Malgré la guerre, malgré les divagations du gouvernement, malgré les exactions, le parti d'Euphémia Potter et Albus Dumbledore continue de proposer des projets de lois.
Septembre 1977.
Création du la notion juridique de molduphobie et définition du délit d'agression molduphobe.
Comme toujours avec ce genre de lois, les manifestations de soutien, peut-être pas aussi nombreuses et massives qu'espérées, ce qui est toutefois d'autant plus compréhensible dans le contexte actuel, rassemblent divers visages de l'aile progressiste de la politique anglaise. Communauté LGBTQIA+, certaines associations de créatures magiques, sympathisants du Progrès Sorcier, une partie de la jeunesse, nouveaux révoltés à cause de la guerre, soutiens étrangers dans le conflit qui s'amorce.
Aujourd'hui, c'est le grand jour.
Rassemblement à Pré-au-Lard ce beau samedi après-midi, en réponse à l'appel de Miss Evans, élève en septième année à Poudlard.
Poudlard fière de ses Nés-Moldus
C'est le cortège des élèves de Poudlard - le plus jeune, donc. Ils ne savent pas encore trop bien ce qu'est la politique, pour la plupart, et sont là parce qu'ils sont Nés-Moldus, ont des amis Nés-Moldus, des Nés-Moldus dans leur classe, dans leur famille, parmi leurs voisins de palier. C'est aussi un cortège joyeux, plein d'espoir ingénu, d'amitié pure comme sait la créer la loyauté des adolescents.
Lily est retournée plusieurs fois à Cokeworth - privilège des étudiants majeurs qui peuvent se déplacer à leur guise - pour parler à ses parents de cette manifestation. Ces derniers ont une grande connaissance de l'art de la lutte, et l'ont aidée à établir sa stratégie pour appeler les élèves à y aller, convaincre les professeurs de réaliser des autorisations de se rendre à Pré-au-Lard ce jour-là, préparer des tracts, des affiches, des pancartes.
Et là, elle se tient, toute fière, le mégaphone du local syndical de ses parents autour du cou, à encourager ce groupe qui comprend presque qu'un cinquième de Poudlard, à vue de nez d'après le dernier comptage de Peter, ce qui est énorme. Elle crie ses slogans, sa rage d'exister et sa joie d'exister. On lui répond avec beaucoup de force.
Lily se retourne et rit des personnalités qui affleurent derrière les styles de manifestants qui se dégagent.
Ce sont des Nés-Moldus qui se relaient pour tenir la bannière du cortège. Les visages sont durs chez les plus âgés, eux savent qu'on est ici pour gagner, la loi, ou sa vie. Les plus jeunes sont moins exposés, des grands se chargent de les accompagner plus en retrait.
Lily recharge ses batteries - piétiner et crier est fatiguant - en regardant ses amies et amis. Marlene tient un carton "née-Moldue, lesbienne, et je t'emmerde" tandis que Mary a opté pour un plus élégant et gracieux "je veux un monde sans haine". Peter a écrit sur sa pancarte "on criera toujours plus fort". Sirius a peint sur son t-shirt blanc en lettres capitales noires "j'ai couché avec une Née-Moldue et j'ai aimé ça".
James a retourné son propre t-shirt coutures vers l'extérieur parce que Sirius s'est octroyé le droit d'écrire dessus la même phrase au conditionnel, il préfère arborer son insigne de Préfet-en-Chef et hausser bien haut un Souaffle, parce que le rond rouge est le symbole de la lutte. Rond comme l'union, rouge comme le sang, tous pareils et égaux dans l'absolu. Trois des capitaines des équipes de Quidditch sont là avec leurs Souaffles, la plupart des préfets sont là également avec leurs médaillons, les présidents des divers clubs - chant, divination, botanique, jeux, et ainsi de suite - étalent qui leur affiche, qui leur insigne. Le symbole est fort et exemplaire.
Lily s'attarde sur James, son cœur cogne un peu plus fort. Il hurle les slogans qu'elle dicte dans le mégaphone. Elle aime qu'il soit là, elle aime cette nouvelle facette qu'elle ne connaissait pas forcément de lui - sa mère politicienne et engagée pour la défense des minorités. Elle le savait déjà parce qu'elle lisait La Gazette, mais elle n'aurait jamais pensé, avant d'en discuter avec lui lorsqu'ils revenaient dans leur tour après une réunion, que sa mère était réellement une femme sincèrement passionnée par son travail. En effet, Lily se méfie, en général, des gens qui restent trop longtemps en politique.
