Il faut toujours un hiver pour bercer un printemps.
Quand il respirait dehors, une buée épaisse sortait d’entre les lèvres de Théodore Nott. De temps à autre, cette fumée était remplacée par une autre, plus toxique mais plus libératrice. Elle adoucissait ses sens trop pointus et agressifs.
Théodore avait trouvé de quoi engourdir ses idées et ses pensées qui partaient dans tous les sens lorsqu’il ne les contrôlait pas.
C’était si facile, avant… Si facile et naturel de chorégraphier ses gestes, de réciter ses paroles et de faire semblant.
Aujourd’hui, ça ne l’était plus.
Alors il faisait partir en un nuage de fumée les difficultés qu’il se savait incapable de surmonter.
***
Il faut toujours un hiver pour bercer un printemps.
Cette phrase l’obsédait tous les hivers.
C’était ce que sa mère disait toujours et il n’était jamais vraiment parvenu à en déchiffrer le sens exact.
Mais quand il y pensait, il la liait un peu à sa meilleure-amie. Lisa était un soleil dans la vie de Théodore. Elle brillait. Lui, il était l'hiver. Froid et austère, bien que nécessaire pour apprécier les joies d'un temps doux et clément. On n'aimait jamais mieux la lumière que lorsqu'on sortait de la pénombre.
Théodore avait découvert avec elle ce qu’était l’amitié, ce sentiment chaud et confortable, cette douce sécurité de savoir qu’il pourrait toujours venir auprès d’elle chercher conseil ou trouver une oreille attentive pour écouter les fardeaux dont il ne parlait pourtant pas.
Avoir la certitude qu’elle serait là pour lui valait tous les trésors de Gringott à ses yeux.
Fût un temps où elle n’était pour lui qu’une enfant mal élevée, mal éduquée, une originale un peu stupide avec qui il n’avait rien à voir. Aujourd’hui, depuis qu’elle était entrée dans sa vie, elle était la personne qu’il connaissait le mieux et il était la personne qu’il connaissait le moins.
Lisa savait qui elle était.
— Pétillante. Gentille. Maladroite. Un peu. Enfin je crois ? Inventive. Lâche. Ingénieuse. Curieuse. Positive.
C’était ce que Lisa avait répondu lorsque Théodore lui avait posé cette question.
Qui es-tu ?
Pour lui, il n’avait aucune réponse.
Lisa avait piteusement serré son épaule d’une main et avait embrassé sa joue. Comme si un baiser pouvait lui donner une qualité ou un défaut dont il aurait enfin pu se qualifier.
Elle ne lui avait pas dit que sa question était bizarre, parce que tous les deux, chacun à sa manière, ils l’étaient.
Bizarres.
La laine du pull qu’elle lui avait tricoté grattait sa peau. Elle le lui avait offert pour Noël et même s’il détestait cette couleur jaune moutarde, il le porterait jusqu’à ce qu’il soit sale. Là, il le ferait laver, pour mieux s’en vêtir de nouveau.
***
Théodore Nott n’était pas comme son père. Il n’était pas autoritaire, n’avait que peu d’appétence pour les manipulations futiles dont on ne tirait aucun bénéfice à part celui de faire ployer le genou à un ennemi, et n’avait gardé de lui qu’un port de tête fier et arrogant. Théodore avait depuis longtemps découvert que son éducation avait principalement forgé la personne qu’il était. Un enfant avec de bonnes manières, un respect certain de l’étiquette et de la noblesse, un naturel étriqué et bridé par un calme apparent et les chaînes invisibles d’un mépris qu’on lui avait appris à ressentir pour les sorciers qui n’étaient pas de son cercle. L’adolescent avait été plus curieux, avait questionné et interrogé. Il avait nourri sa curiosité et sa soif de savoir. Il voulait la vérité.
C’était cette quête de vérité qui allait le perdre un jour.
— Je pourrais te décrire moi. Te dire ce que je vois quand je te regarde…, proposa Lisa.
Elle tenait dans ses mains un chocolat chaud et s’était arrêtée de fredonner l’une de ces chansons que Théodore n’aimait pas trop. Il observa l’écharpe des Poufsouffle qu’elle portait. Celle qui avait appartenu à Susan Bones, quelques jours, avant que les deux jeunes filles ne se les échangent lorsqu’elles étaient en première année à Poudlard.
