Fanfiction écrite dans le cadre du Dead Dove Fest sur le Discord Festumsempra, le but étant d'écrire une histoire parfaitement horrible.
Elle a gagné le prix de l'empathie (car vous auriez fait pareil!)
CW supplémentaires, que je n'ai pas mis en description car ils ne sont pas montrés explicitement :
- thème des violences conjugales (entre les parents de Rogue, pas entre les deux couples mis dans le résumé)
- mention rapide de l'automutilation et du suicide
Autre TW en bas de page car ce sont des spoilers!
Cher journal,
Aujourd’hui, Severus a encore manqué l’école pour aller à l’hôpital. Sa maman s’est cognée contre un mur et a fait une chute. La dernière fois, c’était dans l’escalier. Elle est très maladroite, ou quoi ?
Cher journal,
Severus va vivre quelques temps chez nous. Sa mère est très grippée, et son père est parti en voyage. Je trouve ça bizarre qu’il ne soit pas revenu de son voyage d’affaires pour son fils, mais bon. Pétunia elle invente des trucs pas possibles. « les ouvriers ne font pas de voyages d’affaires, donc soit il est parti pour de bon, soit il est en prison, soit il est mort. »
Elle ment, comme d’habitude. La jalousie est un vilain défaut, d’après ma grand-mère. Tout pour attrister Severus. Il est très chagrin en ce moment. Quand on joue à inventer des histoires avec mes jouets, il n’arrête pas de passer du coq à l’âne. Il parle de trucs qui n’ont aucun rapport avec les sorcières, les fées etc. ça m’énerve. S’il se passait un truc grave, il me l’aurait dit. Une grippe, ça se soigne très bien. Quelle chochotte.
Cher journal,
Aujourd’hui, j’ai compris qui faisait pousser les poils de nez de ma sœur jusqu’à ce qu’ils arrivent à son menton. C’était Severus ! j’étais fu-rieuse ! je l’ai tapé !
ça l’a fait marrer, alors, je l’ai tapé de plus belle. Je sais que ma sœur est une… idiote, pour pas être mal élevée (journal, tu serais offensée si j’disais pleins de gros mots ?). Mais de là à lui jeter des sorts !
En plus maintenant Pétunia est dans tous ses états aussi parce qu’elle trouve que je suis « une petite sotte naïve, » qui aurait dû soupçonner Sev bien plus tôt. Pour une fois, elle marque un point. Bon, j’ai plus personne avec qui jouer aux fées et aux princesses. Tant pis, je vais jouer toute seule avec mes figurines. Est-ce que c’est ça, le « pathétique » dont parlait la maîtresse la semaine dernière ? moi je me sens très pathétique.
Cher journal,
Aujourd’hui j’ai été répartie à Gryffondor, et Severus à Serpentard. J’espère qu’on pourra continuer à passer beaucoup de temps ensemble. Les relations ont l’air un peu tendues entre les deux maisons, enfin, c’est ce qu’on m’a expliqué. Mais c’est pas une histoire de salles communes différentes qui va briser notre amitié !
Cher journal,
Je me fais pleins d’amies à Gryffondor, c’est trop bien ! Il y a vraiment une bonne ambiance dans mon dortoir. J’avais peur de faire des gaffes parce que je ne comprends pas encore tout du monde sorcier. Severus m’a expliqué des choses, j’ai lu des livres, mais ça suffit pas. C’est comme aller à l’étranger, en fait ! Un guide touristique et un ami qui te raconte ses vacances, c’est léger.
Marina, elle vient d’une famille Sang-pur, elle est très chic. Elle a un peignoir en soie sauvage lilas, c’est incroyable. Elle est sympa, elle m’explique les usages, les choses à ne pas dire etc.
J’ai vraiment de la chance !
Cher journal,
Aujourd’hui, encore une embrouille entre les filles de mon dortoir. Pour des bêtises, en plus. Marina a renversé de l’encre sur les affaires de Norah. C’est parti en un coup de baguettes magique (moi, j’avais écouté en Sortilèges !). Le vrai problème, c’est que Norah est persuadée que c’était fait exprès. Trop absurde. Marina est maladroite, pas méchante.
J’ai décidé de passer à nouveau plus de temps avec Severus.
Cher journal,
Être à Poudlard la même année que Sev, c’est le pied !
On a de la chance d’avoir autant de temps libre ensemble. On invente des sorts et des potions. En ce moment, on travaille sur un cataplasme pour... lutter contre les rides. Ridicule pour des gamins de douze ans, OK, mais attends la suite, journal !
On commence par là parce qu’on a trouvé un livre pour les septièmes années à la bibliothèque. Il y a un chapitre qui explique comment créer ses propres recettes. Ils ont un projet de fin d’année là-dessus. Le bouquin affirme que les produits cosmétiques, c’est le mieux pour se faire la main sans prendre trop de risque.
