Mais Harry avait depuis longtemps fait son choix. Peu importe ce qui lui en coûtait, ou combien cela le faisait souffrir. Il avait décidé de se battre jusqu’au bout pour la liberté et la survie des siens et de son camp.
— Tu devrais le savoir, Tom, murmura-t-il dans le vent. Jamais je n’abandonnerai…
Ce soir ils allaient, d’une façon ou d’une autre, mettre fin à une guerre qui avait commencé il y avait plus de dix-huit ans. Une guerre qui avait pris une tout autre tournure pour Harry et son alter ego, son éternelle Némésis, il y a près de deux ans.
Harry ferma les yeux.
Deux ans d’amertume et de défi, de bras de fer, de duel de volonté et de tromperie…
Deux ans que les Mangemorts multipliaient leurs attaques, à la fois sur le monde des sorciers et des Moldus, depuis que le retour de Lord Voldemort avait été révélé au grand jour.
Deux ans de catastrophes, de rapts, de rafles et de meurtres… Deux années dans la peur, l’insécurité et le deuil.
Into your house, into your bed
Into your streams, into your streets…
Tout cela pour provoquer Harry et le punir. Le détourner lui et ses amis de leur mission. Leur quête des Horcruxes, pour laquelle ils ont tout sacrifié, voilà maintenant près d’un an. Une sombre et sanglante année à vivre en cavale, isolés, des fugitifs traqués… par cette chasse acharnée des indésirables.
Une année pendant laquelle Voldemort usa inlassablement de leur connexion unique pour pénétrer ses cauchemars, lorsque son esprit était le plus faible, et le torturer avec ses peurs les plus profondes, ses désirs les plus inavouables…
Until you break, until you yield!
Harry rouvrit les yeux lorsqu’il sentit une main sur son épaule. Il se retourna pour faire face à Ron et à Hermione qui se tenaient à ses côtés, main dans la main, aussi déterminés que lui. Son éternel soutien.
Puis d’autres personnes les rejoignirent. Les professeurs de Poudlard, dont Hagrid accompagné de Graup, et le centaure Firenze, les membres de l’Ordre du Phoenix, la famille Weasley au complet… mais aussi les elfes des cuisines et de nombreux élèves des quatre maisons toutes années confondues, leurs baguettes serrées entre leurs doigts blanchis, l’appréhension et l’incertitude se lisant ouvertement sur leurs visages juvéniles.
Le professeur McGonagall lui adressa un signe de tête avec fierté, avant de lever sa baguette haut au-dessus de sa tête, bras tendu, et de commencer à formuler de complexes sortilèges de protection, auxquels vinrent s’ajouter ceux des professeurs Flitwick et Slughorn, puis de l’Auror Kingsley Shacklebolt, de Mr et Mrs Weasley, de Bill et de Fleur, des elfes de maison, de certains élèves de dernières années… leurs baguettes illuminant la nuit.
Tonks se tenait aux côtés de son mari et Remus Lupin offrit au fils de James et de Lily Potter un de ses sourires doux et rassurants.
Harry sentit son cœur se gonfler dans sa poitrine à la vision de tous ces êtres, pourtant si différents, unis dans l’amour et l’adversité.
Il leva les yeux au ciel pour voir se former un dôme de lumière empreint de magie blanche et progressivement englober l’enceinte du château.
“Nous t’attendons, Tom…”
Non loin de là, Lord Voldemort observait aussi le phénomène. Le message était clair. Bande d’imbéciles… Ils signaient ainsi leur arrêt de mort.
— Oh, Harry, murmura-t-il, tu as toujours fait les mauvais choix…
À son tour il leva sa baguette, entouré de ses fidèles Mangemorts, et appela à lui toutes les créatures des ténèbres, ses alliés naturels, sous sa Marque…
Loups-garous, Détraqueurs, Acromentules, géants et Inferi vinrent grossir ses rangs… emplissant l’air de ricanements déments, de grognements sauvages, de cliquetis terrifiants, de tremblements de terre et du grondement des arbres déracinés, d’une aura glacée et de l’odeur du sang…
Thus saith the Lord!