Remus prend des photographies avec deux appareils, un moldu, un sorcier, il a promis un tirage qui sera affiché dans les salles communes et où chacun pourra prendre les clichés sur lequel il figure. Il cadre, contraste, floute, illumine les scènes qu'il prend. Il embellit la lutte des magnifiques souvenirs qu'il crée.
Non à l'obscurantisme !
Le cortège qui suit est celui des professeurs, de toute nature qu'ils soient : anciens et actuels enseignants à Poudlard, instituteurs sorciers qui travaillent dans des écoles moldues ou sorcières, universitaires, mais aussi professeurs de Quidditch, d'enluminure sur peau de dragon et de cuisine sorcière. Ainsi, toutes celles et tous ceux qui ont déjà appris quelque chose à quelqu'un dans un cadre professionnel sont agrégés dans cet ensemble.
Ils sont là pour rappeler qu'au-delà de la maîtrise d'une matière ou d'une domaine, leur enseignement sert avant tout à apprendre aux enfants, adolescents et parfois adultes à faire société, développer leur esprit critique, forger des valeurs communes - solidarité, respect, tolérance. Ils sont là pour dire que leur travail est aussi menacé par les idéologies fascistes hors des salles de classe ou d'entrainement, qu'ils veulent que leurs groupes soient soudés, et comment faire lorsqu'on apprend à certains que leurs camarades valent moins qu'eux sur le fondement de critères racistes, ou homophobes, ou tout ce qu'on veut, et en l'occurrence puisque c'est l'objet de la marche du jour, molduphobes ?
La plupart des professeurs de Poudlard sont au rendez-vous. Horace Slughorn manque à l'appel. C'était couru, hélas. Mais le cortège se porte bien sans lui. Minerva MacGonagall est déchaînée et y occupe un espace sonore considérable. Filius Flitwick, Semi-Gobelin, particulièrement concerné par la question, est vivement ému de voir ses élèves, devant lui, et la bonne faction des Serdaigle, sa maison de cœur et d'esprit, qui scandent en rythme ses revendications. Il a accompli sa tâche et le revendique avec superbe. Madame Pomfresh a construit une belle maquette avec une seringue et une fiole d'aspect peu engageant chapeautées d'un "attention, infirmière qui pique !". Rubeus Hagrid défile, presqu'étonné et heureux de cette foule. Il regarde les petits jeunes, devant, et il est fier, fier d'être un Demi-Géant et fier des Moldus et des Nés-Moldus et de celles et ceux qui les soutiennent.
Albus Dumbledore a choisi de participer à ce cortège, car il se définit avant tout comme un professeur - un transmetteur de savoir.
Pandora Lovegood, professeur émérite en arithmancie appliquée à la magie ancienne, et Langue-de-Plomb, ce qui se sait évidemment beaucoup moins, figure dans ce groupe. Ses collègues sont disséminés un peu partout autour d'elle, tous armés de pancartes et de crayons contre l'obscurantisme. Elle arbore, comme une nécessité, une robe à gros poids rouges, et une barrette du même style retient ses longs cheveux. Son groupe de thésards est avec elle, tous portant une affiche ne représentant qu'un disque rouge, abstraction qui dit tout de la lutte. Les Langues-de-Plomb aiment les abstractions silencieuses lourdes de significations.
Progrès pour toutes et tous, sinon rien !
Voilà maintenant le cortège des politiques. Euphémia Potter, qui porte le projet de loi, avance résolument parmi la foule, se fondant à l'égal des autres soutiens dans la masse informe qui proteste.
On retrouve là des habitués du Magenmagot, des conseillers parlementaires, des collaborateurs. Amelia Bones, l'une des fidèles à Euphémia Potter, marche avec ses amis de promotion de l'école de droit. Ils réclament, le poing levé, une vraie justice, impartiale et universelle.
