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News

Nuit HPF du 23 août 2024


Chers membres d'HPF,

Nous vous informons que la 147e édition des Nuits d'HPF se déroulera le Vendredi 23 août à partir de 20h. N'hésitez pas à venir découvrir les nuits. vous inscrire !
Pour connaître les modalités de participation, rendez-vous sur ce topic.
A très bientôt !



De Équipe des Nuits le 19/08/2024 00:41


Programme de juillet des Aspics


Bonsoir à toustes !

Un peu de lecture pour vous accompagner en cette période estivale... Vous avez jusqu'au 31 juillet pour, d'une part, voter pour le thème de la prochaine sélection ici et, d'autre part, lire les textes de la sélection "Romance" du deuxième trimestre 2024, et voter ici !

Les sélections sont l'occasion de moments d'échange, n'hésitez pas à nous dire ce que vous en avez pensé sur le forum ou directement en reviews auprès des auteurices !


De L'Equipe des Podiums le 11/07/2024 22:30


Assemblée Générale 2024


Bonjour à toustes,

L'assemblée générale annuelle de l'association Héros de Papier Froissé est présentement ouverte sur le forum et ce jusqu'à vendredi prochain, le 21 juin 2024, à 19h.

Venez lire, échanger et voter (pour les adhérents) pour l'avenir de l'association.

Bonne AG !
De Conseil d'Administration le 14/06/2024 19:04


Sélection Romance !


Bonsoir à toustes,

Comme vous l'avez peut-être déjà constaté, sur notre page d'accueil s'affichent désormais des textes nous présentant des tranches de vie tout aussi romantiques ou romancées les uns que les autres ! Et oui, c'est la sélection Romance qui occupera le début de l'été, jusqu'au 31 juillet.

Nous vous encourageons vivement à (re)découvrir, lire et commenter cette sélection ! Avec une petite surprise pour les plus assidu.e.s d'entre vous...

Bien sûr, vous pouvez voter, ça se passe ici !


De Jury des Aspics le 12/06/2024 22:31


145e Nuit d'écriture


Chers membres d'HPF,

Nous vous informons que la 145e édition des Nuits d'HPF se déroulera le Vendredi 14 juin à partir de 20h. N'hésitez pas à venir découvrir les nuits. vous inscrire !
Pour connaître les modalités de participation, rendez-vous sur ce topic.
À très bientôt !


 


De L'équipe des nuits le 12/06/2024 12:33


Maintenance des serveurs


Attention, deux interventions techniques prévues par notre hébergeur peuvent impacter votre utilisation de nos sites les 28 mai et 4 juin, de 20h à minuit ! Pas d'inquiétudes à avoir si vous remarquez des coupures ponctuelles sur ces plages horaires, promis ce ne sont pas de vilains gremlins qui grignotent nos câbles ;)

De Conseil d'Administration le 26/05/2024 18:10


Compteuse-mireuse par Carmilla Dilaurentis

[1 Reviews]
Imprimante
Table des matières

- Taille du texte +
Note d'auteur :

Ecrit dans le cadre du Black Fest sur le discord Festumsempra.

Il fallait d'inspirer de deux chansons, une joyeuse, une triste, et d'un à deux mots rares.

Ok j'organisais le Fest, j'ai choisi mes propres prompts ahah.

Les CW sont pas trop hardcore mais je les mets en note de fin si ça peut vous rassurer.

Cassiopeia se leva à l’aube.
Prima, Urbain et Peligro l’attendaient.
Elle passa par la sortie des domestiques. La grande porte du manoir Black aurait été trop tonitruante.

À cette heure, les rayons du soleil n’offraient pas encore le privilège de la couleur au monde. La campagne alentour n’était que taches diffuses et nuances d’anthracite. De bon matin, Cassiopeia aimait embrasser du regard leurs vergers, leurs vignes et autres jardins. Le monde n’appartenait jamais autant à la Noble et Très Ancienne Maison des Black que lorsqu’il fuyait l’arrivée de la couleur. Un monde unifié par l’absence de nuance dissonantes ; voué à disparaître, et à revenir à la vie, encore et encore, chaque jour que les Dieux faisaient.

Cassiopeia, Cassie de son surnom, ne s’était jamais attachée à ses jouets d’enfant. Poupées, soldats de bois ou doudou de soie, rien ne trouvait grâce à ses yeux. Elle appréciait leur utilité, mais trouvait qu’il leur manquait un certain éclat.
Pour ses sept ans, ses parents lui avaient donc acheté un petit serpent.