Ses pensées tournées vers Susan, Théodore regarda par la fenêtre pour admirer les sapins couverts de neige.
Le ciel était d’un joli gris.
— Come and get your love, reprit Lisa en chantonnant.
Lisa ne comprenait pas le problème de Théodore. Il l’avait regardé ramasser des pommes de pin dans le parc, pour les ramener chez elle afin d’alimenter le feu de sa cheminée.
L’hiver était rude et froid.
Peut-être était-il plus facile pour les gens qui étaient aimés de savoir qui ils étaient.
Peut-être qu’il était idiot de faire le bilan d’une vie qui avait à peine commencée ? Pourtant, Théodore le faisait méticuleusement, comme s’il avait un rapport à rendre. Un rapport maigre et dégoûtant.
— Tu es…
La brune s’arrêta un instant pour prendre une gorgée de sa boisson. Quand elle ouvrit la bouche, Théodore prit les devants :
— Fatigué. Les nouvelles lois sur la probité des sorciers faisant partie de la vie politique magique font débat et en écoutant les arguments de tous, je me rends compte comme le temps du dialogue n’est pas encore venu.
Plus il voulait se décrire, plus il voulait s’effacer.
Il se connaissait à peine.
C’était à lui de découvrir qui il était.
— Théodore… Ce sont ces menaces qui te perturbent ? demanda Lisa.
« Meurtrier ».
Dehors, la température était glaciale.
Y aurait-il assez de pommes de pin chez Lisa pour qu’elle puisse allumer un feu dans sa cheminée et n’attrape pas froid ?
La première fois qu’il avait reçu un parchemin de menace, il était avec son amie et n’avait pu le lui cacher. Le visage impassible, ne trahissant aucune émotion, il lui avait tendu le parchemin comme il lui aurait tendu une invitation au prochain bal mondain de Londres.
— Qu’a pensé Susan de tout ça ? Es-tu allé la voir comme je ne te l’ai conseillé ? Je sais que vous ne vous entendez pas très bien tous les deux, mais tu sais qu’elle est la meilleure juriste pour toi. Elle saura te défendre…
Théodore grommela.
Susan Bones et lui étaient aussi différents qu’il était possible de l’être.
Susan Bones était prévisible, un livre ouvert, elle vous balançait à la gueule tout ce qu’elle ressentait et elle jouait à la justicière avec un idéalisme qui frisait le ridicule. Elle faisait semblant tout le temps. Semblant d’être forte, alors qu’une chiquenaude l’aurait faite s’écrouler. Semblant d’être calme, alors qu’il l’avait vu saccager son bureau et déchirer tous ses dossiers. Semblant d’être gentille, alors qu’il savait à quel point elle avait pu être injuste envers Lisa. Susan Bones était une petite utopiste qui manquait cruellement de pragmatisme, une sauveuse de la veuve et de l’orphelin, qui s’était donnée pour mission de regarder pourrir tous ceux qu’elle ne jugeait pas assez innocent.
Mais ne pas être innocent ne signifiait pas pour autant que l’on était coupable.
Susan faisait semblant. Comme lui. Et ça l’énervait profondément.
Il faut toujours un hiver pour bercer un printemps.
— Nous avons rendez-vous demain matin, indiqua finalement Théodore.
Lorsqu’il était passé dans le bureau de Susan, elle n’avait pas semblé être en état de l’aider. Il avait simplement formulé sa requête et ils avaient convenu d’une rencontre deux semaines plus tard. Il l’avait laissée travailler, sans oser lui dire que deux semaines, c’était long.
Trop pour lui.
En sortant de leur salon de thé préféré, il empêcha Lisa de glisser sur une plaque de verglas. Elle se dégagea du bras avec lequel il avait encerclé sa taille et couru vers une flaque d’eau figée dans le froid avant de s’arrêter brusquement et patina, les deux bras tendus pour garder l’équilibre.
Elle éclata de rire et lui, se mit à sourire.
L’hiver était beau, quand on avait une amie pour vous montrer que les plaques de verglas étaient amusantes.
***
« Tu as tué Colin Crivey. Tu paieras. Meurtrier ».
Théodore observa Susan Bones déchiffrer l’écriture et froncer son petit nez dont la pointe recourbée lui donnait un air espiègle. Elle pointait vers le ciel.
