Nick Fury est en planque à Los Angeles, avec le petit nouveau, Phil Coulson, dans leur voiture, attendant désespérément qu'on les appelle pour une mission, la planque n'étant pas du tout l'activité préférée de l'agent du Shield, qui est désormais accrédité au niveau 3. Nick soupire, il fait une chaleur à crever, et il adorerait virer sa cravate, ou qu'il y ait un peu d'action.

Il jette un œil au bleu, qui a un air infiniment enfantin sur le visage. Nick le trouve trop mou. Bien que ses états de service soient absolument parfaits, et terriblement prometteurs pour le Shield, il a quelque chose en lui de profondément gentil qui a le don de l'agacer. Et ce n'est que son deuxième jour.

La radio crépite, et Phil, avec l'enthousiasme d'un boy-scout, tend la main pour la décrocher, mais Nick est plus rapide. C'est sa bagnole, c'est lui qui conduit et qui répond à la radio. Y a rien à discuter là-dessus.

- November Fox-Trot et Papa Charlie, j'écoute ? A vous.

Après quelques grésillements qui font se demander à Fury si la magie de sa femme et de ses enfants ne font pas des interférences avec la radio, même quand ils ne sont pas là, la voix désincarnée de Keller retentit.

- Fury, on vient de recevoir un appel étrange, une femme se serait écrasée dans une supérette sur Plummer Street. L'agent de sécurité dit qu'elle était habillée d'un costume de carnaval. A vous !

- Plummer Street ? On y sera dans cinq minutes. Terminé !

Nick esquisse un sourire. Enfin, de l'action !

Dorcas s'est rapidement fait à sa nouvelle vie en Alabama, dans la maison que Nick et elle ont choisi, un peu plus éloignée de la base de Huntsville que celle de Vivian, la mère de Nick. Elle a profité de sa grossesse pour reprendre des études en droit magique, et comme elle s'est ennuyée, elle a également étudié les Non-Maj. Les cours se sont avérés bien plus modernes que ceux d'Etude des Moldus à Poudlard. Pourtant, elle a lu tous les livres de Charity Burbage*, mais l'approche américaine est radicalement différente de la britannique, même si, dans le fond, ils ne se mélangent pas plus que cela et sont même bien plus frileux à l'idée de le faire, ce qui s'explique par leur histoire.

- L'Amérique du Nord a enfin été l'un des territoires les plus touchés par les procès de sorcières. En attendant la création des Etats-Unis, dans des terres sans foi ni loi, des sorciers, les Scourers, des mercenaires répondant à des contrats, semaient la terreur partout autour d'eux...

Paul, le fils aîné de Dorcas lève les yeux d'un des livres que sa mère a écrit alors qu'elle était enceinte de lui et qu'il lit à haute voix. C'est ce qu'elle a noté dans la dédicace, et à chaque fois, cela fait drôle au garçon de savoir que chaque lecteur a une petite pensée pour lui.

- Mais maman, les Scourers, ils faisaient un peu le même travail que papa ?

Dorcas, les mains pleines de farine, se met à rire et lève la tête de son saladier. Martin, leur second garçon, a demandé à son grand frère malade de la varicelle et interdit d'approcher les aliments, de leur lire Etude comparative des relations entre sorciers et Moldus ou Non-Maj, par Amber Lea, pendant qu'ils préparent son repas d'anniversaire. C'est le nom de plume que Dorcas a conservé. L'identité qu'elle a construite, et qui lui sert uniquement dans ses échanges avec le Macusa quand Cromwell l'invite à participer à certaines missions, ce qu'elle pourra se permettre de faire plus souvent quand les garçons seront tous deux à Ilvermorny, Nick étant souvent absent.

- Non, Martin, papa ne fait pas ça comme métier. Les Scourers étaient des chasseurs de prime, ils allaient chercher les gens qui avaient un mandat contre eux, ils étaient aussi mercenaires, et participaient à des batailles du côté qui payait le plus. Ils travaillaient pour eux, surtout. Pas pour quelqu'un en particulier. Pas pour le Macusa, ou comme l'employeur de papa.

Martin hoche de la tête, les sourcils froncés. Il fait sa rentrée à Ilvermorny en septembre, alors que Paul y sera pour la seconde année. Martin serait un bon Serdaigle, selon Dorcas, il sera sans doute choisi pour entrer dans la maison du Serpent Cornu. Et, sans grande surprise de sa part, Paul a été réparti dans celle de l'Oiseau-Tonnerre, qui regroupe les aventuriers. Si son aîné ressemble beaucoup à Nick, Martin marche dans les pas de Dorcas. Alors que les vacances d'été viennent à peine de commencer, il est déjà plongé dans les livres parce qu'il veut tout apprendre avant d'entrer à l'école.

- Mais, maman, tu penses que papa sera là ce soir ?

- Bien sûr, mon chéri. Il ne raterait pas ton anniversaire. Et s'il avait un empêchement, il préviendrait.

Dorcas fait la moue. Il a raté le dixième anniversaire de Martin, l'année dernière, parce qu'il était sur une mission de prise d'otages à Bogota. Il a été absent trois jours, sans pouvoir prévenir qui que ce soit parce que c'était secret défense. Dorcas a horreur de cette expression. Elle a passé trois jours d'horreur absolue, attendant que l'on vienne annoncer sa mort. Quand Nick est revenu, fatigué mais muet comme une tombe, elle a rassemblé toutes ses affaires et l'a fichu dehors. Il a dormi une bonne semaine chez sa mère avant que la colère de Dorcas ne s'apaise. Quand les gamins ont commencé à craindre leur divorce, c'est elle qui est allée le chercher.

- Maman, t'as oublié la levure !

Dorcas tend la main vers Martin mais il se dérobe en faisant la moue.

- Mais, arrête, t'es pleine de farine et d'oeufs, t'as les mains toutes collantes.

Les trois éclatent de rire en continuant à préparer le repas du soir, le livre d'Amber Lea désormais relégué sur le comptoir de la cuisine.