On s’amuse comme des fous à tester les ingrédients n’importe comment ! heureusement que j’ai fait ami-ami avec une elfe de maison, qui nous fournit en matériel quand on a épuisé les stocks, sinon, ça coûterait une fortune. Oups ! mais vive la science !
Cher journal,
La maman de Severus est à nouveau à l’hôpital. Je le sais parce que ce matin, il avait l’air au bord des larmes à la grande table. Les Serpentards ont commencé à ricaner, il leur a lancé un regard tellement noir que tout le monde s’est tu autour d’eux. Bref, je suis allée le voir à la fin du petit déjeuner, juste avant le premier cours. Il a dit « c’est grave, il faut du temps pour que je t’explique, on en parle à midi ».
À midi, il m’a avoué que son père bat sa mère depuis des années, et qu’elle a failli y passer cette fois. Elle aura une canne à vie, même les soins magiques n’ont pas pu restructurer entièrement son genou. J’ai dit « comment ça, cette fois ? ». Il a ricané. D’une manière vraiment grinçante, celle que d’habitude il réserve à ses ennemis. J’étais très, très vexée, mais je savais que ce n’était pas le moment de faire tourner les choses autour de moi. Donc j’ai ravalé ma colère. En fait, c’était pas une grippe quand Eileen a passé longtemps à l’hospice… je me suis excusée de n’avoir rien vu. Il a juste ri tristement « écoute, les adultes non plus, alors je ne vois pas comment une enfant aurait pu… ».
J’ai encore la gorge nouée en écrivant ces mots.
Je n’ai pas osé lui dire que je sors avec Alban, le Serdaigle avec les cheveux châtains. Rien de très sérieux, on passe du bon temps ensemble, on se fait un câlin, un p’tit sourire et c’est fini. Clairement pas le grand amour ; même ainsi, je ne veux pas étaler mon bonheur sous le nez de Sev. Je lui en parlerai dans quelques jours.
Cher journal,
Cet après-midi, on avait cours d’Histoire avec les Serpentards. C’était casse-pieds parce que Potter avait réussi à se faufiler derrière moi (ma voisine de derrière habituelle est à l’infirmerie). Il essayait d’attirer mon attention, m’a complimenté sur mes cheveux roux… quel lourdingue. En plus, je voulais m’asseoir avec Sev, mais quand il a vu que Potter était trop près de moi, il a bifurqué vers ce crétin d’Avery.
J’aurais préféré subir ça pendant une semaine plutôt que ce qui s’est passé ensuite.
Slughorn a débarqué, affolé, a ordonné à Severus de venir immédiatement. Ça n’était pas pour l’enguirlander, au contraire, il avait l’air très désolé pour lui.
Severus est devenu livide. Je lui ai fait un signe de la main pour le soutenir, style « je pense à toi », mais il ne m’a pas vue.
Le soir, je suis allée le trouver dans la Tour d’astronomie. Il va toujours là pour réfléchir. Son père est tombé dans une amnésie si profonde qu’il ne sera plus jamais lui-même. Les Aurors n’y comprennent rien, ils soupçonnent Eileen. Severus pense que c’est juste l’alcoolisme qui fait son œuvre. Il n’avait même pas la force d’être sarcastique.
Cher journal,
Je crois vraiment que James Potter a le béguin pour moi. Lors du bal du Nouvel An, il n’arrêtait pas de me tourner autour. C’était agaçant. Il voulait absolument savoir si je suis lesbienne ou si je danse avec Delilah parce qu’elle n’a pas de cavalier. J’ai répondu que c’était la deuxième.
En vrai, c’est un peu plus compliqué que ça. Delilah pourrait sortir avec n’importe quel garçon, elle est très belle. J’aimerais avoir les mêmes cheveux bouclés marrons chocolat, et ses grands yeux bleus. Enfin, rousse et yeux verts, c’est pas si mal.
Peu importe. Revenons à nos moutons. Simplement, ça la dégoûte de faire la comédie. Donc moi, bonne poire et voulant m’extirper des histoires politiques de qui-sort-avec-qui-et-qui-couche-avec-qui j’ai accepté de préserver son secret. On est meilleures amies, tout ça.
En vrai c’était moins stressant que de sortir avec quelqu’un qui t’apprécies vraiment, parce qu’il faut penser à lui et aux autres élèves, qui vous scrutent.
Quand je fricotais avec Alban, on se voyait en secret, dans une salle abandonnée. Il n’y avait personne pour nous juger. En résumé : vive les copines !
Cher journal,
Je n’en reviens pas ! les Maraudeurs ont un loup-garou en leur sein, et c’est Lupin ! J’aurais dit Black.