Harry se souvenait comment tout avait commencé. Comment tout avait changé. Comment tout aurait pu changer…
Il s’enfuyait à toutes jambes à travers le Département des mystères, entraînant Hermione et Neville avec lui, les Mangemorts à leurs trousses. Ils avaient été séparés des autres et il espérait qu’ils avaient déjà pu atteindre la sortie. Il s’en voudrait à jamais si l’un de ses amis devait payer le prix de ses erreurs, alors qu’ils l’avaient accompagné de leur plein gré, pensant porter secours à Sirius. Mais à cause de lui, de sa propre stupidité, ils étaient tombés dans un piège. Il avait joué le jeu de Voldemort.
Ils passèrent précipitamment une porte et se retrouvèrent dans la Salle du Temps. Ils eurent tout juste le temps de se cacher sous des tables lorsqu’entrèrent à leur suite deux Mangemorts, Jugson et Dolohov. Voyant qu’Hermione allait être découverte, Harry sortit de sa cachette et lança le Maléfice du Saucisson sur Jugson, qui tomba à la renverse. Dolohov se tourna alors vers lui, levant sa baguette, mais Hermione fut plus rapide et le fit taire à l’aide d’un Sortilège de Mutisme. Il se vengea néanmoins en jetant sur elle un maléfice non formulé. Hermione poussa un cri au contact de la magie noire et tomba à la renverse.
— Hermione !
Harry se précipita pour la rattraper avant qu’elle ne percute une armoire remplie de Retourneurs de Temps. Neville se jeta alors sur Dolohov, mais celui-ci lui donna un coup de poing au visage, lui brisant à la fois le nez et sa baguette. Harry trébucha à son tour et tomba avec Hermione. Il entendit le bruit du verre brisé avant d’être entraîné dans un tourbillon de vent et de couleurs. Puis il s’évanouit au contact dur et froid du sol, une fois le silence revenu.
A son réveil, Harry ouvrit les yeux à l’infirmerie de Poudlard et fut choqué de voir une autre infirmière que Mrs Pomfresh, et portant un uniforme étrangement différent, l’accueillir et les soigner, lui et Hermione. Il se souviendrait toujours du soulagement qu’il ressentit à la voir éveillée, ainsi que du regard légèrement effrayé qu’elle lui lança, l’incitant à ne faire aucun commentaire.
Devant elle se tenait alors un Albus Dumbledore à la barbe et aux longs cheveux auburn, qui juraient fortement avec sa robe de sorcier couleur cramoisie.
— Professeur…
— Harry ! chuchota Hermione, le coupant.
Il remarqua alors que Dumbledore répondait à un petit sorcier chauve et ridé en l’appelant “Directeur”. Il s’agissait d’Armando Dippet, le prédécesseur de Dumbledore, que Harry reconnut grâce à son portait qu’il avait déjà vu accroché dans le bureau de Dumbledore. Et à côté d’eux se tenait un jeune homme, vêtu d’une robe de sorcier aux couleurs de Serpentard, qui portait sur sa poitrine un insigne de préfet flamboyant. Un garçon grand et mince, aux yeux et aux cheveux sombres. Un garçon très beau, au visage noble et pâle. Il s’agissait de Tom Jedusor. Tom Jedusor tel que Harry se souvenait l’avoir vu dans un souvenir, gardé dans un journal intime pendant cinquante ans, lors de sa deuxième année à Poudlard. Ils avaient remonté le temps jusqu’en 1941.
Grâce à la vitesse d’esprit d’Hermione, ils purent expliquer leur apparition et leur état en se faisant passer pour des orphelins fuyant la guerre qui se déroulait actuellement sur le continent. Harry l’entendit expliquer aux professeurs qu’ils s’appelaient Harry et Hermione Evans et que leurs parents avaient été tués par des partisans de Grindelwald. Dippet sembla croire à son histoire et compatir. Harry, lui, ne pouvait détacher son regard de Jedusor, ses poings tremblant presque tant il serrait de rage entre ses doigts les draps du lit. Une idée folle lui vint alors en tête. Et s’ils parvenaient à défaire le mage noir avant qu’il ne puisse faire de mal à quiconque ? Dumbledore, quant à lui, fixait Harry de ses yeux bleus avec intérêt. Hermione n’aima pas l’idée d’Harry lorsqu’il lui en parla, tout cela l’inquiétant grandement. Il parvint néanmoins à la convaincre d’inciter le Choixpeau magique à les répartir tous deux chez Serpentard, en cinquième année, auprès de leur ennemi.