Alors que Nick roule à toute berzingue le long de la voie de tram, et qu'avec Coulson, ils regardent, éberlués, la blondinette se battre avec quelqu'un sur le toit du tram, il reçoit un appel de Coulson lui disant qu'il est coincé à la supérette avec le Damage Control. Le regard de Nick se pose alors sur le Coulson qui est assis à ses côtés, et il comprend que l'autre a compris que son imposture venait de voler en éclat. Putain, la blondinette a raison, y a bien un Skrull qui a pris l'apparence du bleu. Coulson bondit de son siège et entreprend d'étrangler Nick qui se défend comme il le peut, une main sur le volant, l'autre essayant de le repousser. Mais il est fort, trop fort. Nick fait alors un truc à la con, et expédie la voiture dans un bus, s'assurant en tournant brusquement le volant que le faux Coulson prenne l'essentiel de l'impact.

Reprenant son souffle, Nick découvre avec une sacrée sueur froide, un mec moche à la peau de lézard, qui a l'air mort, dans le beau costume de Coulson. Il sort de la bagnole en grimaçant parce que ses cervicales ont pris un coup, et attrape sa radio pour prévenir Keller d'envoyer une équipe immédiatement.

A partir de 18h, Dorcas ne fait que surveiller l'heure, nerveuse. Il ne va quand même pas le faire deux ans d'affilée ! A 19h, elle accueille Vivian qui arrive avec son caddie rempli de biscuits et de cadeaux pour Martin. A 20h, Dorcas rappelle son mari sans résultat, puis rappelle Coulson, le nouveau, qui est censé être avec Nick. Mais personne ne répond.

- Dorcas, tu veux mettre la table ? Nick a dû être retardé, dit Vivian.

Le regard de Martin lui brise le coeur, surtout qu'il essaie de faire le brave. Ils savent tous qu'il a souvent des urgences au travail, mais merde, ça tombe mal ! Dorcas va le prendre dans ses bras et embrasser ses tresses, alors qu'elle surprend les yeux désolés de Paul, noyés dans son visage constellé de boutons de varicelle qu'il lutte pour ne pas frotter.

Dorcas essaie alors de mettre à côté son appréhension. D'autant plus que, depuis plusieurs mois, elle a appris que Voldemort était de retour au Royaume-Uni, parce qu'elle entretient une correspondance avec Norbert qui vit désormais en Angleterre, et avec Alastor quand il pense à lui envoyer une lettre. Et cela la terrifie que dans son pays, la guerre couve de nouveau, et que, peut-être bientôt, elle va apprendre la mort de personnes qu'elle a connu. Les cauchemars, qui s'étaient estompés une fois installée à Huntsville, avec le soutien de Vivian qui vit à cinq minutes à pied de leur maison, et la présence rassurante de Nick, quand il est là, sont de retour. Mais depuis qu'elle a appris par Alastor que l'Ordre du Phénix s'était relevé de ses cendres, l'anxiété et les cauchemars ont redémarré. Elle songe même à aller consulter un psychomage, mais n'a pas fait les démarches. Il ne comprendrait pas ce qu'elle a vécu, de toute façon, alors à quoi bon ? Dorcas fait ce qu'elle sait mieux faire : serrer les dents et attendre que ça passe. Elle ne veut pas déranger Nick avec ça, il l'a assez soutenue au fil des années, et son métier est prenant. Tellement prenant.

Trop.

Mais la sécurité de l'Amérique repose entre ses mains.

La blondinette a filé. Fury contacte son supérieur, Keller, pour lui faire un résumé des derniers événements et lui dire que tous les indices doivent être impérativement confiés au Shield, que c'est une enquête qui risque largement de les dépasser, et qu'ils doivent sans faute prendre cela au sérieux.

Puis Fury rejoint Keller pour l'autopsie du Skrull, et alors qu'il échange avec son supérieur sur son envie de retrouver la blondinette pour l'interroger et mieux appréhender l'ensemble de la situation, écoutant d'une oreille les explications du médecin légiste qui leur fait un résumé du peu qu'il a compris de la biologie du spécimen, son esprit est littéralement en ébullition. Voilà maintenant qu'après les sorciers dont personne ne doit surtout parler, il y a des extra-terrestres métamorphes...

Fury s'est engagé au Shield pour protéger son pays, mais il lui semble maintenant que cette volonté de protection s'étende à la Terre entière, et quelque part, bien qu'il n'ait jamais rechigné à la tâche, cela lui semble trop grand pour lui. Il y a des ennemis partout. Sur terre, plus ou moins bien cachés, et vraisemblablement dans des planètes lointaines, et quelque part, cela lui donne le tournis et lui fout la trouille, bien qu'il se ferait arracher tous les ongles sans l'avouer à quiconque.

Tentant de reprendre contenance, Fury attend en lançant un regard complice à Keller que le légiste quitte sa salle, et soulève le drap recouvrant ce qui devrait être la bite du Skrull.

Eh bien, apparemment, ils ne sont vraiment pas foutus pareils.

Keller approuve que Nick retrouve la blondinette lors d'une mission d'infiltration, sur sa suggestion. Bien déterminé à savoir de quoi il retourne, l'agent du Shield ne perd pas un instant pour faire appel à ses collègues et localiser la jeune femme.

A 20h30, devant le regard triste de Martin, Dorcas joue la maman détendue et heureuse de célébrer un autre anniversaire que Nick rate, le maudissant intérieurement de ne pas être là, mais surtout de ne pas avoir prévenu. Parce que même si tous ceux réunis autour de la table savent que Nick peut ne pas être présent, parce qu'il est retenu au travail, que cela soit celui du Shield ou, plus rarement, une mission du Macusa, le fait de prévenir permet de passer à autre chose, de faire sans lui, et surtout, de savoir qu'il va bien.

