Le soleil brillait et brûlait ardemment le goudron ainsi que la peau des enfants, jouants et riants dans les rues en cette belle journée d'été. Mais de toute cela Harry n'avait aucune idée. Cloitré dans une salle d'audience qu'il présidait, le sorcier s'ennuyait à mourir, regardant passé les uns à la file des autres des cas pour le moins... exaspérants. Qu'est-ce qu'il en savait lui si un gnome, coincé dans une barrière séparant deux habitations, appartenait à celle de droite ou à celle de gauche ?! Son meton inconfortablement posé dans sa main, Harry comptait les secondes et se demandait s'il survivrait encore longtemps à ce rythme, jusqu'à ce que l'un des juges, à côté de lui, présente le procés suivant.
- Mme Lovegood Luna, accusée de détenir en sa possession des objets magiques pour le moins dangereux, dont une corne d'Eruptif qu'elle présentait frénétiquement aux passants en fuites...
Harry se redressa de toute sa hauteur et aperçu, au centre de la pièce, une femme aux habits et aux yeux qui lui était familiers. Celle-ci le regarda quelques instants et comme si une véritable révélation l'avait frappée, balanca son bras et salua le sorcier en s'exclamant :
- Coucou Harry ! Ca alors, ça fait longtemps ! Tu vas bien ?
- Votre seul droit est de garder le silence et de répondre aux questions, Mme Lovegood... siffla un autre juge.
- Oh... bien, murmura-t-elle, son sourire débordant de joie toujours intacte.
Tous les regards se tournèrent vers Harry et la pupart murmuraient Dieu sait quoi à leurs voisins qui se retenaient de rire. Légèrement géné, il adressa à Luna un furtif salut de la main à peine distinguable dans la pénombre de la pièce.
- Commençons... Êtiez-vous en effet présente au chemin de traverse ce Mercredi dix-neuf à quatre heures de l'après-midi ?
- Je pense, oui, répondit-elle son regard dans le vague.
- Vous... pensez ?
- Eh bien oui ! Ma montre ne fonctionne plus ! Il faut lui appliquer de la poudre de Chabulos à poils durs tous les deux ans et papa en manquait.
- P... poudre de Ch... bégaya le vieil homme au côté d'Harry qui s'enfonçait de plus en plus dans son fauteuil. Bref ! Vous êtiez bien là... conclua-t-il en effectuant un geste de la tête affirmatif vers la greffière. Est-il vrai que vous êtiez en possession d'une corne d'Eruptif ce jour-ci ?
- Non, répondit-elle comme si la question du juge la surprenait.
- Non ?! Dois-je vous rappeller que plus d'une dizaine de sorciers affirment que vous les avez abordés avec cette dangereuse chose dans les mains ?
Décidement, elle n'avait pas changé, pensa Harry. Six années qu'ils ne s'étaient plus rencontrés depuis l'enterrement de Lupin et Tonks précédent celui de Fred... Depuis cette date elle et lui échangeaient de rares lettres, dont la plupart ne valaient pas grand chose pour le sorcier. Ces nombreux souvenirs le tiraillèrent sans pitié et, à nouveau démoli, il laissa son regard et son esprit vagabonder dans toute la salle, n'écoutant plus rien du procés. Ses yeux finirent pas se poser sur un bouchon. Un bouchon ?... Il regardait Luna en fronçant les sourcils et découvrit au coup de celle-ci un collier en bouchons. Incroyable... elle portait toujours cette vieillerie ?! pensa-t-il. Instinctivement, il regarda les oreilles de la jeune sorcière. Même ses boucle-d'oreilles en forme de radis étaient toujours en place ! Vraiment, elle n'avait pas changé. Des idées plus claires et joyeuses infiltraient maintenant son esprit, ses sombres pensées chassées par d'autres qui firent naitre sur ses lèvres un long et sincère sourire. Il y avait eu de la souffrance et des morts mais oublier le passé dans son intégralité serait une mauvaise chose. Un passé dont Luna était l'un des piliers...
