En ce beau matin du premier jour des vacances d’été de tous les étudiants de Poudlard, l’humeur était tendue dans la salle à manger du 12, place Grimmauld. Malgré les neuf convives habituellement bavards attablés devant le petit-déjeuner, un silence de plomb régnait. Tous attendaient avec impatience qu’Harry les rejoigne. Molly Weasley brisa le silence en laissant échapper une assiette de bacon et en lâchant une bordée de jurons.
-Je devrais peut-être aller le réveiller, proposa Ron d’une petite voix.
-Voyons, Ron, ne dis pas de bêtises! lui dit sa mère d’un ton sec. Aujourd’hui est le premier jour depuis la mort de son parrain où il n’a pas d’école pour se changer les idées. Il faut lui laisser prendre les choses à son propre rythme!
Comme Ron baissait piteusement le nez vers son assiette, un claquement de porte retentit à l’étage. Chaque personne autour de la table se redressa sur sa chaise, figé dans le mouvement qu’il était en train d’effectuer.
-Il n’a pas l’air de bonne humeur, marmonna Fred en grimaçant.
-Ça va barder, renchérit son jumeau.
Le silence aurait pu être coupé au couteau alors que les occupants de la salle à manger écoutaient avec appréhension les pas d’Harry descendre les escaliers à toute vitesse, traverser le salon, et s’arrêter devant la porte, qu’il ouvrit à toute volée.
-Salut la compagnie! claironna-t-il, un sourire joyeux sur le visage.
On aurait pu entendre une mouche voler.
-Bah quoi, ça va pas? demanda-t-il en prenant deux toasts dans sa main droite, et trois tranches de bacon dans la gauche. Si ça ne vous dérange pas trop, je vais prendre mon petit-déj’ dans ma chambre. J’ai plein de trucs à faire. Bon matin tout le monde!
Il quitta la pièce en s’enfournant une tranche de bacon dans la bouche, laissant derrière lui un silence abasourdi.
-Qu’est-ce qui vient de se passer? demanda Arthur, éberlué.
-Il était joyeux, apparemment..., dit Ginny en fixant toujours la porte.
- Je crois qu’on en a manqué un chapitre, ajouta Remus.
- Rrrrrrrrrrron... Pshiuuuuuuuuuuuuu, ronfla Mundungus Fletcher, affalé sur sa chaise.
Outre les ronflements répétés de Mundungus, la pièce était retombée dans un silence pensif. Qu’est-ce qui avait pu rendre Harry si joyeux, du jour au lendemain? Hier encore, dans le Poudlard Express, il n’arrêtait pas de parler de son parrain, d’après les dires de Ron. Cette fois, ce fut Tonks qui rompit le silence en se levant.
- C’est bien beau tout ça, mais Mundungus et moi on a des achats à faire, dit-elle en envoyant un verre d’eau au dormeur pour le réveiller. Merci pour le petit-déjeuner, Molly, c’était délicieux. On repassera ce soir pour avoir des nouvelles du jeune Potter.
- On devrait partir nous aussi, nos friandises ne s’inventront pas toutes seules, ajouta George en se levant à son tour.
- Moi aussi je vais aller au travail, chérie, dit Arthur en empoignant sa serviette.
- Je viens avec toi, Arthur, annonça Remus. J’ai quelqu’un à rencontrer au Ministère de la Magie.
Les trois Weasley, Remus, Tonks et Mundungus traversèrent le hall sur la pointe des pieds afin de ne pas réveiller le portrait de la mère de Sirius, tout en faisant promettre à Molly de leur donner souvent des nouvelles d’Harry. Ils avaient presque passé la porte quand Tonks heurta le porte-manteau et le fit tomber dans un grand fracas.
- TRAITRES DU SANG! hurla la mère Black de sa position sur le mur.
- Désolée, je l’ai pas fait exprès, s’excusait Tonks en remettant le porte-manteau à sa place.
- VOUS SOUILLEZ LA NOBLE MAISON DES BLACK!
À ce moment, Ginny sortit de la cuisine et se posta devant la toile.
- Je m’en occupe!
Depuis le temps qu’elle passait dans le quartier-général de l’Ordre du Phénix, Ginny avait découvert une façon de faire taire la vieille.
-SORTEZ DE MA MAISON! continuait de s’époumoner madame Black.
-T’ES QU’UNE VIEILLE MEGERE! répondit Ginny du tac au tac.
Molly leva les yeux au ciel et retourna dans la salle à manger, laissant sa fille à son occupation. Ron était assis à la table et finissait son bol de céréales en silence. Quand il se rendit compte que sa mère le fixait, il leva les yeux.
-Quoi? demanda-t-il, la bouche pleine.
-Ron, voyons, le réprimanda-t-elle en lui tendant une serviette. Ne parle pas avec de la nourriture dans la bouche, c’est impoli!
-JEUNE ECERVELEE! continuait à crier la mère de Sirius dans le hall.
-VIEILLE PEAU! répliquait Ginny sans attendre.
Molly s’assit en face de son fils.
-Tu sais, Ron, peut-être que tu devrais aller parler à Harry...
-PETITE FRIPOUILLE!
-Pourquoi moi, maman? Pourquoi tu ne vas pas lui parler, toi?
-ODIEUSE VIEILLE SORCIERE!
-Eh bien, tu es son meilleur ami, il se confiera plus à toi qu’à moi, tu ne penses pas?
-INGRATE PETITE SOTTE!
-Bon, j’y vais...
-ESPECE DE HARPIE EDENTEE!
En sortant de la salle à manger, Ron croisa sa soeur, qui y retournait.
-J’ai gagné! s’exclama-t-elle, un sourire radieux sur les lèvres.
En passant devant le portrait, le rouquin l’entendit discrètement rouspéter ‘les jeunes d’aujourd’hui, aucun savoir-vivre!’ avant de refermer violemment ses rideaux.
Ron monta les escaliers lentement, ne sachant pas trop à quoi s’attendre une fois en haut. Devant la porte de la chambre d’Harry, il hésita quelques instants avant de cogner.
-Oui, entrez, retentit la voix de son ami, toujours aussi joyeuse.
Ron tourna la poignée argentée et pénétra dans la pièce.
-Ah, Ron! le salua Harry. Je peux t’aider?
Le plus jeune des garçons Weasley s’assit maladroitement sur le lit, en face de son meilleur ami.
-En fait, Harry, j’aimerais te parler de... commença-t-il.
-De quoi? l’interrogea Harry après un moment de silence.
Ron prit une grande inspiration pour se donner du courage.
-De Sirius, lâcha-t-il enfin.
Un grand sourire illumina le visage bronzé du jeune homme qui lui faisait face.
-Pourquoi tu veux parler de lui?
-Eh bien, euh..., marmonnait Ron en se tordant les mains. C’est que... depuis qu’il est... enfin, depuis qu’il a... disparu... tu es triste, mais... ce matin, tu t’es levé... heureux... On se demandait seulement... ce que tu... bien, ce qui a changé depuis... tu sais quoi...
A la plus grande surprise du rouquin, Harry éclata de rire. Après quelques secondes d’hilarité auxquelles Ron ne comprenait strictement rien, il se calma et retrouva son sérieux.
-En fait, Ron, je peux te confier un secret?
-Bien sûr, Harry, tu sais que tu peux me dire n’importe quoi!
-Et tu promets de ne le répéter à personne?
-A personne! Je le jure sur la tête de Buck!
Harry leva vers son ami ses yeux verts qui, en ce moment, étincelaient de joie.
-J’entends la voix de Sirius dans ma tête!
A suivre...