Et là, bouse de troll, pas un coup de fil, pas un hibou, ni même Buddy qui a été attribué à Nick en cas de besoin... A la connaissance de Dorcas, Nick n'est pas en mission pour le Macusa, mais, alors que Vivian se charge de servir l'entrée, la sorcière s'excuse quelques minutes, et va écrire rapidement une lettre sur un rouleau de parchemin et l'accroche à la patte de Zebra, leur chouette tachetée.

En revenant dans la salle à manger, Dorcas reprend son rôle de maman détendue alors qu'intérieurement elle bout d'inquiétude et de colère.

- J'ouvre les cadeaux à la fin du repas ? Demande la petite voix de Martin.

- Oui, comme à chaque fois ! Lui répond Paul en roulant des yeux.

Systématiquement, à chaque anniversaire dans la famille, à chaque Noël, c'est la question que pose Martin depuis qu'il est en âge de parler. Et toujours on lui fait la même réponse. Dorcas sourit en regardant son plus jeune, avec sa bouille d'enfant impatient d'ouvrir ses cadeaux, et une vague de tendresse lui emplit le coeur.

Elle aimerait bien un troisième. Ils n'en ont pas vraiment parlé avec Nick, mais, elle aime être maman, et maintenant que son second sera aussi à Ilvermorny, Dorcas sait qu'elle va trouver le temps long, même si elle sera plongée dans la préparation de l'écriture de son prochain livre sur les différences culturelles chez les sorciers du continent américain, et qu'elle a prévu de demander un permis de voyager au Macusa afin de commencer ses recherches courant octobre.

Dorcas serait prête à pouponner de nouveau et mettre de côté son métier pendant quelques années, le temps que le petit soit scolarisé. Et qu'est-ce qu'elle a aimé leur enseigner la magie quand ils se sont révélés ! Nick n'a jamais eu peur de leurs manifestations de magie spontanée. Ni Vivian qui, quelques jours après qu'elle ait rencontré Dorcas, a appris qu'elle était une sorcière.

Les Fury ne s'étonne de rien parce qu'ils sont préparés à tout. Alors, ils s'adaptent.

Alors qu'elle mange sa salade composée, le regard de Dorcas se pose sur la photo de Joseph Fury, qui trône avec d'autres portraits, sur le buffet du salon. Nick n'a que très peu de souvenirs de son père, mort pendant la guerre de Corée, alors que Nick n'avait que trois ans. C'était un aviateur. Il a laissé une telle impression sur Vivian qu'elle est parvenue à lui laisser une place prégnante dans la vie de Nick, bien qu'il n'en parle pas vraiment, mais Dorcas sait qu'il le tient en haute estime.

Mais de penser à la mort de Joseph Fury lors de la guerre de Corée, lui rappelle celle qui couve en Angleterre, alors Dorcas repousse ces pensées et se concentre sur le repas, riant avec un peu de décalage aux plaisanteries de Paul, sous le regard de Vivian qui s'inquiète.

Bouse de troll, où est passé Nick ?

Rosemond... Fury fonce sur l'autoroute, suivant une piste disant qu'une blondinette a piqué une moto et les vêtements sur un mannequin, à l'extérieur du Sip N Surf, un cyber-café, et qu'elle a été vue filant vers Rosemond, à une heure trente de route de Los Angeles, qui va vite se transformer en une heure tout court, foi de Fury.

Nick met un gros coup de frein sur la route principale de la petite ville, ayant aperçu une Harley correspondant à la description de la moto volée. Une voiture derrière lui le klaxonne et l'insulte copieusement, mais un simple regard de Fury fait taire le chauffeur qui redémarre en trombe. Nick accélère et va se garer sur le parking, puis faire le tour des bâtiments pour entrer par la porte de service du Pancho's Bar.

Une fois qu'il a retrouvé la blondinette, Vers, quel nom à coucher dehors, et une fois qu'ils se sont assurés qu'ils sont bien qui il sont, et non ces Skrulls métamorphes, la jeune femme lui sourit, lui assurant qu'ils vont faire équipe. Fury refuse de laisser filer cette nana, il y a bien trop en jeu pour la sécurité du pays, et il ne fait confiance qu'à lui-même pour enquêter.

Ils quittent alors le Pancho's Bar, laissant derrière eux les débris fumants du juke-box détruit par le blast que Vers a lâché sur lui pour prouver qui elle était.

Pendant les quelques heures de route qui les mèneront au Complexe Mission Energie Noire, Vers précise à Fury que les Skrulls envahissent les planètes et les dévastent les unes après les autres, qu'ils sont un véritable fléau. Et que les Krees, une autre race alien, sont de nobles guerriers, de véritables héros luttant contre les Skrulls.

Et donc, Fury et Vers sont pris dans un conflit entre deux races aliens, qui ont juste choisi la Terre comme terrain de jeu.

Merveilleux.

Et arrivés au Complexe, c'est le début des emmerdes. Ils parviennent à entrer plutôt facilement, et Fury prévient au passage son supérieur, Keller, de la situation. La blondinette parvient à ouvrir toutes les portes closes sur lesquels il s'arrache les cheveux. Au passage, Fury rencontre un joli petit chat appelé Goose, et cela lui rappelle le petit fléreur qu'ils ont prévu d'offrir à Martin pour ses onze ans. Il est en train de tout rater, mais ce n'est juste pas possible pour lui de quitter ce qu'il fait. La menace est trop grande.

Fury se rend compte qu'il a profondément merdé quand son supérieur s'avère être un de ces Skrulls, et il regrette de lui avoir envoyé le message via son téléavertisseur, et d'avoir menti à Vers en disant qu'il communiquait avec sa mère. Dans les archives, Fury ne fait clairement pas le poids face à celui qui est en réalité Talos, et il craint un instant que celui-ci ne le tue, des flash des visages de sa femme, de sa mère et de ses enfants fêtant l'anniversaire de Martin, passant dans son esprit. Merde, il n'a pas pu leur dire au revoir. Quand la blondinette sauve une nouvelle fois la situation, ils parviennent à s'enfuir du Complexe à bord d'un Quadjet que Vers pilote, avec plus de questions encore, et toujours pas de réponses.