- Ahhhh ça ! s'écria-t-elle. Ce n'est pas une corne d'Eruptif, c'est celle d'un Ronflak Cornu !
- Un quoi ?... murmura le juge, jetant discretement quelques regards à ses collègues afin de s'assurer que ce n'était pas là un oubli de sa part.
- Un Ronflak Cornu ! Tu te souviens Harry ? Hermione avait fait la même erreur.
- Mme Lovegood, silence...
En effet, Harry n'avait pas oublié ce moment mais il se souvenait surtout du bruit strident, de l'explosion et de la maison en ruines qui avaient suivit sa facheuse rencontre avec l'objet. Cette petite anecdote le fit à nouveau sourire et il se rappella également son portrait et ceux de ses proches dans la chambre de Luna. Amis... Relevé de toute sa hauteur, il observait avec attention la fébrile sorcière qui ne cessait de le regarder avec douceur. Toujours aussi belle, pensa-t-il malgré lui, peut-être d'avantage même.
- Assez de mensonge je vous prie. Veuillez divulguer l'entière vérité immédiatement !
- Je viens de le faire ! protesta-t-elle. Que voulez-vous de plus ? Si j'avais mentionné les Nargoles, là d'accord, vu qu'ils n'en possèdent pas, mais...
- ASSEZ !
Le juge semblait à deux doigts de se fracasser le crâne contre son pupitre et la greffière rayait la majorité des paroles de ce procés, agacée comme jamais. Harry, quand à lui, pouffait de rire. Il ne lâchait plus Luna du regard et, après quelques réflexions de sa part, il abbatit brutalement son marteau et lança :
- Acquittée.
De faibles murmures s'élevaient dans la salle comme un signe de désapprobation mais, trop content de leur délivrance, les juges n'insistèrent pas d'avantage et sortirent en trombe de la salle, redoutant un quelconque regret de la part d'Harry qui les forçeraient à revenir sur place. Enfin sorti, celui-ci se précipita vers l'étage inférieur dans le but de retrouver Luna. Il ne savait pas vraiment ce qu'il lui dirait ni ce qu'il désirait tirer de cet entretien mais ses jambes n'hésitaient pas un instant. Arrivée aux cages il bouscula maladroitement une petite femme aux cheveux blonds qu'il ne reconnut pas tout de suite.
- Oh, désolée Harry ! Tu dois déjà partir ? lui demanda Luna.
- Non, je... j'allais juste chercher un hibou !
- Un hibou ? A l'étage inférieur ?
- Oui... euh... ils sont... très spéciaux ! bredouilla Harry, ne trouvant rien de mieux à sortir pour le moment.
- Maintenant que tu le dis, mon père m'en a parlé il me semble ! D'après lui ils...
- Comment vas-tu ? coupa-t-il, ne souhaitant pas entendre encore une de ces théories que Luna mettrait deux heures à expliquer dans tous les détails.
- Très bien ! Le Chicaneur rapporte beaucoup d'argent à papa ces temps-ci, à croire que les sorciers commencent enfin à réaliser que tout ce qu'il y met est vrai. Oui, oui, oui. Tout ! affirmait-elle en hochant la tête. Avec un peu de chance nous arriverons à finir de payer notre nouvelle maison ! Je suis contente de te voir, tu es heureux avec Ginny ?
Harry, stupéfait par la réponse et la question si vite formulées, remettait en place ses idées et prepara un mensonge. Puis après tout... pourquoi ne pas lui dire la vérité ? Devant son mutisme trop long à son goût Luna reprit la parole, les joues légèrement rosies.
- Excuse-moi, ca ne me regarde pas.
- Non. Enfin si ! Ce n'est pas grave. Disons que nous sommes un peu en froid tous les deux en ce moment... la mort de Fred... elle ne s'en est jamais vraiment remise.