Malheureusement, le sympathique reptile mourut jeune, laissant Cassie inconsolable. Elle se souvenait encore de ses écailles glissantes et fraîches contre sa joue. Elle n’avait pas le droit de l’emmener avec elle quand la famille était de promenade dans l’Allée de Traverse, ni lors des réceptions ou galas. Les serpents avaient beau être l’emblème de la maison par laquelle passait la plupart de la noblesse, il était inconvenant pour une enfant d’en faire une vulgaire peluche. Cassie lui faisait toujours un petit bisou sur la tête avant d’aller rencontrer le gratin. Elle l’avait enterré dans le cimetière, à côté d’un pissenlit, espérant que son âme s’éparpillerait, libre comme le vent.

Son père avait pourtant la solution sous le nez. Il suffisait de voir le patronus de sa fille pour comprendre quel animal il lui fallait.

La chaleur de l’étable accueillit la jeune femme. La pièce était emplie de majestueux ronronnements. Puissants, lourds, de l’hubris près à se déployer à chaque instant. Cassiopeia respira à pleins poumons ces odeurs que d’aucuns jugeaient âcres, acides et dérangeantes.
« Ça sent le fauve, ici ! » grognait sa mère à chaque fois qu’elle était contrainte de passer par là.

Mais ça ne sentait pas le fauve.
Ça sentait le dragon.

Cassiopeia les chérissait tous. Prima la fo-folle, qui produisant de drôles de mimiques dès qu’on lui parlait (enfin, autant qu’une gueule de dragon puisse être expressive). Urbain, si calme que Cassie s’inquiétait parfois d’une possible mélancholie. Peligro, qui méritait son nom, pour cause d’être le représentatif de son espèce : impétueux, colérique, et un véritable danger public quand il était en rut. Mais Cassie avait un préféré : elle chérissait particulièrement un œuf.

Il ne venait pas de Prima. D’ailleurs, celle-ci, un peu inquiète de cette progéniture étrangère, ne le couvait pas régulièrement. Elle hésitait.

Craignant de se retrouver avec un bébé dégénéré et impulsif, donc particulièrement dangereux, le père de Cassiopeia avait fait appel à une grande créatrice de sortilège, afin qu’elle en invente un capable de maintenir l’orphelin au chaud jusqu’à maturité.
Sous une bulle protectrice, d’un ton mordoré chatoyant, on entendait comme un ronronnement. Ou peut-être n’était-ce que l’imagination de Cassiopeia ?

Tous les matins, elle faisait office de compteuse-mireuse. Elle avait découvert le terme dans un livre ancien, il lui plaisait bien. Elle veillait à la qualité de l’œuf. Elle se posait des questions sur ses origines. Qui l’avait laissé ici ? un des serfs des environs ? un soulard l’ayant gagné lors d’un pari, avant de se rendre compte que ce genre de prix risquait de le manger tout cru ?

Peu avaient les moyens d’entretenir un dragon sans danger. Encore moins quatre.

Cassiopeia, elle, avait l’intention d’aller jusqu’à sept. On pouvait réaliser toute sorte de rituels fascinants avec ce chiffre. Même avec cinq, elle se contenterait d’un pentagramme : un bestiau à chaque pointe.

Cassie n’avait informé personne de ce dessein, évidemment. On cancanait déjà assez dans la société Sang-pur à propos de ce gâteux de Cygnus, enfant probablement illégitime ayant hérité par le hasard des choses. Il chouchoutait sa bâtarde à outrance par pure culpabilité. En effet, si l’arbre affichait fièrement Violetta comme sa mère, tout un chacun ne pouvait que voir dans les traits de Cassie ceux d’Aurora Rosier, disparue depuis.

Violetta accueillait relativement bien cette progéniture disparate. Un parfum de favoritisme flottait parfois dans l’air, mais il était toujours compensé par les soins du père.

Cygnus s’en voulait aussi concernant Marius, autre enfant d’amours illégitimes. Un Cracmol complet, tout juste bon à devenir le jardinier de la serre familiale.

Ceci n’arrangeait pas Dorea et Pollux, les enfants légitimes, qui à eux deux devaient briller pour quatre.