Et le truc marrant, c'est que Goose les a rejoints.

Dorcas et Vivian ont repoussé au maximum le moment d'ouvrir les cadeaux pour Martin qui feint une joie que tous savent ne pas être complète, mais alors que le petit garçon étouffe un énième bâillement, sa grand-mère se lève et pose ses cadeaux sur la table débarrassée. Après avoir échangé un regard avec Dorcas, Martin se met à défaire les papiers cadeaux, avec un entrain grandissant, ce qui amuse tout le monde. L'absence de Nick est criante, mais c'est presque comme s'il était là.

Presque.

Après avoir découvert des figurines d'action hero, d'épais livres non-maj et sorciers, Dorcas va en souriant dans le cabanon de jardin où elle a caché le dernier cadeau, que son plus jeune fils leur demandait à corps et à cris depuis des années. Le bébé fléreur dans les bras, acheté chez un éleveur américain ami de Norbert, Dorcas traverse le jardin, essayant de repousser la vague d'angoisse qui menace une nouvelle fois de l'engloutir. Mais elle sait que Nick a des ressources insoupçonnées, et qu'il sait s'adapter à toute situation. Le fléreur, qui ressemble à un petit chat persan mais à la fourrure d'un beau marron et aux yeux tirant sur le rouge, ronronne profusément dans les bras de Dorcas qui plonge son nez dans son cou et lui embrasse la tête.

Paul lui ouvre la porte, et à peine Dorcas est-elle entrée dans la cuisine que Martin, sentant qu'on lui réservait une autre surprise, pousse un hurlement de joie et se précipite sur sa mère qui lui intime de se calmer un peu, grimaçant parce que la boule de poils s'est transformée en une pelote de griffes.

- Oh, merci, merci, merci !!! Je vais l'appeler comment ? C'est un gars ou une fille ? Dis-moi que c'est un gars, je préfère... Mais tu préfèrerais une fille, maman, non ?

- C'est une fille, elles sont plus douces.

Dorcas grimace de nouveau en pensant à Miss Teigne, cette sale bestiole que Rusard chérissait plus que tout, et qui portait bien son nom.

- Oh, ce qu'elle est belle, maman !

Martin récupère le chaton dans ses mains et le serre avec délicatesse contre lui, plongeant lui aussi son nez dans sa fourrure et humant son odeur musquée.

- Je pourrai l'emmener à l'école ?

- Bien sûr...

- Et je m'en occuperai, moi ! Pas toi, maman... Elle va dormir dans mon lit avec moi, elle est trop petite pour qu'on la laisse toute seule...

Dorcas passe sa main dans les courtes tresses de Martin qui vont dans tous les sens, ce qui fait rire Paul qui préfère avoir les cheveux courts parce que c'est plus facile à entretenir, et qu'il ne veut pas apprendre les sorts de filles pour se coiffer.

Vivian a commencé à faire la vaisselle dans la cuisine et Dorcas la rejoint, en prenant un torchon. Elle aime bien faire un brin de ménage à la manière moldue avec sa belle-mère, cela leur donne souvent l'occasion de discuter toutes les deux, comme c'est le cas maintenant, les deux garçons étant occupés avec le bébé fléreur.

- Nick revient toujours, Dorcas. S'il ne peut pas nous prévenir, le Shield va appeler pour nous donner de ses nouvelles. Tu sais que c'est la procédure.

Dorcas réprime un sanglot et frotte une assiette de son torchon, s'abîmant dans le simple geste de Vivian qui lui caresse le bras de sa main pleine de mousse.

Après Rosemond en Californie et le désert du Mojave dans le Nevada, les voilà en train de poser leur Quadjet en Louisiane, à la Nouvelle Orléans. Vers a besoin de réponses de la part de Maria Rambeau, la dernière personne à l'avoir vu vivante avec le docteur Lawson.

La jeune femme sort de sa maison, incertaine de ce qu'elle voit, accompagnée de sa fille Monica. Elle semble reconnaître Vers, que la petite appelle Tante Carol avant de l'étreindre, et Fury observe ces retrouvailles étranges, surtout quand l'une des personnes n'a pas tous ses souvenirs en tête. Fury accompagne la gamine chercher les affaires de Tante Carol, pour laisser un peu de place aux deux femmes dont il reconnaît le fantôme de l'amitié.

Alors qu'il revient du garage avec la gamine, portant un carton d'affaires, il observe Vers lui montrer ses dog tags. Elle lui révèle s'appeler en fait Carol Danvers, et enfile sa veste de pilote retrouvée par Monica. Fury reconnaît cette complicité passée entre les deux jeunes femmes, nouée au fil des missions, et indéfectibles. C'est alors qu'on frappe à la porte, et Carol s'y dirige, envoyant paître Tom, le voisin de Maria, pensant que c'est un Skrull. Quand elle referme la porte sur Tom qui ne semble pas comprendre ce qu'il se passe, ils sont tous surpris de voir Talos dans la maison, qui les informe que la petite Monica est dehors avec un autre Skrull, Norex, qui porte l'apparence de sa mère Maria. Il les informe avoir eu accès à la boîte noire du crash du docteur Lawson et de Carol Danvers, et qu'il a alors compris pourquoi il percevait la jeune femme comme une Kree d'une toute différente nature que celle des autres.

Bien que méfiants, ils écoutent tous attentivement Talos, qui ne montre aucun signe d'animosité, ni Norex qui est dans le jardin en train de jouer avec Monica.

Les souvenirs de Carol reviennent au fur et à mesure qu'elle écoute la bande-son de la boîte noire, et plus ça va, plus ils déferlent, envahissant son esprit, venant apporter du sens à ce qui n'en avait pas. Carol se souvient du docteur Lawson lui révélant qu'elle était une alien, et la suppliant de détruire le moteur à light-speed, pour ne pas qu'il tombe entre les mains des poursuivants qui venaient d'abattre leur appareil. Carol a alors détruit le moteur et ce, dès que Yonn-Rog, qui deviendra son mentor en lui mentant sur tout ce qu'elle était, descend de son appareil et abat le docteur Lawson sans la moindre sommation.

