Mon conseil: essayez d'avoir la musique qui va avec (Saez, album "god bless America")
Elle avait bien failli perdre la vie le jour où Poudlard avait été attaqué. Etrangement, ce n’était pas Harry Potter, le héros dont tout le monde chuchotait le nom avec espoir, qui l’avait sauvée. Et ce n’était pas non plus leur ami de toujours, Ron Weasley qui s’était précipité sur elle pour lui faire un barrage de son corps. En fait l’identité de son sauveur était telle qu’en le voyant courir vers elle, Hermione avait d’abord cru qu’il voulait disputer le privilège de l’assassiner à son père. Mais il s’était jeté devant elle et avait écarté les bras en croix, dans un dérisoire geste de protection. Pendant quelques secondes qui lui avaient paru une éternité, un silence de mort avait régné, tandis que le père et le fils se fixaient droit dans les yeux. Finalement, Lucius avait abaissé sa baguette.
- Et bien, on dirait que tu as définitivement choisi ton camp…
- Oui. Et malheureusement, ce n’est pas le même que le tien…
Lucius Malefoy avait inspiré profondément.
- Très bien. Le passage de la Fontaine aux Serpents n’est pas surveillé. A minuit pile, nous mettrons le feu au bâtiment.
Le jeune homme ne répondit rien, mais il prit la main d’Hermione dans la sienne et il l’entraîna à sa suite. Au moment où ils allaient franchir la porte Lucius reprit la parole :
- Une dernière chose, Drago : si nous chemins se croisent à nouveau, n’attends pas la moindre clémence de ma part.
Drago avala sa salive avec difficulté avant de répondre :
- Que m’importe que tu prennes ma vie, si tu épargnes la sienne ?
Puis, il disparut sans se retourner dans un corridor sombre, traînant toujours Hermione derrière lui. Il lui avait fait traverser la moitié de Poudlard au pas de course, jusqu’aux cachots des Serpentards. Hermione avait marqué une certaine réticence à l’idée d’y suivre Drago, mais le fracas des combats se rapprochait : il y avait urgence. Dans la Salle Commune des Serpentards, Drago s’était dirigé droit sur une tenture qui représentait deux serpents enlacés. Il l’avait écarté d’un geste vif : elle dissimulait une porte de bois sombre. De l’autre côté, il y avait une pièce d’environ trois mètres sur trois, entièrement vide à l’exception d’un bassin en pierre, rond, d’un mètre de diamètre. Tenant toujours Hermione par la main, Drago s’était approché du bord. La jeune fille n’avait pu retenir un mouvement de recul : le bassin grouillait de serpents.
- N’ai pas peur : c’est une illusion.
Il regarda Hermione droit dans les yeux.
- Rentre dans le bassin. Il te conduira dans la Forêt Interdite. Je te rejoindrai.
Hermione avait voulu protester.
- Comment ça ? Où vas-tu ? Je reste avec toi.
- Fais ce que je te dis. Je te rejoindrais.
Et d’une main douce mais ferme, il l’avait poussée dans la Fontaine. Tout s’était mis à tourner autour d’Hermione, et elle était tombée à genoux, dans une Fontaine identique, au beau milieu d’une clairière. Elle avait beau savoir que les serpents n’étaient qu’une illusion, elle s’était empressée de sortir. Et elle avait attendue, seule au milieu de la Forêt. Les minutes lui avaient semblé des heures. Fidèle à sa promesse, Drago l’avait rejoint une trentaine de minutes plus tard. Sans réfléchir, elle s’était jetée dans ses bras, morte d’inquiétude.
- Où étais-tu ? finit-elle par demander.
- Il fallait que…
Il fut interrompu car d’autres personnes arrivaient par la fontaine magique. Deux fillettes apeurées qu’Hermione identifia comme des Serdaigles, deuxième année, et un garçon qui était à Poussouffle en quatrième année.
Drago reprit :
- Apparemment Rogue a réussi à faire évacuer une bonne partie des élèves. Il semble que tes amis Potter et Weasley soient avec lui.
Même à la faible lueur de la lune, le soulagement qui se peignit sur le visage d’Hermione était clairement visible. Drago laissa passer une seconde avant de reprendre :
- Minerva Mac Gonagall a été tuée. On ignore où se trouve Dumbledore.