Le pire, c’est la manière dont Severus l’a appris : ils l’ont piégé la nuit avec Lupin qui était transformé ! Severus a failli y passer !
Évidemment, ils ne seront pas punis. Lupin, je veux bien, il était vraiment désolé quand il est redevenu humain. Les autres ? Ok, je les déteste ouvertement. Je vais trouver un moyen de venger Severus qui, cette fois, ne consistera pas en un maléfice. Un moyen qui ne se retournera pas contre lui.
Cher journal,
Cette après-midi, Potter est venu me parler en privé. À la fin du cours de Potions, il m’a demandé qu’on discute dans une salle de classe vide. Je ne lui fais pas confiance, j’ai dit, allons dehors dans le parc, mais loin des autres. C’est ce qu’on a fait. Il s’est lancé :
- Voilà, Lily, je...
- Je t’arrête tout de suite, c’est Evans pour toi.
- Ok, désolé Evans. Écoute, je t’aime bien, je sais qu’on a commencé du mauvais pied, toi et moi. Mais voilà, si on reprenait de zéro ?
- Alors, pour ça, déjà, il va falloir arrêter de faire le malin en public pour attirer mon attention, c’est pathétique.
- Bon, d’accord, il a grommelé en regardant ses pieds.
- Et d’être désagréable avec Severus.
- Mais !...
Il a eu un air complétement interdit, comme si je lui annonçais que j’abandonnais Poudlard pour devenir danseuse exotique.
- Mais… c’est une vraie graine de Mangemorts ! et…
- Tais-toi. Je ne suis pas d’accord avec ses choix de vie, mais justement, c’est pas en lui parlant mal que tu vas le convaincre de ne plus passer son temps avec ses mauvaises fréquentations.
- Bon, j’imagine que c’est logique, il a marmonné. En dehors de ça, je ne vois pas trop ce que tu lui trouves. Il est vachement désagréable !
- Avec toi ! parce que tu le cherches depuis toujours ! et c’était quoi cette « blague » de lui avoir fait rencontrer la forme animale de Lupin, hein ? tu dis qu’il est dangereux, mais toi aussi, tu es un vrai danger public !
Je me suis sentie devenir rouge de colère, je ne pouvais plus m’arrêter.
- Je te demande, moi, pourquoi tu apprécies Black ? Ce gros prétentieux qui aurait été mis à la porte de l’école si sa famille n’était pas intervenue…
- Famille horrible par ailleurs !
- Ça n’excuse pas tout !
J’ai failli dire « Severus aussi a une famille merdique, et pourtant, il s’en sort mieux », mais heureusement que j’ai su me taire. Je ne crois pas qu’il voudrait que Potter soit au courant, même s’il doit s’en douter. Et, à bien y réfléchir, Severus est aussi très immature…
- Et Pettigrow, il ne vaut pas mieux. Il vous colle aux basquettes comme un petit chiot qui a perdu sa môman, c’est honteux.
- Tu… tu es injuste !
Il avait l’air tout perdu. Ça m’a fait plaisir de lui faire ravaler sa superbe, pour une fois.
- Non, je suis sévère mais juste. Attends, je reconnais à Lupin d’être une personne relativement sympathique, quoique très effacé… si ça se trouve, c’est un sale type et je ne suis pas au courant parce qu’il vit dans votre ombre aussi, à toi et Black… laisse tomber, j’ai dit en partant, on ne va jamais s’entendre. Trouve-toi une autre rouquine sur qui fantasmer, je suis sûre que c’est le seul intérêt que j’ai pour toi.
Cher journal,
Le moins qu’on puisse reconnaître chez Potter, c’est sa persévérance. Il est venu s’excuser auprès de moi. Il a promis qu’il ne médirait plus jamais de Severus, et qu’on pouvait parler de Potions et de sortilèges. Au moins, il a retenu ce qui m’intéressait.
J’ai annoncé la nouvelle à Severus. Il était éberlué.
- Avec lui ?
- Il a promis de te fiche la paix. Bientôt, quand on sera plus proches, je lui demanderai de s’excuser auprès de toi. C’est gagnant-gagnant, non ?
- T’aurais dû être à Serpentard, toi…
- Je dois le prendre comme un compliment ?
J’ai pris un ton enjoué, mais en vérité, la conversation prenait un tour déplaisant.
- J’ai pas besoin de toi pour me défendre !
Lui et son fichu orgueil ! J’ai protesté :
- Je n’ai jamais dit ça ! simplement, les choses s’arrangent sans efforts de ton côté. Pratique, non ? je te rends un fier service, en fait.
- Je devrais te remercier parce que par accident, tu m’aides, alors que ton but principal, c’est juste de coucher avec un beau gars ?
J’ai levé les yeux au ciel.