Oh, comme il aurait dû se méfier, et comme il s’en mordait les doigts maintenant. Hermione avait raison, même sans le savoir… Il ne savait pas à quoi il s’attaquait… Non, bien sûr, il ne cherchait pas à le tuer. Seulement à le dénoncer, faire tomber son masque au grand jour et stopper ses projets avant qu’il ne devienne Lord Voldemort…
Bien entendu, Jedusor sembla tout d’abord se méfier d’eux. Harry était incapable de faire semblant d’ignorer quel démon se cachait en réalité sous ces traits angéliques. Et il ne se fit pas que des amis en s’en prenant, d’une façon qui sembla aux yeux de tous bien injuste, au préfet et talentueux orphelin tant admiré de leur maison. Harry fut néanmoins déstabilisé de l’intelligente subtilité avec laquelle Jedusor répondait à sa haine et à son mépris. Et il se mit alors à douter… Avait-il tort de reprocher à Jedusor les futurs crimes de Voldemort ?
Harry essaya de prétendre qu’il n’était pas impressionné par les talents magiques que le jeune homme démontrait en classe. Après tout, il avait connu Hermione toute sa scolarité, qui n’avait jamais raté le moindre enchantement. Et lui-même n’était pas dénué de capacités, étant incroyablement agile sur un balai, ayant monté l’A.D., et il était aussi capable de résister à un sortilège de l’Imperium…
Malheureusement, très rapidement, il essaya aussi de se convaincre qu’il n’était pas sensible au charme du garçon, ni touché par son caractère et sa situation… Il ne put cependant occulter longtemps le fait qu’ils se ressemblaient tant, et par bien des aspects. Regrettait-il d’avoir sous les yeux une version si humanisée de son ennemi ? Ce garçon, qui n’avait pas connu ses parents, obsédé par ses origines, pour qui Poudlard représentait la seule véritable maison qu’il ait jamais connue et qui redoutait par-dessus tout son retour à chaque vacance d’été. Un jeune homme ambitieux, si désireux de faire ses preuves, mais aussi rêveur, mystérieux et définitivement seul.
Frustré par cette réalisation, Harry ne put s’empêcher de s’enflammer une fois de plus contre son ennemi, le défiant et le contredisant en cours de DCFM, entraînant un échange verbal violent, dérapant en affrontement contre le règlement de l’école et écopant tous deux d’une retenue une fois pris en faute par leur professeur.
Bien sûr, ne s’arrêtant pas là et ayant quelque chose à se prouver, l’heure de retenue se transforma en un défi, les entraînant tous deux au sein de la Forêt interdite en pleine nuit, au cours d’un orage où tour à tour ils mirent stupidement leur vie en danger, pour finalement se retrouver dans la situation de devoir collaborer pour survivre, se sauvant mutuellement la vie face à une bande de trolls enragés.
Et ce fut là où, se faisant face, Jedusor étant blessé au bras et Harry portant une balafre sur la joue, essoufflés par la colère et l’adrénaline, qu’une insulte de trop fusa, une vérité éclata, leurs regards se croisèrent et leurs sentiments se transformèrent en quelque chose de différent, quelque chose de nouveau…
“Qu’est-ce que tu me reproches à la fin ?”
“Je te déteste !…”
“Je ne t’ai pourtant rien fait.”
“Je hais ce que tu représentes…”
“Tu en es sûr ? Moi je crois que tu mens.”
Et leurs lèvres se rencontrèrent, se dévorant l’un l’autre, cherchant dominance et à faire taire tout le reste. Leurs mains s’empoignèrent sans tendresse, leurs cheveux s’ébouriffèrent, et lorsque - le souffle court et les joues rosies par le froid et l’excitation - leurs regards aux pupilles dilatées s’accrochèrent à nouveau, l’impensable réalisation les percuta et ils se séparèrent prestement.
