Sirius courait dans les couloirs, sprintant, bousculant des élèves sur son passage, qui étaient, eux, habitués au spectacle.
En effet, ce n’était pas la première fois que le jeune Black se faisait courser par Rusard ou Miss Teigne après avoir fait une quelconque bêtise.
Ce qui était plus perturbant, c’est qu’il soit tout seul, habituellement accompagné de trois joyeux lurons.
Essoufflé, Sirius réussit pourtant à atteindre le tableau de la Grosse Dame, qui lui ouvrit à contrecœur, excédée d’être interrompue dans une (autre !) de ses sessions de chant.
Le jeune homme monta les escaliers jusqu’au dortoir des septièmes années, un sourire moqueur aux lèvres.
« - Si tu avais vu ça, James ! Rusard était sur le point de se pendre ! Qui sait ? Ça nous soulagera quand même… » s’exclama-t-il en s’allongeant sur son lit. Cependant, le silence de son interlocuteur, qui était le mec bavard par excellence, l’intrigua et le poussa à se relever. Serait-il en train de parler dans le vide ? Peut-être que James était sorti…
Mais non, le deuxième Maraudeur, connu en tant que capitaine de Quidditch de l’équipe de Gryffondor et préfet-en-chef (deux fonctions que peu avaient cumulé), était bien assis sur son lit.
Mais il n’écoutait pas Sirius, et ne l’avait même pas remarqué entrer. En effet, il était plongé dans un carnet en cuir brun, sur lequel il grattait des mots, insatiablement, déconcertant son meilleur ami.
Le Black décida donc de s’avancer, avant de lancer un Sonorus :
« - CORNEDRUE ! », faisant sursauter le concerné.
« - Qu’est-ce qui te prend Patmol ? ronchonna-t-il en fermant précipitamment le carnet qu’il avait en main.
- Tu sais que ça fait déjà dix minutes que je suis rentré dans le dortoir ! Qu’est-ce que tu fais ?
- Oh, ça ? demanda James, en rangeant précieusement son bien dans sa malle, ce n’est rien. Alors, reprit-il sous le regard suspicieux de son frère de cœur, dis-moi tout. Ça s’est passé comment ? On peut passer à la phase deux ? » entraînant ainsi Sirius dans une discussion passionnée qui fit oublier à ce dernier cette étrange réaction.
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Quelques temps plus tard, les quatre Maraudeurs se retrouvèrent en salle d’études, afin d’avancer leurs Aspics. Rectification, le but n’était pas de réviser, mais de retrouver leurs petites-amis, qui, elles, étaient très studieuses et stressaient déjà pour leur avenir.
En effet, James et Lily s’étaient mis ensemble pendant les vacances d’été, au grand plaisir de tout Poudlard qui ne supportaient plus leurs disputes incessantes et (surtout !) bruyantes.
Sirius, lui, sortait avec Remus, le troisième Maraudeur, depuis leur cinquième année. Le couple avait d’ailleurs été élu trois fois d’affilée « couple le plus mignon de Poudlard », faisant rougir le loup-garou, gêné devant tant d’attention.
Pendant que James rejoignait sa dulcinée, Sirius vint entourer les épaules de son copain, qui soupira d’aise.
« -Ça va, Rem’ ? Tu as l’air épuisé.
- Je vais bien, sourit Remus, attendri par l’attitude protectrice de son petit-ami. Avant de se retourner : mais toi, tu es préoccupé. »
Sirius a toujours été surpris par la capacité de son interlocuteur à lire sur son visage comme dans un livre ouvert. Il soupira, et s’assit sur les genoux de son petit-ami, lui racontant la scène de tout à l’heure, qu’il n’avait pas oublié.
James sans Sirius, Sirius sans James, ça n’existait. Ces deux-là s’étaient rencontrés dans le Poudlard Express en première année, et ne s’étaient plus lâchés.
James connaissait l’orientation sexuelle de son ami en premier, Sirius savait la peur de l’échec de son presque frère. Pour dire, il connaissait même le nombre de caleçons qu’il y avait dans sa malle ! Il connaissait ses attitudes, ses tics, ses manies, ses passions, ses plus grandes peurs.
Mais il ne savait pas ce qu’il y avait dans ce carnet, et ça le chiffonnait plus qu’il ne voulait l’admettre.
Remus, lui ne connaissait pas si bien James, même s’il était son meilleur ami, mais il connaissait son copain, et savait qu’il avait besoin d’agir pour se soulager.
Alors, il prit le Black par la main et l’entraîna dans le dortoir.
« - Qu’est-ce que tu fais ?