Les sympathisants de tous les partis politiques progressistes ou libéraux se retrouvent ici aussi. Si souvent opposés sur des points, certes essentiels, lors des campagnes ou des débats, ils décident de montrer une image de l'union pour cette manifestation. Après tout, la portée de la loi discutée est universelle et irréfutable. La seule façon de ne pas être d'accord avec l'urgence d'une telle mesure est de soutenir les forces de Voldemort : c'est ce que dit cet ensemble bigarré.
Les minorités magiques en soutien aux Moldu.e.s et Né.e.s-Moldu.e.s
Voilà un cortège qui fait du bruit ! Militants catalogués "Créatures magiques" et LGBTQIA+ sont venus prêter main forte au mouvement. Eux aussi savent quel est le prix d'une société discriminatoire, alors la continuité leur semble naturelle. Ils ont d'ailleurs l'habitude des manifestations, alors ils sont bien organisés. Banderoles, slogans, tapages, couleurs : tout y est.
Edgar Jones se trouve avec ses ami.e.s du Havre, leur refuge de jeunes sorciers LGBTQIA+, tou.te.s agitant des foulards rouges, ce qui colore leur ciel. On les voit de loin, petite tache qui se démène et progresse, lentement, lentement comme les mentalités. Edgar est une militante par nécessité, certes, mais elle se sent fortement en adéquation avec ses valeurs lorsqu'elle se fond dans la lutte. Preuve en est qu'elle est aussi assistante sociale au Ministère : Edgar, qui a toujours senti l'aide précieuse du Havre l'accompagner sur la compréhension de son intersexuation et désormais sur la découverte de sa transidentité, a de l'aide à donner en retour. Edgar est férue de justice sociale, et ceci lui semble juste socialement. C'est bien la moindre des choses.
Euphémia Potter est une députée dont l'engagement n'est ni feint ni superficiel. Il y déjà bien longtemps de ça, elle a fondé une école pour accueillir les personnes appelées "Créatures magiques" sur les registres. Là-bas, tous les élèves ont pour point commun qu'ils n'auraient jamais pu accéder autrement à une éducation qu'individuelle avec un précepteur pour les mieux lotis, livrés à leurs parents sinon. Comme la société est ce qu'elle est actuellement, l'avenir reste cloisonné pour ses ressortissants. Son mérite est avant tout d'élever l'esprit, pas encore, hélas, la condition sociale. D'ailleurs, cette école n'a pas encore exploité toute sa capacité car elle pose le problème d'une certaine visibilité pour les élèves.
C'est pour cela que Remus n'y est pas allé. Pétri de honte et de culpabilité, jamais Lyall Lupin n'aurait songé à emmener son fils devant le portail d'entrée du bâtiment : ça aurait pu se savoir. La pauvre Espérance, sans connaissance du monde sorcier autre que le point de vue apporté par son mari, s'est toujours rangée à ses avis. Mais ceci est une autre histoire.
En revanche, ce qui est bien tangible ici est la présence des anciens de cette école - l'École de la Liberté. Vélanes, Fées, Gobelins, Elfes de Maison. Ces derniers, vêtus de leurs habits préférés, leurs petits poings en l'air, géants comme des montagnes dans la force que leur donne cette lutte, crient, aussi haut que les autres.
Le monde entier est le monde de tous pour tous
Ça, c'est le cortège des amis d'ailleurs, si tant que l'ailleurs commence quelque part. Le monde est vaste et les mêmes questions se posent partout. Alors c'est peut-être pour cela que l'on fait tous humanité. Mais pourquoi donc, paradoxalement, y trouver de quoi se diviser jusqu'au groupuscule, quand c'est l'union universelle qui permet le secours de tous ?
Les Français sont de la partie. Ils forment une nation courageuse et connue pour sa liberté farouche et ses velléités de fraternité et de solidarité. C'est du moins ce qu'en pensent les Anglais de la manifestation lorsqu'ils voient ce petit échantillon, imparfaitement représentatif de ce qu'est réellement la France.
Ils sont là et eux aussi sont rompus à l'exercice de la manifestation. Ils se sont tous dessinés un disque rouge sur le dessus de la main gauche, et les voilà qui les lèvent tous en l'air et appuient la marche du rythme du balancement de leur bras. Ils sont à l'unisson. Leur synchronisation vient de l'adhésion sans failles du groupe au groupe : ils se sont débrouillés pour être tous au rendez-vous, et c'est émouvant.