Et, en détruisant le moteur à light-speed, Carol libère une énergie folle qui l'envoie valser puis qu'elle semble absorber.

Et avec une voix d'une infinie douceur, Talos leur dit que ce sont en fait les Krees qui ont persécuté les Skrulls, détruisant leur planète, les contraignant à l'exil. Avec le moteur à light-speed du docteur Lawson, ils avaient l'espoir de leur échapper, de retrouver une autre planète et la sécurité qu'ils n'avaient pas connu depuis si longtemps, et c'est pour cela qu'elle l'avait créé. Talos supplie Carol de l'aider à retrouver le coeur du moteur à light-speed, leur désormais dernier espoir de pouvoir échapper aux Krees et de se sauver.

Après quelques calculs complexes pour retrouver le laboratoire orbital du docteur Lawson, ils conviennent tous de partir, une fois que la petite Monica a assuré à sa mère que la mission était plus importante, et qu'elle pouvait passer la soirée avec ses grands-parents.

Quand le Quadjet amélioré par les compétences de Norex, un des Skrulls, quitte la stratosphère, Nick a un instant pour penser à sa famille et à l'anniversaire de son plus jeune, et se dit qu'il aurait peut-être pu passer un coup de fil à Coulson, sa mère, ou Dorcas, pour dire qu'il serait indisponible pour... un temps certain.

Normalement, Vivian laisse pas mal de liberté à Dorcas, refusant d'imposer sa présence à sa belle-fille, parce qu'elle ne voudrait pas être envahissante. Mais Nick n'est pas rentré de la nuit, Dorcas l'aurait prévenue, et bien qu'elle lui ait dit qu'elle pouvait rentrer chez elle, que tout irait bien, Vivian a décidé le lendemain matin de venir avec de quoi manger. Elle a été trop souvent le témoin des angoisses que peut ressentir Dorcas, qui essaie évidemment de les réprimer pour ne pas que ses fils les ressentent, avec plus ou moins de succès. Seul Nick peut l'apaiser vraiment, et il n'est pas là. Alors, Vivian le remplace, elle leur doit bien ça.

Assez rapidement après avoir rencontré Dorcas, Vivian a appris de sa bouche qu'elle était une sorcière, qu'il y avait sur terre beaucoup de sorciers dans plein de pays différents, qu'ils se cachaient après avoir subi de véritables massacres lors du Moyen-Âge, et qu'ils continuaient à se montrer discrets. Nick lui a précisé qu'il travaillait, lors de missions ponctuelles, avec le gouvernement sorcier américain, puis il n'en a pas dit plus, se montrant aussi peu loquace que d'habitude au sujet de son travail.

Arrivée devant la maison de son fils, Vivian gare sa voiture et en sort le panier avec tous les ingrédients pour se préparer un petit déjeuner de champions. Elle frappe à la porte, et Paul lui ouvre. Immédiatement, Vivian comprend qu'il y a un souci à la mine inquiète du petit garçon.

- Maman s'est pas levée, elle a crié dans la nuit encore...

Vivian embrasse ses deux petits fils, caresse la boule de poils qui a toutes ses griffes dehors mais ronronne avec profusion, puis dépose le panier sur la table de la cuisine.

- Tu me sors les courses, chaton ? Je vais voir ta maman.

Les deux garçons commencent à vider le panier, alignant les denrées sur le comptoir de la cuisine, tout en essayant de ne pas marcher sur le fléreur qui est dans leurs pattes. Vivian se débarrasse de sa veste avant de monter les escaliers et de toquer à la porte de Dorcas qui, comme elle le pensait, ne dort pas. Ses cheveux vont dans tous les sens et elle montre ses yeux bouffis quand elle tourne la tête vers la porte.

- Il est quelle heure ?

- Neuf heures, Dorcas. Allez, va te faire couler un bain, on va préparer le petit déjeuner avec les garçons.

Vivian vient l'embrasser et la serrer très fort dans ses bras. Dorcas se lève ensuite, et reste longtemps, très longtemps sous la douche, une boule se tordant dans son ventre. Elle a peur, si peur qu'il arrive quelque chose à Nick ! Depuis qu'elle a appris le retour de Voldemort en Angleterre, ses nuits sont peuplées de cauchemars, et elle n'arrive pas à s'en détacher. Et là, avec l'absence de Nick et le fait de n'avoir aucune information, elle imagine tout et n'importe quoi, et en général le pire. Elle ne peut pas s'en empêcher, cela devient complètement irraisonné.

Après le petit-déjeuner, puis le déjeuner avec Vivian et les garçons, dans une ambiance qui essaie d'être au beau fixe, mais entachée par les peurs de Dorcas, la jeune femme regarde sa belle-mère qui acquiesce, comprenant ses tourments, bien qu'elle n'en ait rien dit.

- Vas-y, Dorcas.

La jeune femme embrasse ses deux fils et Vivian, puis se bricole un petit portoloin illégal, direction New-York, au siège du Shield.

Fury a l'impression étrange d'être dans une sorte de DisneyLand, mais en version flippante. Evidemment, il n'en montre rien et quand, dans cet espace infini, le Quadjet du Shield se trouve face à rien, que Carol trifouille quelques boutons sur son espèce de télécommande accrochée à son costume, un autre vaisseau apparaît, sortant de son invisibilité.

