C’était un jour comme un autre à l’auberge des gens brisés. Un soleil rasant frappait aux carreaux du salon et réchauffait péniblement le canapé au coin de la cheminée. Par cet après-midi hivernal, Pansy était assise au coin du feu, une tasse de thé dans une main une lettre tout juste arrivée dans l’autre. Elle ne savait pas comment ce hibou avait pu traverser la tempête de neige qui avait paralysé toute la lande des Moors.
L’immense salon-cuisine était chaleureux avec toutes les décorations de Noël que Lavande avait ramené de son appartement pour qu’elle et Seamus décorent l’auberge il y a de cela quelques années déjà (1). Cette année, l’impressionnante collection de décorations de Lavande avait été rejointe par les bougies que faisait Parvati pour s’amuser et les compositions florales de Pansy. Elles s’étaient amusées à décorer leur salle commune avec enthousiasme et c’était une débauche de boules enchantées, de couronnes de houx et de sapin, de chandelles rouge, vert et or.
Seamus avait ramené de la forêt une profusion de pomme de pin, et avait découpé de tranches de bois pour que Luna s’amuse à les décorer, Neville avait ouvert encore plus grand la porte de ses serres, Dean quant à lui avait sorti des cartons les figurines en bois qu’avait sculpté son grand-père pour les accrocher au grand sapin qu’ils étaient tous allés choisir au village. Padma, qui était rentrée en novembre d’Inde, avait enchanté le ciel bleu nuit parsemée d’étoiles que Luna avait apposées sur le plafond au tout début de l’aménagement des quatre fondateurs de l’auberge. Dorénavant les constellations du plafond étaient maintenant traversées quelques étoiles filantes.
Théodore, qui n’avait pas envie de rester seul dans son appartement au mois de décembre, était revenu à l’auberge pour les fêtes et comme il n’avait rien apporté, il s’était mis en tête de déposer lui aussi sa pierre à l’édifice. Il avait ainsi, chinés des contes de Noël qui traînait dans une étagère près d’un fauteuil pour ceux qui voulaient prendre le temps de lire devant l’âtre des histoires d'enfants laissés devant l’orphelinat qui allait sauver le monde.
Même Percy qui vivait encore à l’auberge s’était mis en tête de faire un gâteau pour Noël grâce au livre de recettes familiales qu’il avait retrouvé par hasard dans une des étagères de la bibliothèque de l’auberge (2). Surprenamment Percy Weasley s’était révélé être un cordon bleu, même si depuis peu les oublis dans le four était devenu monnaie courante. Il n’y avait plus qu’à espérer que le 24 décembre la nouvelle venue ne traînera pas dans la cuisine sinon ça la bûche sera plus que cuite. Heureusement que Théodore, ayant remarqué les émois de son nouvel ami, avait décidé avec Dean de tenir Audrey loin de Percy pour le bien de tous, du moins tant que le dessert ne sera pas prêt. Pas plus, il l’avait promis à Lavande qui avait décidé de jouer les entremetteuses pour ces deux-là.
Mais en ce neuf décembre, noël paraissait encore bien loin pour Pansy qui pourtant ouvrait chaque jour son calendrier de l’avent Ensorceleuse avec enthousiasme.
Aujourd’hui, à cet instant, il n’y avait plus que la lettre qu’elle tenait entre ses mains. Son mois préféré n’arrivait pas à avoir grâce à ses yeux en ce jour qui venait chambouler toute sa vie en un claquement de doigts.
Elle avait beau lire les quelques lignes jetées sur le parchemin depuis plusieurs secondes déjà mais les mots n’arrivaient pas à s’imprimer et se contentaient de danser devant ses yeux. Elle n’arrivait pas à réaliser ce que sa mère lui annonçait dans cette missive. Trois mois de secret révélés en quelques phrases. Jamais sa mère ne lui avait caché quelque chose, elles avaient toujours été proches. Elle vivait cette vérité tue comme une trahison. Jamais elle n’aurait cru ses parents capables d’une telle dissimulation.
Non loin de la Parvati fredonnait dans la cuisine. Occupée à accrocher des plantes qu’elle avait récoltées dans une des serres de Neville aux barres suspendues au plafond de la cuisine elle ne faisait pas attention à l’ancienne Serpentarde qui fébrilement froissait sa lettre à force de crisper ses doigts à chaque ligne relue.
_ Parvati ça fait quoi d’avoir une sœur ?
Surprise par la question Parvati en cassa la théière qu’elle tenait à la main. Percevant la fébrilité dans la voix de Pansy elle étouffa le juron qu’elle s’apprêtait à lancer et répara les dégâts d’un coup de baguette, elle avait l’habitude de la vaisselle brisée par les clients de son café.