Frères et sœurs dans la vie comme dans la lutte !
C'est enfin le dernier cortège, le plus gros, puisqu'il est constitué de toutes les personnes qui ne sont pas venues parce qu'elles représentent une association ou un parti, mais simplement pour témoigner un soutien à une cause qui les dépasse.
C'est là que se sont cachés la plupart des membres de l'Ordre du Phénix - Mondingus Fletcher s'est défilé dès le matin pour régler une affaire urgente. Le mafieux de pacotille a tout de même été aperçu en fin d'après-midi. Et c'est même ici que l'Ordre recrutera quelques nouvelles baguettes : après tout, les personnes présentes ont a priori les idées claires sur la question des Moldus.
L'époux de l'une des figures en vue du jour se tient discrètement dans la foule. Fleamont Potter n'est pas du genre à s'exhiber dans la presse, qui attaque déjà bien suffisamment sa femme. D'un commun accord, ils ont décidé qu'Euphémia est assez forte pour se défendre, et qu'une intervention de Fleamont ne ferait que donner du grain à moudre à la broyeuse médiatique.
Il faudra donc environ une heure et demie à Rita Skeeter pour le retrouver. Elle y tient, car s'il refuse de répondre à ses questions, elle pourra toujours le calomnier, tandis que s'il s'y résigne, ce sera une grande victoire pour elle. Il adopte, lui, un entre-deux, répondant laconiquement, manifestement ennuyé.
"En remontant la manifestation, j'ai croisé des Créatures dont certaines de classe trois ou quatre, j'ai parlé à des gays, des lesbiennes, des travestis...
- Transgenres ou drag queens, je suppose, et ça ne veut pas du tout dire la même chose, corrige Fleamont.
- Des hermaphrodites...
- Intersexes, peut-être ?
- Je vois que la précision est importante pour vous. Est-ce que vous êtes content de voir que votre femme est soutenue par des gens bizarres ?
- Je suis content que ma femme soit soutenue.
- C'est tout ?
- Je ne vois pas de gens bizarres ici.
- Vous n'avez pas peur ?
- Non, et vous ?
- Oh, Fleamont...
- Monsieur Potter.
- Vous n'allez pas jouer sur ce terrain, si ?
- Je me disais bien aussi que vous entreteniez des peurs factices chez vos lecteurs alors que vous pouvez témoigner d'ici que tout se passe bien.
- Changeons de sujet. Savez-vous ce qui est écrit sur le t-shirt de votre fils ?
- Non.
- Si je couchais avec une Née-Moldue, j'aimerais ça. Votre réaction ?
- On peut faire des manifestations bon enfant sur des sujets sérieux, sinon c'est lourd à porter.
- Il a aussitôt enlevé ce t-shirt pour le remettre à l'envers. Quel sens vous donneriez à ça ? La honte ? Il n'assume pas ce qu'il pense ?
- Vous accordez beaucoup de crédit à des paris perdus d'adolescents. Couvrez-moi autant de salaceries que vous le voulez si ça vous amuse, mais soyons bien clairs : une seule ligne à propos de mon fils et je vous fais un procès."
Rita Skeeter blêmit. La famille Potter est Traître-à-son-Sang mais extrêmement puissante. Elle n'aura pas le dernier mot, mais elle n'en a pas l'habitude. Elle tente de continuer.
"Parlons d'autres chose. La manifestation a été initialement créée par Miss Evans, élève en septième année à Poudlard, Née-Moldue, Gryffondor. Vous la connaissez ?
- Je connais les noms des camarades d'école de mon fils, comme tous les pères, j'espère.
- Vous ne la connaissez pas personnellement ?
- Non.
- L'avez-vous déjà vue ?
- J'ai dû la croiser plusieurs fois sur le quai du Poudlard Express, sans y faire attention. À quoi rime cet interrogatoire ?"
Rita Skeeter demande au photographe qui l'accompagne de montrer une prise de Miss Evans. Fleamont fait semblant de s'y intéresser. Bien sûr qu'il l'a déjà croisée ! Il sait que son fils est amoureux d'une très jolie fille rousse, parce qu'il discute librement avec lui. Il a aussi vu, surtout ces derniers temps, son fils discuter avec une très jolie fille rousse sur le quai du Poudlard Express. Les calculs sont bons, quant à savoir quel est le type de relation qu'ils entretiennent actuellement, Fleamont juge que c'est son jardin secret.
