« Hey, Evans, arrête de me fixer comme ça. Je vais finir par croire que tu es amoureuse de moi, et notre amour est impossible ! James me tuerait, ce qui ravirait ma mère. Je ne peux pas mourir, je ne veux pas lui faire ce plaisir ! ».
Lily fut choquée des mots que Sirius employait au sujet de sa mère.
- Tu exagères, elle ne peut pas être si terrible !
- Lily, tu sais pourquoi j’ai loupé la Répartition et je suis arrivé en retard au banquet cette année ? J’ai refusé d’aller au mariage de ma cousine Bellatrix alors ma mère m’a fait poser les mains à plat sur la table de la cuisine et les a frappées avec un tisonnier brûlant. Ça s’est passé une semaine avant la rentrée. J’ai soigné comme je pouvais sans faire de magie mais il a fallu que j’aille à l’infirmerie.
- Oh, Sirius…
- Ne sois pas désolée, tu n’y es pour rien. Et moi non plus. Je ne te raconte pas ça pour que tu aies pitié de moi. Si c’est le cas, je serais ravi de te raconter des choses qui te feront me détester de nouveau !
- Je ne te déteste pas, Sirius…
- C’est vrai, personne ne le peut, je suis trop beau pour ça ! Et humble, surtout. C’est important.
Lily éclata de rire. « Est-ce que tu ne te sens pas… un peu entre deux mondes des fois ? »
« Si, bien sûr » répondit Sirius. « Je ne suis pas à ma place dans ma famille, mais pourtant les gens me rappellent toujours que je suis un Black. »
- C’est ça ! s’exclama Lily. C’est exactement ça ! Je suis trop sorcière quand je rentre chez moi, et trop moldue quand je suis ici ! J’ai l’impression que je ne suis à ma place nulle part…
- Tu es à ta place ici, Evans ! Et tu es autant à ta place dans ta famille. On a la place qu’on décide, pas celle qu’on nous donne. Si ta sœur estime que tu n’es pas assez bien pour son monde, tant pis pour elle. Mais ne la laisse pas te convaincre que tu ne fais plus partie de ta famille. Il n’y a que toi qui puisse choisir à quel monde tu veux appartenir. Et l’un n’exclut pas l’autre.
A la grande surprise de Sirius, Lily se jeta dans ses bras pour lui faire un câlin. Si James était descendu à ce moment-là, il en serait tombé dans les pommes. Ou il l’aurait tué. Il n’allait jamais le croire. A la réflexion, il valait mieux que Sirius garde ça pour lui.
- C’est gentil d’avoir discuté avec moi, dit Lily avant d’aller se coucher. Ça m’a vraiment fait du bien. Je suis contente d’avoir découvert le Sirius Black qui se cache derrière le fauteur de troubles. Je l’aime beaucoup.
- Arrête Evans, tu vas me faire rougir !
- Je suis sérieuse !
- Ça m’a fait plaisir aussi, répondit Sirius en reprenant son sérieux. Si un jour tu as envie de te plaindre de ta sœur, ou juste de parler, n’hésite pas. Je serai toujours là. Sauf si je suis en retenue.
Lily sourit et monta se coucher. A partir de ce soir-là, elle cessa de considérer Sirius comme un camarade turbulent, et devint l’une de ses meilleures amies, aux côtés des Maraudeurs.