Quoi de plus normal que Parvati soit surprise au vu de la question et de sa soudaineté. Surtout qu’elles n’étaient pas très proches, ça faisait tout juste deux mois qu’elles se rapprochaient par le biais de leur amitié commune avec Lavande. Mais Pansy ne voyait pas trop à qui demander ça. Théo était enfant unique, tout comme Lavande, et même si elle était très proche de Dean qui avait un frère et deux demi-sœurs elle ne se voyait pas lui demander. Pourtant, elle aurait pu profiter de ces instants en tête-à-tête où elle posait pour lui (3) mais elle ne voulait pas briser ces instants. Elle ne voulait pas gâcher ces moments où Dean la voyait autrement, où devant son appareil photo ou son chevalet elle renaissait, elle oubliait son erreur et son passé et elle devenait juste Pansy. Elle ne voulait pas qu’il voie l’égoïsme qui l’habitait, elle ne voulait pas qu’il détourne son regard d’elle. Alors elle n’avait que Parvati à qui demander, Parvati qui ne la jugerait pas, Parvati qu’elle n’avait pas encore peur de perdre.
Il n’y avait encore personne sauf elles deux alors elle n’avait pas hésité et avait posé sa question.
Théo était dans sa chambre à écrire son projet de roman, Dean à l’atelier à tirer quelques photos. Luna était partie depuis quelques semaines déjà à la chasse à elle ne savait quelle créature fantastique. La tempête de neige qui sévissait depuis cette nuit avait empêché Neville, Percy et Audrey de transplaner à leur travail, chacun avait alors décidé d’occuper son temps de la manière dont il le souhaitait, à savoir la serre pour l’un et la bibliothèque pour les deux autres.
Comme on était lundi, Seamus ne travaillait pas, l’herboristerie où il travaillait étant fermée, du coup il était parti ce week-end en Irlande rendre visite à son grand-père en emportant avec lui Lavande qui, il y avait fort à parier, reviendrait de son séjour avec une énième décoration de noël, si ce n’était pas une théière ou une tasse. En parlant de tasse, Parvati avait décroché deux mugs suspendus au mur au-dessus du plan de travail qui entremêlait étagères pleines de théières et tasses toutes bien sûres aux couleurs de Noël ou de l’hiver, les autres ayant été entreposées dans un vaisselier qui débordait.
À chaque saison, Lavande réorganisait ce mur, bien sûr, il y avait la rangée aux couleurs des maisons de Poudlard qui ne changeait pas et les quelques mugs préférés des habitants, mais quant aux autres chacun avait sa saison pour être sur le devant de la scène. En automne, c’étaient les motifs de citrouilles, feuilles automnales, couleurs orange, moutarde ou rouille qui avait sa préférence, en hiver elle sortait les mugs ornés de flocons, sapins, motif Écossais rouge et vert, et décorations de Noël en tout genre, au printemps les fleurs avaient la part belle, et en été, c’étaient les mugs qu’on lui ramenait de tous les endroits du globe.
Aucun mug n’était pareil, aujourd’hui Parvati avait choisi pour elles un mug orné de houx et un de cerf et avait entrepris de préparer un chocolat chaud avec de la cannelle, de la chantilly et quelques marshmallows. Elle appelait ce breuvage le chocolat des grandes discussions. Et Parvati avait tout à fait compris que ça n’allait pas être une discussion aisée qui les attendait. À vrai dire, Pansy ne savait pas trop comment exprimer son malaise.
Perdue, elle contempla le mur de briques à sa droite. C’était un mur ou quelques lézardes traçaient leurs chemins des briquettes peintes en vert. C’était un vert tendre, le vert de l’espoir comme lui avait dit Dean qui avait peint ce mur. Neville y avait fait pousser quelques plantes à même le mur. Et petit à petit chacun des habitants, des gens de passages à l’auberge avait laissé leur trace sur ce mur. Des briques jaunes qui esquissaient un chemin pour Seamus, des volutes marron pour Neville, une grande fissure qui s’ouvrait vers le ciel pour Luna, du violet profond pour Hermione qui avait fait attention à ne pas déborder des cases, de l'orange et du rouge qui se mélangeaient pour Harry et Ron, des briques cramoisies pour Ginny, et d'autres turquoises que Dean avait rajoutées. Et puis Théo avait fait dans un petit coin quelques briques vert serpentard, Zacharias s'était contenté d’un trait de pinceau blanc fait à la va-vite. Le bleu de la maison de Padma était tacheté des taches d’or de Parvati qu’elle avait aussi répandu sur les briques roses de Lavande. Ça faisait un joli camaïeu de couleurs, mais il manquait sa trace, ça faisait maintenant plusieurs mois qu’elle se demandait quelle couleur, quelle forme elle allait apposer sur ce mur de l’amitié. (4)
_ C’est génial d’avoir une sœur, même si entre toi et moi parfois Padma me fatigue. Surprise dans ses pensées, Pansy se retourna pour sourire à Parvati qui lui tendait sa tasse. Mais je me doute que ça tu t’en doutes déjà même si tu n’as pas de frère ou sœur. Je ne pourrais pas me passer de Padma, je ne peux pas m’imaginer sans elle. Durant notre septième année c’est vraiment ce qui me terrifiait, qu’on lui fasse du mal, que je la perde.