Cassie se plaisait dans son existence facile. Elle ne leur enviait pas une vie de responsabilités et de mondanités épuisantes. Cassie faisait de courtes apparitions lors de petits rassemblements de la noblesse anglaise, afin d’asseoir sa position de descendante au cas où sa famille viendrait à disparaître. Une perspective qui lui laissait toujours un goût amer dans la bouche avant de partir danser. Elle prenait de la distance : il était impossible qu’ils périssent tous avant elle.

Son père insistait pour le principe ; encore cette affreuse culpabilité d’avoir fait d’elle une noble de seconde catégorie. Elle avait placé plusieurs miroirs entre la vérité des attentes et son illusion de sécurité. Jusqu’ici, le kaléidoscope interne de Cassie avait fonctionné à merveille.

Revenons à nos dragons.

La teinte de la coquille indiquait une femelle. Cassie nommerait la petite Adragante. Une plante polyvalente, un liant pour la pharmacopée et l’aquarelle ; utile en confiserie, en pâtisserie, et à la fixation de l’or.

À cette heure-ci, les mastodontes rêvaient encore. Cassie s’approcha de l’œuf, franchit la barrière brillante, et l’entoura de ses bras. Elle rêvait qu’il rêvait, que la petiote sentait son affection, quelque part sous la coquille et son liquide épais.

Depuis un an qu’elle s’occupait des « p’tits monstres » comme se plaisaient à en rire sa fratrie, elle ne savait toujours pas ce qu’elle en ferait, une fois l’œuf arrivé à maturité.

Cassie se refusait catégoriquement à la tuer prématurément pour en faire de la chair tendre. Le cœur de dragon était un met prisé par l’aristocratie. Sa répugnance envers le port de cuir de dragon n’était allé qu’en augmentant avec le temps au contact de ses « amis coriaces », comme elle s’amusait à les appeler.

Elle ne voulait pas non plus les transformer en de simples bêtes de foires. Il existait bien des cirques qui auraient payé le pesant en or de l’animal. Ils les auraient dressés à réaliser mille prouesses. Les enfants auraient été ébahis, les adultes auraient applaudi. Cassie abhorrait la dégradation symbolique d’une créature si noble.

Après avoir couvé de ces bras son enfant reptile, elle sortit de la dragonie, tout aussi en catimini. Un autre précieux ami l’attendait.
Lucien, aussi Cracmol que son frère, officiait à présent à l’église catholique d’à côté. Il était sa jonction avec cet autre monde qu’elle comprenait mal, cet univers exotique où l’on devait apparemment faire tout de ses propres mains – ou par l’usage d’une machine, créée aussi par la main de l’humanité.

Ils se voyaient une fois par semaine, souvent dans l’église même, calme à huit heures du matin. Il lui parlait de Dieu, l’unique. Concept abstrait pour Cassie : après avoir vénéré mille divinités du foyer, de la nature et des astres, elle se représentait mal un être aussi peu incarné.

Elle aurait voulu qu’il abandonne tout pour elle, qu’il oublie le col romain. Mais il avait embrassé sa vocation. Il riait d’eux « J’ai la passion de Dieu, toi du Serpent. C’est ainsi, mon ange. On ne peut pas tout avoir. Tout choix est un renoncement, un sacrifice. Et de la même manière que tu ne sacrifieras pas le monde magique pour moi, je ne peux pas abandonner Dieu pour toi. »

Les mains de Lucien étaient douces et fraîches, comme l’eau bénite qui trônait à l’entrée de son église. Cassie en avait testé les propriétés magiques, dans son dos. Par pure curiosité. Et si la Trinité pouvait conférer des pouvoirs, même momentanés, à un Cracmol ? Se pouvait-il que quelque chose relie les deux univers ? Que Dieu ne soit pas qu’une abstraction, mais une véritable force ?
Rien. Juste de l’eau. Juste de magnifiques vitraux, du vin qui ne deviendrait pas du sang par la simple parole. Rien de magique.

Soit un Dieu supérieur était une entité trop vague pour être convoquée. Soit il était absent, une imposture. Soit les confrères de Lucien avaient raison. Peut-être Cassie et ses congénères étaient-ils mauvais, des enfants du Démon, dont le pouvoir ne pouvait causer qu’horreurs et souffrances.

Et pourtant quand il la regardait, elle ne voyait que douceur dans ses yeux. Il était comme inspiré par quelque chose qui le dépassait. Néanmoins, Cassie ne perdait jamais de vue que sa famille disait la même chose de la quête de la purification du monde sorcier. Les Black chérissaient aussi le langage de l’unicité.

