Le rire hystérique de Bellatrix Lestrange résonne encore dans un quartier désert de Luton. La moitié de la rue a été détruite par les Mangemorts, et ils ne sont que trois membres de l'Ordre encore debout, et deux en état de se défendre. Dorcas jure avoir vu Sturgis Podmore touché par un éclair vert et gisant sur le sol. Elle en mettrait sa main dans la mâchoire d'un dragon, Sturgis est mort.
- Dorcas, elle a vu que je commençais à bouiller, balbutie Dedalus, à personne en particulier.
- Fais-le taire, Caradoc, murmure Dorcas.
Ils sont tous les trois cachés dans la chambre d'un appartement moldu éventré. Caradoc fait la gueule parce que Dorcas est la duelliste la plus accomplie, et la meilleure en sortilèges. Alors, lui, il est de babysitting avec Dedalus qui a reçu un sortilège inconnu et ne cesse de raconter des bêtises grosses comme lui.
- Avec tous ceux qui sont partis, on est moins nombreux, s'inquiète Dedalus.
- Les renforts vont arriver, Diggle, t'inquiète pas.
Dorcas a lancé tous les sorts de protection auxquels elle a pu penser sur les ouvertures de la chambre d'enfant : les deux fenêtres dont les stores sont baissés, et la porte fendue. Elle se demande comment le bâtiment tient encore debout.
- C'est là, quand tu es ici, que tu réalises que t'es là... marmonne Diggle.
- Tout va bien, murmure Caradoc qui ne se donne même pas la peine d'avoir l'air convaincu.
Le regard de Dorcas quitte la rue qu'elle surveille nerveusement. Elle a compté une dizaine de silhouettes masquées et encapuchonnées. Dont les Lestrange et Dolohov. Ils n'ont aucune chance.
Dorcas fait le résumé de ce qu'ils savent. Ils ont constaté que des sorts antitransplanage ont été lancés. Diggle a reçu un sort inconnu et Caradoc lui a confisqué sa baguette parce qu'il dit n'importe quoi. Ils n'osent pas lui lancer de sort de mutisme ou le neutraliser d'un bon stupéfix, parce qu'ils n'ont aucune idée de la malédiction que lui a lancé Dolohov. Bien qu'ils doutent survivre à cette nuit, ils n'ont pas envie que si jamais ils s'en sortaient, d'avoir à porter le poids de la culpabilité d'être responsable des séquelles de Diggle.
Ils sont dans une chambre d'enfant, il n'y a rien qui puisse servir d'arme ici. La moitié du mobilier tient encore debout, dans la partie la plus solide de la pièce, alors que la partie des meubles situées à gauche dans la pièce n'est plus qu'un tas de bois et de clous.
Ils sont dans la bouse de troll jusqu'au cou.
Dorcas, nerveuse, lance de nouveau en informulé un assurdiato, espérant que la lueur de sa baguette ne sera pas visible de l'extérieur. Tous les lampadaires de la rue ont grillé. Ils sont dans le noir le plus total.
- Je suis au bord du gouffre, mais je compte bien avancer, bredouille Dedalus.
Dorcas se tourne vers Dedalus et Caradoc, une étincelle de courage fou dans le regard.
- T'as une idée ?
La face sombre de Dearborne s'illumine un peu. Dorcas c'est les idées, et Caradoc leur exécution. C'est comme ça qu'ils ont toujours fonctionné.
- Non, avoue-t-elle. Mais au moins il me donne de l'espoir, dans tout ce non-sens qui sort de sa bouche.
