Blaise se regarde dans le miroir. Pour la première fois depuis très longtemps, Blaise sourit.
Aujourd’hui, Maman est morte.
Blaise s’est glissé avec délice dans ses habits de cérémonie. La robe écarlate a ondoyé sur sa peau d’ébène. Le pinceau a frénétiquement remodelé ses traits, et la douce cascade de cheveux roux tombe à nouveau sur ses épaules, recouvrant son crane ras.
Mais cette fois, cette peau ne se flétrira pas en sortant de la chambre. Blaise ouvre toutes les portes.
Sa femme le regarde faire avec une expression indifférente. Il y a longtemps que Daphné ne se soucie plus de ce que fait son mari.
Bientôt, elle aura enfin le divorce qu’elle voulait.
La peau de Blaise tombe au sol dans un chuintement, mue morte.
Psyché est la plus belle des femmes, et aujourd’hui, Vénus est morte.
Psyché a triomphé des ronces et du venin.
C’est son corps qui marche maintenant, qui sort de la maison. Psyché ne sera plus jamais personne d’autre qu’elle-même.
Les murmures s’enroulent autour de ses pieds, mais elle ne vacille pas sur ses talons de diamant.
Suprême insolence, pensent tous les invités dans leur stupidité, cette belle femme inconnue qui se dresse au-dessus de la tombe de Venus Zabini.
Venus Zabini était la beauté incontestée. Elle était aussi le poison premier.
Elle a avalé à pleine bouche tant de derniers souffles.
Psyché se souvient de ses longues mains manucurées drapées sur ses épaules d'enfant. Du grattement de ses ongles sur ses vêtements. Sa voix à son oreille, le ronronnement : Blaise, chéri.
Il n'y avait aucun amour dans ce mot affectueux, rien d'autre qu'une satisfaction ravie.
Psyché le savait. Elle avait vu tous les hommes que sa mère appelait "chéri". Elle avait vu leurs lèvres bleuies, leurs yeux exsangues.
Elle a vu Venus sur toutes les scènes, dans toutes les représentations.
Elle a entendu tous ses sanglots staccato.
Sa mère l’a laissée baigner dans ces effluves de mort, comme si sa survie à elle était un cadeau.
Le seul homme intouchable dans la maison Zabini.
Quelle ironie.
Elle sourit, elle prend le visage flottant de sa mère entre ses mains. Elle s’imagine caresser la peau douce, elle la remodèle, et bientôt, Venus est là dans toute sa splendide vérité.
Un soleil brûlant, ses lèvres déformées de rage, la haine son seul ornement.
Psyché sait bien que Venus n’est pas la plus belle des déesses.
Elle est la plus laide, celle qui massacre sans répit.
Psyché est la première à survivre à la Veuve Noire et ses pieds sanglants.
Le cercueil flotte dans les airs, recouvert de roses écœurantes.
La déesse à la peau de mer mouillée s’enfonce dans la terre. L’ichor dégouline.
Psyché se tourne vers la foule en noir, tous les menteurs et leurs larmes bleues. Ils se demandent pourquoi Blaise est absent, l’unique héritier de la meurtrière, assis à présent sur la montagne de sa fortune.
Ils ne savent pas que Psyché entre dans le monde, qu’elle incline son visage vers le soleil.
Elle marche vers le premier d’entre eux qu’elle reconnaît, un ami proche de Vénus. Elle le regarde, du haut de son éclat impitoyable, et elle enregistre le moment où il comprend qui est en face de lui.
C’est parfait. Ils ne l’effaceront plus jamais.
- Enchanté, dit-elle. Je suis Psyché Zabini.