Une fois dans le laboratoire, ils trouvent rapidement le coeur du moteur à light-speed, le Tesseract, que Fury connaît bien parce qu'aucun des secrets de ce qui était anciennement le projet Pegasus, mené par Howard Stark, et devenu le Shield, n'a de secret pour lui. C'est Carol qui le prend dans la main, sous-entendant qu'elle seule peut véritablement le tenir, et le range dans une boîte à goûter Happy Days. Talos appelle les Skrulls réfugiés dans le laboratoire du Docteur Lawson, dont elle a pris soin depuis qu'ils ont fui leur planète détruite par les Krees. Fury regarde le Skrull être réuni avec sa femme et sa fille après six ans de séparation, et se rend bien compte de leur situation compliquée, le docteur Lawson leur ayant demandé de ne surtout pas envoyer de signal pour que le laboratoire qui leur sert de refuge ne soit repéré par aucun ennemi. Talos informe Fury et Carol Danvers qu'il y a des millions de Skrulls éparpillés dans toute la galaxie, séparés les uns des autres dans des refuges de fortune.

C'est alors que tout tourne à la catastrophe. Yon-Rogg, l'ancien mentor de Carol Danvers, dite Vers, celui qui lui a menti pendant toutes ses années sur son identité, entre dans le laboratoire avec la Star-Force et en prend le contrôle, mettant rapidement hors d'état de nuire Carol en utilisant son inhibiteur photon. Les Skrulls sont emprisonnés, Fury est maîtrisé avec aisance.

C'est la merde.

Même Goose est muselé par l'un des Krees, à la grande surprise de Fury, quand il apprend que c'est un Flerken. Pourtant, Fury a bien remarqué que les Skrulls en avaient peur et préféraient garder leurs distances avec le chat, mais il ne comprend pas en quoi la petite minette représente un danger.

Alors qu'ils sont tous emprisonnés dans des cellules, les Skrulls, Fury et le chat, les portes en sont désactivées et s'ouvrent. Ils en profitent donc pour sortir, le plus discrètement possible. Même leurs menottes et la muselière de Goose se laissent ouvrir comme s'il n'y avait plus aucun verrou. Fury voit ensuite arriver Carol Danvers qui luit, des langues d'énergie dansant autour d'elle. Elle lui sourit, l'air sûre d'elle, et amorce le geste de lui tendre le Tesseract, préférant garder la boîte à goûter comme un leurre, quand des tentacules surgissent de la gueule de Goose, terrifiant Fury qui recule de quelques pas.

Ah ben ça, il ne l'avait pas vue venir, celle-là !

Il avale sa salive en regardant le chat qui est tout à fait redevenu un chat, plus aucune tentacule ne dépasse de sa gueule. Reprenant un peu de courage, il flatte la tête de Goose, un peu méfiant, avant de la prendre dans ses bras.

Okay, donc ce n'est pas vraiment un chat.

Fury et Maria Rambeau,, regardent Carol partir de son côté pour affronter les Krees, puis ils empruntent un des couloirs du laboratoire, tentant de trouver un moyen de repartir, avec tous les réfugiés. Malheureusement, ils sont arrêtés par trois soldats Krees et Fury ne fait rien, sachant qu'il n'aura jamais le dessus. C'est alors que Goose refait son truc bizarre, que les tentacules sortent de nouveau de sa gueule ouverte, se saisissent de leurs ennemis, les cognent au plafond, au sol, aux parois du couloir avec que le flerken ne les engloutisse.

Fury avale de nouveau sa salive en flattant la tête du chat. Non, du flerken.

Ils poursuivent leur chemin dans les couloirs, mais tombent de nouveau sur des Krees escortant des Skrulls prisonniers. Fury espère que Goose va refaire son truc, mais ils se laissent escorter pour être, ô joie, a priori éjectés dans l'espace. L'un des Krees se révèle être Talos qui reprend sa forme, abat les trois autres soldats, avant de presser Fury et Maria vers le hangar où les attend le Quadjet, et d'autres vaisseaux. Ils se précipitent vers leur appareil, s'y entassent et Maria s'installe derrière les commandes. Et, comme dans les films, alors que la porte de l'appareil se ferme, un tir venant de l'extérieur blesse Talos à l'épaule. Ils sentent l'écho d'autres impacts qui secouent leur engin une fois la trappe fermée, mais Maria le fait décoller et quitter à toute vitesse le laboratoire, les informant rapidement qu'ils sont suivis. Talos grognant de douleur, Fury lui attrape le poignet et le serre en guise de soutien.

- Portus, murmure Dorcas.

Installée dans la cabane de jardin, elle saisit sa brosse à dents avant qu'elle ne se mette à vibrer. Elle a calibré son portoloin pour qu'il la fasse atterrir directement dans les locaux du Shield, dans la salle de bain de la chambre qu'elle occupait avec Nick. Quand elle sent le tiraillement familier au niveau de son nombril, elle espère que c'est toujours la chambre que Nick occupe, histoire d'éviter de débarquer quand un autre agent est en train de prendre sa douche.

Quand elle arrive dans la familière salle de bain, qu'elle sent l'odeur d'un autre homme ici, et remarque des produits de rasage et d'après-rasage, Dorcas commence par soupirer de soulagement en se rendant compte qu'il n'y a personne dans la minuscule pièce d'eau. Elle range sa brosse à dents dans sa poche et, se souvenant de la probable surveillance électronique de la chambre, se désillusionne avant de sortir. Ainsi, les agents du Shield, ses anciens collègues, ne verront que la porte qui s'ouvre, et qu'elle laissera ouverte. Jamais elle n'a su comment trafiquer les bandes enregistrées de la caméra, elle compte sur le fait que, peut-être avec l'interférence de sa magie, elles fonctionneront moins bien. Mais de toute façon, peu importe, elle fait tout cela pour avoir des nouvelles de Nick qui ne les a pas prévenus de son absence, et qu'elle n'a pas pu joindre, sur son téléphone, celui de Coulson, ou celui de l'accueil du Shield. Et elle ne partira pas de là tant qu'elle n'aura pas de réponse autre que « secret défense ».

Dorcas sort de la salle de bain prudemment, traverse la chambre sans s'y attarder, puis en déverrouille la porte avant de passer une tête prudente dans le couloir et de rapidement se coller contre le mur parce qu'un agent passe par là et se demande comment la porte s'est ouverte toute seule. D'ailleurs, il la repousse, se tourne vers l'autre extrémité du couloir.