Gris. Toujours gris.
Elle soupira et posa à plat le parchemin avant de le lisser, à côté de tous les autres, que l’ancien Serpentard savait être au nombre de cent cinquante-deux. Tous avec les trois mêmes phrases qu’il connaissait par cœur. Théodore avait toujours eu la politesse de lire son courrier et celui-ci n’avait pas échappé à la règle. Bien droit sur sa chaise, il attendait le verdict, les yeux rivés sur l’écharpe des Serdaigle qui avait été soigneusement accrochée autour du porte-manteau. Il l’avait ramassé alors qu’elle courrait loin de l’hôtel qu’elle venait de quitter. Il n’avait pas vraiment cherché à la rattraper. Il avait tout de même appelé son prénom, en espérant qu’elle se retournerait.
Avant de la lui rendre à l’automne dernier, Théodore l’avait confié à son elfe de maison pour qu’il la nettoie. Le bleu était moins terne, et le bronze comme nouvellement verni.
Est-ce que Susan l’avait remarqué ?
— Est-ce que tu as tué Colin Crivey ? demanda la juriste, le ramenant à l’instant présent.
Théodore ne s’offusqua pas qu’elle pose une telle question.
Susan Bones n’était pas aussi pragmatique que lui – personne ne le serait jamais – en revanche, elle était honnête et ne s’embarrassait jamais de faux-semblant avec lui, ce qui, il devait l’admettre, était grandement appréciable. Il savait pourtant qu’elle n’était pas la personne la plus sincère de ces lieux… Susan mentait tout le temps. Elle jouait un rôle.
Théodore lui, ne jouait pas un rôle.
Il ne savait même pas qui il était.
Il ne mentait jamais.
Sauf quand il faisait croire à tout le monde qu’il était sûr de lui et infaillible.
Comme Susan.
— Non, répondit-il.
— Si je dois te défendre, tu dois être honnête avec moi, Nott.
— Je n’ai pas tué Colin Crivey.
Sa voix avait été ferme et franche. Elle n’avait pas tremblé. Susan croisa ses mains et balança sa tête, faisant mine de réfléchir.
— Ces accusations sont très graves. Depuis quand les reçois-tu ?
— Deux mois.
— Deux mois…, répéta-t-elle. Et à part cette seule ligne, son auteur n’a rien fait. Pas de menace physique, pas de malédiction … Il n’y a aucune accusation qui pèse sur toi, aucune procédure en cours… C’est étrange. Cette personne te veut du mal, c’est certain. Mais on dirait surtout qu’elle souhaite te torturer …
— Que me conseilles-tu ?
Susan haussa un sourcil.
Théodore n’aimait pas l’incertitude et quand il observait Susan, il ressentait un profond malaise.
De quel couleur étaient ses cheveux ? Ni brun, ni roux, ni blond, ni châtain …
Une seule certitude.
Ses yeux étaient gris comme un ciel d’hiver.
— Tout dépend de ce que tu es prêt à affronter et à révéler sur toi, Nott, marmonna Susan.
— Comment ça ?
— Si tu ne fais rien, tu prends le risque que cette personne finisse par se décider un jour à te poursuivre en justice. Dans ce cas, le fait que tu ne te sois pas manifesté avant te desservirait en ce que le jury pourrait penser que tu avais peur. La peur faisant son lit dans le berceau de la culpabilité, beaucoup en viendrait à la conclusion hâtive que tu es coupable et que tu comptais finalement acheter le silence de l’auteur de tes menaces. Les innocents ne laissaient jamais un Maître chanteur les manipuler sans raison…
— Et si j’agis ?
— Tu sais très bien ce qui se passera. Tu es beaucoup de choses, Théodore Nott, mais tu n’es pas un abruti.
Dis-moi qui je suis.
Dis moi ces choses que je suis. Ces choses que tu penses que je suis, que j’ai une idée de la personne que je deviens.
— On me demandera de me retirer et de céder le temps de l’enquête, mon siège au Magenmagot, comprit Théodore.
Les débats sur la probité des sorciers qui faisaient la politique du pays étaient trop présents, trop intenses pour qu’on laisse un membre du Magenmagot siéger alors qu’il était accusé de meurtre…
Théodore ne voyait pas en quoi agir serait une bonne idée.