Ils n’en reparlèrent pas avant des jours et s’évitèrent d’un commun accord. Harry avait déjà flirté avec Cho Chang, mais n’avait jamais rien connu ou ressenti de tel. Que lui arrivait-il ? Il ne savait comment réagir face à ce nouvel aspect de Tom Jedusor. Se pouvait-il qu’il… ? Puis le charmant jeune homme l’aborda à nouveau, lui susurrant les mots qu’il désirait entendre sans même le savoir, et Harry sut qu’il avait perdu. Il se laissa séduire par Tom Jedusor. Ce garçon qui n’avait encore tué personne. Et une nouvelle idée, encore plus folle, naquit : et s’il pouvait le sauver ? Que Tom Jedusor ne devienne jamais Lord Voldemort ? S’il connaissait la véritable force de l’amitié et le pouvoir de l’amour…
Reste avec moi…
Je veux tout connaître de toi…
Tout partager avec toi…”
Il se laissa ainsi tenter par l’idée qu’il pouvait le changer et crut toutes ses promesses, tous ses mensonges…
Jusqu’à cette nuit inoubliable où ils se donnèrent l’un à l’autre. Cette nuit qu’ils partagèrent, dans son lit au sein du dortoir des Serpentard, dans l’intimité des rideaux tirés et de l’Assurdiato jeté. Cette nuit fiévreuse, aux draps froissés, aux mains tremblantes et aux lèvres frissonnantes, où il lui fit soupirer et crier son nom. “Tom !”
Plus de secrets, ils s’étaient dit. Et pourtant, Harry n’avait jamais pu être entièrement sincère envers lui. Oh, combien il s’en était voulu. Et combien il avait souhaité le croire quand il lui avait dit ne pas avoir ouvert la Chambre des Secrets…
Hermione avait été si compréhensive et si compatissante dans sa chute et sa peine face à la dure réalité, lorsqu’il réalisa qu’il avait eu tort. Qu’il ne pouvait pas le changer…
Lorsqu’il l’avait senti différent, lorsqu’il l’avait poussé à lui dire la vérité et qu’il lui avait avoué avoir assassiné son père Moldu qu’il avait finalement retrouvé…
Déçu, Harry se détourna tristement de son amant, écoutant Jedusor déverser sur lui sa rancœur, l’accusant de l’abandonner, de le trahir…
“Et toi, tu ne m’as jamais menti, peut-être ? Toi, et ta soi-disant sœur…”
“C’est différent, je… je ne peux pas…”
“Tu avais dit que tu m’aimais… Regarde-moi ! C’est ce que je suis ! Ou est-ce là toute la force de ton prétendu amour ?”
Et toute cette aventure, cette torture prit fin, Harry et Hermione sentant sur eux l’appel du Retourneur de Temps brisé les aspirant de retour à leur époque.
Propulsés de nouveau dans la bataille du Département des mystères en 1996, les deux jeunes gens n’eurent pas le temps de penser à tout ce qui leur était arrivé, ou de panser leurs blessures. Et alors que Harry subissait cruellement la violente perte de son parrain et poursuivait dans sa transe vengeresse Bellatrix Lestrange dans le hall du ministère, jetant pour la première fois un sortilège Impardonnable, il sentit sa cicatrice le brûler de nouveau.
Il se tenait là, devant lui, grand et mince dans sa robe noire, si différent du garçon qu’il avait connu. Chauve, le visage pâle et la face de serpent, Lord Voldemort le dévisageait de ses pupilles écarlates avec un mélange d’horreur et de haine tel qu’il ne lui avait jamais servi auparavant, tenant devant lui sa baguette d’une main aux longs doigts fins tremblant de rage. Et Harry pouvait sentir en lui son choc, sa colère et son désarroi… face à la vérité, enfin révélée.
Bien entendu, jamais Harry ne le rejoignit, et ils s’affrontèrent férocement… Tous deux animés par la douloureuse et amère conviction qu’il aurait pu et pourrait en être autrement. Comme cela avait été le cas, autrefois… Mais tout cela semblait maintenant un rêve bien lointain et naïf.