Ce matin-là, il alla jusqu’à prendre le visage de Cassie entre ses mains. Il murmura, et l’écho de la chapelle le trahit :
« Cassie, je ne devrais pas mais parfois, je trouve que certains choix me sont trop lourds. »

Sa voix se brisa. Un son étranglé se réfléchit contre les murs, les ogives, s’écrasa contre la clef de voûte.
« Mais il faut que je sois certain avant de partir, tu comprends ? ».
Il écarta ses mains tremblantes des joues de Cassiopeia.
Cassie eut le choix entre l’embrasser et partir.

Elle courut à la maison, s’enferma à double tour dans sa chambre, et pleura à chaudes larmes.
Qu’elle avait été sotte de croire en un homme qui croit.
Qu’elle avait été sotte de perdre son temps avec celui qui vénère l’invisible, l’indicible, l’intouchable, plutôt que la magie palpable de sa famille. Qui lui demandait d’abandonner la sienne pour lui tout seul, comme si être un homme de dieu suffirait à remplir sa vie de femme.
Dieu qu’elle était idiote.

Heureusement, ce soir, c’était Samhain. On danserait au Manoir Black, on invoquerait l’esprit des ancêtres. On leur ferait des offrandes, pratiquerait des rituels désapprouvés par le Ministère. Les Vingt-huit sacrés ne seraient pas restés en haut du panier sans ces savoirs ancestraux.

Le Manoir, construit au douzième siècle sur les ruines d’une abbaye moldue, affichait une architecture étonnante, un mélange de gothique flamboyant et de pompe victorienne. Cassie et sa famille proche y résidaient depuis toujours. Son père avait néanmoins récemment acheté un pied-à-terre à Londres, au 12, square Grimmaurd. Cassie n’avait daigné y mettre les pieds. Ce n’était qu’une solution de rechange, au cas où le Manoir rencontrerait un quelconque problème. Un logis en-dessous d’elle, bâtarde ou pas.

Quand vint l’heure du dîner, Cassie s’assit à la grande table. Elle était impatiente de participer à la cérémonie. Elle aurait l’honneur de sacrifier un animal pour célébrer le jour où le voile se fait le plus fin. Ni elle ni ses frères et sœurs n’y avaient participé jusque-là. La célébration avait lieu après le repas, une fois les enfants partis au lit.

Maintenant que Cassie avait fini ses études à Poudlard, elle était jugée apte à officier.

Sa meilleure robe de velours grenat et noir flattait son cou d’albâtre. Ce soir, elle incarnait La Dame Pourpre, figure mythologique vénérée des Sangs-purs. Elle représentait le renouveau par la peur, ainsi que la guerre. Les cheveux de Cassie étaient ornés d’une couronne de blé, la céréale qui dans le mythe, pousse sur un champ abreuvé du sang ennemi. Elle était peut-être une bâtarde, mais sa mère avait été une sorcière. Cassie n’en n’était pas moins une magicienne de valeur.

Elle avait été étonnée quand elle avait reçu le carton d’invitation. Habituellement, on ne lui demandait pas de venir « habillée », c’est-à-dire, vêtue comme une figure du panthéon Sang-pur. En dehors de la question de la maturité, cet honneur était réservé aux membres plus élevés de la caste.

Le courrier comportait également une boîte d’ivoire. Dans un écrin de velours blanc crème, un poignard agrémenté de rubis et d’opales. L’arme ne datait pas d’hier. Un peu usée, certains émaux auraient eu besoin d’être sertis à nouveau. Sûrement, ils n’étaient plus aussi fermement enchâssés que par le passé. La patine de l’ancien plaisait à Cassie, cependant. Elle garderait la dague dans sa poche pendant le repas, pour la sortir dès le souper fini.

Sa sœur Dorea et son frère Pollux, proches en âge, se coordonneraient pour incarner les jumeaux Aslan, un emprunt à la culture turque. Lion et lionne, symbole solaire, ils porteraient chacun un manteau rouge avec la fourrure de l’animal au col. Ils auraient également des gants. Des griffes félines retraçaient chaque phalange. Ils pouvaient manger avec leurs gants, mais la pointe dépassait le bout du doigt, aiguisée.