- Et toi, tu veux coucher avec qui, hein ? on n’en parle pas tellement, pourtant, tu ne me feras pas croire que ça te laisse indifférent.
Il a eu un petit sourire fier, celui qui n’est pas chiqué.
- Ah ? quelque chose à me dire, Sev ?
Il a tourné les talons, et a lancé d’un ton guilleret :
- Je te laisse deviner !
Cher journal,
Je me creuse la tête depuis trois jours, je ne vois pas qui est le prince charmant de Sev (on n’en a jamais parlé mais bon, ça crève les yeux qu’ils ne regardent que les hommes). Je ne le dis jamais à voix haute, mais ici, je peux : Severus n’est pas vraiment sublime. Il se néglige depuis toujours. Il devrait faire un effort ! à minima, aller chez le dentiste.
Dans sa petite bande de Serpentards, ils sont tous ultra virils. Un Serdaigle, alors ? tant pis, il finira par me dire.
Cher journal,
Récemment, je suis revenue en arrière dans tes pages, et je me rends compte qu’on passe beaucoup moins de temps à inventer des sorts et des potions avec Sev. Il y a un mois, il m’avait annoncé sur un ton mystérieux qu’il avait créé un sortilège très innovant, qui serait bientôt au point. Sur le moment j’ai éprouvé un malaise : habituellement on aurait travaillé ensemble à son perfectionnement !
Hier, quand je l’ai relancé, il a évité le sujet. Il a prétendu qu’en fait, il s’était emballé et que son projet ne valait pas la peine d’être montré. Je n’y crois pas une seconde, il semblait trop euphorique la première fois qu’il l’a mentionné. Je me suis sentie d’autant plus exclue… et inquiète. Avec ses nouveaux « amis », qui sait de quel genre de sort tordu il s’agit ?
J’ai longtemps cru que seuls les vieux ressentaient de la nostalgie. Journal, est-ce qu’on peut déjà ressentir de la nostalgie à mon âge ?
Cher journal,
Finalement, je m’en fiche un peu de savoir qui est Monsieur Mystère. Ou plutôt, s’il existe vraiment et que Severus n’a pas affabulé pour se faire mousser, j’aurais bien voulu qu’il intervienne.
Les Maraudeurs ont coincé Severus en sortant des examens. Il se sont battus, enfin, c’est surtout Black qui était déchaîné. Potter était assez passif. Il ne jetait pas de sorts mais il n’arrêtait pas Black, alors que je suis sûre que ça lui aurait fait grand plaisir de participer à la bagarre. J’imagine qu’il tenait mollement sa promesse de ne pas agresser Severus.
Black a fait léviter Severus, tout le monde voyait son caleçon. D’un coup, j’ai pris peur qu’il essaye de le lui enlever. Il en serait capable, ce taré. Il paraît que la famille Black est très coutumière de la violence sexuelle. J’ai vu rouge. Je tremblais de colère.
J’ai crié :
- Par ici, Black !
Il n’a pas eu le temps de réagir, j’avais déjà transformé le gazon sous ses pieds en plantes grimpantes. Elles ont monté sur lui en un quart de secondes, il était prisonnier. Pour bien le ridiculiser, j’ai agité ma baguette de façon que les plantes lui chatouillent le visage. Il ne pouvait rien faire, à part remuer visage de gauche à droite. Il avait l’air débile. Les regards et les rires se sont détournés de Severus vers lui.
D’un autre mouvement de baguette, j’ai libéré Severus. Il a repris sa baguette. On était tournés vers Black et Potter, comme si on allait faire un duel à deux contre deux.
C’était bizarre, et très tendu. Je ne pouvais pas attaquer Potter, vu qu’il avait à moitié tenu son engagement. Je vais lui passer un savon, c’est clair ; mais sur le moment, ça me paraissait disproportionné de l’attaquer. L’enfer se serait déchaîné, surtout avec des spectateurs dont j’ignorais l’allégeance. Severus ne pouvait pas attaquer Potter non plus. Il lui jetait des regards noirs, il avait bien vu la manigance. Black refusait de m’attaquer. On a eu une sorte de duel silencieux pendant trente secondes, puis, Black s’est retourné, et a marmonné :
« Aller James, on se casse ». Il l’a pris par l’épaule, et c’était fini, comme si de rien n’était. J’étais presque déçue. J’étais si pleine d’adrénaline que j’aurais voulu une bonne excuse pour les réduire en cendres.
J’ai enfin pensé à regarder Severus. Il faisait la grimace, puis il m’a foudroyé moi du regard ! Ce toupet ! j’ai senti que ça allait mal finir, alors je lui ai intimé de se taire :
« Ne dis rien Severus. Sinon, je te connais, tu vas dire quelque chose que tu vas regretter ».
Il a hoché la tête avec raideur, et il est parti.