Once I thought the chance to make you laugh
Was all I ever wanted
Harry observa au-dessus de lui la lumière des puissants sortilèges enflammés, qu’il savait lancés par Voldemort, et qui ébranlèrent un instant les barrières de protection mises en place, se reflétant dans ses yeux verts. Elles ne tiendraient plus longtemps… Ils arrivaient…
I send the fire raining down
Comme s’il n’avait pas suffisamment souffert de pertes, la même nuit où Harry avait perdu Tom, son Tom, et Sirius, fut la nuit où il apprit la vérité sur la Prophétie prononcée avant même sa naissance. La nuit où il apprit de Dumbledore que nulle fin heureuse n’était permise pour eux… Et qu’il était condamné à incarner celui qui était destiné à mettre fin aux jours de l’homme qu’il avait autrefois aimé.
Serving as your foe on its behalf
Is the last thing that I wanted
Hermione avait toujours fidèlement gardé son secret et ne l’avait jamais jugé pour ce qu’il ressentait. Malgré ses efforts, il ne parvenait totalement à l’oublier. Durant sa sixième année, il s’était certes rapproché de Ginny, qu’il appréciait énormément, mais n’avait jamais vu en la pétillante jeune fille qu’une amie proche, voire une petite sœur.
Puis un soir, il avait fini par avouer à Ron tout ce qu’il s’était passé pendant leur voyage dans le temps… Avait-il craint que son meilleur ami ne le regarde différemment s’il apprenait ce qu’il avait fait ?
Ron, qui, influencé par l’Horcruxe contenu dans le médaillon de Serpentard pendu à son cou, lui avait reproché sous la tente leur manque d’avancement dans leur quête et l’avait accusé de faire exprès de les ralentir, comme quoi il ne souhaitait pas réellement détruire Voldemort, parce qu’il l’aimait toujours, et les mettait tous en danger…
Hermione avait elle aussi déjà laissé suggérer que s’il ne luttait pas sérieusement contre les intrusions mentales de Voldemort, c’était peut-être parce que, au plus profond de lui, il souhaitait conserver cette connexion unique avec lui… peu importe combien cela le faisait souffrir… parce que c’était tout ce qu’il lui restait.
Soudainement, le dôme de lumière se brisa au-dessus de leurs têtes, des explosions retentirent aux quatre coins du château, au milieu des cris de panique, et les enchantements fusèrent. Ils étaient là. Harry se sentit pénétrer du froid glacial des Détraqueurs, annonciateur d’un monde dénué d’espoir, et puisa au plus profond de lui pour trouver la force de produire un Patronus corporel galopant et propageant sa lumière salvatrice. La bataille ne faisait que commencer.
On every field, on every town
Les cris des habitants du château parvinrent jusqu’aux oreilles de Lord Voldemort lorsque sa magie eut raison de la leur et que ses Mangemorts donnèrent l’assaut.
“Harry, pourquoi toujours te compliquer la vie ? Alors que je te propose la facilité…”
Il vit au loin des murs de pierre s’éventrer, des ponts s’effondrer et des tours s’écrouler… Il les avait pourtant prévenus. Dans sa grande magnanimité, il leur avait laissé une chance. Qu’on ne vienne pas dire après cela qu’il était incapable de faire preuve de clémence. Il ne prenait aucun plaisir à endommager un tel édifice, empreint d’histoire et de magie. Un lieu dans lequel il s’était enfin senti accepté. Où il avait vécu les instants les plus heureux de sa vie…
All this pain and devastation
How it tortures me inside
Un lieu où il avait rencontré celui… le seul… et avec qui il avait partagé… tout.
Une lueur incandescente destructrice illumina soudainement le regard du mage noir. Non. Tout était de sa faute ! S’il n’était pas si stupide, si buté… Si seulement l’autre s’était rendu à l’évidence… Harry ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Et une fois la guerre gagnée, Lord Voldemort comptait bien faire en sorte que la communauté magique des sorciers n’oublie jamais la souffrance qu’elle aura endurée due à la bêtise de son tristement vaincu Sauveur.
From your stubbornness and pride!
Voldemort se souviendrait toujours de sa première rencontre avec le garçon qui l’avait tant intrigué, plus que nul autre. Il les avait tant suspectés. Leur histoire, leur étrange apparition… quelque chose ne collait pas. Il les observa longuement lui et la fille, toujours fourrés ensemble, dans la salle commune ou à la bibliothèque… Étaient-ils réellement frère et sœur ? Pourquoi auraient-ils menti ? Ils semblaient en effet partager un lien indéfectible… Quelque chose que lui-même ne connaissait pas, n’avait jamais connu… Se pouvait-il qu’il leur enviât ce lien qui les unissait ?