Hermione plaqua une main sur sa bouche, horrifiée par ces nouvelles. Cependant, une violente explosion se fit entendre, et le château, à un kilomètre de là, s’embrasa comme une torche. Alors, seulement, Hermione laissa les larmes qu’elle retenait depuis le début de la soirée, dévaler le long de ses joues. Drago l’attira dans ses bras, et la berça tendrement. Lorsque elle fut un peu calmée, elle trouva la force de lui demander :
- Comment ça se fait que… que tu aies changé de camp ?
Il s’était légèrement éloigné d’elle, afin de lui faire face. La lumière des flammes dessinait des ombres mouvantes sur son visage.
- C’est à cause de… de deux femmes, répondit-il d’une voix tremblante.
Hermione hocha la tête pour l’encourager à poursuivre : elle attendait la suite.
- La première, c’est ma mère, expliqua-t-il. C’est Lui… le Seigneur des Ténèbres… il l’a tuée… parce qu’elle n’avait pas accompli correctement une mission qu’il lui avait confiée…
- Oh ! quelle horreur ! Je… je suis désolée Drago…
Il secoua la tête tristement.
- Et ton père reste avec eux, malgré ça ?
Il acquiesça silencieusement. Dans un élan de compassion, Hermione le serra dans ses bras. Ils restèrent un long moment sans parler. Finalement, désireuse de briser le silence qui s’était installé, la jeune fille demanda :
- Et la deuxième ?
- Que veux-tu dire ?
- Tu as dit qu’il y avait deux femmes responsables de ton revirement…
Drago eut un sourire imperceptible. La ténacité d’Hermione Granger était légendaire. Il se racla la gorge.
- La deuxième, c’est… la femme que j’aime. Et qui était en danger de mort, ce soir…
Hermione relâcha son étreinte et recula de deux pas. Drago la retint par le poignet.
- Tu ne veux pas savoir de qui il s’agit ?
Hermione secoua la tête.
- Ca ne me regarde pas, Drago…
D’un geste à la fois doux et impérieux, il l’attira à nouveau à lui. Ils étaient si proches qu’Hermione pouvait sentir la chaleur de son souffle sur sa joue. Elle frissonna. Il murmura :
- Je crois bien que tu te trompes…
Et il l’embrassa. Hermione eut l’impression que le temps s’était suspendu, que plus rien au monde n’existait, hormis eux deux, et l’ivresse de ce baiser sans fin. Evidemment, elle se trompait. A l’autre bout de la clairière, le garçon de Poussouffle haussa les épaules avant de se tourner vers ses deux compagnes d’infortune d’un air entendu : Poudlard brûlait, mais ces deux là n’avaient rien de mieux à faire que se bécoter…
La Fontaine aux Serpents s’embrasa soudainement, comme si l’eau s’était changée en essence et que quelqu’un y ait mit le feu. Hermione sursauta et se blottit encore davantage dans les bras de Drago. Celui-ci énonça tristement :
- Le feu a atteint les cachots…
Hermione eut besoin de quelques secondes pour se reprendre. Enfin elle décida :
- Il faut que nous partions.
Drago accentua la pression de son bras passé autour de la taille d’Hermione. Sa voix n’était qu’un murmure, mais il y perçait une amertume et un désespoir poignants :
- Rien ne sert de courir,
Mon amour, tu sais :
Ils nous rattraperont.
Hermione se soutira brusquement à son étreinte et demanda avec violence :
- Est-ce que ça veut dire que tu regrettes de m’avoir sauvée ? Si c’est pour baisser les bras maintenant, tu aurais aussi bien pu laisser ton père me tuer !…
Et sans attendre sa réaction, elle traversa la clairière à grands pas pour rejoindre les trois autres élèves. Drago s’empressa de la suivre.
- Venez, il faut que nous partions, expliqua-t-elle. Nous devons traverser la Forêt et tenter de gagner Pré-au-Lard…
Et elle se mit en marche d’un pas décidé. Drago ne tarda pas à marcher à ses côtés.
- Excuse-moi, Hermione. J’ai eu tort de désespérer.
Elle ne daigna pas le regarder. Il s’arrêta de marcher et l’obligea à lui faire face.
- Essaye de comprendre, s’il te plaît.
- Comprendre quoi ?