— Si tu agis, tu gardes un peu de maîtrise, finit par dire son interlocutrice. Tu peux raconter en premier au public ta version de l’histoire et des faits. Tu peux confier aux sorciers l’histoire de Théodore Nott, celle qu’ils voudront entendre et qui te présentera sous un jour assez bon pour que l’opinion publique soit de ton côté. Si tu façonnes ton discours de sorte à te présenter comme une victime, si tu es prêt à dire les vérités qu’ils veulent tous entendre, ou à mentir juste assez pour te protéger, je te conseille de rendre cette affaire publique et de faire ouvrir une enquête.
Théodore resta de marbre, mais une pointe de colère venait piquer son coeur à quelques secondes d’intervalle à chaque fois.
— Mon histoire ne concerne que moi. Elle m’appartient.
Il ne la jetterait pas en pâture à une société qui l’avait de toute façon, déjà jugé.
Théodore était fils de Mangemort.
Il était un petit con prétentieux, l’héritier d’un siège au Magenmagot qu’il ne méritait que par le sang.
Il était un Sang-pur condescendant et ignorant.
C’était ce qu’ils disaient tous…
Mais la vérité, sa vérité… Elle était à lui et à lui seul. Elle lui appartenait et il ne la partagerait qu’aux personnes qu’il jugerait digne de confiance.
Susan écarquilla les yeux et l’espace d’un instant, il y lut de l’empathie et une douceur infinie.
— Je sais ce que vous voulez tous savoir, grogna Théodore en levant la tête et en bombant légèrement le torse. « Est-ce que Nott porte la marque des Ténèbres ? », « Est-ce que Nott était un Mangemort ? », « Est-ce que Nott a fait en sorte que Lovegood soit capturée par les Carrow la nuit de sa disparition ? », « Est-ce que Nott a aidé le Seigneur des Ténèbres lors de la Bataille de Poudlard ? ».
— Est-ce que Nott a tué Colin Crivey… ? , acheva Susan en le regardant droit dans les yeux.
Théodore frissonna à l’intérieur de lui. Elle ne lui faisait pas confiance.
— Tu ne me crois pas.
Et si Théodore était honnête, il aurait ignoré cette pointe piquante qui perçait son coeur à ce simple constat. Après tout, aucune preuve n’attestait de son innocence. Susan aurait eu raison, de ne pas le croire.
— Mon travail n’est pas de te croire ou de ne pas te croire. Mon travail est de faire en sorte que tu obtiennes la peine que tu mérites.
— Je n’ai pas tué Colin Crivey, affirma une nouvelle fois Théodore.
Susan hocha la tête et rassembla d’un coup de baguette tous les parchemins que Théodore lui avait apporté. Elle les rangea dans une enveloppe qu’elle scella et rangea précieusement dans un meuble de son bureau.
— Reviens me voir lorsque tu auras pris ta décision.
Théodore serra les poings.
— Je ne la prendrai pas à ta place, fit calmement Susan.
Il y avait tant d’incompréhension et de mépris dans ses yeux gris…
— C’est ton histoire, Nott. Si tu n’es pas prêt à la raconter à la juriste qui défendra ton dossier, si tu n’es pas prêt à la partager avec le monde sorcier, c’est ton choix, ta décision.
Non, ce n’était pas du mépris.
C’était pire.
De la pitié.
Théodore partit rageusement, se retenant de marteler le sol de ses pieds. Il sortit du Ministère et accueillit le vent glacé de l’hiver venu anesthésier la colère qui bouillait dans son sang.
***
Théodore n’avait jamais aimé son père.
Il ne l’avait toujours vu que comme le patriarche de la famille Nott.
Pas un père et encore moins un papa.
Théodore avait toujours suivi à la lettre ce qu’on lui disait de faire, sans jamais broncher.
C’était plus facile ainsi.
« Tu es un Nott . Tu seras digne en toutes circonstances. Tu seras noble et pur, comme ton sang. Tu guideras les moins éclairés et tu feras honneur à la devise des Nott. ».
Semper fidelis.
Toujours fidèle.
Mais à quoi ?
Mais à qui ?
Théodore aimait les sciences, il aimait les raisonnements logiques et cartésiens, la rigueur et remettre en question les affirmations qu’on lui apportait trop facilement sur un plateau d’argent. Tout avait une raison d’être. Les hasards, les coïncidences, n’étaient que des accidents. Théodore ne voulait pas d’accident. Il voulait des vérités, pures et simples.