Harry l'observait et décelait sur son visage une pointe de compassion mais, bizarrement, autre chose qu'il n'arrivait pas à expliquer. En même temps, traduire les expressions faciales de Luna relevait du miracle. Son analyse terminée, il en vain à une conclusion semblable à celle d'il y a quelques minutes : elle était magnifique.
- Tu as... quelque chose de prévu ? questionna Luna d'une voix différente de la normale, dont suivirent à nouveau des rougissements.
- Je... non... p... pourquoi ? demanda-t-il à son tour, pris de court par cette demande inattendue. Je veux dire... si tu veux... boire un verre avec moi ?
- Oh, oui ! Ca me ferai plaisir, vraiment ! A tout à l'heure alors. Travaille bien, je vais me ballader ici et là. Elle s'approcha de lui et chuchotta à son oreille : On dit qu'il y a des Joncheruines au troisième étage, j'aimerai bien voir ça !
Puis sur ses mots incohérents elle s'en alla, sautillant et sifflotant dans les couloirs comme une femme ayant obtenu ce qu'elle désirait, faisant tourner sur son passage des regards surpris de voir dans ce bâtiment une personne aussi joyeuse.
Arrivés au square Grimmaurd, Harry déverouilla la porte de l'ancienne demeure de son parrain, Luna sur ses talons, et un flot de souvenirs lui revint en mémoire, aujourd'hui, sans aucune raison. Il avait du redoubler d'effort pour remettre l'habitation en état après la venue des mangemorts qui avaient découvert son emplacement au cours d'un transplanage. Après quelques années, elle était flambant neuve et avait bien meilleure mine qu'auparavant, ce qui le poussa lui et Ginny à s'installer ici. Traversant le hall, Harry et Luna ne s'adressèrent pas un seul mot, une gène palpable s'étant installée entre-eux deux. Le sorcier aurait tout donné pour rompre ce silence... même arracher les chaines qui tenaient soigneusement fermer les rideaux cachant le portrait de l'hideuse et hystérique Mrs Black !
- Que veux-tu boire ? fini-t-il par sortir.
- Peu importe, ne te tracasse pas pour cela.
Elle lui souria de plus belle et le chemin du salon vers la cuisine sembla être pour Harry un véritable parcours du combattant, oubliant à chaque pas le but de son déplacement. Luna occupait absolument tout son esprit. Revenu de son périple, il trouva la jeune femme blonde en grande conversation avec un Kreattur passionné par tant de récits et soupçonneux, les yeux à demi-clos comme si celui-ci cherchait à distinguer le vrai du faux.
- Maitre ! Saviez-vous que les licornes effectuaient trois fois le tour d'un arbre avant de reprendre leur route ? s'exclama l'elfe de maison.
- Hum... non. Voila encore une chose essentielle à retenir ! Merci Kreattur, peux-tu nous laisser s'il te plait ?
L'elfe acquiesça avec plaisir, s'inclina devant son maitre et serra avec vigueur la main de la sorcière avant de transplaner dans un crac ! qui résonna en écho dans toute la pièce. Harry s'installa à quelques centimètres de son amie sur un vieux canapé miteux, rare meuble qu'il avait trouvé intacte à son retour. Luna observait avec curiosité les murs tapissés de portraits ce qui lui laissa un moment pour la contempler avant de poser près de ses mains une bouteille de bièreaubeurre décapsulée. Elle lui sourit une nouvelle fois avant de porter toute son attention sur son brevage, les sourcils froncés.
- Tu n'aurais pas le...
- Bouchon ? coupa Harry avant de sortir de sa poche l'opercule argenté.
- Oh... oui ! Je voulais l'ajouter à ma collection.
Luna posa le bouchon sur la table basse et tira doucement sur son collier comme une relique vénérée, présentant un à un les capsules qui pendaient, chacun appartenant à un jour important pour la sorcière. Harry ne perdait pas une goûte de la conversation et se prie rapidement au jeu, scrutant ces yeux et ces lèvres qui gesticulaient sans cesse avec plaisir. Leur entretien déboucha sans grande surprise sur les centaines de créatures magiques peuplant l'univers de Luna et, contrairement à l'ordinaire, il ne fut en rien agacé par les mensonges non-volontaires de cette dernière. Sa présence l'apaisait, lui faisant oublier ses petits tracas quotidiens. Cela faisait bien un mois qu'il n'avait plus rit ainsi et son coeur remerciait profondément Luna pour ce bel instant qu'elle lui offrait.