- Que j’ai peur, d’accord ? J’ai peur parce qu’il y a une heure encore, je n’avais rien à perdre. Mais maintenant que je t’ai, Hermione, je ne supporterai pas qu’il t’arrive quoi que ce soit.
Hermione parvint à sourire :
- Du calme, Drago. Il ne va rien m’arriver.
- Mais enfin, Hermione ! Regarde autour de toi :
Pas la place pour s’aimer
Puisqu’elle est condamnée
Notre génération.
Hermione fit un pas en avant, de telle façon qu’elle n’était plus qu’à quelques centimètres du visage de Drago.
- Il y a toujours de la place pour aimer, affirma-t-elle en effleurant les lèvres du jeune homme du bout des doigts.
- J’aimerais te croire, répondit-il. Mais…
Rien ne sert de rêver,
Mon amour, tu sais :
On n’est plus des enfants.
Il avait levé les yeux au ciel, contemplant les lueurs rougeoyantes que jetait l’incendie, et avait achevé en un murmure :
- Puisque ici bas ne tombe,
De ce ciel sans merci,
Que des larmes de sang…
Hermione n’avait pas répondu, mais l’avait embrassé, passionnément, désespérément. Finalement, ils avaient réussi à gagner Pré-au-Lard sans être attaqués par aucune des dangereuses créatures qui vivaient dans la Forêt Interdite.
Cela s’était passé il y avait un mois de cela. Depuis, ils avaient changé cinq fois d’adresse. Ils avaient vécu un moment Place Grimauld, mais ni Harry, ni Ron n’acceptaient de faire réellement confiance à Drago, et l’atmosphère était rapidement devenue pesante. Aussi, Drago avait fini par quitter les lieux, et Hermione l’avait suivi, refusant de se séparer de son amant. Il avait abandonné ce qui restait de sa famille pour elle ; il avait accepté de devenir un fugitif pour rester à ses côtés. Elle-même ne pouvait envisager de vivre sans lui. Elle avait toujours cru le détester, et il avait fallu cette fatale soirée pour que ses yeux se dessillent. Depuis qu’elle avait compris qu’elle l’aimait, elle savait aussi qu’il serait son seul et unique amour. Il était son univers, la terre sous ses pieds et l’air qu’elle respirait. Quand ils faisaient l’amour, il semblait à Hermione qu’ils ne pourraient jamais mourir puisqu’en s’aimant, ils touchaient à l’absolu.
Cependant, Drago se laissait parfois aller à désespérer. Il ne supportait pas l’inaction à laquelle il était contraint, et l’incertitude de leur situation. Il n’était même pas sûr que son père ait fait part de sa « trahison » aux autres Mangemorts. Mais il était hors de question de tenter de se renseigner. Dumbledore, qui leur avait procuré leur dernier logement leur avait formellement interdit de sortir. Drago aurait voulu combattre, mais Hermione s’y opposait formellement. Le jeune homme détestait la sensation qu’il avait d’être un fuyard, un lâche. Il ne savait comment elle faisait pour rester optimiste, alors que les nouvelles colportées par la Gazette du Sorcier se faisaient de jours en jours plus alarmantes. Chaque nouveau matin apportait son lot de massacres d’innocents et de tueries sordides. Certains jours, Drago faisait preuve d’une farouche volonté de se battre, et d’autres, il semblait résigné, comme si rien ne pouvait les sauver. Il tentait d’expliquer son découragement à Hermione :
- Rien ne sert de courir,
Mon amour, tu sais :
Ils ne comprendraient pas
Que nous avons trouvé
La force d’aimer,
Dans nos cœurs, un espoir.
Mais Hermione refusait de l’écouter. C’est si ils baissaient les bras, prétendait-elle, qu’ils perdraient la partie. Et justement, cet espoir qui habitait leurs cœurs, si infime qu’il soit, ils ne devaient à aucun prix l’abandonner.
- Rien ne sert de pleurer,
Tu sais bien, mon amour,
Que nos larmes sont vaines,
Et que la seule chose
Qui fait battre leurs cœurs
C’est l’argent et la haine.
Et ce n’était pas en se lamentant qu’ils pourraient vaincre de tels ennemis. Ils ne devaient pas laisser le désespoir les gagner. Pour chasser sa mélancolie, Drago avait composé une petite chanson qu’il fredonnait le soir, en contemplant le soleil se coucher sur les collines désertes qui s’étendaient à perte de vue. Souvent Hermione venait se blottir contre lui, et ils chantaient ensemble, à mi-voix. Ils se comprenaient parfaitement, n’avaient pas besoin d’exprimer par des mots ce qu’ils ressentaient.