Il avait du mal à cerner ce garçon qui semblait incapable de dissimuler ses sentiments et portait son cœur en bandoulière tel un imbécile de Gryffondor, et notamment son étrange ressentiment à son égard. Il n’en avait cure s’il ne l’appréciait guère. Et pourtant, il était étrangement frustré par le fait que ce nouveau venu semblait lire à travers lui et connaître ses secrets les plus sombres. Il n’agissait pas comme tous les autres autour de lui, si facilement aveuglés par son charisme. Ce n’était ni un faible en recherche de protection, ni un ambitieux en quête de gloire et de grandeur. Mais alors, quel était donc son but ? Des fois, il l’agaçait presque autant que Dumbledore. Mais d’autres fois… malgré son histoire, il percevait en lui un manque, tel un vide à combler, une sorte de tristesse, une part de ténèbres… tout comme chez lui.
Il se sentait étrangement attiré vers lui. Pourquoi ? Le garçon n’était certes pas dénué de talents magiques, mais était encore loin de lui arriver à la cheville. Il se rendit alors compte qu’il cherchait à impressionner le garçon, qu’il désirait son admiration, son abdication… Il voulait le battre, le soumettre… et prouver son ascendance sur lui.
C’est pourquoi il se laissa bêtement provoquer, une fois de plus offusqué par les accusations et l’agressivité de l’autre à son égard. Il se retrouva alors au cœur d’une aventure qu’il n’aurait jamais imaginée vivre ou partager, et surtout pas avec un compagnon d’armes. Une personne à qui, il dut se l’avouer, il devait en partie la vie… ce à quoi il tenait plus que tout.
“Toi aussi…”
Et alors qu’il pensait avoir enfin gagné son intérêt, ce dernier sembla contre toute attente le rejeter une fois de plus. Il ne comprenait pas. Il voyait pourtant bien comment l’autre garçon le regardait sans cesse. Il s’était dévoilé à lui plus qu’avec nul autre. Que souhaitait-il de plus ? Son entêtée résistance lui fit voir rouge et son besoin de reconnaissance se transforma soudainement en désir de dominance charnelle. Ses actes l’étonnèrent lui-même, n’ayant jamais cherché le contact physique avec un autre être humain. Mais toucher l’autre garçon, et mêler sa langue à la sienne, lui procura un énorme sentiment de satisfaction et un plaisir inattendu, surtout lorsque l’autre répondit avec passion à ses avances. Voldemort sourit intérieurement. Il avait gagné.
D’abord choqué par la révélation, il accepta finalement le fait qu’il en voulait plus. Qu’importe qu’on le jugeât « contre-nature », Lord Voldemort était au-dessus des lois des hommes. Il désirait posséder le jeune garçon et il obtenait toujours ce qu’il désirait. Et s’il était vrai, comme le soutenait Dumbledore, que l’amour était l’une des formes de magie les plus puissantes, alors il la maîtriserait et s’en emparerait, comme le reste. Comme il était étrange de se l’entendre dire, ou la première fois que les mots traversèrent ses lèvres. Mais pas désagréable. Étrangement satisfaisant.
Il ne souhaitait pas que Harry fasse partie de son cercle. Non, Harry était à part. Ils partageaient quelque chose d’unique. Il le voulait à ses côtés. Il lui avoua même la recherche de ses origines, certaines de ses ambitions pour l’avenir…
Le jour où il apprit qu’il parlait lui aussi le Fourchelang, il supposa qu’il existait peut-être une autre branche, plus méconnue et éloignée, des descendants de Serpentard. Ou alors que Harry possédait une prédisposition à un certain type de magie qu’il favorisait. Cela l’excita grandement. Et expliquait en partie pourquoi il se sentait attiré par lui, ainsi que leur ressemblance.
Quelle jouissance, la nuit où il put clamer totalement ses droits et son pouvoir sur le garçon. La nuit où il le fit sien. Son nom n’était beau que sur ses lèvres et il avait bien l’intention de l’entendre un jour gémir et crier un autre nom qu’il lui apprendrait, son nouveau nom…
Leurs doigts entrelacés, il s’imagina qu’il en serait toujours ainsi et que rien ne changerait jamais.