- Hey, Keith, t'as laissé ta fenêtre ouverte ou quoi ?

- Hein ? Ben non, j'ai tout fermé, comme y a la clim.

Haussant les épaules, l'agent referme la porte d'un coup sec et continue son chemin, passant devant Dorcas qui est toujours collée au mur, presque en apnée, pour ne pas être repérée. Elle attend que le second agent, Keith, traverse également le couloir, puis s'en va dans la direction opposée, vers la grande salle de réunion qui, Merlin merci, est toujours à la même place.

Dorcas y entre, et, avec l'élégance d'une danseuse, se faufile entre les agents qui sont présents dans la salle et semblent vouloir la quitter, la réunion étant terminée. La jeune femme évite deux hommes qui passent à côté d'elle en discutant de l'affaire de Los Angeles, et de la nana tombée du ciel. Dorcas se fige. C'est quoi ces conneries ? Elle apprend que le Damage Control est sur le coup, et qu'ils ont retrouvé Keller assommé à Los Angeles, mais qu'il va bien.

Dorcas jette un œil au tableau où sont affichées des photos, des post-its avec des mots ou phrases courtes notés dessus, mais suit les deux agents qui quittent la salle. Son coeur bat à toute vitesse. Si même Keller, le directeur du Shield après la retraite d'Anderson, a été blessé, qu'en est-il de Nick ? Elle continue d'écouter la conversation mais qui s'est orientée sur autre chose. Dorcas décide alors de se diriger vers le labo, qui est au même étage du bâtiment, espérant trouver French, dont elle sait qu'il travaille toujours entre le Shield et le Damage Control*. Quand elle entre dans le laboratoire, des souvenirs de son plaisir de travailler avec le scientifique l'assaillent, et la distraient un peu de son inquiétude. Ce qu'elle était ignorante, plus de dix ans auparavant, quand French lui montrait toutes ses machines et qu'elle n'y comprenait rien !

Reconnaissant la silhouette maigre de French, et son crâne qui se dégarnit, Dorcas annule le sortilège de désillusion et toussote poliment, confuse quand le scientifique sursaute violemment. Il se retourne, écarquille ses yeux derrière les épais verres de ses lunettes et sourit en la reconnaissant.

- Meadowes ! Comment allez-vous ?

French lui verse un gobelet de café qu'il lui tend, ne semblant apparemment pas si surpris que cela de sa présence. Dorcas ne vient peut-être pas à chaque fois que son mari disparaît, mais elle l'a quand même fait une fois ou deux. Bon, plutôt six, et aujourd'hui c'est la septième.

- Fury va bien, ne vous inquiétez pas. Vous savez que c'est confirmé, il existe bien des extra-terrestres ?

Dorcas en aurait laissé tomber son gobelet par terre si l'air candide de French ne l'avait pas un peu amusée.

- Mais je ne peux rien dire de plus, c'est secret défense, précise-t-il.

La sorcière avale alors son café, sachant qu'elle est venue ici pour trouver une réponse, et qu'elle sait qu'elle n'en trouvera pas de plus complète. Donc, Nick va bien. Et il existe des extra-terrestres.

Dorcas espère secrètement qu'ils ne sont pas encore tombés sur une goule.

Maria Rambeau pilote le Quadjet comme dans ces jeux d'arcade, zigzaguant dans le canyon, essayant de semer l'appareil qui les suit et les canarde depuis la stratosphère. Maria fait alors une manœuvre qui fait remonter l'estomac de Fury jusque dans sa gorge. Comme sur des montagnes russes, elle vire à droite, vire à gauche, fait un piqué vers le sol avant de se cacher dans un recoin du canyon, et d'attendre que l'appareil qui les suit mais les a perdus, les dépasse, pour s'extirper du boyau où le Quadjet était, et se mettre ce coup-ci à canarder ce qui était leur poursuivant.

Et quand l'autre appareil explose, Fury lance un regard plein d'admiration à Maria Rambeau qui sourit, visiblement très fière d'elle-même.

Le Quadjet slalome dans le canyon, jusqu'à le quitter, et Fury pousserait presque un ouf de soulagement quand de nouveau ils se font canarder par un autre appareil, et là, un autre truc dingue se produit. Carol Danvers, toute nimbée d'une lumière presque aussi vive que le soleil, vole littéralement toute seule et met un coup de poing dans l'autre appareil, ce qui le fait crasher.

Fury est tellement étonné qu'il a dû mal à enregistrer ce qu'il s'est passé. C'est juste pas possible qu'une femme en feu vole en l'air sans aucun appareil. Puis son regard se pose sur Talos, sa peau verte et ses grandes oreilles, et sa capacité, partagée avec son peuple, de prendre l'apparence de n'importe qui. Puis, il pense à sa femme Dorcas, qui est une sorcière, et à ses deux enfants, Paul et Martin, qui sont aussi des sorciers. Alors, son cerveau obéit et enregistre ce à quoi il a assisté.

Et là, Fury, le visage collé sur à la vitre, voit une flotte de vaisseaux arriver, et son sang ne fait qu'un tour, quand il assiste au miracle de Carol Danvers, toujours en l'air, qui repousse vers eux le missile qu'ils ont envoyé comme s'il s'agissait d'une simple balle. Il ne parvient pas à voir autre chose, Maria pilotant le Quadjet pour qu'ils fuient du champ de bataille.

Dans le silence lourd qui règne dans la cabine, Fury est persuadé que Carol va les sauver et, faisant montre d'un enthousiasme inhabituel chez lui, il attrape Goose qui se frottait contre ses jambes et veut la câliner, sauf que la sale bestiole n'est pas d'accord, et pshitant comme un chat mécontent, elle le griffe au visage.

Au moins, il n'a pas eu droit aux tentacules.