No where to run
No where to hide
In this world
No dream to have
Anymore
In this world
No reason to stay that
We can believe in
No place for us
No place for us
Nulle part où se cacher, disait la chanson. Pourtant, pour le moment, ils étaient en sécurité ici…
Mais cette période de calme devait fatalement s’achever à un moment ou à un autre. Un matin, le couple fut tiré du sommeil par des cris et des explosions. Un groupe de Mangemorts avait transplané dans la cour de leur maisonnette. C’était Lucius qui les dirigeait. Drago et Hermione échangèrent un regard : ils savaient bien que cette fois il ne ferait montre d’aucune pitié. Ils l’entendirent jeter un sort anti-transplanage. Hermione frissonna. Ils ne pourraient jamais échapper à leurs ennemis. Il n’était pas non plus possible de contacter Dumbledore. De toute façon, les renforts n’arriveraient jamais à temps. Drago enveloppa la jeune femme dans ses bras et chuchota dans le creux de son oreille :
- C’est la fin des poèmes,
C’est la fin de nos vies,
Mon amour, tu le sais.
Hermione hocha la tête en sanglotant silencieusement. Mais Drago posa un index délicat sur ses lèvres. Il ne craignait plus la mort si c’était à ses côtés. Il savait que rien ne pouvait les séparer, pas même ça. Les mots lui venaient naturellement :
C’est la fin des souffrances,
C’est enfin le début
De la Liberté…
Il n’avait aucune idée de ce qui les attendait réellement, mais ses paroles semblèrent rassurer la jeune femme, qui se reprit rapidement.
Une porte claqua au rez-de-chaussée : les Mangemorts étaient entrés. Hermione pouvait entendre la voix de Lucius, donnant des ordres à son équipe. Elle ne fit pas un mouvement, se contentant de se serrer un peu plus contre Drago. Lorsque les serviteurs de Voldemort firent irruption dans la chambre, elle était toujours blottie, immobile dans les bras de son amant. Il n’accorda pas un seul regard à son père, concentrant toute son attention sur la jeune femme. Il continuait à la rassurer par ses paroles : la mort était la seule issue qui leur restait, mais il valait mieux cela plutôt que de se plier à la volonté du Seigneur des Ténèbres.
- Mieux vaut tracer la route,
Traverser la lumière
Vers l’étoile perdue,
Que de vivre à moitié,
Que de collaborer
Dans leur monde vendu.
Hermione hocha la tête. Elle comprenait parfaitement le sens des paroles de Drago. En guise d’acquiescement, elle murmura les paroles de leur chanson.
No where to run
No where to hide
In this world
No dream to have
Anymore
In this world
No reason to stay that
We can believe in
No place for us
No place for us
Cependant Lucius était le seul Mangemort à être entré dans la chambre. Il avait sa baguette à la main mais ne leur avait toujours pas jeté le sort mortel. En fait, il les contemplait en silence depuis maintenant une bonne minute. Drago le regarda sans comprendre : il ne s’était pas attendu à ça. Le long de la joue de son père, il voyait maintenant très distinctement couler une larme. La vue des ces deux êtres, unis par un amour indestructible, lui avait fatalement rappelé Narcissa. Le regard qu’elle lui avait lancé lorsqu’il avait laissé Voldemort l’assassiner, sans même tenter de s’interposer… Son fils avait été moins lâche que lui. Il n’avait pas hésité à risquer sa vie pour sauver la femme qu’il aimait. Sans mot dire, il agita sa baguette et leva le sort anti-transplanage. Hermione se laissa aller à un bref soupir de soulagement. Drago, la gorge serrée par l’émotion, murmura une question qui n’en était pas une :
- Mais qu’est-ce qu’on attend pour fuir ?…
Ils transplanèrent au moment précis où la porte s’ouvrait à nouveau. Bellatrix comprit ce qui venait de se passer du premier regard. Elle leva sa baguette et visa son beau-frère.
- Avada Kedavra, énonça-t-elle posément.
L’homme s’écroula sans avoir esquissé le moindre geste pour se défendre.