Sur la poitrine de Lavande, un camélia blanc. Pansy, hypnotisée, ne cesse de l’admirer. Malgré les cicatrices, malgré la mort, lavandula reste pure, gracieuse, sereine, lorsqu’elle dépose quelques pétales dans le chaudron bouillonnant d’un geste élégant de la main.

Des effluves florales embaument les narines des deux femmes. Autour de Pansy, des dizaines de bouquets de laurier, de sauge, de mélisse, de coquelicot, de myosotis, d’azalée, des fleurs de toutes les couleurs, aux mille odeurs. Et sur les murs, des plantes de toutes les sortes. Grimpantes, vivaces, bulbeuses, herbacées. De toutes les sortes, de toutes les formes.

Pansy est entrée un après-midi de mai, il y a quelques jours. Quelques semaines. Quelques mois, peut-être. Elle aime venir ici. Elle se sent bien, presque en sécurité. Elle vient pour les fleurs. Pour un peu de tranquillité. Mais aussi – et surtout - pour la jolie apothicaire qui relève ses yeux bleus vers elle.

― Toujours la même demande ? s’enquiert la blonde.
― Une potion de sommeil, approuve Pansy, se dandinant sur son fauteuil en osier. Suffisamment forte pour assommer mes pensées.

Lavande sourit et ses traits se fissurent un peu. Le deuil, les souvenirs se rappellent à elles. Les cicatrices, mouvantes, ont soudainement l’air menaçantes. Ce n’est que l’espace de quelques secondes avant que Lavande ne refleurisse, son sourire se faisant soudainement immense. Le coeur de Pansy rate un battement.

― « Rassurez-vous, ayez l’esprit clair et calme », murmure Lavande, songeuse.
― Pardon ? s’étonne Pansy.
― C’est ce que ton prénom signifie, explicite-t-elle, attrapant un camélia qu’elle effeuille lentement au-dessus du chaudron. C’est plutôt logique que tu veuilles être en phase avec toi-même. Savais-tu que, depuis des siècles, la pensée – je parle de la fleur – est utilisée pour soigner les maux de tête et les étourdissements ? Elles ont énormément de vertus curatives, notamment anti-inflammatoires.

La brune fait la moue. Elle ne sait que répondre face à ces informations. Les cils de la blonde papillonnent. Lavande est comme ça. Changeante, éloquente, distrayante amante. En vérité, Pansy déteste son prénom. Sauf dans la bouche de Lavande. Quand elle le murmure, le clame, le gémit durant des heures. Son regard, obsédé, par le camélia blanc sur la poitrine de la jeune apothicaire ne cesse de glisser sur les seins ronds et fermes. Elle a chaud, très chaud soudainement. C'est la faute de ce chaudron bouillonnant.

― Et la lavande ? interroge-t-elle, faussement intéressée.
― Elle apaise les brûlures et les morsures, avoue Lavande, ses doigts retraçant doucement les cicatrices sur son visage. Mais, si on la mélange aux pensées, ses propriétés curatives guérissent les migraines et permettent de se relaxer, voire de dormir...
― Vraiment ? Alors, on devrait essayer… de se mélanger.

Le sourire de Pansy se fait équivoque carnassier. Les joues de Lavande rosissent lorsqu’elle devine les suaves pensées. Elle ne décline pas, elle ne se refuse pas. Elles s’embrassent et s’enlacent. Fleur parmi les fleurs. Et dans l’arrière-boutique de l’apothicaire, l’odeur des camélias, douce et subtile, se fait persistante alors que les fleurs se rassemblent.