S’il n’avait pas accepté mon aide, ou si pire, il s’était énervé… s’il avait dit un mot de trop… je ne sais pas ce que j’aurais fait.
Je me sens seule. J’aimerais critiquer Potter et Black avec Sev, évidemment, mais pour l’instant, on va faire une croix là-dessus.
Et j’aimerais, c’est terrible à avouer, faire l’inverse… l’un des avantages un peu honteux à être vaguement sorti avec l’autre idiot, c’est que je pouvais enfin me lâcher sur Severus.
Comme j’avais fait promettre à James Potter (faut pas que je parle de lui comme quand on élevait les hippogriffes ensemble. Stop. Il ne le mérite pas. Même si c’était très sympa.) de ne pas embêter Sev… j’avoue que c’était agréable d’avoir quelqu’un qui reflète mes pensées les plus vilaines à son sujet. Des choses que je me contente d’écrire, habituellement. Avec toi, journal. Sur le physique de Sev, par exemple. Il y a de l’abus. On peut se laver les cheveux et avoir un nez bizarre. Justement, l’un compenserait l’autre, comme disait Potter. Bref.
Par ailleurs, les filles en ont marre que je le défende (« c’est ton ami d’enfance, Ok, mais il est saoulant et glauque ! tu nous as nous ! »). Et moi, j’en ai plus qu’assez de faire le pigeon voyageur constamment entre elles quand il y a des soucis. Être la médiatrice, c’est fatiguant. Dès la fin des examens, je vais me recentrer sur moi-même, lire des romans, cueillir des fleurs, regarder la pluie tomber, je ne sais pas.
Cher journal,
C’est fini, quel soulagement ! je me sens tranquille, je crois que j’ai réussi toutes les matières. Mais à présent, j’ai trop de temps pour repenser à mes embrouilles. Je ressasse. C’est inutile, et je ne peux pas m’en empêcher. J’ai envie de parler avec Severus, mais je ne sais pas par où commencer. Lui raconter comment j’ai giflé Potter en rompant avec lui ? ça le ferait peut-être rire, mais on n’aurait pas grand-chose d’autre à se dire…
C’est vrai que quand j’étais avec Potter, au moins, la bande de Severus s’était un peu calmée sur les exactions contre les Nés-moldus. Ceux à qui moi je parle, en tout cas. Pour des élèves d’autres années, j’ai des soupçons. Comme d’habitude, on ne peut rien prouver. Par exemple, l’autre jour, Norah est tombée sur Mulciber dans les couloirs. Il lui a déclaré « attention, Walker, ce n’est pas très sage de se promener seule », puis il a ricané.
Hier, Papa m’a envoyé une lettre. Je ne suis plus l’actualité moldue, il me tient au courant. Il y a une « guerre froide ». Apparemment, les États-Unis et l’URSS sont constamment au bord de la guerre totale, sauf que chacun sait très bien que ce serait l’apocalypse nucléaire. Guerre de tranchées à grande échelle. Ça me laisse songeuse.
Cher journal,
Je suis en colère. Très en colère.
Contre le système éducatif.
On nous apprend pleins de sorts, de formules, de rituels. On ne nous apprend pas le plus important. Et justement, je ne sais pas exactement ce que c’est, le plus important.
Je n’ai pas les mots pour m’exprimer. Je sais que je n’ai pas de style, pas de métaphores, rien du tout. Ce n’est pas grave, journal chéri, tu n’es destiné à personne. Pourtant, je me sens démunie pour exprimer ce que je ressens. Même si mes élucubrations ne concernent que moi, je souffre de les savoir pauvres et maladroites.
J’ai beau écrire, j’ai un poids dans la poitrine qui ne disparaît pas. Tant que je n’aurais rien écrit correctement, il ne partira pas comme par magie. Et ce que j’écris à présent ne servira pas au moi du futur. Tout est flou dans ma tête.
On aurait besoin d’un cours de littérature. Et d’écriture, aussi. On ne parle jamais d’art dans les cours de cette école, je n’arrive pas à prendre de la hauteur. Je me sens… engluée. Ça doit être ça le terme. Finalement je sais faire une métaphore. Bravo à moi ?
Je n’en reviens pas que Severus ait pris la marque. J’ai tout fait pour lui, et pour quoi ? rien du tout. RIEN.
Il me l’apprit de son plein gré. Je lui parlais en riant de ma rupture avec Potter, je lui ai demandé poliment ce qu’il ferait après nos études. Il n’a pas ouvert la bouche. Il a soulevé sa manche. J’avais un haut le cœur pendant qu’il le faisait, je pressentais la vérité. Je ne voulais pas y croire. J’ai pleuré.
- Pourquoi ? Severus ! enfin ! tu vaux mieux que ça !