Que ne fut pas sa peine et sa fureur à la réaction du jeune homme lorsqu’il lui extirpa des aveux sur ses derniers agissements. Il ne le connaissait que trop bien et avait pressenti qu’il serait difficile de lui faire admettre une autre morale que celle dans laquelle il était engoncé.
Le bien et le mal n’existaient pas… Seul comptait le pouvoir… Pourquoi refusait-il de comprendre ? Comment osait-il le quitter après tout ce qu’ils avaient partagé ? Après toutes leurs promesses ? Comment pouvait-il le trahir de la sorte…
Ensemble, ils auraient pu être indestructibles, conquérir ce pays et bien plus ! Si c’était cela l’amour, alors il le détruirait.
Such as the world has never seen
On every witch, on every folk
Until there's nothing left that live
Ce n’est que bien des années plus tard, apparaissant au ministère de la Magie pour exécuter lui-même son plan, lorsqu’il posa de nouveau les yeux sur le garçon qui l’avait tant de fois défié et représentait encore une désagréable épine dans son pied, qu’il le reconnut et comprit l’infamie.
Dans son dégoût, sa honte et sa rage, il comprit alors que le garçon, le seul qu’il avait jamais aimé et considéré comme son égal, celui qui l’avait injustement trahi et abandonné, disparu tant d’années auparavant sans laisser de traces, ne faisait qu’un avec Harry Potter ! Celui qui avait failli le vaincre autrefois et qu’il avait déjà plusieurs fois tenté d’éliminer en vain.
Il entra alors dans une fureur telle qu’il n’en avait jamais connue. Une nouvelle haine renouvelée pour le garçon qui avait osé pénétrer dans son intimité en toute impunité. Comment avait-il osé lui reprocher autrefois de lui avoir menti, lui qui l’avait tant trompé ?
Le monde magique tremblera sous le règne de Lord Voldemort. Nul ne sera épargné, Moldu comme sorcier.
Thus saith the Lord!
Oh oui, il désirait punir le garçon et le faire souffrir. Mais au cours de l’année où il chercha à se débarrasser une bonne fois pour toute de Dumbledore, cette année où le garçon lui était encore inaccessible, protégé derrière les hauts murs de Poudlard et par le ministère, il ne put s’empêcher d’y penser…
Harry, son Harry, était vivant… jeune et vigoureux… Il l’avait finalement retrouvé. Avait-il encore une chance de le rallier à sa cause, après tout ce qu’il s’était passé ? Ou peut-être qu’il ne lui laisserait pas le choix…
Il chercha alors à atteindre le garçon, à le tenter… Mais il lui résista, encore. Il lui promit la gloire à ses côtés. Il ne trouverait que la déchéance et la souffrance s’il décidait de s’opposer à lui. Il lui reprochait la perte de ses proches, alors pourquoi ne pas y mettre fin en se soumettant et en le rejoignant ? Il savait que le garçon le désirait encore.
“Pourquoi faut-il que tu t’imposes cela, Harry… que tu nous imposes cela ?”
Stupide et fier jusqu’au bout. Pourri jusqu’à la moelle par les fausses idées de Dumbledore.
Why must you call down another blow?
“Tu l’auras alors décidé, Harry… Si c’est ce qu’il faut pour que tu renonces… Si je dois tuer chaque sorcier et sorcière qui se tient entre toi et moi pour que tu sortes de ton trou… Je ne reculerais devant rien.”
Harry avait maintenant enfin appris la dure et douloureuse vérité… Il était un Horcruxe. Le dernier. Cela expliquait son lien unique avec Voldemort, cette connexion qu’il avait utilisée pour le torturer et le tromper, sans jamais se douter de ce qu’elle signifiait pour lui, pour eux… Mais maintenant, Harry était prêt. Il savait ce qu’il avait à faire. Il était prêt à se sacrifier s’il le fallait… pour sauver le monde des sorciers du joug de cet homme fou, de ce monstre qu’il était devenu…
Thus saith the Lord
Voldemort se jeta à son tour dans la bataille et pénétra les murs tombés de Poudlard. D’un geste désinvolte de sa baguette, il réduisait à néant quiconque se trouvait sur sa route, son serpent Nagini à ses côtés.