Une ombre passe sur le visage de Pansy, elle sent si coupable. Percevant, sans doute, son trouble Parvati change de sujet.
_ Mais en même temps sa perfection de Serdaigle m’énervait, je lui en voulais d’être dans cette maison dont nos parents était si fier. Je lui en voulais de m’avoir trahi, de ne pas avoir été répartie avec moi. Mais c’était avant, quand on était jeune sourit-elle. Tu es sûre que ça va Pansy ? Tu n’as pas l’air dans ton chaudron depuis ce hibou.
_ Hmmm, c’est juste que je viens d’apprendre une nouvelle qui m’a pour le moins surprise. Je dois dire que je ne m’attendais pas à ça. Et je dois dire que je ne sais pas vraiment comment réagir.
_ Tu veux m’en parler lui demande doucement Parvati avant d’avaler une gorgée du liquide brûlant.
_ Ma mère est enceinte.
_ Oh, la laisse continuer la Gryffondor.
_ Je ne sais pas comment réagir. Je me sens égoïste de lui en vouloir de me l’avoir caché pendant plusieurs mois. Je suis paniquée de devoir partager mes parents et je me sens monstrueuse de penser ça. Et je ne sais pas comment gérer ça, je veux dire, je ne sais pas ce que je dois faire.
_ Chut Pansy respire.
Elles restent là quelques secondes à regarder les quelques flocons hivernaux taper en rafale à la fenêtre le temps que le début de crise de panique de la future sœur aînée se calme.
_ Ça va mieux ?
Hochement de tête, une nouvelle gorgée de sucre et la discussion reprend.
Déjà tu n’as rien à faire, ce n’est pas toi qui vas l’élever cet enfant, tu pourras être présente pour lui si tu as envie mais tu as ta vie et tes parents comprendront très bien que tu ne sois pas aussi présente que si vous aviez peu d’écart de différence. Et tu as le droit de paniquer de partager tes parents. Je veux dire, pour moi, ça a été différent comme on est jumelles avec Padma, mais si elle était arrivée vingt ans plus tard j’aurais moi aussi eu peur qu’elle chamboule ma vie, mon équilibre familiale. Mais tes parents t’aiment, ils ne vont pas t’oublier car ils ont un autre enfant. Tu n’es pas monstrueuse d’être stressée devant un tel changement. Et je comprends que tu sois blessée que ta mère t’en parle que maintenant, et même si elle avait ses raisons de ne pas t’en parler tu as le droit toi de te sentir mise à l’écart. Tu devrais lui en parler la prochaine fois que tu retourneras chez toi et peux être lui dire que tu aurais aimé découvrir son état d’une autre façon.
_ Merci Parvati, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi.
_ Rien bien sûr rétorqua d’un air fanfaron cette dernière, non plus sérieusement, restons humble tu t’en serais très bien sortie. On est humaines Pansy, on a le droit de ne pas toujours faire ou ressentir de belles choses. Ce n’est pas parce qu’un jour, tu as fait une erreur monumentale que maintenant tu n’as plus le droit à l’erreur. Tu as le droit Pansy de tomber, et à l’auberge des gens brisés tu trouveras toujours au moins une personne pour te relever.
Par cet après-midi hivernal, Pansy était assise au coin du feu, une tasse de chocolat dans une main, et la main de Parvati dans l’autre. Un soleil rasant frappait aux carreaux du salon et réchauffait péniblement le canapé au coin de la cheminée. C’était un jour comme un autre à l’auberge des gens brisés.
Les contraintes pour cette 2eme épreuve du concours étaient :
Thème principal : votre personnage fait une découverte
Inclure les mots : constellation, houx, fredonner, orphelinat, perfection, humble
À indiquer en gras dans le texte
+
Choisir au moins 2 parmi les 3 défis supplémentaires suivants :
➤ Votre personnage se retrouve bloqué quelque part à cause de la neige
➤ Un secret de famille est dévoilé/refait surface
➤ L’histoire commence et finit avec la même phrase
Ce texte suit celui de la première manche à savoir : le mystère Lavande - Pansy
Mais vous n'avez pas besoin de lire le premier pour comprendre l'histoire.
De même, certaines allusions à d'autres de mes textes se sont glissées dans ce récit, mais vous n'avez pas besoin de lire ces textes pour comprendre, ils sont justes indiqués par un petit (0) dans le texte et en notes de bas de page pour que vous puissiez facilement aller les lire si vous le souhaitez.
(1) Chapitre 3 de l'auberge des gens brisés : Aux couleurs d'automne
(2) Chapitre 6 de l'auberge des gens brisés : Un petit livre jaune
(3) Monceaux de photos
(4) Le mur de l'amitié