- Je voulais te parler en privé et la salle d’étude ne rime pas avec intimité crétin… rit Remus, avant de reprendre. Il parlait tout doucement, comme à un enfant, mesurant l’impact de ce qu’il allait dire : Sirius, je sais que James et toi êtes comme des frères, mais vous êtes aussi deux entités différentes, deux personnes à part entière. Vous avez deux vies amoureuses différentes, deux passés différents, deux rêves différents, … Il a le droit de garder des trucs secrets, et d’avoir un jardin secret. D’accord ? » interrogea finalement Lunard, pas sûr de l’effet de ses paroles.
Sirius ne répondit rien, plongé dans ses pensées, avant d’enlacer son copain, les yeux brillants.
« - Il me l’aurait dit si c’était grave. N’est-ce pas ? Je ne veux pas qu’il souffre et que je ne puisse pas l’aider. Il… Je ne serais pas là sans lui et ses parents… ».
Remus le berça jusqu’au dîner, comprenant la détresse de l’animagus chien.
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« - Où est Cornedrue ? demanda Sirius, en s’installant dans la Grande Salle, après avoir fait la bise à Lily.
Sirius appréciait la jeune Evans. Il disait souvent qu’aucune autre femme n’aurait convenu à son meilleur ami, et il parlait en connaissance de cause. Sirius connaissait effectivement Lily depuis leurs trois ans. Ils habitaient le même quartier, et Andromeda les couvrait quand ils se rejoignaient pendant l’été.
Ils s’étaient retrouvés avec surprise mais joie dans le Poudlard Express, et s’étaient soutenus jusqu’aujourd’hui.
« - Il est parti chercher un truc au dortoir, le rassura-t-elle en lui caressant la main. En rapport avec le Quidditch, je crois. Il arrive bientôt. »
Et elle lança une discussion sur le nouveau prof de Défenses Contre les Forces du Mal, que Sirius n’appréciait pas beaucoup.
Lancés dans leur discussion, les deux ne virent pas le temps passer, jusqu’à ce que Remus leur rappelât l’heure
James n’était pas redescendu. Sirius commençait à s’inquiéter. Ce n’était pas dans les habitudes de James ventre-sur-pattes Potter de louper un repas.
Lily aussi trouva ça bizarre, tout en essayant de relativiser. Il a dû être convoqué par McGonagall ou un truc du genre.
Rien de ce qu’ils imaginaient ne les aurait préparés à ce qui les attendait.
Quand ils montèrent dans le dortoir, le trio se rendit compte de l’absence de James.
« - La Carte, Remus ! s’exclama Sirius, qui, à ce stade, était paniqué. »
Mais James y était introuvable. Ils se mirent à imaginer des théories : il était parti à Pré-au-Lard sans les prévenir, ou alors dans la Forêt Interdite, ou encore…
« - Un papier ! » Lily avait trouvé un morceau de papier près de la plante que James faisait pousser depuis sa deuxième année.
Ce fut elle qui le récupéra tout en expliquant à Sirius ce qu’était le papier, si différent du parchemin auquel les sorciers étaient habitués.
Elle lut l’écriture en pattes de mouches de son copain à voix haute :
« Lily, Sirius, Remus,
Je sais que c’est vous qui trouveriez ce papier, inquiets de ne pas me voir venir au dîner. Peu de monde a réellement compté pour moi, mais vous, si. Je vous aime, fort. Chacun différemment mais je vous aime fort quand même. Ne m’en voulez pas, j’ai fait ce que vous avez retardé par votre amour. Ne vous en voulez pas aussi, ce que j’ai fait était inévitable.
Lily, « L’amour n’est pas un sentiment, c’est une force, une vertu. ». Alors sers toi en pour montrer à tout le monde que tu es capable d’atteindre tes rêves. Ne laisse personne t’écraser.
Remus, « Exister vraiment, c’est s’autoriser à être soi-même en toute circonstance. ». Tu es la personne qui mérite le plus d’exister. Tu n’es pas un monstre, tu n’es pas ignoble. Au contraire, tu es le mec le plus sage, le plus doux que j’ai pu rencontrer. Sois heureux pour toi, pour moi, pour les gens qui t’aiment.
Sirius, « Un parent est une partie de notre corps, mais un frère de lait est une partie de notre cœur. » Je sais que c’est toi qui m’en voudras le plus, alors je te laisse mon cœur. Fais-en ce que tu veux.
Je vous aime. Ne l’oubliez pas.
Cornedrue »
La voix de la jeune fille se brisa, tandis que Sirius se demandait ce qu’il avait voulu dire. Il ne pouvait s’empêcher de réfléchir :
« - Mais qu’est-ce que tu as foutu Corn’ ? »
Personne ne se doutait que ce 20 janvier 1978, James Potter mourut, en se jetant du haut de la tour d’Astronomie.
Personne ne se doutait de la tragédie qu’il traversait : sa famille s’était fait tuer par Voldemort, et il recevait régulièrement des lettres de ce dernier, l’accusant d’être responsable de ce triple meurtre, le plongeant dans un abîme de culpabilité, qui lui fut fatal...