Leur voisine de table, une certaine Iris, vêtue d’un blanc immaculé, représentait Bianca, la pureté du foyer et de la jeune fille vierge. Des bandeaux de soie bleue aux motifs d’azulejos habillaient son front et sa chevelure, entremêlés jusqu’à ne plus savoir où chacun commençait et terminait. Cassie riait sous cape en pensant aux frasques de la plupart de ses camarades de Poudlard : peu auraient pu porter cet accoutrement franchement rétrograde sans rougir.

Enfin, Hector Avery, homme plus âgé et donc digne de diriger la cérémonie, les guiderait bientôt. Il leur expliquerait quoi faire.

La table des cinq Disciples se trouvaient en plein milieu de la réception. On les verrait mieux ainsi. Les talons des invités claquaient sur le marbre à dallages noir et blanc. Contrairement aux jours ordinaires, la lumière ne provenait pas de bougies fixes sur des chandeliers, mais de lucioles voyageant en essaim. Ils formaient des sortes de boules de cristal mouvantes. Une certaine appréhension s’empara de Cassie. Elle aurait préféré qu’on lui donne des instructions avant le jour J. Elle supposa que la surprise, énergie impossible à produire artificiellement, constituait un élément crucial de la cérémonie.

Cassie attendit que les aînés aient commencés à manger. Pour les grandes fêtes, on asseyait toujours les invités par table de douze, sauf pour Samhain, par treize. À la fin du repas, les huit personnes qui n’étaient pas habillées pour la cérémonie s’écarteraient alors, laissant la place aux cinq officiants. Ils formeraient ainsi un pentacle.

Pour commencer le dîner, on procédait des plus âgés aux plus jeunes en suivant le sens des aiguilles d’une montre. L’appétit coupé de Cassie ne l’arrangeait guère pour faire honneur au repas. Elle se força, fit de grands sourires. Quand vint enfin son tour, elle goûta la chair, cuite à la perfection, fondante sous la langue. Les fruits rouges et le vin se mariaient à merveille. Elle ferma les yeux un instant. Elle se sentait comme une reine. Élégante, en bonne compagnie, à bonne table.

« Ce plat a été pensé spécialement pour vous, Lady Cassiopeia. Cassis sur souris d’agneau. J’espère que la plaisanterie vous amuse », fit le patriarche d’un sourire jovial. Cassie ouvrit les yeux et le lui rendit. Elle trouva un peu paternaliste de plaisanter de manière aussi enfantine. Est-ce qu’après ce jeu de mot niais, il allait lui voler le bout du nez, aussi ? Enfin, il fallait bien que vieillesse s’amuse !

Elle ferma à nouveau les yeux. Décidément, les elfes n’avaient pas chômé en cuisine. Elle avait hâte de découvrir les desserts. Elle était perdue dans ses rêveries gourmandes quand un bruit la fit hésiter à ouvrir les yeux. Ou plutôt, une absence de son. Un silence complet était tombé sur sa table. Elle affronta la réalité. Plusieurs personnes arboraient un sourire en coin.

Cassie ne porta pas une nouvelle bouchée à ses lèvres.

« Puis-je savoir ce qu’il se passe ? ».

Elle n’avait pourtant manqué de respect à aucune règle de l’étiquette.
Le silence se prolongea. Douze paires d’yeux braquées sur elle, l’estomac de Cassie se contracta. Un indice apparut enfin quand l’un des conviés abaissa légèrement son regard. Il fixait son assiette d’un air torve.

Soudainement, Cassiopeia comprit. Elle sut quelle sorte de viande on venait de lui faire consommer. Quel sang représentait la robe pourpre sur ses épaules. Quel animal on avait déjà sacrifié.

Cassie sortit sur le balcon et vomit toutes ses tripes.
En la voyant courir, sa sœur se leva immédiatement de table et la rejoignit.

« Cassie ? »

Elle ne parvint qu’à murmurer, la voix entrecoupée de sanglot « dragon » et « viande ». Dorea la cajola, la prit dans ses bras autant que possible.

« Cassie, je suis désolée, vraiment, sincèrement navrée… si j’avais su ! L’oncle avait sous-entendu un sacrifice de taureau, pas…ça ».
« Dorea ? »
La voix puissante et métallique d’Hector Avery les ramena à la réalité. Dorea devait réaliser le sien. Sacrifier un simple lapin, apparemment. C’est ce que Cassie comprit dans le flou de son esprit chagrin. Quand Dorea ferma la porte fenêtre pour réintégrer la fête, comme si de rien n’était, Cassie eu froid. Très froid. Elle s’était rarement sentie aussi seule.