Après avoir fait promettre à French de ne dire à personne qu'elle était présente, Dorcas a quitté le laboratoire en prenant bien garde à ce que personne ne la voit, puis s'est désillusionnée dans le couloir pour retourner dans ce qui avait été leur chambre, à Nick et elle. De la salle de bain, elle a de nouveau bricolé un portoloin avec sa brosse à dents, et a atterri d'où elle était partie : dans la cabane de jardin.

Dorcas est sceptique. Plus que sceptique. Elle sait que French ne lui a pas menti, mais les bribes d'informations qu'il lui a transmises sont tellement incroyables qu'elle ne sait absolument pas qu'en penser. Se doutant qu'elle n'aura rien d'autre avant le retour de Nick, qui aurait quand même pu prendre une minute pour l'appeler et la rassurer, bouse de troll, Dorcas rejoint ses fils qui ne se sont pas aperçus de son absence, et Vivian.

D'un simple regard, les deux femmes communiquent.

Nick va bien.

Maintenant, continue l'attente.

Le soir, de retour dans la maison de Maria Rambeau, Nick Fury, Carol Danvers, Maria et sa fille Monica, Talos, sa femme Soren et leur fille, partagent un repas. Carol promet aux Skrulls de poursuivre le travail du docteur Lawson, qui était aussi appelée Mar-Vell, et de leur trouver un lieu où ils pourront se réfugier et vivre en paix. La flotte entière des Krees a fui en voyant les pouvoirs de Carol, et s'ils savent tous que c'est un répit qui leur est offert, ils sont aussi bien conscients que ces extra-terrestres reviendront. C'est pour ça que Carol a décidé de quitter la terre, pour attirer ailleurs la menace qu'ils représentent.

La soirée se passe en plaisanteries, allégée par la fin de ces quelques jours extraordinaires. Ils sont tous en train de souffler, et cela leur fait du bien.

Pour ne pas perdre contact l'un avec l'autre, Carol rend à Nick son biper qu'elle a trafiqué afin qu'il puisse avoir une portée intergalactique, et lui demande, avec un sourire en coin, de ne pas hésiter à l'appeler en cas de besoin.

Puis viennent le moment des adieux, Maria rendant à Carol son blouson d'aviateur qu'elle enfile avec fierté avant de dire au revoir à Nick, à Maria, son amie de toujours, et à la fille de celle-ci, et de décoller de la terre, toute environnée de cette lumière d'énergie pure, accompagnant le vaisseau des Skrulls en quête d'une nouvelle maison.

Les Rambeau et Nick la regardent devenir un point lumineux de plus en plus petit, et si rapide qu'en quelques secondes, ils pourraient penser l'avoir rêvée.

Le lendemain, de retour à New-York, après avoir décidé que Goose, le Tesseract dans son estomac ainsi qu'au moins trois soldats Krees, resterait au Shield, Nick Fury apprend que son oeil que Goose a griffé est irrémédiablement perdu, mais refuse de se faire énucléer par le médecin qui lui trouve un cache-oeil qui lui donne un air de pirate. En se rasant, avant de partir rejoindre sa famille à Huntsville, Nick apprivoise ce nouveau visage, ce bandeau en couvrant une partie, et les marques de griffures qui deviendront de belles cicatrices, selon le médecin.

Dorcas ne va pas être contente.

- Maman, il y a une voiture qui vient de se garer dans l'allée !

Dorcas arrête immédiatement son repassage, et se précipite dehors où, avec un soulagement mêlée d'une colère vive, elle voit Nick descendre de la voiture.

Son coeur bat à toute vitesse, à grands coups, comme si c'était un poing fermé qui venait frapper ses côtes. Et quand elle remarque que Nick est blessé et porte un cache-oeil, mais surtout, sa mine à la fois confuse mais aussi secrète, la vive colère de Dorcas flambe.

- Tu pouvais pas téléphoner ?

Nick lève les mains devant lui.

- Tu le sais bien, Dorcas.

- Je me suis rongée les sangs pendant quatre jours, Nick ! Quatre jours ! Et quand j'ai été voir French et qu'il m'a raconté toutes ces conneries...

Nick hausse un sourcil. Ce n'est pas la première fois qu'elle va au Shield pour essayer de savoir ce qu'il devient. Il y a sûrement quelque chose dans secret défense qu'elle ne veut pas comprendre. Et French non plus, visiblement. Il sait de sa bouche qu'il a confirmé à Dorcas qu'il allait bien, et que les extra-terrestres existaient. Rien que ça.

- Je n'ai pas pu t'appeler, ni contacter personne. C'était absolument dingue, Dorcas.

Elle l'observe encore d'un air furibond, mais s'adoucit quelque peu quand Paul et Martin sautent dans les bras de leur père, et que Vivian vient l'embrasser. A la mine de sa mère, Nick comprend que les derniers jours ont été compliqués pour sa femme. Dorcas retourne en trombe dans la maison, écoutant Nick raconter quelques menus détails de ce qu'il a fait à ses garçons - et là, ça c'est terminé par une explosion ! - souhaitant un anniversaire en retard à Martin, s'excusant de son absence et souriant quand son plus jeune fils dit que la sécurité de l'Amérique passe avant son anniversaire, et que ce n'est pas grave de le fêter quelques jours plus tard.

Quand Myrtille, le fléreur, vient se frotter à ses jambes, Nick se penche pour le prendre dans ses bras, puis hésite à approcher la tête du chaton de son visage.

On sait jamais.

Plus tard, dans la soirée, alors qu'il se prépare à aller se coucher, Dorcas a réuni deux valises dans l'allée, et Nick comprend alors que Dorcas le fout encore dehors. Il lui adresse un simple regard, comprenant qu'elle a besoin de temps pour s'apaiser après cette inquiétude imposée par son métier. Tant pis, ce soir il dormira chez sa mère.

Nick sait que la nuit prochaine, quand sa femme acceptera avec réticence de partager son lit, elle s'endormira à ses côtés, à l'autre bout du lit. Mais il sait bien qu'elle se réveillera dans ses bras et que tout ira bien.