"Elle est belle, hein ? Ça vous ferait quoi que ce soit d'elle dont votre fils est amoureux ?
- S'il est heureux, alors moi aussi je suis heureux."
À la prochaine phrase de la journaliste, il dégainera sa baguette.
"Ce n'est pas un peu contre-nature tout ce rassemblement ? La colère de Vous-Savez-Qui ne risque-t-elle pas de s'abattre sur ces pauvres gens qui n'ont rien demandé ?
- Vous faites erreur, encore une fois. Bien sûr qu'ils ont demandé expressément, toutes et tous, à être là."
Comme prévu, lui qui a l'air si flegmatique d'habitude, il dégaine sa baguette. Deux ou trois sorts plus tard, le carnet de Rita Skeeter est en poussières et sa plume est cassée. Fleamont Potter a déjà remis sa baguette dans sa poche, et continue à marcher paisiblement.
Rita Skeeter et son photographe, hués par les quelques badauds autour d'eux, sont obligés de quitter la manifestation. Il va sans dire qu'aucun article signé Skeeter ne couvrira l'événement.
Fleamont Potter, lui, retrouve bientôt un vieil ami - Alphard Black. Que de temps s'est écoulé depuis les prémices de l'ascension de Grindenwald ! Le cours de l'histoire est un cycle permanent : les voilà à nouveau dans une société en guerre et à l'ouvrage pour la paix.
D'autres grandes familles de Traîtres-à-leur-Sang défilent ; les MacMillan, les Londubat, les Prewett.
Gideon et Bill, Fabian et Charlie, Arthur et Percy : chaque homme de la famille de Molly Weasley tient dans ses bras un de ses enfants. Un sortilège a enveloppé leurs oreilles d'un coton silencieux ; ils ne sont ainsi effrayés ni par le bruit, ni par l'agitation. Percy, le plus jeune, dort bien au chaud, enveloppé dans la cape de son père, son petit nez tout contre son cou. Tante Muriel a refusé de garder les garçons : et pour cause, elle tient Molly par le bras et agite sa canne en tous sens contre ce bigot de Vous-Savez-Qui. Voilà pourquoi on ne peut pas détester entièrement cette vieille dame d'ordinaire si revêche.
Molly et Arthur marchent, silencieusement également, les larmes aux yeux. parce qu'ils se battent non pour trois enfants, mais bientôt cinq. Combien faut-il souffrir lorsqu'on aime, dans un monde qui ne veut ni de l'amour, ni de l'amitié ! De leurs mains restées libres, Molly et Arthur se tiennent tendrement l'un à l'autre, insensibles aux imprécations de la Tante Muriel, sensibles aux moindres mouvements de leurs enfants, nés comme à naître.
Un peu plus loin, assis à la terrasse de Madame Rosmerta, Xenophilius interroge, de façon bienveillante et ouverte, Ted Tonks, pour un article à paraître dans son journal Le Canard Rageur. Ce sera un bel écho des sentiments procurés par ce projet de loi et cette manifestation chez les Nés-Moldus.
***
Lily se retourne et regarde devant elle. Il n'y a rien à part le rideau d'Aurors censés prévenir les débordements. Seulement, les Aurors sont d'allure décontractée et débonnaire : Alastor Maugrey a sélectionné des valeureux, son fidèle Shackebolt, des braves qui sont déjà dans l'Ordre du Phénix. Il ne travaille qu'avec eux dès que le sujet de la guerre est soulevé. Ceux qui flirtent avec les idées de Voldemort sont occupés sur les trafics habituels, le grand banditisme et les mages noirs du dimanche, rien de sérieux comparé à la menace qui plane.
Au loin, la lumière du Soleil de fin d'après-midi projette quelques rayons incandescents derrière Poudlard. Les pierres sont teintées d'une belle couleur jaune. Et tandis qu'un coulis de vent bruisse et que les oiseaux migrateurs appellent à aller au Sud, que les Aurors de Maugrey sont débonnaires et décontractés et que la foule hétéroclite derrière elle marche et scande son combat, Lily sent soudain une vague de confiance sereine l'envahir.
Au loin la peur, à demain l'espoir d'un monde meilleur.