Drago Malefoy soupira tout en roulant en boule la lettre qu’il venait de parcourir. Il venait à nouveau d’essuyer un refus. C’était déjà le onzième. Il commençait à désespérer, il lui semblait que personne ne voulait l’embaucher. Il avait beau avoir été diplômé très récemment avec les félicitations du jury, avoir été le major de sa promotion de maîtres des potions, il était l’un des rares à n’avoir eu aucune proposition d’embauche. Même les éléments les moins bons, ceux qui n’avaient pas vraiment travaillé et avaient passé leurs études en touristes, même eux avaient eu au moins une proposition. Mais lui, Drago Malefoy, inquiétait à cause de son passé et de sa famille. Son père mangemort croupissait à Azkaban, suite à ce que certains sorciers avait appelé le «procès du siècle» en raison du nombre étourdissant de personnalités du monde sorcier avaient été appelées à témoigner. Et sa mère s’était renfermée sur elle même et s’était laissée dépérir jusqu’à devoir être hospitalisée en soins de longue durée à Sainte-Mangouste. La famille Malefoy avait perdu sa réputation et sa brillance au yeux de la société sorcière, seul comptait aujourd’hui le fait qu’ils se soient alliés au seigneur des ténèbres. L’opinion publique n’avait toujours que faire de savoir que Drago n’avait été qu’un adolescent, tentant péniblement de survivre, forcé de suivre le chemin qu’avait tracé son père pour avoir l’espoir de continuer à voir l’aube du jour suivant.
Les descentes du ministère pour saisir les biens, le procès de son père qui avait voulu embaucher l’un des meilleurs et des plus chers avocats, les soins de Narcissa qui n’en finissaient plus... Tout cela avait taillé à vif dans la fortune familiale autrefois si glorieuse et admirée. Le manoir s’était vendu très facilement, la plupart des meubles également. Cependant, tous les artefacts magiques avaient été saisis par le ministère, alors en pleine chasse contre la magie noire et toutes traces du régime de terreur qui avait régné durant la guerre. Le service qui s’était chargé des examens avait toutefois été très honnête, et avait restitué à Drago tout ce qui n’avait pas été considéré comme dangereux. Il avait ainsi pu conserver une bonne partie de la bibliothèque de sa jeunesse, qu’il s’était empressé de mettre en sécurité dans son nouveau foyer.
Suite à une dernière année très complexe à Poudlard, il avait pu valider ses ASPIC en s’octroyant une excellente note en potions, qui avait toujours été sa matière de prédilection. De retour à Londres pour l’été, il s’était occupé de l’hospitalisation sa mère, qui était devenue indispensable. Et seul, dans le grand manoir de la famille Malefoy, il ne trouvait plus le repos ni la sérénité. Tout le ramenait constamment aux atrocités qui avaient été commises en ces lieux. Prétextant qu’il n’avait aucune utilité à vivre seul dans un lieu aussi grand, il avait contacté son ancienne camarade et amie Pansy Parkinson pour qu’elle l’aide à vendre le manoir. Elle avait fait honneur au titre de «plus prometteuse agent immobilière» décerné par la Gazette, et elle avait permis à Drago de trouver un acheteur en moins de deux semaines, et ce pour plus du double du prix qu’il avait espérer en tirer. Pansy l’avait ensuite aidé à trouver un petit appartement très coquet, refait à neuf dans un quartier verdoyant de Londres, à deux pas du Chemin de Traverse.
L’installation avait été rapide, Drago n’ayant conservé que des livres, des vêtements et des souvenirs de son ancienne maison. Il s’était fait plaisir et avait meublé à neuf son nouveau foyer, et était particulièrement fier de la bibliothèque sur mesure qui occupait une bonne partie des murs. Sa deuxième grande fierté avait été de faire aménager la seconde chambre en un laboratoire de potions. Il pouvait ainsi pratiquer à loisir et en toute sécurité son art, sans risquer d’incendier son logement et ses précieux livres. Ses anciens camarades du collège, devenus des amis proches, passaient régulièrement lui rendre visite, et amenaient dans sa vie cette énergie qui lui manquait tant. C’était eux qui l’avaient soutenu lorsqu’il avait parlé de s’inscrire dans une maîtrise diplômante en potions, eux qui l’avaient encouragé durant ces trois années d’études qu’il avait clôturé haut la main, réussissant - malgré une fin de scolarité décousue - à finir major de sa promotion, diplômé avec les félicitations du jury.
Pourtant, malgré toute la brillance dont il avait su faire preuve, il avait ces grandes difficultés à trouver un emploi. Les seuls contrats qu’il réussissait à décrocher étaient sur de courtes durées, des remplacements, ou pire, des périodes d’essai qui n’étaient pas validées. Non pas que Drago Malefoy soit mauvais dans son travail, ses qualifications et ses compétences prouvaient le contraire. Certes il n’était pas non plus un collègue parfait, jovial et amical, mais il aimait à penser que son tempérament de gamin prétentieux s’était depuis longtemps effacé pour laisser place à du professionnalisme et de l’exigence, envers les autres certes, mais surtout envers lui même. Malheureusement, il avait les idées assez claires sur ce qui poussait les employeurs à ne pas vouloir s’engager avec lui : il était Drago Malefoy, fils de mangemort. Et même s’il avait été reconnu non responsable des actes commis durant la grande guerre, il portait sur son corps les stigmates de cette époque, et son visage faisait toujours écho dans la mémoire collective à ceux des alliés du mage noir.
Il avait hésité à tout laisser tomber, mais ses amis l’avaient soutenu. Ils continuaient régulièrement à le houspiller pour qu’il s’active, et lui amenaient même de nouvelles annonces de postes lorsqu’ils en trouvaient. Il avait d’ailleurs reçu en ce matin de mai un mot griffonné de la main de Blaise, accompagné d’une coupure de journal. Vraisemblablement découpée dans la Gazette du Sorcier, il s’agissait d’une annonce de chez Weasley, farces pour sorciers facétieux. L’annonce, succincte, expliquait que l’entreprise était à la recherche de personnes pouvant les aider à développer de nouvelles formules «innovantes et créatives». Drago n’avait jamais envisagé de travailler pour une entreprise de ce genre. Mais il était prêt à tout essayer pour décrocher un poste. Il voulait pouvoir se regarder droit dans le miroir le matin et se dire qu’il était responsable de sa propre réussite, que l’époque à laquelle il était un fils à papa était révolue pour de bon. Et même s’il avait des craintes sur le fait que les frères Weasley accepte ou non son dossier, lui qui avait harcelé leur fratrie durant des années, il devait tout de même tenter le coup. Il était compétent, il avait confiance dans ses capacités. Il postulerait, et quoi qu’il arrive en suite, il accepterait ce que le destin lui réserverait.