Caradoc hausse les épaules, la mine déçue. Il n'a que cinquante-cinq ans, ses enfants viennent de se marier, et il ne vit que dans l'espoir de rencontrer un jour ses petits-enfants. Dorcas, quant à elle, n'a que dix-huit ans, est sortie de Poudlard l'année dernière avec un nombre très impressionnants d'Optimal à pas moins de huit matières, mais elle s'est engagée directement dans l'Ordre du Phénix, parce que son sens de la justice est plus fort que ses ambitions personnelles, et qu'elle aura bien le temps de penser à ses études quand tout cela sera fini. Caradoc soupçonne Maugrey de vouloir l'engager au département des Aurors. Il regarde la jeune sorcière avec un mélange de fierté et de jalousie.
- J'ai peur de dire une sotterie, commence Dedalus...
- Non, vas-y, l'autorise Caradoc.
- Je ne perds pas les bras, conclue le petit sorcier avec sa tête d'ahuri.
- Nous non plus, on baisse pas les bras, Diggle. On va se sortir de là.
Dorcas passe nerveusement d'une fenêtre à l'autre, ils sont tous désillusionnés, dans cette chambre, mais elle craint que les Mangemorts ne portent des artefacts leur permettant de voir au-delà des sortilèges les plus simples. Elle en compte encore dix et peste.
- J'ai fait ça pour pigmenter le jeu ! S'exclame un Mangemort dont ils ne reconnaissent pas la voix ni l'apparence, et qui a un fort accent étranger. Des pays de l'Est, peut-être.
La suite de la conversation entre les deux Mangemorts qui se rapprochent de leur bâtiment échappe à Dorcas qui se tourne doucement vers Caradoc et Dedalus, l'index levé vers sa bouche et une supplique dans le regard.
- Quand j'étais petit, on m'a volé mon vélo. Deux jours après, je me suis mis au kick-boxing.
Caradoc laisse échapper un rire sans joie et se reprend rapidement. Assis contre le mur de la chambre, dans un coin avec Dedalus, ils n'ont pas bougé depuis qu'ils se sont réfugiés là. Diggle est incapable de tenir sur ses jambes. Caradoc tapote l'épaule du petit sorcier, espérant apaiser son esprit en ébullition. Dedalus lève la tête vers le grand sorcier, une expression d'enfant sérieux sur le visage.
- Franchement, avoir dit mon secret, pour moi, c'est une libérance.
- Fais-le taire, Doc ! Chuchote Dorcas.
Elle a distingué des ombres passer juste devant elle.
- Je fais ce que je peux, marmonne Dearborne, qui se dit qu'il ne va tout de même pas lui foutre son poing dans la gueule, Dedalus fait la moitié de sa taille et le tiers de son poids.
Une silhouette apparaît derrière une des fenêtres, grande, large et fantomatique. Dorcas retient son souffle, la baguette fermement tenue entre ses doigts tandis que son autre main se lève pour intimer un silence absolu aux deux sorciers derrière elle. Dearborne, qui a compris, enveloppe Dedalus de son bras, le plaque contre lui et le bâillonne de son autre main, murmurant à son oreille de se tenir tranquille et de ne pas faire de bruit.
Mais soudain, un par un, les lampadaires se rallument, attirant l'attention du Mangemort qui part rejoindre les autres.
Le fracas de sorts lancés partout en même temps fait sursauter Dearborne, et Diggle parvient à se libérer de la grande main qui lui fermait la bouche.
- Ils vont sauter comme des pop-corns !
Dedalus part dans un fou rire douloureux. Dorcas repère la silhouette trapue de Maugrey, celles d'autres membres de l'Ordre du Phénix, et enfin, celle, longiligne, d'Albus Dumbledore. A leurs côtés, elle distingue Sturgis Podmore revenir à lui, protégé par les Prewett. Quelques larmes de soulagement s'échappent de ses yeux, et Dorcas se tourne vers les deux sorciers, résolue.
- Bougez pas, je vais les aider. Sturgis est vivant !
Elle finit avec un immense sourire plein d'espoir avant d'ouvrir une des fenêtres, de sortir de la chambre, de lancer négligemment un autre sort de protection sur la façade. Puis Dorcas se jette dans la bataille qui fait rage, exaltée.