- Ahhhh ces incroyables créatures ! Le plus interessant doit bien être l'Enormus à Babille ! lâcha Harry, les larmes aux yeux.
Luna parut stupéfaite et Harry ne manqua pas de remarquer que la peau de la sorcière avait viré au rouge. Son regard balayait la pièce avec gène, cherchant un quelconque refuge, puis finalement elle le posa à nouveau sur le sorcier et bredouilla d'une voix à peine audible :
- Tu... tu t'... tu t'en souviens ?
- Bien sûr. J'étouffais, je n'en pouvais plus, mais tu étais là, expliqua-t-il, un franc sourire arborant son visage. Tu étais là il y a six ans et encore une fois tu m'as aidé.
- J'étais heureuse ce jour-ci mais, après que ta cape t'ai recouvert complètement, j'ai ressenti un grand vide. Je pense que je m'attendais à un "merci" ! continua Luna, la peau rougeoyante accompagnée d'un petit rire. C'est idiot je sais, le plan n'aurait pas servit à grand chose...
- Oui, je m'en suis voulu plus tard mais sous le coup de l'émotion... Je suis désolé. Tu as toujours été à mes côtés Luna... toujours quand j'avais besoin d'aide, de conseils, de bonheur...
Ces derniers mots provoquèrent en elle un fort malaise qu'elle tentait d'évacuer en jouant avec ses doigts, les tordant dans tous les sens. Le regard fixé sur ses mains elle poursuivit d'une voix fébrile et émue :
- Tu... tu sais que j'ai... toujours eu plus que de simples sentiments pour toi Harry... Tu l'as surement deviné...
- Je n'en étais pas certain à l'époque, et puis il y avait Ginny..., murmura-t-il. De toute manière, ces sentiments ne doivent plus être les mêmes aujourd'hui... si ?
Sa question était accompagnée d'un espoir visible et le ton avec lequel Harry l'avait posé incitait la sorcière à effectuer le premier pas, à lui débaler sur ce canapé tout son amour qu'elle gardait caché en elle depuis tout ce temps.
- Si... ils n'ont pas changé Harry...
La réponse eu l'effet d'un éléctrochoc et les deux visages s'approchaient déjà l'un de l'autre pour échanger un doux baiser. Mais au moment où les lèvres allaient s'effleurer, Luna réouvrit les yeux et vit au dessus de l'épaule de son amour une photo posée sur une commode. Harry et Ginny s'embrassaient et semblaient au paradis, dansant et saluant chaleureusement ceux qui les regardaient...
- Désolée Harry... je ne peux pas... laissa-t-elle s'échapper dans un soupir plein de regrets, avant de pointer du doigt la photo animée. Ginny...
Harry se retourna et un pinçement au coeur foudroya sa poitrine en apercevant, à travers la pénombre, les yeux fidèles d'une femme aux cheveux roux agrippée au bras d'un homme, lui aussi, comblé de bonheur. Le souffle coupé, le sorcier arborait une mine sombre qui poussa Luna à sourire, et celle-ci baisa délicatement son front pour lui faire oublier ce qui avait failli se passer.
- Tu mécriras ? demanda-t-elle.
- C'est promis.
Elle avait dit cela si calmement... Elle n'avait vraiment pas changé. Son regard croisa une dernière fois celui de Luna qui sautilla ensuite vers la sortie, une façon comme une autre de cacher sa tristesse. Désorienté, Harry s'affalait sur son canapé et observait la table basse. Il souriait. Le bouchon avait disparu...
Voila pour ma premiere petite histoire (peut-être ma derniere snif !) :) j'espere qu'elle vous plaira. Bizoux