Elle tourna en rond sur le balcon de pierre blanche pendant quelques minutes. Elle comprenait enfin l’intérêt de vénérer un dieu crucifié ; un dieu faible, impuissant. Incapable de bénir une eau. Un dieu des faibles, des abandonnés. Les tableaux de Pièta prenaient sens.
Elle était tentée de franchir la porte-fenêtre dans l’autre sens. D’égorger quelqu’un. Au mieux, Hector.

Au pire, elle agirait au hasard.

Quelqu’un payerait pour tous. Quelqu’un souffrirait comme elle souffrait. Les enfants jouaient à l’étage. Personne dans la pièce d’à côté n’était innocent. Personne.

Au moment où elle s’apprêtait à tourner la poignée, un cri de bambin résonna dans le jardin. Sur le balcon d’au-dessus, deux petits jouaient. Une fillette brailla :
« Rends moi ça, Septimus ! Sur-le-champ ! C’est mon jouet, compris ? Je le dirai à Mère ! ».
Soudainement, Cassiopeia n’avait plus envie de priver personne de qui que ce soit. Il fallait qu’elle trouve un autre plan.

Elle transplana directement dans l’étable.
Elle se réfugia dans les bras du sortilège qui entourait l’œuf.
Elle entendait battre le cœur d’Adragante. Celle qui relierait tout. Elles avaient chaud l’une contre l’autre, la mince paroi de calcium, un simple paravent entre leurs âmes.
Elle prit l’œuf dans ses bras, quelques affaires dans sa chambre.

Au presbytère, elle toqua à la porte de Lucien.
Une fois qu’ils furent installés au Square Grimmaurd, Cassie transplana dans la chambre de sa sœur. Dorea sursauta.
« Bon sang, Cassie, tu m’as fait peur ! Tout le monde te cherchait, après la cérémonie ! Je suis désolée pour ce qui s’est passé, je ne sais pas qui est respon… »
« Arrête. »
Le ton de Cassie n’était pas cassant, ni mauvais.
« Si tu veux m’aider, protège-nous. Moi et Lucien. Et mes amis. »
« Alors, tu l’aimes vraiment ? », fit Dorea, songeuse.

★ ☆ ★
Cassie eut la bonne idée de faire gardien de l’étable non seulement sa sœur, mais aussi des êtres à la longévité bien plus étendue : les trois dragons. La dragonie ne fut plus accessible qu’à ceux qui partageaient le secret. Seuls le père et la fratrie pouvaient les nourrir. Marius, le cadet Cracmol, leur fut particulièrement dévoué. Flatter le museau d’un dragon avait plus de panache que d’ôter les épines des roses. Quant à Violetta, elle s’occupait des reptiles pour faire plaisir à son mari : « Elle ne pouvait pas se passionner pour les chevaux comme tout le monde ? ».
Lucien abandonna la prêtrise et se fit pasteur. Cassie et Lucien se marièrent dans une église anglicane. Cygnus grogna d’abord quand il apprit qu’elle abandonnait une vie humiliante pour une existence qui lui paraissait encore moins noble . Il finit par accepter, bon an mal an, une union qu’il avait précipité depuis le berceau de Cassie. Si seulement il avait minimisé l’importance de son ascendance, si seulement il avait défié Hector en duel après l’affront… Avec des si, le patriarche Black aurait mis un dragon en bouteille.

Des années après la noce discrète, il offrit à son beau-fils un œuf de Fabergé serti de nacre blanche, teinte aussi pure que la colombe de ce « Saint-Esprit » qui comptait tant à ses yeux.
Cassiopeia resta toute sa vie sceptique quant à la véridicité des croyances de son époux, et se con-tenta de le laisser poursuivre la voie de son mysticisme. Tant qu’il était heureux, qu’avait-elle à y redire ?

Ne percevant plus de revenus provenant des serfs affiliés aux Black, le compte personnel de Cassie à Gringotts n’était plus assez fourni pour vivre comme une rentière jusqu’à la fin de leurs jours. Les vœux de pauvreté pendant la période catholique de Lucien ne faisaient qu’empirer le problème. En tant que pasteur, il ne roulait pas vraiment sur l’or non plus.