C’était peut-être cette soif de vérité qui avait creusé son isolement et nourrit sa solitude.
Théodore ne s’était jamais contenté de bêtement croire.
Alors, il n’avait jamais cru qu’Hermione Granger ou Colin Crivey lui étaient inférieurs, car aucune preuve n’allait dans le sens de cette affirmation. Les capacités magiques de l’une comme de l’autre ne démontrait en rien une quelconque infériorité et Théodore n’avait jamais pu établir qu’ils avaient volé la magie dont ils avaient hérité, comme pouvaient le relater certaines thèses qu’il avait lu.
Théodore avait besoin de raison. Il la faisait passer avant le cœur car il ne l’avait jamais connu.
Puis Lisa Turpin avait débarqué dans sa vie.
Une sang-mêlé, l’une des personnes les plus intelligentes qu’il connaissait, qui ne l’avait jamais jugé alors qu’ils étaient pourtant destinés à se haïr car trop différents. Sa raison aurait dû l’éloigner de Lisa. Mais il y avait quelque chose chez elle… Une lumière, une chaleur, une curiosité qu’ils partageaient, le goût de la science et de la vérité, qu’il n’avait trouvé chez nulle autre personne. Et Lisa n’était ni noble, ni de sang-pur.
Elle était juste Lisa, et Théodore n’avait trouvé aucun argument valable pour faire taire les besoins de son cœur de la garder dans sa vie, là où la raison lui avait souvent conseillé de s’éloigner de cette fille et de ses robes multicolores.
— Come and get your love, fredonna-t-elle entre ses lèvres.
Dans sa boutique, elle arrangeait les vitrines sous l’œil attentif de Théodore. Il disait que c’était pour surveiller son investissement. Il était le principal actionnaire des affaires de Lisa, dont il avait financé toutes les recherches, et se donnait pour mission de faire en sorte que cette petite empotée ne mourrait pas en trébuchant sur une latte de parquet mal clouée.
Là où il avait l’impression que tous ceux de son âge savaient enfin qui ils étaient, Théodore se sentait perdu.
Il fallait que tout ça s’arrête.
Il fallait que ses questions sans réponse cessent.
Il fallait du calme.
Il sortit une cigarette de sa poche et quitta la boutique de Lisa avant qu’elle ne chante le deuxième couplet.
Il la fuma jusqu’à s’en cramer les doigts avec le mégot. Il la fuma jusqu’à ce que son esprit soit embrumé. Et il l’aurait fumé jusqu’à ce que l’hiver laisse place au printemps, si on lui en avait donné l’occasion.
***
Le père de Théodore était mort deux ans auparavant, donnant à son fils les responsabilités de chef de famille.
Enfin… Étant l’unique représentant des Nott, Théodore doutait qu’il puisse former à lui tout seul une famille.
Il était le seul à porter son nom. Il avait un grand Manoir qu’il habitait seul. Il siégeait au Magenmagot sans être parvenu en deux ans à déterminer s’il aimait ça ou non.
Il grimpa la tour de l’aile ouest.
Il ne l’avait jamais fait avant.
Son père avait fait sceller toutes les entrées et les sorts ne s’étaient déliés qu’à sa mort.
Théodore ne savait pas trop pourquoi il montait ces escaliers maintenant. Pourquoi il avait attendu deux ans pour pousser la porte d’une aile que son père avait toujours condamné et dont on lui avait toujours refusé l’accès.
Peut-être était-ce parce qu’il avait besoin de savoir qui il était et que dans cette aile, qu’il n’avait jamais exploré, il espérait trouver un secret.
Théodore n’aimait pas les secrets. Il aimait les énigmes et les découvertes.
Arrivé tout en haut, Théodore trouva ce qu’il ne s’était jamais donné la peine de chercher.
Un prénom, qui sonnait terriblement doux et froid à la fois, sur une porte richement décorée.
Au fond, Théodore savait ce qu’il cherchait.
L’endroit où avait été muré ce qu’il restait de la dernière Madame Nott que le monde sorcier avait connu.
Il faut toujours un hiver pour bercer un printemps.
La seule phrase que Théodore Nott entendait dans sa tête, prononcée de la voix de sa mère.
Etheldreda Nott.