Soudain, il l’aperçut devant lui. Le voilà, le Sauveur, le traitre, le lâche.
— Tu as fini de te cacher, Harry ?
— C’est terminé, Tom.
Voldemort siffla.
— Je t’ai laissé une dernière chance, Sssehaaya seythaasss… Tu ne m’as pas écouté…
Harry déglutit à l’entente du surnom que son ancien amant avait pour habitude de lui donner.
Difficilement traduisible, cela signifiait dans la langue des serpents “partenaire de vie”, “moitié” ou encore “à moi”. Mais il ne se laissa pas démonter pour autant.
— Tu me voulais ? Me voilà !
Harry s’avança face à lui, les bras en croix grands ouverts, désarmé. Un piège ? Voldemort plissa les yeux et leva lentement sa baguette…
— Avada Kedavra !
Un jet de lumière verte aveuglant, un cri de femme retentit, et le corps de Harry tomba mollement à ses pieds. Puis Voldemort reçu comme un violent coup à la poitrine qui l’affaiblit et l’essouffla. Quelle était donc cette sensation ? Comme si quelque chose à l’intérieur de lui l’avait quitté à jamais. Il jeta un dernier regard au cadavre de son ancien amant. Il était mort ?
Était-ce terminé ?
Lorsque la main de Harry, bien vivante, lui saisit la cheville.
— Maintenant ! cria le jeune homme.
Mais Voldemort ne comprit la supercherie que trop tard.
Le fils Londubat sauta des escaliers en pierre délabrés et trancha net la tête de Nagini d’un coup de l’épée de Godric Gryffondor.
Impossible ! Voldemort hurla de hargne en se tournant vers le nouveau venu, les yeux plus flamboyants que jamais, prêt à tuer. Mais il fut alors attaqué par Harry lui-même et un duel enflammé s’engagea entre eux.
Londubat courut se réfugier vers d’autres jeunes gens. Elle était là elle aussi, aperçut Voldemort, la fausse sœur. Il les tuerait tous devant ses yeux.
How could you have come to hate me so?
Is this what you wanted?
Bien qu’ils étaient pris dans leur duel, la bataille faisait rage autour d’eux, et plus d’une fois Voldemort vit que Harry était distrait, ses yeux s’écarquillant de peur et d’horreur devant les cadavres mutilés de ses camarades.
“Oh non, Harry, pensa-t-il, tu n’auras d’yeux que pour moi avant de mourir…”
— Tu ne peux pas me vaincre, Harry ! lança-t-il. Et ils mourront tous à cause de toi, j’y veillerai personnellement !
— Non ! cria Harry avant de lui lancer un nouveau sort non mortel.
Voldemort fit retentir son rire glacial et sans joie.
— Tu ne cherches donc pas à me tuer, Harry ? le taquina-t-il. Se pourrait-il que tu ressentes encore quelque chose pour moi ?
— Tu es déjà mort sans le savoir, Tom. Mais tu ne mourras pas de ma main, mais de ton propre fait, de tes propres erreurs.
Voldemort hurla de rage et se jeta sur lui.
Leur duel les conduisit au centre des combats et tous s’arrêtèrent pour témoigner de leur affrontement historique.
— Tu aurais dû me rejoindre, me choisir, si tu savais ce qui était bon pour toi ! cracha Voldemort.
— Je suis en paix avec moi-même, Tom, répondit calmement Harry. Peux-tu en dire autant ? Jamais je ne regretterai mon choix de te combattre. Justement pour sauver tous ceux dont la vie n’a pas de valeur à tes yeux. Elle en a pour moi !
Les pupilles de Lord Voldemort rougeoyèrent à ses paroles.
And never mind how high the cost may grow
This will still be so:
I will never let your people go!
Ils étaient ainsi condamnés à s’affronter, jusqu’à la mort…
“Tu as fait ton choix…”
Ils levèrent leurs baguettes… Voldemort tenant entre ses doigts la Baguette de Sureau de Dumbledore…
“Expelliarmus!”
Thus saith the Lord!