- Ah bon ? tu es la seule à le penser. Toi, et le Maître. Et qui me donneras un emploi, une vocation, un but dans l’existence ? Qui sera fier de moi?
J’étais abasourdie. J’ai cru défaillir. Je ne l’avais jamais vu s’exprimer avec ce ton et cette lueur fanatiques dans les yeux. Son ton accusateur dans la dernière phrase m'a mortifiée. Je pensais que mon exaspération ne transparaissait jamais sur mes traits.
Puis, comme s’il s’en souvenait soudainement, il a ajouté :
- On peut rester en contact, par contre. On évitera juste de parler politique, quoi.
Je crois qu’il y avait des cicatrices d’automutilation qui traversaient le Marque et la déformait un peu. Je doute de ma perception, ce sont peut-être les larmes qui brouillaient ma vue. Si j’ai raison, alors cette situation est la définition même de « mettre un pansement sur une jambe de bois ».
Je me pose encore la question ? Pourquoi, par Merlin ?
Pour aller aux soirées de Slughorn ?! ce vieux croûton malsain qui collectionne les élèves comme des trophées ? Au moins, voilà qui confirme mon hypothèse : il a beau proclamer son ouverture d’esprit envers les Nés-moldus, il n’a accepté de faire rentrer Severus dans le cercle qu’à partir du moment où c’est Lucius Malfoy qui en a fait la demande. Moi ? rien du tout. Un hypocrite de plus.
En fait, j’aimerais déjà être une adulte. J’ai bientôt 17 ans, mais ça ne veut rien dire.
Attends, si, je sais.
Malfoy va baver.
Cher journal,
Aujourd’hui, je ne suis pas peu fière de moi. J’ai immobilisé Malfoy d’un maléfice Saucisson. Il marchait seul dans un couloir, je l’ai lancé dans son dos. Je l’ai fait léviter dans les toilettes des filles, histoire qu’il sache à quel point je le déteste. Quand je l’ai laissé parler à nouveau, il a eu le culot de dire :
- Pas très classe, ça, Evans, d’attaquer dans le dos… pas très Gryffondor… tu aurais pu me provoquer en duel…
Je n’ai pas osé dire que ça demande beaucoup de courage d’attaquer un des élèves les plus hauts placés de l’établissement, car je refusais d’admettre que j’avais peur.
- Oh, ferme-là. C’est classe, peut-être, d’exploiter les faiblesses de Severus pour le mettre sous ta coupe ?
Il a eu l’air peiné. Je me méfie de cet homme perfide. Les nobles prennent beaucoup de cours de théâtre, dans l’enfance.
- L’exploiter ? mais de quoi tu parles ? je m’occupe de lui ! je le protège ! je l’introduis auprès de Slughorn ! tu appelles ça maltraiter quelqu’un ?! grâce à moi, il aura un bel avenir ! Slug parle déjà de l’aider à trouver un apprentissage en Italie, une potionniste de renom et…
- Tais-toi ! ce n’est pas l’aider, c’est l’enfermer ! dès qu’il fera quelque chose qui te déplaît, tu ne te contenteras pas de le larguer ! je te connais, Malfoy ! tu le réduiras à néant ! tu anéantiras sa réputation. Il est avec toi juste parce qu’il va mal et que tu es beau gosse. Voilà. C’est aussi bête et vulgaire que ça.
Je pensais l’attrister ou le blesser (cela m’aurait grandement satisfaite…) mais il a simplement eu un sourire rusé. (Comment est-ce qu’on peut faire le malin alors qu’on est pieds et poings liés ? avec un peu de recul, il faut lui reconnaître du sang froid.)
- Alors comme ça, tu penses qu’une relation entre un Sang-pur et un Sang-mêlé est nécessairement vouée à l’échec ? je te croyais plus ouverte d’esprit. Ça compromettrait ton idylle avec Potter, au passage… tout va bien dans ton système moral, Evans ? ou il est flexible selon ton humeur ?
- N’importe quoi ! tu joues avec les mots ! il y a un monde entre Potter et toi. Pour commencer, tiens-toi au courant, je ne suis plus avec cette brute, et pourtant, Potter ne m’a fait aucun mal. Alors que toi, dès maintenant, tu aides Severus à rejoindre les Mangemorts.
- Parce que tu le crois si influençable qu’il aurait eu besoin de moi pour ça ? ne sois pas naïve, Evans. Il lui a fallu votre petite dispute où tu as refusé d’attaquer Potter parce qu’il est beau gosse pour que Sev’ prenne la Marque. »
Cher journal,
« Exister, c'est manquer à quelqu'un. Exister, c'est être la douleur d'un autre. »
Aujourd’hui j’ai lu cette phrase, et elle me trotte dans la tête.