Les questions pécuniaires étaient d’autant préoccupantes qu’Adragante exigeait des soins particuliers. Ils emménagèrent dans une propriété moldue, loin des lieux fréquentés par les Sang-purs. Une fois bardée de sortilège, ils purent laisser la dragonne vagabonder dans leur grand jardin à l’anglais. Cassie fut contrainte de trouver un emploi. Sous un faux nom, elle se consacra à la zoologie. Elle voyagea beaucoup. Elle soigna les compagnons de charmeurs de serpents, aida des vouivres à mettre bas et amadoua des goules.

Quand elle revenait chez elle, elle contemplait le fameux poignard. Elle l’avait précieusement conservé. À chaque fois que le Manoir et sa vie fastueuse lui manquaient, à chaque fois qu’elle était épuisée de devoir ruser pour voir en secret ses amies de Poudlard, elle le fixait. Lucien trouvait un peu morbide de l’afficher dans l’entrée, premier objet qui frappait quiconque franchissait le seuil.

La dague était un rappel. La raison pour laquelle Cassie avait fait ce choix ; pour laquelle il était sans retour, sans regret, sans remord.
À la mort de tous leurs maîtres connus, les dragons Black jugèrent bon de détruire le Manoir d’un coup de fureur, ne laissant à la famille que cette espèce de cagibi qu’on appelait le square Grimmaurd. Les dragons, hélas, manquaient cruellement de sens de la lignée, de l’héritage ou de la dignité.
Ils avaient volé vers d’autres cieux, parcouru les sept mers. Leur magie était si puissante que le sortilège avait résisté cent ans jour pour jour depuis leur mort. Adragante vivait encore, quelque part dans la steppe sibérienne, aux dernières nouvelles. Enfant choyée, elle crachait tantôt du feu, tantôt de l’or.
★ ☆ ★
Bellatrix sortit de la Pensine.
Jusqu’alors, elle avait été dissimulée dans un placard encrassé du Square Grimmaurd. Le Fidelitas qui entourait l’objet avait atteint son siècle, on pouvait à nouveau repérer la présence de la bas-sine. Toute son enfance, dans un recoin de sa pensée, Bellatrix avait senti que quelque chose clochait dans cette pièce. Mais à chaque fois, elle l’oubliait immédiatement.
Bellatrix méprisa le départ de son ancêtre avec un Cracmol. Elle lui en voulut d’avoir indirectement détruit le Manoir ancestral par pur sentimentalisme.

Comme il était risible de vivre en niant l’évidence ! Dieu n’existait pas. Cassie avait été ensorcelée par un peu de douceur et beaucoup de beauté charnelle. Elle avait adoré le sacrifice d’un engage-ment sacré plus qu’elle n’avait été amoureuse de l’homme. Il ne pouvait en être autrement. Par quel miracle (ah !) avait-elle pu l’aimer jusqu’au dernier souffle restait mystérieux.
Bellatrix, elle, aimait des idées qui se matérialisaient. Façonner le monde tel que le voulait son Maître, quitte à briser quelques menues choses sur son passage.

Incarner la Dame Pourpre avec ferveur.
Bellatrix admira la détermination et la ressource contre l’adversité de Cassie.
Bellatrix ne se laisserait pas dévorer. Elle ne laisserait jamais la Maison - celle de chair, sinon de pierre - s’effondrer. Oh non. Il n’y avait pas à négocier. Pas de compromis, pas de demi-mots. Les mesures devaient être sans appel. Le Secret Magique tomberait sous peu. L’unicité du monde ne se ferait que par la force. Le seul sacrifice valable était celui qui servait l’avenir glorieux de la race sorcière.

Bellatrix s’empara du poignard, que Cassie avait placé dans le fond de la Pensine juste avant de passer l’arme à gauche. Ses pierres brillaient de l’éclat des souvenirs luminescents qui l’avaient accompagné pendant des décennies. La jeune Black le contempla. Elle lui ferait honneur.

Bellatrix avait le même patronus que son ancêtre, et elle enflammerait quiconque se trouverait sur son passage.
Note de fin de chapitre :

Cruauté envers les humains et envers les animaux (pas de gore cependant).


Inspirations :
Les deux mots rares étaient compteur-mireur et adragante

Les deux chansons étaient Mary on a cross de Ghost et Lion de Hearts & Colors

https://www.youtube.com/watch?v=fzcQxRr1cSw

https://www.youtube.com/watch?v=k5mX3NkA7jM

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