Jusqu’ici, je manquais à Severus. Il souffrait quand je n’étais pas à ses côtés. Sans moi, il peinait à se faire des nouveaux amis ou à entretenir ces relations. Sans son guide, son avenante ambassadrice, il ne s’épanouissait pas.
Petite, je ne voyais pas cette situation comme un problème. À l’inverse, je me sentais très valorisée de jouer les interprètes. Quand Severus avait des mimiques inappropriées et une mauvaise posture, je lui sauvais la mise. Il s’exprimait de manière involontairement dure, il s’emmêlait les pinceaux dans ses idées. Son humour allait souvent trop loin. Il blessait parfois exprès, parfois non.
Je ne sais pas combien ça coûte, la traduction, mais j’imagine que plus le texte est compliqué, ou plus l’accent est incompréhensible, mieux c’est payé et apprécié. J’avoue que c’est très flatteur d’être la traductrice attitrée de Severus Rogue.
Le problème date d’avant la prise de la Marque. Depuis qu’il fréquente Malfoy, Rosier et compagnie, j’ai de moins en moins envie de traduire gratuitement... J’en ai assez d’interpréter ses propos, dans tous les sens du terme. De soupeser chaque chose qu’il a dites, faites, ou surtout commises.
On dit souvent que l’empathie est un muscle. On peut le travailler. On peut s’efforcer d’aimer autrui, de voir son point de vue. On en ressort élevé moralement, paraît-il.
Tout muscle peut se froisser, voire claquer.
Quelque part entre mon cœur et mes entrailles, un muscle a cédé. Depuis qu’il est au service de Voldemort, l’idée même de Severus m’éreinte. Ses problèmes ne m’atteignent plus. J’en ai déjà assez à moi toute seule.
À présent, quand je le vois circuler dans la cour haute de Poudlard, tournant en rond comme un moine esseulé, je le vois pour ce qu’il est : un raté. Une sorte de clochard céleste, attendrissant dans ses bons moments, insupportable d’aigreur le reste du temps – alors qu’il n’a pas encore atteint la majorité !
Il est incapable de se faire des amis par son simple charme, il s’est approché d’autres intellos. Je ne suis plus là pour jouer les entremetteuses de Monsieur Maladresse. Mais attention, il ne traîne pas avec n’importe quels futés. Severus est étonnamment fine bouche, parfois, pour quelqu’un qui a grandi en mangeant de la nourriture premier prix. C’est un peu cruel de ma part de penser ça, mais tant pis, un journal intime, ça sert à se défouler. Voilà, il est gonflé, c’est le terme. II est gonflé de faire comme s’il pouvait se permettre de se comporter comme ça.
Il se croit malin de fréquenter les intellos qui testent les limites.
Bon, objectivement, je sais pourquoi il est tombé amoureux de Malfoy. Cette raclure. Après une enfance malmenée par une père abusif et une mère passive, Severus cherche le salut dans une relation tout aussi dangereuse. Je n'imagine pas Malfoy le brutaliser. Simplement, il est si habitué à son monde de privilégié qu'il ne voit pas en quoi il rend Severus dépendant de lui. Attends, pourquoi je cherche encore des excuses à Severus ? Je suis trop tendre, comme d’habitude. Il est froid avec moi, et il voit notre amitié comme un à-côté compatible avec ses choix politiques.
Pourquoi je me fatigue à être gentille avec lui ? dans un carnet, en plus ? C’est de la sensiblerie, pour reprendre un terme qu’il affectionne.
Les fascinés de magie noire et autres pousses de mangemorts le rassurent. Cependant, je vais, une fois n’est pas coutume, être d’accord avec eux. Ouah, bizarre d’écrire ça : je suis d’accord avec des mangemorts. Pas très reluisant.
Sur le papier, je n’approuve pas l’usage offensif de la magie. Ses Lois sont imparables : plus on s’engouffre dedans, plus on y laisse des plumes.
Il n’empêche que Severus a eu raison d’employer un Oubliette sur son père. Sinon, Tobias aurait continué à harceler Eileen et à la menacer physiquement. Elle aurait fini dans la tombe, à un moment ou à un autre. C’est triste de devoir en arriver là, mais bon, à l’époque, la police avait simplement préconisé à Eileen de « ne pas se laisser faire » et avait refusé d’intervenir pour une simple « dispute de couple ».
C’est fou, le temps qu’il m’a fallu pour faire le rapprochement. L’amour rend aveugle, l’amitié aussi.
L’alcoolisme ne suffit pas pour devenir un légume du jour au lendemain. Au moins, Tobias est hors d’état de nuire. Et il n’est pas franchement un bon élément. La société se passera de ses services.
À l’époque, Severus avait tout juste quatorze ans. Si j’avais compris, je ne suis pas sûre que j’aurais osé lui dire que je désapprouvais. Je frissonnais de dégoût à l’idée d’un Tobias réduit à presque rien. Il aurait fallu me payer un million de Gallions pour lui rendre ne serait-ce qu’une seule visite. Donc j’ai préféré me voiler la face, et penser qu’une simple substance pouvait faire autant de dégâts. Une petite voix dans ma tête murmure que cela prouve que James n’a pas entièrement tort : Rogue est capable d’horreurs.
Cher journal,
Aujourd’hui, j’ai pris une décision terrible. J’ai honte de l’écrire. C’est la première fois que ça m'arrive. Il le faut.
Personne n’empêchera Severus d’empirer. Mais nous étions amis, je le lui dois. Je le dois à la personne qu’il était, il n’y a pas si longtemps. Le jeune homme qui, quoique prétende Malfoy, n’aurait pas pris la Marque sans avoir été manipulé.
Parfois, les gens ne veulent pas être aidés. Si nous ne faisons rien, nous les laissons sombrer, n’est-ce pas ? Les drogués, les femmes battues, les adeptes de sectes, ils sont accros à quelque chose (ou à quelqu’un) qui ne leur fait du bien que sur le court terme.
Il ne faut pas encourager un alcoolique, en mode « Allons, tu es juste un bon vivant, pas la peine d’aller aux Alcooliques Anonymes ! ». Minimiser, c’est se faire complice de la déchéance. Il faut que quelqu’un leur rappelle que leur vie est en jeu, et parfois, celle des autres aussi.
Sans compter que Severus en veut à sa mère de ne pas s’être éloignée plus vite de son père. Pas avant qu’il se retrouve à l’hospice jusqu’à la fin de ses jours. Il y a le fameux phénomène d’emprise etc., cela ne change rien au fait que Severus a de la rancœur à l’égard d’Eileen. Donc si je n’agis pas, il sera sûrement en colère contre moi dans le futur – et à raison !
Je ne peux pas me déresponsabiliser en prétendant que c’est son choix.
Cher journal,
L’avantage à faire partie des préférés de Slughorn, c’est qu’on peut lui dérober un ouvrage lors d’une de ses sauteries.
Aujourd’hui, j’ai coincé Malfoy dans le couloir. J’aurais pu le prendre par surprise, à nouveau. Néanmoins, ça fait partie du rituel. Le duel m’a laissé une égratignure sur la joue, et j’en suis fière. On absorbe d’autant plus l’énergie vitale de la victime quand sa souffrance passe par votre sang.
Ah, mon merveilleux journal, mon seul vrai ami. Malfoy aura au moins servi à quelque chose : Severus est maintenant mon Horcruxe. Le décès du salopard m’a permis de détacher une bribe de mon âme. J’avais préalablement attrapé Severus. Lui pour le coup, j’ai jeté un sort dans son dos. Je ne voulais pas le choquer ou le traumatiser. Je l’ai rendu invisible, puis je l’ai fait léviter jusqu’à une salle vide, avant de trouver Malfoy.
Il y a quelque chose de très satisfaisant à tracer un pentacle autour d’un corps encore chaud, et à trancher la jugulaire pour irriguer les traces de craie. C’est étonnamment beau, le filet rouge qui se mue en pourpre scintillante au contact de la trace blanche. La pénombre s’illumine comme le soleil à travers une carafe de cristal.
À présent, je serai toujours avec Severus. Personne ne pourra l’influencer en mal.
J’imagine qu’il restera des bribes de sa relation avec Malfoy. Des rêves, des ombres, des fantasmes. Le corps se souvient. Ce sera comme moi avec Potter : comme si une autre personne, un double familier, l’avait fait à sa place. Cet attachement lui paraîtra celui d’un béguin adolescent jamais avoué, arrêté par la mort.
Le secret de leur amour était si bien gardé que Lucius n’a rien fait après l’épisode du duel. Il n’y aura personne pour rétablir la vérité. Tant mieux.
Si jamais il se rend compte de quelque chose, qu’il me déteste, qu’il part à l’autre bout du monde, je le comprendrais. S’il essaye d’attenter à ses jours, il n’est pas impossible qu’il y passe avec mon fragment d’âme. Ceci dit, ce n’est pas très différent de son état habituel. Un état, disons, de suicidaire passif. Je trouve cela préférable à l’état de Mangemort actif, qui torture et tue sans relâche.
Pourquoi avais-je honte l’autre jour, au fait ? je me sens légère. Sans reproche, sans remord. Apaisée. J’ai fait ce qu’il fallait.
S’il me renie, voilà ce que je lui dirai.
« N’oublie jamais, Severus. C’est pour ton bien. »
[TW : meurtre, transformation d'un meilleur ami en horcruxe]
J'espère que vous avez aimé ! N'hésitez pas à laisser un commentaire